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Message par Invité Ven 14 Juin - 12:57


« Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres »
Étienne de La Boétie, 1576

les individus seront toujours les dupes naïves des autres et d'eux-mêmes pas tant qu'ils n'auront pas appris,
derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales,
à discerner les intérêts de...

d'après Lénine

VOUS AVEZ LES MOYENS DE VOUS FAIRE SURVEILLER
ceux de ne l'être un peu moins aussi, mais...
Patlotch a écrit:pauvre La Boétie et son Discours de la servitude volontaire. Ce texte des plus anciens et des plus connus pour nous avoir averti de notre responsabilité dans notre asservissement aux puissances politiques et économiques, notre so called "aliénation", est aussi un des moins suivis de précautions, et ça ne s'arrange pas. L'exemple de Google est effarant, dont je donne ci-dessous un témoignage individuel et une théorie critique dans l'air du temps, avec le livre de Shoshana Zuboff, The Age of Surveillance Capitalism (recension en français). Voir dessous un article de l'auteure pour Le Monde Diplomatique

y-a-il un remède à ce meilleur des mondes déjà là ? Chemin le plus court, "abolir le capitalisme", par la pensée ça mange pas de pain. On peut sans doute limiter les dégâts, au prix d'une certaine désocialisation, puisque certains des actes participant de la surveillance sont devenus obligatoires, notamment avec l'administration (impôts, sécurité sociale...) et la banque

le meilleur ami du capitalisme est l'individu en tant que consommateur, serait-il le plus exploité au monde. Personne n'est contraint d'acheter en ligne, mais il faut reconnaître que c'est pratique, moins cher, et pour certains produits, la seule possibilité d'autant que l'offre des magasins diminue parallèlement (je l'ai constaté concernant les cordes et autres accessoires pour guitare). Utiliser son téléphone portable a minima, ce qui est mon cas, il n'est pas raccordé aux services Internet via mon ordinateur et je n'ai constaté aucun lien, je ne reçois pratiquement aucune pub hormis Orange. Je n'ouvre aucun mail proposant des "cadeaux", et surtout n'achète aucun objet connecté : le premier "objet connecté", c'est son propriétaire. Voir dessous l'article de The Conversation : Les objets connectés, nouveaux fétiches du monde moderne

il y a surtout un état d'esprit. J'ai toujours été allergique et insensible à la publicité, jamais douté qu'un produit n'est jamais gratuit, et que toute offre de cette nature cache une réciproque à l'insu de son plein gré

Comme la plupart des réseaux sociaux, le géant d'internet propose la possibilité à ses utilisateurs de télécharger leurs archives personnelles. Un voyage souvent vertigineux.
Je dois aimer me faire du mal. Au printemps 2018, j'ai téléchargé l'ensemble des données envoyées à Facebook depuis mon inscription sur le réseau social, en 2007. Ce que j'y ai découvert m'avait donné le tournis : des coordonnées téléphoniques de proches, des souvenirs amoureux plus ou moins heureux, ou encore un historique assez détaillé de mes déplacements à travers le monde grâce aux métadonnées contenues dans mes photos.

Avec le printemps, m'est venue l'envie de m'attaquer à un plus gros morceau encore : Google. Cette fois, j'ai l'impression de descendre nu dans la fosse aux lions, tant je suis conscient d'avoir depuis treize ans confié au géant du web une masse gigantesque d'informations à mon sujet. La simple énumération des services de Google que j'utilise au quotidien me laisse craindre le pire : mon adresse électronique personnelle est sur Gmail depuis la fin de la présidence de Jacques Chirac, je stocke de nombreux documents sur Drive depuis 2007, je note mes rendez-vous sur Agenda depuis 2008, je navigue sur le web avec Chrome depuis 2010, je possède un téléphone qui fonctionne sous Android depuis 2012, et celui-ci synchronise mon répertoire avec Contacts et envoie automatiquement tous mes clichés vers Google Photos. Sans oublier, bien sûr, mes dizaines de requêtes quotidiennes sur le moteur de recherche et sur le service de cartographie Google Maps. Gloups.

Pour récupérer les données envoyées à Google, direction la rubrique "Mon compte", accessible en cliquant sur mon portrait, en haut à droite de n'importe quel service de Google. Il me faut ensuite cliquer sur "Données et personnalisation", puis atteindre la rubrique "Télécharger vos données". La suite ne me rassure pas : Google met trois heures pour rassembler toutes mes données dans un seul fichier. Quand je vois sa taille, je manque de défaillir : 22 gigaoctets. Quarante-trois fois plus que mes données Facebook. Voilà ce que j'y ai trouvé.

Tout ce que j'ai fait sur Google+
La plongée dans mes données personnelles commence par une surprise : un fichier qui récapitule ma maigre activité sur Google+, le réseau social de Google qui a fermé sa version réservée au grand public mardi 2 avril. Toutes les données qui y ont été envoyées ont été supprimées à cette occasion. Un petit fichier de 8 kilo-octets me rappelle la liste des amis que j'ai regroupée en "cercles", et tout ce que j'y ai publié, c'est-à-dire une poignée d'articles en 2013 et 2014, lorsque notre rédacteur en chef nous incitait vivement à y partager notre production "car c'est bénéfique pour le référencement". Désolé chef, le futur ne t'a pas vraiment donné raison.

Pour une raison qui m'échappe encore, j'avais toutefois estimé que cette plateforme était le lieu adéquat pour partager avec deux amis les photos d'un voyage commun. Je redécouvre donc avec un certain plaisir les selfies idiots que nous faisions en 2013.

Tout ce que j'ai acheté en ligne (ou presque)
Une tondeuse à barbe avec lames en titane en décembre 2014 pour 34,99 euros, un vol aller-retour Paris-Séville en juin 2016 pour 180 euros, et plus récemment, une gourde en acier inoxydable à 13 euros. Dans le répertoire "Achats et réservations", je découvre que Google a soigneusement répertorié les emplettes effectuées en ligne via mon adresse e-mail. Au total, 182 fichiers représentant autant de commandes de 2010 à 2018 sont répertoriés.

Je peux également les retrouver sur une page dédiée de la rubrique "Mon compte". Un examen approfondi me permet toutefois de remarquer que l'algorithme de Google n'a pas correctement labellisé l'ensemble de mes achats : la récente commande d'un lave-linge n'apparaît pas dans la liste, au contraire d'un abonnement premium d'un mois à l'application de rencontres Tinder à l'automne 2015. En deux clics, je peux toutefois supprimer ce souvenir des serveurs de Google.

Tout ce que je fais sur mon mobile
Après avoir jeté un coup d'œil aux répertoires "Drive" et "Photos", dont les 12 gigaoctets contiennent, comme je m'y attendais, l'intégralité des documents et clichés que j'ai volontairement stockés sur les serveurs de Google, mon regard s'arrête sur la rubrique "Mon activité" et ses 730 fichiers.

En cliquant sur le répertoire "Android", je m'aperçois que le géant américain a soigneusement consigné depuis 2015 l'utilisation de toutes les applications ouvertes sur mon téléphone, jour après jour, minute par minute. Que ces applications proviennent de ses services, ou non.

Je peux par exemple retracer avec une précision un peu effrayante la journée du dimanche 15 juillet 2018 (alerte spoiler : à la fin, la France devient championne du monde de foot). Déverrouillage du téléphone à 6h19, messagerie WhatsApp à 7h21, coup d'œil à Instagram à 7h26, lecture de la matinale du Monde à 7h49, lancement d'un podcast trois minutes plus tard, avant d'enchaîner sur l'application SNCF (je prenais un train ce matin-là)... Au total, Google a recensé 95 interactions avec mon téléphone jusqu'à 23 heures (je n'ai pas trop fêté la victoire des Bleus, mes seuls véritables frissons footballistiques n'étant provoqués que par l'OM).

Dans sa rubrique "Aide", Google explique consigner ces données (qui lui ont été envoyées, car mon téléphone utilise le système d'exploitation Android, qui lui appartient) pour "améliorer la précision des résultats de recherche et des suggestions". Pas franchement emballé par ces justifications, je décide tout de même de mettre un terme à cette collecte d'informations. Pour cela, direction la rubrique "Mon activité" des paramètres Google. Je clique sur "Commandes relatives à l'activité", dans la colonne située sur la gauche, puis décoche les cases "Informations provenant des appareils" et "Activité sur le web et les applications".

Le son de ma voix (et même celle de mon frère)
Une autre surprise m'attend dans le répertoire "Voix et audio" de la rubrique "Mon activité". A l'intérieur se trouvent 702 fichiers sons très brefs, au format mp3. Le premier remonte à début 2015. Je l'ouvre et je reconnais aussitôt le son de ma voix : "OK Google, réveille-moi dans 30 minutes." Je réalise que l'entreprise américaine a enregistré et stocké sur ses serveurs chacune des requêtes effectuées via l'assistant vocal de mon téléphone Android et qui, à la manière de Siri sur les iPhone, s'active dès que je prononce les mots "OK Google".

A la fois fasciné et horrifié que ces sons aient été conservés si longtemps, je poursuis mon examen de ces enregistrements. Je comprends vite que j'ai été "écouté" bien plus souvent que je ne le croyais. Sans doute parce que l'algorithme utilisé par mon téléphone pensait m'avoir entendu prononcer l'expression "OK Google", je retrouve une douzaine d'enregistrements involontaires. Me voici, par exemple, en train de discuter d'un article avec mon supérieur hiérarchique fin 2017.

Plus problématique encore, ces erreurs d'enregistrements concernent également mes proches. Les serveurs de Google contiennent ainsi des extraits de voix de mon grand-père et de mon frère, qui n'avaient pourtant rien demandé.

Passablement agacé, je me dirige vers l'aide de Google pour en savoir plus. J'y apprends que le géant américain utilise ces enregistrements pour "reconnaître le son de [ma] voix ; reconnaître la façon dont [je prononce] des mots et des expressions ; reconnaître quand [je dis] 'OK Google'  ; améliorer la reconnaissance vocale dans tous les produits Google qui utilisent cette fonctionnalité".

Visiblement, il y a encore des améliorations à apporter. Je m'empresse de supprimer tous ces enregistrements dans la catégorie "Activité vocale et audio" de la page "Mon activité". Je désactive aussi immédiatement l'historique des enregistrements pour que mes prochaines requêtes ne soient plus conservées sur les serveurs de Google.

La trace de presque tous mes déplacements
En poursuivant mon exploration, Google m'explique ne pas avoir réussi à récupérer dans mes archives l'"historique des positions". Je lève un sourcil : je me souviens de l'avoir déjà consulté par le passé, et même de l'avoir volontairement laissé activé tant le résultat m'avait captivé. Je me rends illico sur la rubrique "Vos trajets" de l'application Google Maps pour en avoir le cœur net. Bingo ! Depuis cinq ans, tous les déplacements effectués lorsque la connexion internet de mon téléphone était activée ont été consignés sur une carte du monde. Un outil "Calendrier" me permet même de les retrouver jour après jour, précisément minutés.

Google m'apprend ainsi que j'ai quitté mon domicile à 11h47 le 27 octobre 2015 pour déjeuner avec mon grand-père dans un restaurant italien du 11e arrondissement de Paris (qui était, de mémoire, tout à fait convenable). Après avoir flâné dans le quartier jusqu'à 14 heures, je me suis rendu à mon auto-école (j'ai obtenu tardivement mon permis, merci de ne pas me juger) pour effectuer deux heures de conduite qui m'ont emmené à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). Visiblement satisfait, j'ai ensuite rejoint mon domicile à 16h18 avant de le quitter un peu plus tard pour retrouver des amis dans un bar voisin jusqu'à une heure que la décence m'interdit de rapporter.

Une autre fonctionnalité m'interpelle : Google a noté les lieux où je m'étais rendu le plus grand nombre de fois. Outre mon domicile et le siège de France Télévisions, je souris en apprenant que le Stade-Vélodrome se trouve à la onzième place de ce classement, mais je ressens un malaise en y retrouvant l'adresse d'une ancienne petite amie perdue de vue depuis plusieurs années.

Heureusement, cette machine à voyager dans le temps est désactivable. Depuis un ordinateur, il faut à nouveau se rendre dans la rubrique "Mon activité", puis cliquer sur "Commandes relatives à l'activité", avant de décocher la case "historique des positions". Depuis un appareil Android, direction les paramètres, puis "Google" (ou directement l'icône "Paramètres Google"), puis "Localisation" ou "Position", et "Historique des positions Google".

La liste de tout ce que j'ai lu, vu et cherché
Sans surprise, mon archive contient également des pages de texte interminables qui consignent les mots-clés recherchés sur Google depuis 2013. J'apprends ainsi qu'entre le 13 février 2013 et le 25 mars 2019, j'ai effectué près de 150 000 requêtes sur le moteur du géant américain, soit une moyenne quotidienne de 67 recherches. Ce nombre me semble élevé, même si mon travail de journaliste implique une utilisation intensive des moteurs de recherche. Les mots-clés que j'y découvre montrent de toute manière que mon usage de Google n'est pas caractérisé par un professionnalisme à toute épreuve. Particulièrement un mardi de 2014, à 6h04 du matin.

Cette plongée dans le passé concerne aussi la plateforme de vidéo YouTube, rachetée par Google en 2006. Outre les vidéos privées que j'ai moi-même mises en ligne, j'y retrouve l'historique de toutes mes recherches depuis 2011, mais également la liste des vidéos regardées depuis 2014. J'apprends donc que le 12 août 2015, à 15h47, j'admirais une obscure vidéo de Pikachu se trémoussant sur Boogie Wonderland. Quelle vie trépidante.

Google sait à peu près tout ce que je fais sur le web. Mon historique de navigation est en effet envoyé sur ses serveurs par le navigateur Chrome. Je croyais avoir pris l'habitude de le supprimer régulièrement, mais je m'aperçois que plus d'une année est passée depuis mon dernier ménage. Je m'empresse d'y remédier : direction le menu historique de Chrome (touche Ctrl+H sur PC, ou Pomme+Y sur Mac), puis "Effacer les données de navigation".

Il est également possible de supprimer et désactiver l'historique de YouTube depuis la section idoine de la plateforme vidéo ou la rubrique "Mon activité", où l'on peut également effectuer cette démarche pour les simples recherches Google.

Mon profil publicitaire
Que fait Google de toute cette masse d'informations ? Contacté, le géant du web m'explique que ces données "permettent d'améliorer l'utilité et la pertinence [de ses] services", tout en ajoutant laisser aux utilisateurs une certaine latitude pour décider quel type de données sont exploitées. Selon les chiffres que m'a communiqués Google, 70 millions de personnes visitent chaque mois la rubrique "Mon activité" liée à leur compte et la moitié d'entre elles en profitent pour y supprimer des données.

Google, qui promet "ne pas vendre" les informations collectées au sujet de ses utilisateurs, reconnaît tout de même s'en servir "pour proposer des annonces pertinentes dans les produits Google, sur les sites Web partenaires et dans les applications mobiles".

Un coup d'œil dans la rubrique "Paramètres des annonces" me permet d'avoir un aperçu de la manière dont le géant d'internet cerne mes différents centres d'intérêt. Le résultat est d'une pertinence variable. Selon Google, je suis un homme âgé de 25 à 34 ans (c'est correct), qui passe beaucoup de temps sur YouTube (je dois bien le reconnaître), et qui nourrit entre autres une passion pour les jeux vidéo (exact), les émissions de téléréalité (je l'ignorais), le rugby (je DÉTESTE ce sport) et les achats de véhicules (raté). Il est cependant possible de désactiver la personnalisation des annonces directement depuis cette page.

Je ressors de cette exploration numérique avec des sentiments mitigés : si la plupart des informations présentes dans mon archive ne m'ont pas surpris, l'existence de certaines, comme les enregistrements de ma voix et de celles de mes proches, m'a sidéré. D'autant plus que je me considérais – sans doute naïvement – comme relativement sensibilisé à la question de la protection des données. Il est heureusement assez facile de reprendre la main sur ces informations, notamment via la rubrique "Mon activité", créée en 2016. Mieux encore, depuis quelques semaines, il est possible d'automatiser une suppression régulière de certaines de ces données dans cette rubrique.

Visiblement conscient que ces fonctionnalités sont encore peu connues, Google m'a indiqué avoir "lancé en février une campagne de sensibilisation". Des "ateliers numériques" seront organisés à ce sujet cette année à Rennes, Montpellier, Nancy ou encore Saint-Etienne. Reste à savoir si le géant américain a vraiment intérêt à inciter ses utilisateurs à supprimer des informations dont il tire un avantage commercial.

Un capitalisme de surveillance
Shoshana Zuboff , Le Monde diplomatique, janvier 2019

L’industrie numérique prospère grâce à un principe presque enfantin : extraire les données personnelles et vendre aux annonceurs des prédictions sur le comportement des utilisateurs. Mais, pour que les profits croissent, le pronostic doit se changer en certitude. Pour cela, il ne suffit plus de prévoir : il s’agit désormais de modifier à grande échelle les conduites humaines.

Shoshana Zuboff a écrit:Cette journée de juillet 2016 fut particulièrement éprouvante pour David. Il avait passé de longues heures à auditionner les témoins de litiges assurantiels dans un tribunal poussiéreux du New Jersey où, la veille, une coupure d’électricité avait eu raison du système d’air conditionné. Enfin chez lui, il s’immergea dans l’air frais comme on plonge dans l’océan. Pour la première fois depuis le matin, il respira profondément, se servit un apéritif et monta à l’étage afin de s’accorder une longue douche. La sonnette retentit au moment même où l’eau commençait à ruisseler sur ses muscles endoloris. Il enfila un tee-shirt et un short, puis dévala les escaliers. En ouvrant la porte, il se retrouva nez à nez avec deux adolescents qui agitaient leurs téléphones portables sous son nez.

— Hé ! vous avez un Pokémon dans votre jardin. Il est pour nous ! On peut aller l’attraper ?
— Un quoi ?

Ce soir-là, David fut dérangé encore quatre fois par des inconnus impatients d’accéder à son jardin et furieux de se voir congédiés. Ils poussaient des cris et scrutaient sa maison à travers l’écran de leur smartphone, à la recherche des fameuses créatures de « réalité augmentée ». Vue à travers leurs appareils, cette portion du monde laissait paraître leurs Pokémon, mais aux dépens de tout le reste. Le jeu s’était emparé de la maison et du monde alentour. Il s’agissait là d’une nouvelle invention commerciale : une déclaration d’expropriation qui transforme la réalité en une étendue d’espaces vides prêts à être exploités au profit d’autres. « Combien de temps cela va-t-il durer ?, se demandait David. De quel droit ? Qui dois-je appeler pour que cela cesse ? »

Ni lui ni les joueurs pendus à sa sonnette ne soupçonnaient qu’ils avaient été réunis ce soir-là par une logique audacieuse et sans précédent : le capitalisme de surveillance.

En 1999, Google, malgré l’éclat de son nouveau monde, avec ses pages Web consultables en un clic et ses capacités informatiques croissantes, ne disposait d’aucune stratégie pour faire fructifier l’argent de ses investisseurs prestigieux.

Les utilisateurs apportaient la matière première sous la forme de données comportementales, lesquelles étaient récoltées pour améliorer la vitesse, la précision et la pertinence des résultats afin de concevoir des produits annexes comme la traduction. Du fait de cet équilibre des pouvoirs, il eût été financièrement risqué, voire contre-productif, de rendre le moteur de recherche payant pour ses utilisateurs. La vente des résultats de recherche aurait aussi créé un précédent dangereux pour la multinationale, en assignant un prix à des informations dont son robot indexateur s’était déjà emparé sans verser de rétribution. Sans appareils du type de l’iPod d’Apple, avec ses chansons au format numérique, pas de plus-value, pas de marge, et rien à transformer en profit.

À l’époque, Google reléguait la publicité à l’arrière-plan : l’équipe d’AdWords, sa régie publicitaire, comptait... sept personnes, dont la plupart partageaient l’antipathie des fondateurs à l’égard de leur spécialité. Mais, en avril 2000, la fameuse « nouvelle économie » entre brutalement en récession, et un séisme financier secoue le jardin d’Éden de la Silicon Valley. La réponse de Google entraîne alors une mutation cruciale, qui va transformer AdWords, Google, Internet et la nature même du capitalisme de l’information en un projet de surveillance formidablement lucratif.

La logique d’accumulation qui assurera la réussite de Google apparaît clairement dans un brevet déposé en 2003 par trois de ses meilleurs informaticiens, intitulé : « Générer des informations utilisateur à des fins de publicité ciblée ». La présente invention, expliquent-ils, vise « à établir les informations de profils d’utilisateurs et à utiliser ces dernières pour la diffusion d’annonces publicitaires (1)  ». En d’autres termes, Google ne se contente plus d’extraire des données comportementales afin d’améliorer les services. Il s’agit désormais de lire dans les pensées des utilisateurs afin de faire correspondre des publicités avec leurs intérêts. Lesquels seront déduits des traces collatérales de leur comportement en ligne. La collecte de nouveaux jeux de données appelés « profil utilisateur » (de l’anglais user profile information) va considérablement améliorer la précision de ces prédictions.

D’où proviennent ces informations ? Pour reprendre les mots des détenteurs du brevet, elles « pourront être déduites ». Leurs nouveaux outils permettent de créer des profils par l’intégration et l’analyse des habitudes de recherche d’un internaute, des documents qu’il demande ainsi que d’une myriade d’autres signaux de comportement en ligne, même lorsqu’il ne fournit pas directement ces renseignements. Un profil, préviennent les auteurs, « peut être créé (ou mis à jour, ou élargi) même lorsque aucune information explicite n’est donnée au système ». Ainsi manifestent-ils leur volonté de surmonter les éventuelles frictions liées aux droits de décision de l’utilisateur, ainsi que leur capacité à le faire. Les données comportementales, dont la valeur a été « épuisée » du point de vue de l’amélioration des recherches, formeront désormais la matière première essentielle — exclusivement détenue par Google — à la construction d’un marché de la publicité en ligne dynamique. Ces informations collectées en vue d’usages autres que l’amélioration des services constituent un surplus. Et c’est sur la base de cet excédent comportemental que la jeune entreprise accède aux profits « réguliers et exponentiels » nécessaires à sa survie.

L’invention de Google met au jour de nouvelles possibilités de déduire les pensées, les sentiments, les intentions et les intérêts des individus et des groupes au moyen d’une architecture d’extraction automatisée qui fonctionne comme un miroir sans tain, faisant fi de la conscience et du consentement des concernés. Cet impératif d’extraction permet de réaliser des économies d’échelle qui procurent un avantage concurrentiel unique au monde sur un marché où les pronostics sur les comportements individuels représentent une valeur qui s’achète et se vend. Mais surtout, le miroir sans tain symbolise les relations sociales de surveillance particulières fondées sur une formidable asymétrie de savoir et de pouvoir.

Soudain autant que retentissant, le succès d’AdWords entraîne une expansion significative de la logique de surveillance commerciale. En réponse à la demande croissante de clics de la part des publicitaires, Google commence par étendre le modèle au-delà de son moteur de recherche pour transformer Internet tout entier en un vaste support pour ses annonces ciblées. Selon les mots de Hal Varian, son économiste en chef, il s’agissait alors pour le géant californien d’appliquer ses nouvelles compétences en matière « d’extraction et d’analyse » aux contenus de la moindre page Internet, aux moindres gestes des utilisateurs en recourant aux techniques d’analyse sémantique et d’intelligence artificielle susceptibles d’en extraire du sens. Dès lors, Google put évaluer le contenu d’une page et la manière dont les utilisateurs interagissent avec elle. Cette « publicité par ciblage de centres d’intérêt » basée sur les méthodes brevetées par l’entreprise sera finalement baptisée AdSense. En 2004, la filiale engendrait un chiffre d’affaires quotidien de 1 million de dollars ; un chiffre multiplié par plus de vingt-cinq en 2010.

Tous les ingrédients d’un projet lucratif se trouvaient réunis : excédent d’informations comportementales, sciences des données, infrastructure matérielle, puissance de calcul, systèmes algorithmiques et plates-formes automatisées. Tous convergeaient pour engendrer une « pertinence » sans précédent et des milliards d’enchères publicitaires. Les taux de clics grimpèrent en flèche. Travailler sur AdWords et AdSense comptait désormais autant que travailler sur le moteur de recherche. Dès lors que la pertinence se mesurait au taux de clics, l’excédent de données comportementales devenait la clé de voûte d’une nouvelle forme de commerce dépendant de la surveillance en ligne à grande échelle. L’introduction en Bourse de Google en 2004 révèle au monde le succès financier de ce nouveau marché. Mme Sheryl Sandberg, ancienne cadre de Google passée chez Facebook, présidera à la transformation du réseau social en géant de la publicité. Le capitalisme de surveillance s’impose rapidement comme le modèle par défaut du capitalisme d’information sur la Toile, attirant peu à peu des concurrents de tous les secteurs.

L’économie de surveillance repose sur un principe de subordination et de hiérarchie. L’ancienne réciprocité entre les entreprises et les utilisateurs s’efface derrière le projet consistant à extraire une plus-value de nos agissements à des fins conçues par d’autres — vendre de la publicité. Nous ne sommes plus les sujets de la réalisation de la valeur. Nous ne sommes pas non plus, comme d’aucuns l’ont affirmé, le « produit » que vend Google. Nous sommes les objets dont la matière est extraite, expropriée, puis injectée dans les usines d’intelligence artificielle de Google qui fabriquent les produits prédictifs vendus aux clients réels : les entreprises qui paient pour jouer sur les nouveaux marchés comportementaux.

Sous couvert de « personnalisation »

Premier responsable de la marque Google, M. Douglas Edwards raconte une réunion tenue en 2001 avec les fondateurs autour de la question « Qu’est-ce que Google ? ». « Si nous avions une catégorie, méditait M. Larry Page, cofondateur de l’entreprise, ce serait les informations personnelles (…). Les endroits qu’on a vus. Nos communications (…). Les capteurs ne coûtent rien (…). Le stockage ne coûte rien. Les appareils photographiques ne coûtent rien. Les gens vont générer d’énormes quantités de données (…). Tout ce que vous aurez entendu, vu ou éprouvé deviendra consultable. Votre vie entière deviendra consultable (2).  »

La vision de M. Page offre un fidèle reflet de l’histoire du capitalisme, qui consiste à capter des choses extérieures à la sphère commerciale pour les changer en marchandises. Dans son essai La Grande Transformation, publié en 1944, l’économiste Karl Polanyi décrit l’avènement d’une économie de marché autorégulatrice à travers l’invention de trois « marchandises fictives ». Premièrement, la vie humaine subordonnée aux dynamiques de marché et qui renaît sous la forme d’un « travail » vendu et acheté. Deuxièmement, la nature convertie en marché, qui renaît comme « propriété foncière ». Troisièmement, l’échange devenu marchand et ressuscité comme « argent ». Les détenteurs actuels du capital de surveillance ont créé une quatrième marchandise fictive, extorquée à la réalité expérimentale d’êtres humains dont les corps, les pensées et les sentiments sont aussi intacts et innocents que l’étaient les prairies et forêts dont regorgeait la nature avant son absorption par le marché. Conformément à cette logique, l’expérience humaine se trouve marchandisée par le capitalisme de surveillance pour renaître sous forme de « comportements ». Traduits en données, ces derniers prennent place dans l’interminable file destinée à alimenter les machines conçues pour en faire des prédictions qui s’achètent et se vendent.

Cette nouvelle forme de marché part du principe que servir les besoins réels des individus est moins lucratif, donc moins important, que vendre des prédictions de leur comportement. Google a découvert que nous avions moins de valeur que les pronostics que d’autres font de nos agissements.

Cela a tout changé.

La première vague de produits prédictifs fut portée par l’excédent de données extraites à grande échelle sur Internet afin de produire des annonces en ligne « pertinentes ». À l’étape suivante, il fut question de la qualité des prédictions. Dans la course à la certitude maximale, il apparut clairement que les meilleures prédictions devraient s’approcher le plus possible de l’observation. À l’impératif d’extraction s’ajouta une deuxième exigence économique : l’impératif de prédiction. Ce dernier se manifeste d’abord par des économies de gamme.

L’excédent de données comportementales doit être non seulement abondant, mais également varié. Obtenir cette variété impliquait d’étendre les opérations d’extraction du monde virtuel au monde réel, là où nous menons notre « vraie » vie. Les capitalistes de surveillance comprenaient que leur richesse future passait par le développement de nouvelles chaînes d’approvisionnement sur les routes, au milieu des arbres, à travers les villes. Ils tenteraient d’accéder à votre système sanguin, à votre lit, à vos conversations matinales, à vos trajets, à votre footing, à votre réfrigérateur, à votre place de parking, à votre salon.

Une seconde dimension, plus critique encore que la variété, caractérise désormais la collecte des données : l’approfondissement. Pour obtenir des prédictions comportementales très précises et donc très lucratives, il faut sonder nos particularités les plus intimes. Ces opérations d’approvisionnement visent notre personnalité, nos humeurs, nos émotions, nos mensonges et nos fragilités. Tous les niveaux de notre vie personnelle sont automatiquement captés et comprimés en un flux de données à destination des chaînes de montage qui produisent de la certitude. Accomplie sous couvert de « personnalisation », une bonne part de ce travail consiste en une extraction intrusive des aspects les plus intimes de notre quotidien.

De la bouteille de vodka « intelligente » au thermomètre rectal connecté, les produits destinés à interpréter, suivre, enregistrer et communiquer des données prolifèrent. Sleep Number, qui fournit « des lits intelligents dotés d’une technologie de suivi du sommeil », collecte également « des données biométriques et des données relatives à la manière dont vous, un enfant ou toute autre personne utilise le lit, notamment les mouvements du dormeur, ses positions, sa respiration et sa fréquence cardiaque ». Elle enregistre aussi tous les sons émis dans votre chambre…

Nos maisons sont dans la ligne de mire du capitalisme de surveillance. Des entreprises spécialisées se disputaient en 2017 un marché de 14,7 milliards de dollars pour des appareils ménagers connectés, contre 6,8 milliards l’année précédente. À ce rythme-là, le montant atteindra 101 milliards de dollars en 2021. Commercialisés depuis quelques années, des objets absurdes se tiennent à l’affût dans nos intérieurs : brosse à dents intelligente, ampoule intelligente, tasse à café intelligente, four intelligent, extracteur de jus intelligent, sans oublier les couverts intelligents censés améliorer notre digestion. D’autres semblent plus inquiétants : une caméra de surveillance à domicile avec reconnaissance faciale, un système d’alarme qui repère les vibrations inhabituelles précédant un cambriolage, des GPS d’intérieur, des capteurs qui s’adaptent à tous les objets pour analyser le mouvement et la température, sans oublier des cafards cyborgs qui détectent les sons. Même la chambre du nourrisson est repensée pour devenir une source de surplus comportemental.

Tandis que la course aux profits générés par la surveillance s’exacerbe, les capitalistes s’aperçoivent que les économies de gamme ne suffisent pas. Certes, l’excédent de données doit être abondant et varié ; mais le moyen le plus sûr de prédire le comportement reste d’intervenir à la source : en le façonnant. J’appelle « économies de l’action » ces processus inventés pour y parvenir : des logiciels configurés pour intervenir dans des situations réelles sur des personnes et des choses réelles. Toute l’architecture numérique de connexion et de communication est désormais mobilisée au service de ce nouvel objectif. Ces interventions visent à augmenter la certitude en influençant certaines attitudes : elles ajustent, adaptent, manipulent, enrôlent par effet de groupe, donnent un coup de pouce. Elles infléchissent nos conduites dans des directions particulières, par exemple en insérant une phrase précise dans notre fil d’actualités, en programmant l’apparition au moment opportun d’un bouton « achat » sur notre téléphone, en coupant le moteur de notre voiture si le paiement de l’assurance tarde trop, ou encore en nous orientant par GPS dans notre quête de Pokémon. « Nous apprenons à écrire la musique, explique un concepteur de logiciels. Ensuite, nous laissons la musique les faire danser. Nous pouvons mettre au point le contexte qui entoure un comportement particulier afin d’imposer un changement... Nous pouvons dire au réfrigérateur : “Verrouille-toi parce qu’il ne devrait pas manger”, ou ordonner à la télé de s’éteindre pour que vous vous couchiez plus tôt. »

Depuis que l’impératif de prédiction a déplacé les opérations d’approvisionnement dans le monde réel, les fournisseurs de biens ou de services dans des secteurs bien établis, loin de la Silicon Valley, salivent à leur tour à l’idée des profits issus de la surveillance. En particulier les assureurs automobiles, impatients de mettre en place la télématique — les systèmes de navigation et de contrôle des véhicules. Ils savent depuis longtemps que les risques d’accident sont étroitement corrélés au comportement et à la personnalité du conducteur, mais, jusqu’ici, ils n’y pouvaient pas grand-chose. Un rapport des services financiers du cabinet de conseil Deloitte recommande désormais la « minimisation du risque » (un euphémisme qui, chez un assureur, désigne la nécessité de garantir les profits) à travers le suivi et la sanction de l’assuré en temps réel — une approche baptisée « assurance au comportement ». D’après le rapport de Deloitte, « les assureurs peuvent suivre le comportement de l’assuré en direct, en enregistrant les heures, les lieux et les conditions de circulation durant ses trajets, en observant s’il accélère rapidement ou s’il conduit à une vitesse élevée, voire excessive, s’il freine ou tourne brusquement, s’il met son clignotant (3) ».

À mesure que la certitude se substitue à l’incertitude, les primes d’assurance, qui auparavant reflétaient les aléas inévitables de la vie quotidienne, peuvent grimper ou chuter d’une milliseconde à l’autre, grâce à la connaissance précise de la vitesse à laquelle vous conduisez vers votre lieu de travail après une matinée particulièrement tendue passée à vous occuper d’un enfant malade, ou d’un dérapage plus ou moins contrôlé effectué sur le parking du supermarché.

Toutefois, les outils télématiques ne visent pas seulement à savoir, mais aussi à agir. L’assurance au comportement promet ainsi de réduire les risques à travers des mécanismes conçus pour modifier les conduites et accroître les gains. Cela passe par des sanctions, comme des hausses de taux d’intérêt en temps réel, des malus, des blocages de moteur, ou par des récompenses, comme des réductions, des bonus ou des bons points à utiliser pour des prestations futures.

Spireon, qui se décrit comme la « plus grande entreprise de télématique » dans son domaine, suit et surveille des véhicules et des conducteurs pour les agences de location, les assureurs et les propriétaires de parcs automobiles. Son « système de gestion des dommages collatéraux liés à la location » déclenche des alertes chez les conducteurs qui ont un retard de paiement, bloque le véhicule à distance quand le problème se prolonge au-delà d’une certaine période et le localise en vue de sa récupération.

La télématique inaugure une ère nouvelle, celle du contrôle comportemental. Aux assureurs de fixer les paramètres de conduite : ceinture de sécurité, vitesse, temps de pause, accélération ou freinage brusque, durée de conduite excessive, conduite en dehors de la zone de validité du permis, pénétration dans une zone d’accès restreint. Gavés de ces informations, des algorithmes surveillent, évaluent et classent les conducteurs, et ajustent les primes en temps réel. Comme rien ne se perd, les « traits de caractère » établis par le système sont également traduits en produits prédictifs vendus aux publicitaires, lesquels cibleront les assurés par des publicités envoyées sur leur téléphone.

Lorsqu’il ouvrit la porte ce soir-là, David ignorait que les chasseurs de Pokémon et lui-même participaient à une expérience grandeur nature d’économies de l’action. Ils en étaient les cobayes, et le laborantin en blouse blanche se nommait John Hanke.

Auparavant vice-président de Google Maps et responsable de Street View, M. Hanke a créé en 2010 sa propre rampe de lancement au sein de Google : Niantic Labs, l’entreprise à l’origine de Pokémon Go. Il caressait l’ambition de prendre possession du monde en le cartographiant. Il avait déjà fondé Keyhole, une start-up de cartographie virtuelle à partir d’images satellites financée par la Central Intelligence Agency (CIA) puis rachetée par Google, qui l’a rebaptisée Google Earth. Avec Niantic, il s’attelle à concevoir des jeux en réalité virtuelle qui permettront de traquer et de téléguider les gens sur les territoires que Street View a déjà audacieusement enregistrés sur ses cartes.

Ce jeu repose sur le principe de la « réalité augmentée » et fonctionne comme une chasse au trésor. Une fois que vous téléchargez l’application de Niantic, vous utilisez votre GPS et l’appareil photographique de votre smartphone pour trouver des créatures virtuelles appelées Pokémon. Elles apparaissent sur l’écran comme si elles se trouvaient devant vous : dans le jardin d’un homme qui ne se doute de rien, dans la rue d’une ville, dans une pizzeria, un parc, une pharmacie, etc. Il s’agit de pousser les joueurs à « sortir » et à « partir à l’aventure à pied », dans les espaces à ciel ouvert des villes, des villages et des banlieues. Disponible aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande le 6 juillet 2016, Pokémon Go est devenue en une semaine l’application la plus téléchargée et la plus lucrative aux États-Unis, atteignant vite autant d’utilisateurs actifs sur Android que Twitter.

Terrain de jeu grandeur nature
Six jours seulement après la sortie du jeu, Joseph Bernstein, reporter pour le site d’information en ligne BuzzFeed, conseillait aux utilisateurs de Pokémon Go de se pencher sur les quantités de données que l’application recueillait sur leurs téléphones. TechCrunch, un site spécialisé dans l’actualité des start-up et des nouvelles technologies, exprimait des inquiétudes similaires au sujet de la « longue liste d’autorisations requises par l’application ».

Le 13 juillet 2016, la logique de chasse aux données qui se cache derrière le jeu se précise. En plus des paiements pour des options supplémentaires du jeu, « le modèle économique de Niantic contient une seconde composante, à savoir le concept de lieux sponsorisés », a reconnu M. Hanke dans un entretien avec le Financial Times. Ce nouveau flux de revenus était prévu depuis le départ : les entreprises « paieront Niantic pour figurer parmi les sites du terrain de jeu virtuel, compte tenu du fait que cette présence favorise la fréquentation ». La facturation, expliquait-il, s’effectue sur la base d’un « coût par visite », semblable au « coût par clic » pratiqué par les annonces publicitaires du moteur de recherche Google.

L’idée frappe par sa simplicité : les revenus issus du monde réel sont censés augmenter selon la capacité de Niantic à pousser les gens vers certains sites précis, tout comme Google a appris à extraire toujours plus de données comme un moyen d’adresser des publicités en ligne à des personnes précises. Les composantes et les dynamiques du jeu, associées à la technologie de pointe de la réalité augmentée, incitent les gens à se rassembler dans des lieux du monde réel pour dépenser de l’argent bien réel dans des commerces du monde réel appartenant aux marchés de la prédiction comportementale de Niantic.

L’apogée de Pokémon Go, à l’été 2016, signait l’accomplissement du rêve porté par le capitalisme de surveillance : un laboratoire vivant de la modification comportementale qui conjuguait avec aisance échelle, gamme et action. L’astuce de Pokémon Go consistait à transformer un simple divertissement en un jeu d’un ordre très différent : celui du capitalisme de surveillance — un jeu dans le jeu. Tous ceux qui, rôdant dans les parcs et les pizzerias, ont investi la ville comme un terrain d’amusement servaient inconsciemment de pions sur ce second échiquier bien plus important. Les enthousiastes de cet autre jeu bien réel ne comptaient pas au nombre des agités qui brandissaient leurs portables devant la pelouse de David. Ce sont les véritables clients de Niantic : les entités qui paient pour jouer dans le monde réel, bercées par la promesse de revenus juteux. Dans ce second jeu permanent, on se dispute l’argent que laisse derrière lui chaque membre souriant du troupeau. « La capacité du jeu à servir de vache à lait pour les marchands et autres lieux en quête de fréquentation suscite d’intenses spéculations », s’est réjoui le Financial Times.

Il ne peut y avoir de revenus assurés si on ne s’en donne pas les moyens. Les nouveaux instruments internationaux de modification comportementale inaugurent une ère réactionnaire où le capital est autonome et les individus hétéronomes ; la possibilité même d’un épanouissement démocratique et humain exigerait le contraire. Ce sinistre paradoxe est au cœur du capitalisme de surveillance : une économie d’un nouveau genre qui nous réinvente au prisme de son propre pouvoir. Quel est ce nouveau pouvoir et comment transforme-t-il la nature humaine au nom de ses certitudes lucratives ?

Professeure émérite à la Harvard Business School. Auteure de The Age of Surveillance Capitalism : The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, Public Affairs, New York, 2019.

(1) NDLR. Pour les références, nous renvoyons à l’ouvrage de Shoshana Zuboff.

(2) Douglas Edwards, I’m Feeling Lucky : The Confessions of Google Employee Number 59, Houghton Mifflin Harcourt, New York, 2011.

(3) Sam Friedman et Michelle Canaan, « Overcoming speed bumps on the road to telematics » (PDF), Deloitte, 21 avril 2014

Les objets connectés, nouveaux fétiches du monde moderne
Fabienne Martin-Juchat, The Conversation 21 décembre 2018
L'auteure est professeure en sciences de l'Information et de la communication, Université Grenoble Alpes
Le marketing des objets connectés tente de déplacer ce qui fait sens pour les usagers par transformation du statut des agents non humains du monde moderne. Cette manière de communiquer préfigure une culture qui valorise des rites évoquant confusément le religieux, la croyance, tout en étant compatible avec les valeurs fondatrices de la modernité.

La dépendance aux objets connectés qui se manifeste déjà sur le plan corporel et affectif favorise cette transformation. Le smartphone, à la fois prothèse et objet transitionnel, en représente l’emblème. Les usagers sont conduits à adopter leurs objets connectés comme des partenaires protecteurs. La dernière publicité sur l’objet connecté d’Amazon Alexa/Echo le montre bien : l’objet connecté est présenté comme une amie de la famille qui, complice, viendrait en aide à une jeune fille, au moment de déclarer à ses parents son homosexualité.



Au-delà de cet exemple, c’est l’ensemble des types de relations proposé par les objets connectés et promu par le marketing qui vise à transformer le statut de l’objet. Entre « simulacre et simulation », le projet culturel des êtres et des corps connectés rend compatibles des valeurs issues des traditions religieuses avec celles de la modernité.

Pour reprendre l’exemple de la publicité Alexa/Echo, l’objet connecté fonctionne symboliquement comme un véritable fétiche, protecteur de la famille (historiquement le gris-gris) permet en même temps à son possesseur de s’affranchir des tutelles et d’assumer son identité au-delà des normes.

Dans la continuité de la pensée de Simondon nous allons tenter d’éclaircir ce mode d’existence et d’action des objets connectés en lien avec l’activité humaine tel qu’il est aujourd’hui promu par les industriels.

De l’objet connecté au fétiche païen
Apple a été le premier à assumer sa prétention : transformer le rapport émotionnel au monde, l’enchanter, le rendre plus beau. La publicité de 2013 est très claire. Ce petit clip vidéo réussit à nous toucher émotionnellement.

Ici, la projection puis la fusion affective activée par une expérience sensible ressemble aux phénomènes comparables proposés par le religieux car elles reposent sur deux dynamiques : un discours d’escorte (les publicités) et une expérience stimulante sensoriellement et émotionnellement qui construisent l’expérience comme une rituel. Ce qui se déploie par ces moyens, c’est une puissante idéologie de l’intersubjectivité communautaire permise par des objets intermédiaires qui peuvent être soit des prothèses, soit des interfaces, soit enfin des fétiches.

Si cette idéologie connaît un succès planétaire, c’est peut-être parce qu’elle s’inscrit dans la continuité d’un rapport religieux au monde, rapport ancestral et toujours présent dans nos sociétés modernes.

Il importe de rappeler que dans l’histoire des civilisations traditionnelles, les religions avaient pour tâche de construire un édifice symbolique mythique. La religion était pourvoyeuse de sens pour une condition humaine vécue comme cruelle et injuste. Elle assignait de principes de régulation des affects via des objets. Les objets-fétiches reliaient au sacré, aux Dieux, aux esprits-totems, par le biais de rites et de coutumes régulant les mœurs.

Paradoxalement, au cours du XXe siècle, c’est-à-dire dans la période qui a valorisé à la fois la rationalité, la laïcité et la marchandisation, le mode d’existence des objets de consommation redevient animé grâce aux évolutions de la publicité, puis des technologies et enfin des designs. Comme l’avait déjà suggéré Karl Marx dans Le Capital, grâce au capitalisme en tant que système social, la table devient un fétiche magique car des valeurs symboliques augmentent sa valeur d’échange.

Le projet du capitalisme a donc évolué. Les designers et les marketers peuvent proposer des rites sensibles qui imitent les rites religieux. Ce faire commun est animé par des sortes de dieux-totems que sont les acteurs de la nouvelle économie de l’attention (Google, Apple, Samsung, Facebook, etc.).

La dynamique d’acceptation d’une délégation aux objets connectés

Les objets connectés sont déjà présents dans notre quotidien. D’autres arrivent sur le marché. Qu’ils soient portés directement sur soi (montres, lunettes, vêtements, etc.), ou non (ordinateurs portables, capteurs de mouvements), les discours les construisent à la fois comme des moyens d’actions, des auxiliaires, des assistants, des objets transitionnels ou enfin comme des fétiches partenaires d’une relation d’accompagnement (coaching en soin, sport, éducation, rééducation, jeu, etc.).

La publicité pour le robot Dash présente ce dernier non seulement comme un partenaire de jeu, mais également comme un moyen d’entrer dans un monde de la robotique où la relation à l’objet connecté tend à se passer de l’humain.



Pour rappel, la dimension protectrice des objets est très présente dans le paganisme. Nous retrouvons ici tous les dispositifs de mobilité assistée ou de domotique intégrée. Le robot compagnon de sommeil « Somnox » est à ce titre emblématique, car il propose de rassurer affectivement afin de réduire le stress.

Sur un autre registre, le fétichiste religieux s’entoure d’objets qui augmentent sa force et sa puissance. Les Google glasses et les lunettes Snapschat (nommées « Les Spectacles ») préparent l’individu au plaisir que lui procure la sensation d’un corps connecté augmenté.

Le succès de la promesse d’éternité proposée par Nespresso est à ce propos aussi stupéfiant. Grâce à un design d’objets et de services (les « concept stores »), l’expérience paraît s’inscrire dans un rituel d’inspiration fortement catholique. Au sein d’une publicité célèbre, la dégustation du café apparaît comme une véritable épiphanie sensible où sont associées des promesses d’instant exception grâce à la jouissance, de transcendance, de luxe, de prestige et d’éternité.

De plus, les publicitaires n’hésitent pas à reprendre comme slogan une célèbre formule “le café corps et âme”.

Or, dans l’épiphanie, moment emblématique de la culture judéo-chrétienne, l’extase sensible devient un lieu de recueillement, de communion entre humains, et de relation à Dieu par l’intermédiaire d’une proposition d’expérience sensorielle.

Inspirée par la pensée de Frédéric Nietzsche, nous dirions que les marques s’appuient sur la vulnérabilité humaine, son besoin de leurres, son désir de s’évader de sa condition, sa quête de transcendance. C’est parce que le désir d’illusion, plus ou moins conscient mais permanent dans l’action humaine, apparaît toujours plus tentant que l’acceptation du réel, la promesse d’une transformation du rapport au monde par la technique peut se déployer.

Quelle biopolitique des corps connectés ?
La structuration du rapport corporel et affectif au monde par des agents non humains conduit implicitement au projet biopolitique de contrôle sensible, mais par une voie ou une manière que Michel Foucault n’avait pas anticipée. Sous l’effet de l’alliance entre la technologie et le capitalisme, les objets deviennent soit des objets-fétiches à la fois animés et animants et reliant à des totems post-modernes, soit de nouveaux totems.

Par le biais des expériences proposées, la quête d’amélioration, de maîtrise de soi et de communion autour d’usages d’objets symboliques vont de pair.

En copiant les différentes traditions religieuses, les objets peuvent tour à tour :

- favoriser la quête de transcendance par la maîtrise de soi (traditions monothéistes),

- relier au divin, l’évoquer ou même l’incarner (traditions monothéistes),

- représenter des parties du divin (tradition païenne),

- enfin, être des esprits ou puissances naturelles (tradition animiste).

Le XXIe siècle sera peut-être le siècle où le capitalisme réussira le tour de force d’unir différentes traditions religieuses.

Grâce à cette diffusion massive des objets connectés, un combat idéologique portant sur la désignation de principe d’autorité et de contrôle des sensations et des émotions humaines se trouve en effet engagé. Ce combat engage des questions de légitimité que l’on peut énoncer de la façon suivante :

- Qui a le droit de contrôler les corps par la captation des affects ?

- Qui a le droit de mythifier le quotidien ?

- Qui a le droit d’assigner une existence au collectif par le biais de la connexion à des fétiches païens ?

La sécularisation se trouve peut-être à l’origine d’un combat idéologique très important sur la définition de la condition humaine. Certains acteurs privés ont un rôle d’orchestration du politique en déployant des techniques devenues aussi efficaces que celles issues du secteur religieux, compte tenu des limites aujourd’hui trop évidentes du projet politique qui permettrait pourtant de penser cette modernité de haute technologie.

L’autrice tient à remercier vivement Thierry Ménissier pour ses remarques, sa lecture attentive, ses suggestions qui ont fait progresser sa réflexion


Dernière édition par Florage le Lun 4 Nov - 8:11, édité 9 fois

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DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Empty Re: DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION

Message par Invité Ven 14 Juin - 13:30


FRANCHE DÉ-CONNEXION ?

Patlotch a écrit:étrange et nouvelle rencontre avec Alain Damasio (voir LIRE DAMASIO, POURQUOI PAS ?, 19 avril) alors que j'avais songé intituler le sujet ÉLOGE DE LA DÉCONNEXION, mais j'ai préféré faire ressortir le caractère réciproque du capitalisme dans l'acceptation de la domination jusqu'à la perte de tout contrôle y compris de et sur les conséquences de ses propres actes : c'est en quelque sorte une généralisation à tous du fait que le "prolétariat" est entièrement objet du capital

amusant que cet article soit paru dans l'Usine nouvelle qu'on pourrait comprendre aussi comme métaphore des chaînes à perdre qui ne sont pas que dans le rapport structurel de production/exploitation, mais dans sa reproduction sociale, sociétale, comportementale chez tous les individus, sauf si... Je ne prétends pas qu'il suffirait de se déconnecter, et je ne le fais pas moi-même, mais peut-être de trouver un équilibre, de savoir être dans ce monde pour le changer, et non s'y complaire en s'en plaignant

[Muses industrielles]
"Les Furtifs" d'Alain Damasio, éloge existentiel de la déconnexion
L'Usine nouvelle 01/06/2019

Écrivain incontournable de la science-fiction, Alain Damasio a publié le 18 avril son nouveau livre : Les Furtifs. Dans un récit fleuve de 700 pages, l'auteur associe de nouveau la lutte politique à une quête existentielle. Critique d'un monde ultra-connecté, le texte n'est pas seulement un roman d'anticipation. C'est un roman tout court, long et beau, sur la persévérance de l'humanité.
Le dernier roman d’Alain Damasio remontait à 2004. C’était La Horde du Contrevent, un chef-d’oeuvre instantané, 548 pages monumentales entre littérature de l’imaginaire et lutte existentielle. Depuis, l’écrivain est une référence incontournable chez les amateurs de science-fiction et d’écrits engagés. Attendu quinze ans, il a fait son retour le 18 avril avec Les Furtifs. À la croisée de la critique politique et du thriller, le livre ne déçoit pas.

Zones de résistance dans un monde ultra-connecté

Nous sommes dans les années 2040. Les objets connectés sont omniprésents et la gig economy a été poussée à l’extrême. Les villes ont été privatisées et rachetées par les multinationales : Paris par LVMH, Cannes par Warner et Orange… par Orange. Dans ces métropoles privées, les rues sont divisées entre espaces premium et standard. Pour visiter les beaux quartiers, il faut payer. L’ordre est rétabli par les milices des entreprises.

Comme c’est un récit d’Alain Damasio, il y a bien évidemment des zones de résistance. Les ZAG (zones autogouvernées) et les communautés alternatives fleurissent sur les toits des immeubles et dans les interstices de la ville. Mais il y a autre chose : les furtifs. Des créatures mystérieuses qui échappent savamment aux capteurs en se métamorphosant, en se camouflant et en se déplaçant de façon fulgurante. Une unité de l’armée est spécialisée dans leur capture : pour tuer un furtif, il “suffit” de le voir. Une tâche diablement compliquée, qu’importent la technologie et les outils de contrôle.

Lorca Varèse, le personnage principal, a rejoint cette unité. Il est persuadé que sa fille kidnappée est avec les furtifs. Dans un monde où la déconnexion des furtifs rejoint la critique du capitalisme, cette enquête vertigineuse va se télescoper avec le portrait de communautés soulevées contre la surveillance.

Extrait
“C’est fou la force de ce mot. C’est un coup de feu à bout portant avec une balle d’amour dans la bouche. Ca te dit que tu existes comme tu n’as jamais existé pour personne. C’est un appel qui happe le présent pur, il t’avale. Il t’oblige à être ici : ici même, hic. Tu ne sais pas ne pas y répondre, parce que voilà : tu es là, elle est là et son appel jette une passerelle vers toi que tu n’empruntes même pas : elle te traverse de part en part, elle te crée deux bras en plus, des jambes en mieux, un visage et une voix doubles. Un nous. Papa. C’est le premier mot qui sort un jour des lèvres de ton bébé et qui veut dire 'lié'. Deux. Fonduensemble. Plus jamais seuls. L’unique mot absolument plein de la langue. Quand Tishka a disparu, plus aucun mot n’a jamais eu cette force, cette violence solaire. Sahar m’appelait 'Lorca' bien sûr, mais Lorca sonnait comme une coque creuse.

- Papaaa !”

Instinct paternel écorché

Vous l’aurez compris, Alain Damasio est un anti-capitaliste. Héritier de Gilles Deleuze, il n’a pas caché son soutien à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Par le plus grand des hasards, il y a toujours dans ses livres un universitaire ou un érudit pour défendre “une politique du vivant”. Parfois dévoilée à gros traits dans La Zone du dehors (son premier livre) et Les Furtifs, cette pensée peut exclure ceux qui goûtent peu la critique du libéralisme. Cette radicalité est aussi la force de l’écrivain : il dénote dans le paysage culturel.

Les 700 pages du pavé contiennent de véritables instants de grâce : la première capture d’un furtif par Lorca Varèse, l’armée infiltrée chez les émeutiers pour l’occupation d’un immeuble, les courses-poursuites désespérées entre milices et furtifs...

Alain Damasio est l’un des plus beaux stylistes de la littérature française, tous genres confondus. Édité chez La Volte, il mobilise comme personne le récit choral, les néologismes, l’argot et la typographie pour écrire des livres déroutants. L’écrivain revient en plus avec un sujet simple mais universel : un père à la recherche de sa fille. Quand l’inquiétude politique rencontre cet instinct paternel écorché, nous sommes pris aux tripes.

Alain Damasio, Les Furtifs, La Volte, 704 pages, 25 euros.

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DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Empty Re: DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION

Message par Invité Ven 21 Juin - 22:43


CYBERADDICTION
Patlotch a écrit:ce n'est pas en surfant sur Internet qu'on est très averti de ses inconvénients. Voir la proportion d'articles sur le sujet dans Google déconnexion internet avantages
Internet : les bienfaits de la déconnexion
Mélusine Martin La Tribune 06/09/2018
   
Ce que les scientifiques préconisent pour soigner la « cyberaddiction » contemporaine, qui affecte notre qualité de vie et nos capacités de concentration. Par Mélusine Martin, Sorbonne Universités

DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Cyberaddiction
La cyberaddiction, un mal de plus en plus courant. (Crédits : DR)
Mes yeux s'ouvrent et contemplent les palmiers sur fond bleu qui miroitent sous l'éblouissant soleil australien. C'est une belle journée qui commence tranquillement. Machinalement, je cherche mon smartphone des mains sur la table de nuit pour consulter mes messages en attente. Je ne suis pas encore levée que déjà le monde me demande. Je sens une tension diffuse se propager dans ma poitrine, descendre le long de mes bras, et atteindre le bout de mes doigts qui pianotent sur l'écran digital. En une fraction de seconde, la journée est passée au rythme numérique. J'ai quitté le présent pour un monde virtuel.

C'est un fait, nous passons de plus en plus de temps sur Internet. Parallèlement à cela, un nombre croissant de personnes cherchent à s'en déconnecter. Tout en appréciant les avantages des technologies numériques, elles souhaitent établir des limites afin de ne pas être joignables en permanence. Mais pourquoi vouloir se déconnecter d'Internet ? La communauté scientifique avance trois raisons majeures : passer du temps en ligne diminue notre productivité, cela est addictif, et cela nuit à la santé.

Passer du temps en ligne affecte notre productivité

Je dois écrire un article scientifique suite à une conférence sur le réchauffement climatique. Il est temps que je m'y mette. Je m'installe à mon ordinateur. Document Word créé. Études scientifiques sélectionnées. Pile de livres à ma droite. Tisane d'ortie à ma gauche. J'ai une heure devant moi pour travailler sur cet article.

Fatalement, je suis connectée à Internet pour vérifier mes sources et peaufiner mon argumentaire. Fatalement, je reçois un ou cinq e-mails auxquels je ne réponds pas mais qui me déconcentrent. Mon téléphone vibre, mon ordinateur affiche des notifications, ma tablette m'envoie des annonces. Afin de gérer ce pic inattendu de cortisol, je tente de me calmer en regardant des photos sur Instagram, une vidéo sur YouTube et quelques posts sur un blog. Au final, j'ai perdu 20 minutes.

Ce scénario vous paraît familier ? Selon une étude menée par Microsoft, la capacité de concentration de l'homme est passée de 12 à 8 secondes en dix ans. La cause ? L'omniprésence des écrans. Une étude de l'université de Californie à Irvine montre que travailler en étant constamment interrompu augmente le niveau de stress, car on a tendance à travailler plus vite pour rattraper le temps perdu. Aujourd'hui, une personne sur quatre vérifie son smartphone toutes les 30 minutes et 25 % des Millennials le consultent plus de cent fois par jour. Des comportements qui affectent notre productivité et augmentent notre niveau de stress.

Internet est addictif
FOMO (fear of missing out), « digital detox », ou « slow technology » sont des expressions que vous avez déjà peut-être entendues. La société post-industrielle est en train de réagencer ses fondations autour du digital. On l'utilise partout, tout le temps, pour travailler, contacter ses proches, faire les courses, gérer son compte bancaire, préparer les prochaines vacances ou s'occuper des devoirs des enfants.

Ce qui était initialement conçu comme un outil est en train de devenir une obsession. Est-ce que vous perdez la notion du temps quand vous surfez le Web ? Vous ne pouvez pas vous empêcher de regarder votre smartphone lorsqu'il vibre ? Vous paniquez si vous oubliez votre téléphone à la maison ? Vous êtes peut-être accro au digital. Des études menée aux États-Unis et en Europe rapportent que 38 % de la population globale souffre de trouble de dépendance à Internet (TDI), également nommé cyberaddiction. L'une des causes avancées pour expliquer cette addiction est une altération physique du cerveau au niveau structurel. En effet, l'usage d'Internet affecte certaines parties du cerveau préfrontal associées au souvenir de détails, à la capacité à planifier et à hiérarchiser les tâches, nous rendant ainsi incapables d'établir des priorités dans notre vie. En conséquence, passer du temps en ligne devient prioritaire, et les tâches de la vie quotidienne passent après.

Internet nuit à la santé
Une des questions que je pose fréquemment aux participants d'une étude réalisée pour ma thèse sur les relations de l'homme à la nature à l'ère digitale est « Comment vous sentez-vous après une heure et plus passées devant un écran ? » J'attends encore de rencontrer la personne qui me répondra qu'elle se sent mieux. Les réponses oscillent généralement entre « fatigué » et « vidé ».

Des études prouvent qu'il existe une forte corrélation entre dépression et temps connecté. Sur Internet, on cherche à établir une relation à l'autre, une relation au monde. On se connecte aux autres, mais on se connecte mal. Le Dr Hilarie Cash pense que l'élément manquant est la résonance limbique qui ne peut se produire que lorsque deux êtres sont en présence physique l'un de l'autre. La résonance limbique est un échange énergétique qui libère, dans la partie limbique du cerveau, des composants chimiques essentiels au bien-être physique et émotionnel. Selon Cash, plus nous passons de temps en ligne afin de nous connecter aux autres, plus nous déprimons. Peut-être est-il temps de revoir nos priorités et de cesser d'abdiquer notre pouvoir à ce rectangle de polymère qu'est notre smartphone ?

Adoptez la slow technology !
Maintenant, quand je me sens débordée par les sollicitations constantes et imprévisibles de ma connexion wifi, juste avant d'étouffer, je débranche. Le mouvement en faveur de la slow technology répond précisément au besoin d'une approche raisonnée de notre consommation digitale. De plus en plus de professionnels proposent des retraites de digital detox où l'on prend le vert et laisse son portable éteint. Il est possible de mettre en place, dès à présent, quelques trucs et astuces pour rétablir un équilibre dans votre relation au numérique, et aussi retrouver un bien-être physique et mental.

Voici quelques solutions slow tech faciles à adopter :

Ressortez votre vieux réveil à pile. Arrêtez d'utiliser votre portable comme réveil, et pensez à le laisser hors de votre chambre à coucher.

Mettez en place un jeûne digital alterné. Il s'agit de prendre conscience du temps que l'on passe scotché à son écran et de le diminuer. Plus de smartphone ni d'ordinateur après 19h, ou déconnexion complète un jour par semaine (par exemple le dimanche). Par exemple, vous pouvez vérifier vos e-mails le samedi soir avant 19h et plus rien jusqu'au dimanche soir, 19h.

Bougez. Le temps passé devant un écran est généralement du temps passé immobile. Faites le choix d'aller à l'encontre de cette tendance statique et offrez à votre corps et votre esprit les bienfaits antidépresseurs de l'activité physique.

Passez du temps dans la nature. De nombreuses études montrent que la nature a un effet calmant sur le système nerveux, renforce le système immunitaire, fait baisser la tension artérielle et booste même la capacité visuelle mise à rude épreuve par trop de temps à fixer un écran.

Trouvez du soutien dans cette démarche qui va à contre-courant de la tendance générale de surconsommation et de surconnection.
Non, vous n'êtes pas seul. Oui, il existe d'autres manières de vivre. Vous pouvez prendre part à des activités de groupe vous permettant de vous recentrer sur vos sens et votre ressenti. Par exemple, apprendre à jouer d'un instrument de musique, à sculpter le bois, à jardiner - même si vous habitez en ville, etc.
J'ai toujours en bouche le goût d'éternité, l'impression de lenteur, qui teintaient d'un ennui apaisant les jours de ma vie pré-Internet. Je n'oublie pas que l'on peut vivre sans Internet même si le monde nous impose aujourd'hui de vivre avec. Je m'inquiète de voir des enfants de trois ans savoir se servir d'une tablette avant même de savoir écrire ; des enfants qui, parce que l'humanité est muée par des forces qui la dépassent et la modèlent sur la voie du progrès, ne connaîtront pas de vie sans Internet. Parce que l'on ne revient pas arrière. Et vous, qu'en pensez-vous ? Comment gérez-vous votre relation au numérique ? Laissez un commentaire ci-dessous et poursuivons cette conversation.

The Conversation _________

Par Mélusine Martin, PhD Candidate - Histoire et Dynamique des Espaces Anglophones, HDEA (Paris IV) and Environmental Sociology (James Cook University), Sorbonne Universités

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Empty Re: DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION

Message par Invité Dim 23 Juin - 14:09

complété
COUPURES D'INTERNET
PAR LES ÉTATS OU DES PANNES
deux exemples, des conséquences opposées ?

DOMPTER SA DÉPENDANCE ?
bilan de mon usage d'Internet et des réseaux sociaux

POURQUOI LA VRAIE POLICE DU WEB EST LE CAPITAL AUTANT QUE L'ÉTAT ?
le modèle des échanges humains "affectifs" proposé et imposé
n'est rien moins que l'échange marchand du capitalisme :
l'idéologie capitaliste comme aliénation/domination, c'est ça
Patlotch a écrit:ceux qui misent sur l'usage "révolutionnaire" du Web et des communications numériques en général par les portables, en mettant en avant les "révolutions arabes" ou l'utilisation des réseaux sociaux par les Gilets Jaunes, ignorent-ils que les États et les compagnies maîtresse des tuyaux, qui n'ont rien d'«immatériels», peuvent les couper à leur guise, ce que ne manquent pas de faire les premiers en cas de danger pour eux. Un premier article montre l'augmentation de ces blocages étatiques

en cas de pannes, assez fréquentes à petite échelle et plus ou moins longues, ne serait-ce qu'en raison de celles de l'électricité, les populations découvrent leur dépendance pour des activités de la vie quotidienne, sans parler de l'impossibilité d'obtenir des informations ou d'avoir les contacts administratifs, professionnels ou militants qui ne passent plus que par le canal d'Internet. Quant aux activités de travail, on pourrait se réjouir de leur empêchement, si n'étaient aussi celles des service de santé et d'urgences diverses. Un second article illustre un cas d'isolement d'une dizaine de jours et de réactions de la population

une troisième partie est relative à mon expérience personnelle et à mon ressenti de l'usage du Web et des réseaux sociaux, très singuliers il est vrai, entre addiction, utilisation maîtrisée et observation socio-psychologique, 90% de mon temps sur Internet ayant pour objet l'observation, la diffusion de mes diverses expressions et la critique. J'explique mon revirement récent dans leur usage
Les blocages d’Internet par les autorités en forte hausse dans le monde
Marion Simon-Rainaud 01.net 17/06/2019

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Capture d'écran du rapport Keep it On,
qui recense le nombre de coupures d'internet dans le monde tous les ans.
- Access Now
Dans son rapport annuel, Acces Now, une ONG qui défend les libertés numériques, s’inquiète de l’augmentation des coupures volontaires du Web, notamment en Asie et en Afrique. Et le plus souvent lors de périodes électorales ou de protestations.

196. C’est le nombre de blocages d’internet qui ont eu lieu durant toute l’année 2018 dans 25 pays différents. L'ONG Access Now, qui coordonne une campagne pour un libre accès à internet baptisée « Keep it on » (Laissez le branché), fait état de ce chiffre inquiétant dans son rapport annuel [PDF], présenté lors du sommet international sur les libertés numériques RightsCon, à qui avait lieu du 11 au 14 juin, à Tunis.

De manière générale, le nombre de coupures volontaires a augmenté par rapport aux années précédentes. Access Now avait décompté 75 blocages en 2016 et 106 en 2017 -même si cette hausse est partiellement due à une amélioration des techniques de détection.


@webfoundation a écrit:12:27 - 14 juin 2019

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196 documented internet shutdowns.
25 countries affected.@btayeg & @accessnow explore the state of internet shutdowns around the world in 2018.

Read the #KeepItOn Report: https://www.accessnow.org/cms/assets/uploads/2019/06/KIO-Report-final.pdf

Ce chiffre est aussi gonflé par la multiplication des pays qui ont eu recours à ces techniques autoritaires. Cette année, l'ONG a recensé des coupures dans des contrées où il n’y en avait jamais eu auparavant, comme le Bénin, pourtant riche d’une culture démocratique solidement encrée.

Inde, premier sur les blocages internet en 2018
Sur l'année 2018, les régions les plus touchées sont l'Afrique et l'Asie. L'Inde est particulièrement touchée. À elle seule, elle recense 134 blocages, essentiellement locaux.

« L'Inde est un acteur majeur en terme de blocage d'Internet, et d'autres gouvernements en tirent des leçons »
, explique le rapport, précisant que les coupures massives ont laissé place à des coupures plus ciblées.

Les gouvernements des pays concernés assurent que ces coupures permettent de protéger la population (91 cas) garantir la sécurité nationale (40 cas) ou encore lutter contre la désinformation et les incitations à la haine (33 cas). La quatrième cause de blocage recensée est une période d’examen (11 cas). Une mesure pour le moins radicale afin d'éviter la triche.

Mais c’est aussi et surtout effectivement un outil de censure, voire de répression, très efficace. « Ce que l'on constate sur le terrain, c'est que les gouvernements coupent Internet quand il y a des manifestations, des élections », a déclaré Berhan Taye, une des auteures du rapport. À l’appui, un graphique qui confronte les justifications officielles et les « faits » (voir ci-dessous). Par exemple, en République Démocratique du Congo, l'internet a été interrompu pendant 21 jours après la présidentielle de décembre 2018, selon l'ONG.


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La fermeture du réseau peut cependant répondre aussi à de réelles conditions exceptionnelles. C'est ce qu'il s'est passé dernièrement au Sri Lanka après les attentats d'avril 2019 pour éviter la propagation de fausses informations.

Un nombre qui explose déjà en 2019

Pour l’instant, en 2019, 70 blocages ont déjà été recensés, notamment au Soudan et au Venezuela, au bord de la guerre civile.

« Le Soudan est un exemple catastrophique de la façon dont les droits de l'Homme sont violés quand Internet est bloqué : l'Internet n'est pas un luxe, ce n'est pas seulement pouvoir [...] mettre des photos de ce qu'on mange sur Instagram »,
souligne la militante. Avant d’ajouter : « C'est aussi pouvoir localiser ceux qu'on aime et savoir dans quelle morgue ils se trouvent pour les enterrer quand ils ont été tués par des milices. »

Autre exemple certes un peu différent : Hong Kong, en proie à des troubles politiques vis-à-vis de la Chine dont elle dépend. Selon le cofondateur de Telegram, Pavel Durov, la messagerie cryptée a été victime d'une cyberattaque majeure, jeudi 13 juin, provenant de Chine, alors que l'application était largement utilisée pour coordonner les manifestations contre un projet de loi controversé visant à autoriser les extraditions vers Pékin.


@durov a écrit:00:54 - 13 juin 2019 En réponse à @DefTechPat @telegram
IP addresses coming mostly from China. Historically, all state actor-sized DDoS (200-400 Gb/s of junk) we experienced coincided in time with protests in Hong Kong (coordinated on @telegram). This case was not an exception.

Pendant ce temps-là, en Chine continentale, toutes les informations à propos des protestations à Hong Kong ont été filtrées. Sur le réseau social dominant Weibo (équivalent chinois de Twitter), la recherche des mots «manifestations à Hong Kong» ne mène qu'aux communiqués du ministère chinois des Affaires étrangères qui les ont qualifiées d'«émeutes» ou de «comportement qui met en péril la paix et la stabilité à Hong Kong». Et les autorités a déclaré « ne pas être au courant », selon l'AFP.

Dans un monde ultra connecté, le travail de décryptage mené par l'ONG Access Now illustre combien l'accès au réseau -et donc, à l'information- est un enjeu démocratique de premier plan.

Source : Access Now

Une panne Internet a rapproché les habitants des îles Tonga
Plongés dans un "noir virtuel", ils ont dû changer leurs habitudes.
Le Huffpost/AFP 5 février 2019

L'archipel des Tonga, royaume reculé du Pacifique Sud, a subi pendant deux semaines une panne informatique qui a provoqué casse-tête financiers et panique générale, mais aussi contraint les habitants à redécouvrir la vie sociale réelle.

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Parc national du mont Talau, Tonga.
Les 170 îles du royaume ont été privées d'internet pendant deux semaines.

Le royaume s'est soudain retrouvé plongé dans le noir virtuel le 20 janvier. De nombreuses entreprises ont dû se mettre à l'arrêt, tandis que l'accès aux réseaux sociaux, qui représentent une importante porte d'entrée sur le monde, était impossible.

"On a dû apprendre à se parler sans messagerie internet", raconte Joshua Savieti, qui travaille dans les arts créatifs. "On ne savait rien, on ne savait pas ce qu'il se passait, on n'avait pas d'informations, on ne savait pas s'il y avait un cyclone".

Il a fallu 13 jours pour trouver l'origine de la panne, une rupture de câble sous-marin, et pour reconnecter ces îles de 110.000 habitants situées à près de 2.400 kilomètres au nord-est de la Nouvelle-Zélande.

Pendant le blackout, l'archipel s'est contenté d'une connexion locale par satellite, bien moins puissante, et ne permettant que des services limités.

Les réseaux sociaux tels que Facebook et YouTube ont été bloqués afin d'économiser de la bande passante au profit des activités essentielles. Les gens ont donc été privés de contacts avec leurs proches à l'étranger, et les entreprises travaillant via Facebook ont été paralysées.

Beaucoup se sont rendus compte à quel point ils étaient dépendants de l'internet à peine cinq ans après la mise en service de ce câble à fibre optique de 827 kilomètres de long.

Bars bondés et pharmacies vides
Certains faisaient la queue pendant des heures pour avoir accès au service satellite mais d'autres s'occupaient de leur jardin ou allaient voir les gens en face à face.

"En fait, je me suis dit que c'était plutôt pas mal d'être évincé de l'internet, de reparler aux gens, d'aller dehors et de voir ce que tout le monde était en train de faire", a poursuivi M. Savieti. "Plein de gens sont sortis, ils allaient dans les bars, tout était plein".

Cette pause forcée n'a pas fais que des heureux. Les stocks de médicaments ont atteint un niveau critique sur certaines îles, et le directeur du ministère de la Santé, Siale 'Akau'ola, a perdu le contact avec les postes gouvernementaux des îles éloignées.

"Il y a des zones dans un état critique, la plupart ont besoin de se voir confirmer leurs approvisionnements, les dates. On était dans le noir et certains stocks étaient à des niveaux dangereusement faibles", précise le directeur. "C'est sûr que cela allait avoir un impact sur toute une série d'opérations".

Les îles Tonga sont très dépendantes des liaisons internationales pour leurs approvisionnements ainsi que des revenus touristiques vitaux. L'absence d'internet a provoqué de sérieux problèmes pour effectuer et confirmer les paiements.

Les banques étaient dans l'incapacité de traiter les transferts, plongeant dans la difficulté les familles dépendantes de l'argent envoyé par leurs proches travaillant à l'étranger.

Sam Vea, agent pour les Tonga de l'empire de livraison express DHL, a expliqué que la première semaine de panne avait provoqué "de graves problèmes" pour l'entreprise.

Revenus en baisse
"Nous n'avons pas pu expédier nos marchandises car il faut poster des documents avant qu'elles ne soient chargées sur un avion, poursuit Sam Vea, on a vraiment besoin de cette connexion. C'était l'aspect effrayant. Et on ne savait pas combien de temps ça allait durer".

Des petites entreprises qui se servent de Facebook pour promouvoir leurs services ne pouvaient plus prendre de réservations en ligne. A Nuku'alofa, la capitale, Taiatu 'Ata'ata, gérante d'un hôtel, estime qu'elle a perdu "des milliers de dollars" en réservations.

Lee Latu, lui, tentait de gérer son hôtel situé dans l'archipel Vava'u "sans avoir la moindre idée si je devais aller chercher des gens qui auraient réservé".

Caryl Jones, un comptable, raconte qu'il n'a pas pu remplir les déclarations fiscales mensuelles de nombreux clients: "J'ai des clients qui m'envoient l'information par mail, d'autres dont les comptes sont dans le cloud et qui ne pouvaient donc pas accéder à leurs comptes".

D'autres problèmes se sont posés quand le câble, qui rejoint celui de la Croix du Sud reliant l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Hawaï et la partie continentale des Etats-Unis, a été réparé. Par exemple, lors d'un procès pour meurtre à Nuku'alofa, le juge Charles Cato a dû rappeler aux jurés que le retour d'internet n'était pas une raison valable pour consulter son compte Facebook pendant l'audience.

La cause exacte de la panne n'a pas été déterminée, mais l'hypothèse d'une ancre de navire qui aurait arraché le câble semble la plus plausible.

RÉSEAUX SOCIAUX : UNE EXPÉRIENCE DÉSESPÉRANTE, UN BILAN DÉSASTREUX
Patlotch a écrit:je ne vais pas raconter d'histoires à ma lectorate, qui peut constater que je suis parfois en ligne une bonne partie de la journée ou de la nuit. Cela a pu varier d'un jour à l'autre d'une heure à douze ou quinze, ou diminuer fortement si je suis à d'autres occupations complètement déconnectées, chose qui devient fréquente

j'ai toujours soutenu qu'il y a des usages plus ou moins contraints ou libres du web, par le travail, les activités sociales et collectives choisies, ou l'expression personnelle, y compris la recherche en amont d'information et documentation. Celle-ci et l'écriture ne diffèrent que peu de la lecture de livres ou journaux et de l'utilisation d'une machine à écrire augmentée des tâches de mise en forme, édition, diffusion

hormis cet usage producteur/éditeur/diffuseur, j'ai la chance de n'avoir plus de contraintes professionnelles ni militantes, je n'utilise pas Internet pour l'achat en ligne, je reçois moins de 5 mails et sms par jour, et les réseaux sociaux, sans connexion portable, me servent essentiellement à la diffusion, portée à connaissance de mes productions écrites

réseaux sociaux
je ne les utilise que depuis mon ordinateur. Sur portable, je ne suis pas connecté. Sur Facebook, je n'ai plus qu'une "amie", une vraie, et aucun abonnement. J'y reste pour quelque veille ici ou là. En vérité je n'en ai pas découvert les vertus, si ce n'est de visiter quelques pages de mon choix. Je préfère Twitter. En 3 ans d'usage, j'ai dû m'abonner à plus d'un millier de comptes, jamais plus d'une centaine à la fois, sans quoi je suis noyé. J'expérimente un temps tel ou tel, et m'en désabonne si je n'y trouve plus d'intérêt en fonction des miens du moment. Actuellement, je n'ai plus aucun abonnement, si bien que ma vitrine est vide et le temps gagné d'autant par l'abandon du suivi de twittistes bien gentils ou très drôles, mais bon, dans la moyenne des bons bougres qu'on trouve partout, de préférence "anti-Macron" ou "de gauche" et l'exprimant sur divers registres

on peut avoir des échanges véritables avec une personne sur cent environ, ce qui donne une idée de ce qu'on appelle "communication". La pratique des RT (retweeter à ses abonnés) et "like" (j'aime) est symptomatique de la pauvreté des possibilités de réactions et du critère quantitatif pour apprécier le contenu d'un tweet comme sa propre popularité. Je l'ai bannie y compris quand j'apprécie vraiment quelque chose ou quelqu'un*. Je constate que mes tweets les plus lus, RTés ou likés ne sont pas et de loin ceux que je trouve les meilleurs, qu'il s'agisse d'une blague, d'un avis "politique" ou du renvoi à un texte. Les bons trucs, écrire clairement, éviter les séries de tweets (le premier est lu deux à trois fois plus que les suivants), choisir les bons #hashtags et cibles non abonnées, vous garantissent une meilleure réception au-delà de vos abonnés. Pour quelqu'un de drôle, gentil et sans exigence particulière, il est facile d'avoir un succès d'audience. La moyennerie, de classe ou de lieux communs tous azimuts, n'étant pas mon truc, autant m'en aller avant de péter un cable

* abonnements, "amis", like et RT sont la base sur laquelle Facebook et Twitter vous font des suggestions d'autres abonnements, de la même façon que la visite de sites commerciaux vous fait cibler par la publicité, et les logiciels de blocages (Adblock...) font que vous n'avez plus accès à certains articles. Signalons aussi (voir témoignage plus haut) que vos "amis" vous valent d'être sollicités par les sites commerciaux qu'ils ont visités... Autrement dit, au sens propre comme au figuré, aucun acte en ligne n'est gratuit. Le modèle des échanges humains "affectifs" proposé et imposé n'est rien moins que l'échange marchand du capitalisme

il faut savoir que la durée de vie moyenne d'un tweet est d'environ 4 heures, sauf s'il est retweeté, ce qui peut la prolonger quelques jours. Sans quoi, qui remonte dans les vieux tweets quand il est abonné à des centaines de comptes, et reçoit des tsunamis de tweets où se noie son attention ? Moralité : il ne faut pas hésiter à se retweeter de temps à autre pour toucher des abonnés absents au moment du premier envoi. Mes positions et mon absence d'indulgence et de complaisance sont un véritable repoussoir notamment pour les citoyennistes et gauchistes en tous genres, douche froide garantie, dont on se lasse. Si l'on ne me lit pas pour l'intérêt de mes analyses en accord ou pas avec elles, on se désabonne, d'où un plafond à la centaine d'abonnés, dont une bonne proportion pour autre chose que la théorie en soi, et une majorité qui en ont tellement d'autres qu'ils ne me prêtent plus attention. Bref il y a un plafond de verre pour les gens comme moi...

la lecture de mes tweets varie donc de quelques dizaines (la poésie) à quelques milliers (le truc marrant qui fait consensus, ou qu'approuvent certains qui le comprennent visiblement de travers). Le plus malsain est l'esprit fouille-merde, sous-flic des réseaux en puissance ; assez triste qu'une poème banal et sans invention, mais où j'écris que je ne regrette pas de « boire comme un trou », soit cinq fois plus lu que les autres...

suppression de ses anciens tweets, RT, "like"...
il existe des logiciels de suppression choisie, par mail, en masse par période, ou du tout, mais les versions gratuites de suppriment que 3200 tweets, et pas les archives, qu'il faut télécharger par demande sur son compte Twitter, puis supprimer avec une version payante. Les RT font partie des tweets et sont donc supprimés aux mêmes conditions. Les "j'aime" ne sont effaçables qu'un par un. Le premier jour, les tweets précédemment archivés ne s'affichaient pas. Ils sont remontés et j'ai pu faire le ménage, idem pour les "j'aime". Sur Facebook, les premiers temps de mon inscription, mon affichage sur Google est monté à plus d'un million d'entrées, puis est redescendu avec le temps, selon les moments  ~3.000 ou ~50.000. Quant à y effacer ses traces, c'est un parcours du combattant, j'ai renoncé

on peut à juste titre s'étonner de cette fermeture, de ma part un revirement total, mais 3 ans d'expérience, une fois désillusionné des possibles, m'ont amené à un bilan désastreux : le jeu n'en vaut pas la chandelle. C'est néanmoins une expérience incontournable si l'on veut savoir ce qui se passe sur les réseaux sociaux en général, et ne pas être complètement décalé avec les vertus du progrès cybernétique et ses ravages sur les comportements individuels, l'effroi devant ceux qui n'ont plus que ça pour "exister", tout à l'égo. On comprend que bientôt, la seule présence d'un robot pourra les rassurer, comme les vieux en EHPAD ou soignés à domicile

au total, l'expérience des réseaux sociaux est désespérante, car on y comprend que la plupart des internautes surfent et zappent, et sont fatigués au-delà de trois lignes, ce que recoupent les études sur la diminution de la capacité de concentration des enfants et des jeunes, mais devenus adultes depuis 20 à 30 ans qu'existent les télécommandes, jeux vidéos, etc. Internet comme fabuleuse source de connaissances est une chose, mais parallèlement les têtes se vident puisqu'elles n'ont plus besoin de mémoire et perdu le temps pour penser et même douter... Ce phénomène est indépendant des idées politiques, je n'ai pas constaté une plus grande distanciation chez les militants radicaux, puisque leur filtre est essentiellement dogmatique. Leur cerveau fonctionne donc en vase clos comme tournent en boucles identitaires entre eux les articles et textes qu'ils consomment à l'exclusion de ceux de leurs "ennemis" ou concurrents. Jeter un œil à la liste des abonnements de tel engagé politiquement montre qu'il ne s'intéresse généralement qu'à ses proches, ce qui, sans parler de l'absence de curiosité et d'ouverture, est de bien mauvaise stratégie

l'essentiel dans tout ça est de décider de ses actes, autant sans se laisser rien imposer qu'en chassant les petites habitudes confortables, parce qu'elles glissent inévitablement à la dépendance, à la flemme et à la sclérose volontaire 

inutile de jouir de la science-fiction à la Damasio (voir ma critique de Les Furtifs) avec sa projection effrayante en 2041, si c'est pour continuer aujourd'hui à participer à rendre la fiction réalité

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Message par Invité Lun 1 Juil - 11:46


suivi d'un documentaire en vidéo sur le contrôle social par Internet et les "connectés"


SI CE N'EST TOI, C'EST DONC TON FRÈRE
avec Google, ton cerveau Big Brother
Patlotch a écrit:loin le temps où je citais Henri Meschonnic : « Toute la connaissance est chez les autres. » C'était d'un temps où l'on pouvait choisir ses sources, d'abord les livres, puis sur le Web, via Google pourquoi pas ? Mais dès lors qu'on vous l'implante, plus de choix...

DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION 21477_1
deepack pal/Flickr
Des implants cérébraux pour apprendre instantanément et mettre Google dans votre tête
fredericmazue Programmez ! 28/06/2019
Dans le contexte de l'affaire DeepNude et des dangers de l'intelligence artificielle que celle-ci met en évidence, voilà que Nikolas Kairinos, fondateur et PDG de Fountech.ai, expert en intelligence artificielle, a accordé à Daily Star une interview qui donne à penser (pendant que c'est encore possible...)

Nikolas estime que d'ici 20 ans des implants cérébraux permettant de révolutionner l'apprentissage seront au point. Plus besoin de faire d'effort pour apprendre quelque chose :

Les humains entendraient instantanément dans leur tête les réponses à toutes les questions qu'ils pourraient se poser. [...] Sans faire de bruit ni taper quoi que ce soit, vous pouvez demander quelque chose comme: "comment dites-vous cela en français?" et instantanément, vous entendrez les informations de l'implant d'intelligence artificielle et vous pourrez le dire.

Nikolas continue sur sa lancée : Le besoin d'apprendre réellement quelque chose comme un perroquet va disparaître parce que nous aurons accès à cela instantanément [...] Google sera dans votre tête, et ce n'est pas exagéré [...] Ce sera comme avoir un assistant vraiment intelligent qui pensera presque comme vous.

La naissance du perroquet 2.0 en quelque sorte. Faut-il en rire, ou en pleurer, voilà la question.

Le plus sérieusement du monde, Nikolas conclut son interview : Je sais que ça sonne un peu mais c'est ringard, mais nous nous concentrons sur l'intelligence artificielle qui rendra le monde meilleur, une intelligence artificielle qui améliorera la vie des gens à grande échelle, dans le monde.

Bref les romans de science-fiction de Philip K Dick en train de devenir réalité...

Nikolas Kairinos, fondateur et PDG de Fountech.ai, estime que les implants cérébraux de GOOGLE devraient mettre fin au système éducatif tel qu’on le connait aujourd’hui, parce que tout le monde sera capable d’apprendre n’importe quoi instantanément. Selon Kairinos, cette technologie pourrait grandement améliorer nos vies et révolutionner la façon dont nous apprenons.

Dans une interview qu’il a accordée au site Daily Star, le chef d’entreprise a expliqué qu’il a travaillé sur une intelligence artificielle (IA) révolutionnaire pour « personnaliser l’éducation » et permettre à « n’importe qui d’apprendre à peu près n’importe quoi, en utilisant l’IA ». Il est persuadé qu’au cours des deux prochaines décennies, l’intellect humain pourra être boosté en un temps record grâce à des implants spéciaux qui vous déchargeront des opérations fastidieuses liées à la mémorisation.

D’après lui, les gens n’auront plus besoin de prendre la peine d’écrire les questions, car les réponses à ces questions leur viendraient « immédiatement et naturellement » à l’esprit. Cela mettrait fin au mode « d’apprentissage perroquet » qu’on retrouve dans les écoles et toute personne âgée de 8 à 80 ans sera capable d’apprendre « à peu près tout » à son rythme grâce à une technologie innovante qui « adapte son style d’enseignement, sa voix, l’heure à laquelle elle vous parle à chaque individu », a-t-il suggéré.

À ce propos, il a déclaré : « Google sera dans votre tête et c’est peu de le dire. Ce sera comme avoir un assistant vraiment intelligent qui pensera presque comme vous ». Kairinos est persuadé qu’en ce qui concerne l’intelligence artificielle dans l’apprentissage, « nous ne faisons que gratter la surface » et « nous ne devrions pas penser que l’apprentissage sur mesure par l’IA est quelque chose que nous ne verrons pas avant des décennies ».

[...]
DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Googlebrain
Patlotch a écrit:ché pas vous, mais moi ça me donne envie, à cette aulne, de demeurer le « perroquet de l'apprentissage » que je serais, ou, si tel est le critère de l'intelligence, artificielle ou pas, de rester con

NI DIEU, NI MAÎTRE, NI IMPLANT GOOGLE !

DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Z

Patlotch a écrit:du site Trouble découvert par lundicematin, Technologie et contrôle social, tout-à-fait dans notre sujet. Documentaire en anglais sous-titré en français sur vimeo



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Message par Invité Jeu 4 Juil - 8:03


BALADE HEURT

Patlotch a écrit:j'ai peine à le croire, Le Walkman de Sony fête ses 40 ans  Le premier que j'ai tenu en main était un Sony qu'avait ma compagne venue du Japon, et je n'en ai possédé un qu'au milieu des années 90, dont je me servais pour travailler l'oreille ou le rythme dans le métro mais aussi... en marchant

le chanteur virtuose Bobby McFerrin suggérait en 1984 de s'en passer...




Say what?
Say what?
When you're walking down the street
And you got your walkman and you're walkin' to the beat
And you got your walkman and you're walkin' to the beat
Say what?
Let me tell you somethin'
What i prefer
Instead of listnin' to the music in your ears
Try singing to yourself
Let me tell you somethin'
Say what?
Instead of puttin' on your walkman
Instead of puttin' on your walkman
Try singing a tune
Try singing
All kinds of beats for all kinds of feets

Hey what
Say what
Real soulful beat, when you wanna look cool
People sayin' "hey, how you get to walk like that"
You say "well i'm my own walkman"
I'm my own walkman

Le Walkman de Sony fête ses 40 ans
Une success story pour le japonais
Marco Mosca, LesNumériques, 2 juillet 2019

Le 1er juillet 1979, Sony commercialisait au Japon le TPS-L2, son premier baladeur à cassette audio. Une révolution pour le fabricant japonais et pour l'écoute nomade de la musique.

DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Sony
Sony TPS-L2 (c) Flickr
Voici un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître. Une époque durant laquelle se promener dans la rue en écoutant de la musique avec un casque sur la tête relevait tout simplement de l'exploit. Difficile d'imaginer cela à l'ère du smartphone et du tout mobile. Et pourtant, en lançant le 1er juillet 1979 son tout premier Walkman, Sony est sur le point de révolutionner l'écoute nomade de musique en inventant le baladeur à cassette audio portable. Un pari un peu fou porté par la division Tape Recorder du groupe à la demande du patron de l'époque, Akio Morita. Le Walkman, fabriqué à 30 000 unités, est commercialisé au prix de 33 000 yens. Il s'en vendra 150 millions d'exemplaires, tous modèles confondus, en 25 ans.

Seulement deux ans plus tard, le mot Walkman intègrera le Petit Larousse et deviendra un terme générique pour désigner tous les baladeurs audio nomades. Retour en vidéo sur cette success story pour le groupe japonais.


gldump92 a écrit:gldump92 le 3 juillet 2019 à 15h22
Quand j’ai demandé ça comme cadeau d’anniversaire mes parents m’ont regardé de travers…
Déjà parce que ça coûtait une blinde et surtout qu’à l’époque on voyait les porteurs de walkman comme des loufoques.
Je me demande ce que ces mêmes gens diraient aujourd’hui des porteurs de casques audio qui roulent à trottinette  Very Happy
En attendant, l’apparition du walkman a changé mes voyages dans des RER déjà bondés en quelque chose de plus supportable.
Le monde avait un air moins laid avec de la musique dans les oreilles !


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Message par Invité Dim 14 Juil - 8:06


DAMASIO : UN FUTUR DÉJÀ DÉPASSÉ
Patlotch a écrit:interview d'Alain Damasio intéressante car une des plus précises quant à sa compréhension du capitalisme et de la manière d'en sortir. J'ai déjà dit mon appréciation de sa démarche de création tout en prenant mes distances avec le côté "gauchisme esthétique" de sa conception de son dernier roman, un avis qui se confirme ici. Il y a néanmoins nombre d'échos avec mes points de vue, notamment dans la logique de ce sujet. Ce qu'on pourrait reprocher à son roman " de science-fiction", et qui se lit entre les lignes ici, c'est qu'il s'agit d'une projection sur la vie en 2040 de ce qui se passe maintenant, ou plutôt depuis 15 ans, le temps d'écriture de ce livre (certains spécialistes de la science-fiction ont relevé le retard de Damasio quant aux évolutions mêmes de la techno-science)

cette projection présent > futur, du fait même qu'elle met de côté, comme l'écrivain en tant qu'idéologue et militant, l'économie politique, à la manière revendiquée de lundimatin ou du Comité Invisible et suivant la philosophie de Deleuze ou Foucault, passe à côté d'effets de la crise et notamment de la probabilité de la guerre. Mais en 2040, on sera très loin, en matière de capitalisme et d'anticapitalisme, de la sorte de ZAD généralisée que Damasio voit comme « la seule manière de retourner le capitalisme »

le plus positif est ce qui concerne le vivant, les chemins de la subjectivation individuelle et collective, qui n'est pas sans rejoindre mon usage du concept de Raymond Williams, Structure of Feeling

je mets en gras quelques idées que je partage, et quelques commentaires en bleu


Comment vivre dans des villes privatisées, où notre attention est contrôlée et sollicitée en permanence, et nos corps pistés à chaque instant ? Le dernier roman d’Alain Damasio, dont l’action se déroule en 2040, explore ce monde possible, avec justesse, de manière sensible et réaliste. Il nous invite à sortir d’urgence de nos « techno-cocons », à expérimenter de nouvelles manières d’être au monde et de résister, pour reprendre le contrôle sur nos vies. Attention, entretien décapant.

DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Arton7425
Alain Damasio en visite sur la Zad de à Notre-Dame-des-Landes, dans l’ancienne bibliothèque du Taslu, celle qui était accessible aux handicapés / :copyright: ValK

Patlotch a écrit:2040, en France. Dans une société ultra-libérale où les villes ont été rachetées par des multinationales, où l’attention de chacun est sans cesse captée et sollicitée au risque de rendre fou, on découvre l’existence des Furtifs, des créatures à la vitalité hors norme, qui vivent dans l’angle mort de la vision humaine. Toujours en métamorphose, elles métabolisent les éléments sur leur passage, transformant l’espace dans lequel elles vivent – et les gens qui croisent leur route. Dans ce monde qui ressemble au nôtre dans ce qu’il peut produire de pire, Lorca Varèse, sociologue pour communes autogérées, et sa femme Sahar, proferrante dans la rue pour les enfants que l’éducation nationale a abandonné, partent à la recherche de leur fille disparue, et à la rencontre de ces créatures.

Avec Les Furtifs (La Volte, 2019), Alain Damasio signe une critique fine et acerbe du capitalisme cognitif, de notre capacité d’auto-aliénation, du confort de nos techno-cocons où l’on se sent si protégés. Avec un langage créatif qui se renouvelle sans cesse, il trace des lignes de fuite possibles, des modes de résistance, dans une grande fresque magique, magnifique et émouvante, qui invite à changer radicalement notre regard sur le monde et sur le vivant.

Basta ! : Que pourraient incarner ces drôles de créatures, les « Furtifs », dans la société d’aujourd’hui ?

Alain Damasio : Ce sont des poches de liberté, des brèches dans un monde de plus en plus contrôlé, pas seulement par les multinationales ou les gouvernements, mais aussi par nous-mêmes : un père demandant à sa fille d’être « ami » sur Facebook pour voir ce qu’elle y poste, un enfant qui regarde l’historique de navigation de ses parents, un patron employant un hacker pour regarder quel salarié il embauche, ou réciproquement le salarié qui « googlise » le futur patron avant un entretien d’embauche… Nous sommes tous dans ces logiques de panoptique, où nous essayons d’avoir un maximum d’informations. Cet empire du contrôle et de l’intra-contrôle s’est étendu, notamment grâce au numérique qui lui apporte une extension incroyable.

Passer huit heures par jour sur internet, sur nos téléphones, c’est être dans un espace absolument contrôlé et contrôlable, qui produit sans cesse des informations : cliquer, scroller, envoyer une vidéo, écrire un message, tout acte à l’intérieur de ce réseau laisse une trace, archivable et récupérable, qui peut ensuite générer un historique et des corrélations. Nous nous y sommes habitués. Je crois que les digital natives ne sont plus du tout conscients de ça. Les Furtifs est une tentative d’imaginer l’envers de cette société de contrôle, et une façon de s’en extraire.

Pourquoi finit-on par accepter ces logiques de contrôle ?


Parce que cela nous donne du pouvoir. Avec un smartphone dans la main, tu as l’impression d’avoir une régie de contrôle sur le monde : aller dans une ville que tu ne connais pas, avoir accès à n’importe quelle info, etc. C’est un pouvoir immédiat et fascinant. Et beaucoup moins théorique que la lutte militante : pourquoi les syndicats rament, pourquoi si peu de gens aux manifs ? Parce que c’est beaucoup plus dur d’aller se battre dans la rue. C’est plus compliqué d’exercer un pouvoir sur la société, c’est long d’inverser les idées ultra-libérales qu’on a mises dans la tête des gens, sans forcément de résultats concrets. Le smartphone contrebalance cela : si tu es mal, tu vas t’y abriter et jouer à n’importe quel jeu avec un imaginaire de pouvoir très fort, dans lequel tu seras le roi du monde.

Les jeux vidéos, comme Call of Duty ou Fortnite, jouent beaucoup sur ce que j’appelle « l’antique désir d’être Dieu » : on n’y meurt plus, on peut sans arrêt ressusciter, on est puissant, on peut courir indéfiniment, être ici et ailleurs – tout ce qui limite ontologiquement notre condition d’être humain y est subverti. Le virtuel met en place un pouvoir de compensation par rapport aux pertes de pouvoir concrètes.

Nous vivons une sorte de servitude volontaire à la technologie ?

Le philosophe Byung-Chul Han l’explique très bien : le stade avancé du pouvoir libéral actuel, c’est de permettre aux gens de maximiser leur auto-aliénation. L’aérodynamique du pouvoir est géniale : les gens viennent eux-mêmes prendre dans l’armurerie proposée par les GAFA. Ils reprennent leurs outils, les applications, sans qu’on leur mette un flingue sur la tempe ou qu’on les y oblige. Parce que cela obéit à des lois du moindre effort, à un outillage de la paresse, à une forme de dévitalisation assez cool, à plein de choses consubstantielles à l’être humain.

Tu te sens globalement bien dans ce techno-cocon, cette matrice attentive. C’est l’endroit où tu vas te sentir un peu dorloté, choyé. Chez les ados, au moment où ils se confrontent aux difficultés de l’âge adulte et aux autres, c’est particulièrement marquant : là, ils peuvent filtrer leur communauté, regarder ce qu’ils ont envie, se distraire et se détendre… Alors pourquoi ne pas y aller ? C’est très difficile de leur expliquer qu’un désir, ça se construit. Et que la vitalité vient aussi de l’extérieur et de l’altérité.

Qui, aujourd’hui, porte une critique intéressante sur notre rapport à la technologie ? Quelles sont vos influences ?


Bernard Stiegler, quand il parle des psychopouvoirs, avec une empreinte mentale et psychologique forte [1] : comment notre attention est sollicitée, captée, manipulée. C’est aussi ce que raconte Yves Citton dans son livre Pour une écologie de l’attention (Seuil, 2014). Dans Mythocratie, sur les imaginaires de gauche, il décrit également la fabrication des mythes et comment les séries TV, les pubs, impactent le vote ou le comportement des gens. La Silicon Valley par exemple a été extrêmement influencée par le « cyber-punk » et tout cet imaginaire construit dans les années 1970.

C’est d’ailleurs un grand débat entre auteurs de science-fiction : le cyber-punk est-il mort ou pas ? L’idée que l’accouplement avec la machine soit émancipateur et génère des expériences de vie intéressantes a été dévaluée. On voit bien que ça ne marche pas… Certains disent que le cyber-punk est dépassé parce que nous avons déjà des existences cyber-punks ! Le smartphone dans la poche n’est certes pas greffé à ton corps, mais ça reste l’extension physique la plus puissante de toi-même : c’est ton œil pour filmer, ton archive mémorielle, ton outil de communication... En cela le cyber-punk a quand même gagné. Et l’imaginaire du transhumanisme, alimenté par les riches libertariens de la Silicon Valley, est devenu le mythe contemporain de l’accroissement de pouvoir, répondant au « désir antique d’être Dieu ».

Le transhumanisme est-il une nouvelle religion ?

Lorsque les gens vivent un manque affectif et émotionnel, cela génère des forces réactives assez mauvaises. Le transhumanisme vient se connecter à cela, comme toutes les religions avant lui. C’est un mouvement para-religieux très fort, avec les mêmes logiques : d’abord un terreau de désaffection du corps, qui est méprisé, considéré comme de la viande. Ce qui compte, c’est le cerveau, réduit à une machine. Il y a ensuite la prophétie, le moment où les machines vont faire advenir l’intelligence artificielle (IA) – avant c’était prévu pour 2029, maintenant c’est 2045... C’est l’idée même de la « parousie », ce moment où Jésus doit redescendre sur Terre, sauf qu’avec le transhumanisme, c’est l’IA qui va arriver pour gérer tous nos problèmes.

L’espèce humaine a besoin de générer ce genre de mythes pour interpréter ce qui agit sur sa vie. Le mythe de « l’IA toute-puissante » vient répondre à un bordel que nous avons créé : aujourd’hui, la technostructure est tellement dense que personne ne comprend ce que font réellement les IA, même ceux qui en créent la boîte noire. Et aucun être humain n’est évidemment capable de traiter les données du « big data ». On crée des systèmes qui échappent complètement à l’être humain, que personne n’arrive à maîtriser. C’est une dépossession. Une fois que ça a bien purulé et bien enflé, qu’on est noyé sous tout ça, intervient le mythe. Les mythes sont des symptômes.

Face à cette situation, vous défendez le « vivant » : qu’est-ce que cela veut dire, concrètement ?

C’est renouer avec la nature, les arbres, les plantes… Cela ne veut pas dire embrasser des arbres, mais simplement comprendre comment le vivant s’interconnecte et comment nous sommes en symbiose avec lui. C’est aussi renouer avec les « ancestralités animales », qui sont consubstantielles à ce que nous sommes, et communes à plein d’espèces.

L’humain est habité par des affects, des percepts et des concepts. [Damasio tire ça de Deleuze/Guattari Qu'est-ce que la philosophie ?]. Les affects, c’est tout ce qui vient nous toucher, les émotions, la sensibilité – le pouvoir d’être affecté, comme dirait Spinoza. Les percepts, c’est comment on voit les choses, ce à quoi nous sommes attentifs. Pour moi, politiquement, c’est la clé : on ne changera pas la société si on n’agit pas sur le mode de perception des gens. Par exemple, il m’a fallu beaucoup de temps pour me rendre compte que je n’étais pas attentif aux enjeux de genre, notamment dans la prise de parole publique. J’étais du bon côté de la barrière : un mâle blanc qui n’en n’avait pas souffert. Mon mode de perception n’était pas assez éduqué. Et c’est parce qu’il a changé que mon comportement a changé : quand ta perception change, tout change.

Pareil pour l’écologie. Il y a plein de situations où je ne percevais pas le problème : balancer quinze litres d’eau potable pour évacuer un pipi qui ne gêne personne, et le faire dix fois par jour, je m’en foutais. J’ai appris à percevoir mon pipi autrement : constitué à 99% d’eau, qui ne pollue rien. L’écologie n’arrivera à rien tant qu’elle n’aura pas changé les modes de perception.

Enfin, troisième dimension, les concepts. Quand on rédige un tract, on s’adresse au rationnel. Quand on écrit un texte de sociologie ou d’économie, qu’on explique le nombre de kilos de CO2 dépensés en prenant l’avion pour Bali, c’est du rationnel. Mais ça ne marche pas, parce qu’on s’adresse à une seule « couche », alors qu’il faudrait parler aux trois dimensions à la fois. Être vivant, c’est être le plus possible dans son existence, dans des moments où tu sollicites ces trois dimensions.

Une de mes grandes révélations, c’est quand j’ai pisté des loups avec le philosophe Baptiste Morizot l’année dernière, dans le Verdon. Il n’oppose pas le concept à l’affect, pour lui tout marche ensemble : c’est « l’alliage incandescent des facultés ». Tu le sens quand tu fais le pistage avec lui : la dimension corporelle est très présente, avec un registre très perceptif – nous avons vu les traces, les écrevisses à moitié bouffées, on étudie, on regarde, on va sentir si la trace est fraîche. Tout cela t’active conceptuellement – nous n’avons pas arrêté de parler de philo et de biologie. Et puis il y a des moments d’émotions, surtout quand tu retrouves les traces de la fameuse meute de loups bouffeurs d’écrevisses… C’est génial. C’était une journée très vivante.

Le « vivant », c’est aussi un terme qui est très marqué politiquement, peut-être même « piégé », revendiqué aussi bien par la deep ecology que par le catholicisme intégriste, par exemple. Comment composer avec un mot qui peut être revendiqué par d’autres approches politiques ?

Je n’ai pas la même perception. Je considère que ce mot est extrêmement positif. Il n’a pas été sali ni récupéré, en tout cas très peu par la publicité ou par le régime ultra-libéral. C’est un terme assez bien protégé, beaucoup utilisé par les ethnologues, les sociologues et les philosophes – par Latour, Descola, Morizot et tout ce mouvement. On doit au contraire l’utiliser : la sémantique est un rapport de force, certains mots ont été préemptés… Comme « Orange », par exemple !

Le naming est très présent dans votre livre : vous imaginez la ville de Lyon rachetée par Nestlé qui devient « Nestlyon » ou encore Paris-LVMH…


Quand on voit les facultés intrusives du libéralisme, qui a tout bouffé – le sport et le foot, la culture –, tout monétisé – l’amitié, l’amour... L’étape ultime, c’est le langage : si on arrivait à faire payer l’utilisation publique des mots, en touchant des royalties à chaque fois… Donc oui, le naming est un vrai enjeu.

C’est l’illustration d’une autre critique très présente dans Les Furtifs : la privatisation grandissante des villes et des espaces publics…

Au tout début de ma réflexion, il y a le fait que Paris emprunte sur le marché bancaire international, c’est-à-dire qu’une partie de son budget est emprunté à des banques privées. Paris est cotée « triple A » et peut donc emprunter à des taux très faibles. Mais si ça passait en « triple B » ? Comme la Grèce, la ville peut faire faillite…

L’ultra-libéralisme ne fonctionne plus qu’en archipel, en se concentrant sur des poches de villes ou de régions qui sont intéressantes parce que rentables, grâce à des populations assez riches. On le voit bien en Italie : d’un point de vue capitalistique, la région dynamique, c’est la Lombardie et Milan. C’est là qu’est investi l’argent. D’autres régions, comme les Pouilles, sont laissées complètement à l’abandon. Le Comité invisible l’a très bien analysé : ce capitalisme n’a plus vocation et n’a plus envie de gérer la totalité de la société, il a abandonné cette idée. Il gère des poches de profit, et les autres se démerdent.

C’est pareil dans l’éducation ou dans la santé : on va gérer celle des élites et des riches, et le reste, on s’en fout. Même chose pour la ville donc, où j’imagine LVMH investir Paris parce c’est la ville du luxe, Warner à Cannes pour le cinéma ou Nestlé à Lyon pour la gastronomie, tout en laissant tomber Niort ou Poitiers, parce que ce n’est pas intéressant, et donc c’est à l’État de se démerder pour gérer…

Mais est-ce encore de la science-fiction ? En vous lisant, on se dit que c’est réaliste et presque probable…


Tout ce que je décris dans mon livre est déjà là, c’est simplement hypertrophié. Mon ambition est de décrypter l’époque, notamment l’ultra-libéralisme qui dévore et avale, dans un espèce de vampirisme continu. L’histoire se passe en 2040, cela offre un léger décalage qui permet un effet miroir, mais 2040, c’est maintenant. A Marseille, dans le 8ème arrondissement où je vis, il y a plein d’îlots urbains déjà privatisés. Ce sont des zones très riches où l’on ne peut pas entrer. Ils ont réussi – soi-disant pour des raisons de sécurité – à obtenir le droit de couper les rues. Ce qui oblige à faire des détours.

L’autre versant de votre travail porte sur les modes de résistance possibles : à travers l’idée de furtivité – vous appelez à « rendre furtives nos existences » – suggérez-vous qu’il faut être caché pour résister, aujourd’hui ?


En tout cas, ne pas être perçu par les capteurs, échapper au maximum aux appareils de contrôle. Ce qui est très compliqué : ça implique parfois une déconnexion complète, ne pas avoir de smartphone en ville pour ne pas être géolocalisé par exemple. Il existe plein de manières de s’anonymiser, de brouiller, de leurrer : on peut utiliser des moteurs de recherche qui ne laissent pas de trace, utiliser des logiciels libres, c’est un peu tout le travail des hackers, aussi. Mais cela exige une vraie discipline. C’est un peu le paradoxe : il faut se contraindre pour retrouver de la liberté…

La dominante du pouvoir aujourd’hui, c’est un régime de contrôle très subtil et pervers. Cette évolution m’intéresse beaucoup : Deleuze raconte bien comment on est passé de la féodalité, au Moyen-Age, à un régime beaucoup plus disciplinaire aux 18ème, 19ème puis début du 20ème siècle, avant de parvenir à cette dominante de contrôle – sans que cela signifie pour autant que les autres formes de pouvoir aient disparues ! Un mec comme Bernard Arnault, par exemple, exerce son pouvoir de manière féodale par rapport aux journalistes. Pas mal de milliardaires ont un fonctionnement spatial de seigneurs, avec leurs affidés et du servage… La dimension féodale reste, même si elle n’est plus dominante.

De même, le régime disciplinaire revient avec Macron, dans une sorte de régression avec le retour de formes disciplinaires très basiques – il n’est pas moderne pour un rond, Macron [il y a même du néo-conservatisme chez lui, voir le sujet]. La violence qui s’exerce en manifestation depuis quelques mois, on n’a pas vu pire depuis 60 ou 70 ans ! Les responsables gouvernementaux le disent eux-mêmes : « La police affronte des choses qu’on n’a pas vues depuis 60 ans ! ». Sauf que c’est bien eux qui poussent à la violence en nassant les manifestants et en les gazant ! Ils savent très bien ce qu’ils font, ils créent tension et violence de manière très consciente.

Comment réagir à cela ?

Chaque régime de pouvoir a sa façon d’être renversé. Dans le régime féodal, hyper-hiérarchique, c’est simple : on coupe la tête du roi ! On en est prisonniers depuis deux siècles, de ce mythe de la Révolution française, tellement massive et presque magique… En réalité, la situation ne s’est pas retournée d’un coup : il a fallu que la classe bourgeoise monte, que les paysans s’organisent, que la noblesse s’effondre, etc. On n’a pas simplement coupé la tête du roi, et hop la révolution était faite ! Mais dans l’imaginaire, il en reste qu’on a tout retourné d’un seul coup, de façon massive – ce qui était aussi possible parce qu’il y avait ce pouvoir très structuré, très hiérarchisé.

Aujourd’hui, on est en « démocrature » – c’est-à-dire avec des éléments de démocratie et des éléments de dictature, mais globalement plutôt en démocratie – et dans un système où tous les pouvoirs sont disséminés, dans un réseau, un maillage : on ne peut pas retourner ça comme une crêpe. Dans un régime aussi intégré, aussi cybernétique et aussi corrélé, il faut plutôt des îlots. C’est une métaphore à laquelle j’ai beaucoup réfléchi : pendant longtemps j’ai pensé qu’on était sur une plaque d’argent ou d’acier, et que des points de rouille allaient piquer la plaque et progressivement faire des trous… Mais c’est assez négatif comme image.

Désormais je vois plutôt les choses comme ça : le capitalisme est comme de l’eau, qui s’insère dans tous les interstices. Dès qu’il y a une petite pente ou un défaut de gravité, cela vient tout remplir. Il y a un côté extrêmement liquide dans le fonctionnement du capitalisme qu’a bien montré Deleuze, ce côté déterritorialisé, dans lequel on patauge, dans lequel on se noie tous à moitié. Il faut plonger, fendre un peu la croûte terrestre pour faire remonter le magma, pour faire émerger un îlot. C’est un processus qui nécessite beaucoup d’efforts, et tout d’un coup tu fais sortir une énergie, une chaleur et ça remonte à la surface… Il y aura un îlot, puis un autre îlot, puis un archipel, et peut-être un pays. C’était un peu ça, la ZAD. Il y avait tellement peu de choses avant l’émergence de la ZAD que nous sommes tous allés là-bas et c’est devenu une plateforme.

Il faut surtout garder cette idée de pluralité, parce qu’il n’y aura pas une révolution unique. On ne va pas réinventer une pensée unique qui va structurer le monde. Chaque fois qu’on a voulu le faire, cela a abouti à une catastrophe… L’homme est pluriel, il faut permettre à tous ces archipels d’exister. C’est la seule manière de retourner progressivement le capitalisme et d’amener autre chose. Et le capitalisme finira par s’effondrer, c’est un système extrêmement récent, très absurde même s’il a beaucoup de capacités de résilience. [je ne crois pas à ce schéma absolutisant les "îlots", partageant davantage la critique de l'autonomie]

Vous êtes allé sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ?

Quatre fois, des séjours assez courts. La première fois, le collectif Mauvaises troupes m’a fait découvrir la partie Est, avec les auto-constructions, les maisons en argile, qui avaient un côté magique, créatif, presque enfantin, qui m’a beaucoup plu sur le plan des imaginaires. Puis je suis revenu du côté Saint-Jean-du-Tertre, par le fameux Conseil pour le maintien des occupations (CMDO), et j’ai vu un peu plus comment fonctionnaient les projets… Aujourd’hui je pense que le choix tactique du CMDO, qui a négocié avec le gouvernement, était le bon, pour gagner du temps et éviter l’écrasement total de la zone. Ils ont sauvé une certaine continuité d’expérience de la ZAD, qui se serait sinon terminée dans le romantisme de l’écrasement. Il ne faut pas minimiser une certaine complaisance nihiliste qu’il peut y avoir dans ces mouvements, qui sont hyper-usants et fatigants, et où beaucoup de gens, inconsciemment, préfèrent se faire écraser en restant dans la « pureté éthique ».

La ZAD a renouvelé non pas les modes de lutte, mais les modes d’existence au quotidien. Les marchés à prix libre, les patates dans la caisse où chacun va se servir, sans que personne ne vérifie ce que tu fais : cette confiance-là est très importante. La créativité dans les modes de lutte est relativement faible aujourd’hui. Les Gilets Jaunes, heureusement, ont renouvelé le mode « manifestation », qui était complètement exsangue. Ne plus déposer les trajets de manifestation en préfecture pour les rendre imprévisibles pour la police, et investir les ronds-points, c’est un coup de génie, franchement ! C’est très intuitif : un rond-point est à la fois le carrefour de tout, et en même temps c’est un symbole de l’horreur des zones péri-urbaines.

Vous soutenez le mouvement des Gilets Jaunes ?

Acter qu’ils ne voulaient pas de représentants, que la représentativité au Parlement était une aberration, est un truc génial. Mis à part peut-être le Comité invisible ou le site Lundi matin, personne ne l’avait fait [c'est assez faux, mais il est comme les autres, les meilleurs sont "les camarades"...]. Les Gilets jaunes ont destitué systématiquement toute tête qui voulait se présenter en leur nom, en disant que tout personne qui prétend représenter un mouvement de cet ordre-là est un usurpateur ou un clown. C’est quand même nouveau, et c’est un vecteur d’optimisme très fort…

Vous ne croyez plus au combat électoral ?

Plus du tout. En tout cas pas sur cette période-là. Je pense qu’il a été totalement dévoyé. Pour autant je ne suis pas d’accord avec le Comité invisible qui destitue complètement l’idée-même d’élections ou de vote : cela reste un mode pratique et pragmatique. Mais c’est le plus bas niveau de l’action politique. Tu fais plus en allant chercher ton panier à l’Amap et en consommant intelligemment qu’en votant… Idem pour les logiques collectives : tu fais 10 000 fois plus en soutenant la ZAD ou en manifestant, qu’en votant.

Est-ce que la sixième République peut être la solution ? Je ne crois pas. Je crois que la solution, c’est l’auto-organisation. Refaire prendre conscience aux gens que la politique, c’est eux, qu’ils doivent s’organiser localement, où ils sont, dans leur entreprise, sur leur lieu de travail, dans leur association, à l’école, à l’hôpital… ["les gens" n'ont pas besoin des Damasio pour "prendre conscience", bla bla...] Mais ce n’est pas confortable, cela demande beaucoup d’efforts et d’énergie. Mais voter, c’est tellement facile : tu délègues.

Il faut privilégier des petits dispositifs, comme les mandats tournants révocables ou le prix libre, qui est une idée absolument géniale pour équilibrer les écarts de richesse. J’ai découvert aussi le principe des élections sans candidat : c’est très intéressant pour mettre fin à la loi du plus beau parleur qu’on voit partout, y compris à la ZAD, quand le rapport de force ne s’exerce pas par le fric mais par la capacité de parole…

Faut-il plus de radicalité, aussi ?

Il faut plus de créativité, en tout cas. On peut se moquer de Greenpeace parce que c’est non-violent, mais ils ont fait preuve d’inventivité dans leurs modes de lutte, comme Act Up avec ses modes d’action très variés et très originaux. À un moment donné, il va falloir se réveiller pour contraindre le pouvoir à s’adapter, en prenant un coup d’avance. Parce qu’avec les formes « manifestation » ou « occupation », ils ont tout verrouillé, aujourd’hui.

J’ai tout de même un peu de mal avec la non-violence « pure ». Je trouve qu’on a dévoyé Gandhi ou Mandela, en oubliant qu’ils ont aussi fait des trucs violents. Avec le niveau de répression actuel, la désobéissance civile, le pacifisme ou les approches démocratiques ne suffiront pas. Je pense qu’il faut revenir à de l’action directe, assumer une part de violence et « d’irruptivité ». La limite, c’est la mort, car je défends le vivant. Mais, à tous ces gens qui vivent dans une espèce de forteresse absolue, il faut faire retrouver un sentiment de vulnérabilité, leur faire ressentir cette violence systémique qu’ils exercent du haut vers le bas et dont ils ne voient jamais le retour…

Je ne fais pas de la lutte violente une valeur en soi. C’est conjoncturel. Mais la négociation ne suffit pas, les manifs ne changent rien : on en est à X semaines de manif des Gilets jaunes, que faut-il faire ? Macron ne bougera pas d’un iota, il s’abrite derrière la Constitution. Pendant cinq ans, il va tout massacrer : les retraites, les hôpitaux, l’éducation. Il s’en fout.


Propos recueillis par Barnabé Binctin et Agnès Rousseaux

Photo de une : © ValK
Photo en vignette : © François Grivelet

Alain Damasio, Les Furtifs, éditions La Volte, avril 2019, 704 pages.

Notes
[1] « Le psychopouvoir est un terme qui vient compléter celui de biopouvoir (Foucault). Depuis la seconde moitié du 20ème siècle la question n’est plus de contrôler la population comme machine de production (biopouvoir), mais de contrôler et de fabriquer des motivations comme machine de consommation (psychopouvoir). L’époque du psychopouvoir est une époque de captation industrielle de l’attention. » Source : Ars Industrialis.

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Message par Invité Dim 21 Juil - 12:04


QUAND LA QUANTITÉ S'IMPOSE
ET S'OPPOSE À LA QUALITÉ DE LA CRITIQUE


DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Instagram-no-likes-745x419.jpg.optimal
Patlotch a écrit:intéressante initiative et qui à mon goût devrait être étendue aux RT (retweets) et affichage du nombre d'abonnés, qui créent les stupides hiérarchies sur les réseaux sociaux, et font appel au degré zéro de l'appréciation jusqu'au soutien militant débilitant entre "camarades" de leurs identités communautariennes

une sale habitude qui singe le succès des vedettes comme de personnages politiques de plus en plus nuls, bref, la démocratie du nombre, les idées et les individus comme marchandises sur le principe des "meilleures ventes", de l'applaudimètre et de l'audimat, sans parler du vote à la majorité, des référendum, etc.
Instagram décrète la mort du like
Cyril Lacarrière, 09 mai 2019
Qu’est-ce qu’un monde sans like ? Dans le monde contemporain, on serait tenté de dire que c’est une vie qui ne mérite pas d’être vécu… les likes, les partages, les retweets sont devenus le sel de notre existence.

C’est ainsi, l’humain est accroc au like ! Et c’est justement le problème !
Instagram réfléchit à masquer le nombre de likes obtenus par un post, pour mettre purement en valeur le contenu et éviter les comparaisons qui mènent à se sentir comme un petit caca. Dans cette version épurée, il sera toujours possible de voir son propre nombre de likes en cliquant sur la liste des personnes qui auront délivré un petit cœur mais cela ne sera pas visible pour les personnes qui vous suivent.
Instagram a écrit:@instagram
We’re currently running a test that hides the total number of likes and video views for some people in the following countries:

Australia, Brazil, Canada, Ireland, Italy, Japan, New Zealand

4. EN MOYENNE
5 à 7

j'ai gagné zéro "j'aime"
par jour, mais par nuit
j'ai aimé l'infini
de l'amour et même
bien plus en moyenne
à rythme éthique au net et
à la barbe de @twitter


FoSoBo, 14 juillet 2019, 15:28

Patlotch a écrit:rétrospectivement, plutôt que d'être fier du nombre de lectures de certains sujets de ce forum, j'aurais dû masquer la colonne qui les indique ; malheureusement cette option d'administration n'est pas prévue

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Message par Invité Dim 4 Aoû - 9:56


UNE NOUVELLE RACE D'EXCLUS DU MEILLEUR MONDE RÉEL

Les millions d’oubliés du « tout numérique »
Peut-on encore vivre sans Internet ?

Julien Brygo, Le Monde Diplomatique, août 2019

Sera-t-on bientôt contraint de faire scanner son téléphone portable ou d’utiliser Internet pour prendre le métro, le train, l’avion, faire ses courses ou payer ses impôts ? Pas de problème, nous explique-t-on, c’est plus commode, et tout le monde s’habitue. Or, justement, beaucoup de gens ne s’y font pas.

DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Img001-19-84ec8
Kathrine Campbell Pedersen.
« Communication Gaps » (Lacunes de communication), 2009
Bridgeman Images
Des champs de pommes de terre et de lin, le clocher d’une église gothique et, au loin, la frontière belge, ses couvoirs géants et ses vendeurs de tabac, d’essence et de pralines. Nous sommes à Hondschoote, une commune de quatre mille habitants dans le département du Nord. Au croisement des deux routes principales s’élève la Maison de services au public (MSAP), un bâtiment sans âme où deux fonctionnaires accueillent les habitants des environs, trop éloignés des agences publiques situées vingt kilomètres plus loin, à Dunkerque.

Il est 11 heures, ce 9 mai 2019, quand Mme Marie-Claude Clarys, 65 ans, pousse la porte de la MSAP, deux gros dossiers sous le bras. « J’ai toujours fait mes papiers comme il faut toute ma vie, mais, là, j’ai l’impression qu’on est bêtes, qu’on est idiots. Ils ont tout mis obligatoirement sur Internet. » Dans cet ex-Point com, devenu Point relais services, puis MSAP (avant de devenir bientôt une des deux mille « Maisons France service »), les déboutés du numérique affluent. Nombre de démarches qu’ils faisaient autrefois naturellement leur sont devenues impossibles.

La dématérialisation complique le quotidien de bien des habitants de cette région agricole. Mme Clarys, robe flamande et joues rouges, en bout de colère. Pour cette retraitée des services (immobilier, vente, animation), la déclaration des revenus sur Internet est un « cauchemar ». « Dans mon village, on n’est pas au bout du monde, mais on est en bout de ligne ! Internet n’a jamais vraiment bien fonctionné. Quand on appelle, ils disent sans cesse : “Débranchez, branchez, débranchez…” À la longue, j’en ai ras le bol, je n’ai pas envie d’attraper encore plus de cheveux blancs. »

Mme Clarys vit dans une zone d’ombre, l’une des sous-catégories des zones blanches (près de 541 communes en 2018). Elle fait partie des 12,8 millions de Français qui ne disposent pas de l’Internet à haut débit. M. Christophe Ryckebusch, le fonctionnaire territorial qui la reçoit, se veut rassurant. Il lui demande son numéro (...)


cet article est réservé aux abonnés
[notamment numériques...
on apprend (dans la version papier, 5,40 €) que
« plus de treize millions de personnes sont "mal à l'aise" avec Internet,
soit 23% de la population de plus de 18 ans »

et que « 55% des plus de 70 ans n'ont pas d'accès à Internet chez eux. »]

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Message par Invité Mar 10 Sep - 17:02


CHICPHONE ? CHIFFONNE !

Patlotch a écrit:questions subsidiaires pour un champion : ces technologies sont-elles séparables des objets connectés considérés comme marchandises ? les humanoïdes transformés par l'usage des portables en tous genres seront-ils recyclables dans une communauté humaine débarrassée de la valeur marchande ?

La folie du smartphone, un poison pour la planète
Alexandre-Reza Kokabi, Reporterre, 10 septembre 2019

Ce mardi 10 septembre 2019, la marque Apple présentera son nouvel iPhone, une semaine après la sortie du nouveau Samsung. Chaque année, des milliards de nouveaux smartphones toujours plus performants sont proposés par les fabricants. Mais, derrière l’attrait pour une haute technologie aseptisée se cachent de lourdes pollutions et des conséquences sociales dramatiques.

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Les téléphones intelligents — ou smartphones — se sont enracinés dans nos vies quotidiennes. Dix milliards de ces objets ont été vendus à travers le monde depuis la mise en circulation du premier iPhone d’Apple, en 2007. Nichés dans les poches ou au creux des mains, ces petits parallélépipèdes concentrent une kyrielle de fonctionnalités. Ils permettent de téléphoner, d’explorer Internet et les réseaux sociaux, de photographier et de filmer, d’écouter de la musique, de faire des emplettes ou de se laisser guider par un GPS. De nos jours, les trois quarts des Français en usent quotidiennement.

Ces objets hautement technologiques se rendent indispensables, mais que savons-nous d’eux ? Comment sont-ils fabriqués, et dans quelles conditions ? Que deviennent-ils quand ils ne fonctionnent plus ? « Notre méconnaissance du smartphone traduit la déconnexion totale entre le geste d’achat du consommateur et les effets environnementaux et sociaux graves que ces produits génèrent tout au long de la chaîne », estime Alma Dufour, chargée de campagne « extraction et surconsommation » aux Amis de la Terre.

Complètement intégrés dans une économie mondialisée, les smartphones font « quatre fois le tour de la Terre avant d’arriver dans nos magasins, entre l’extraction des matières premières, la fabrication des composants, leur assemblage et leur distribution », observe Erwann Fangeat, du service « produits et efficacité matière » de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). De l’extraction des matières premières jusqu’à leur fin de vie, le cycle de vie du smartphone provoque de lourds dégâts aux quatre coins du monde : « Violation des droits humains, épuisement de ressources non renouvelables, rejets toxiques dans la biosphère et émissions de gaz et effet de serre », énumère Françoise Berthoud, ingénieure au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et fondatrice d’EcoInfo, groupement pour une informatique écoresponsable.

Plus de matériaux, toujours plus de ravages

L’élaboration perpétuelle de nouvelles applications et fonctionnalités fait inlassablement croître les exigences de performance du smartphone. In fine, les besoins en diversité de matières premières sont sans cesse accrus. « Les smartphones sont composés de plastique, de verre, mais sont également truffés de métaux, explique Guillaume Pitron, journaliste spécialiste de la géopolitique des matières premières. Dans les années 1950, on dénombrait une douzaine de métaux dans nos bons vieux téléphones fixes. Dans les années 1990, les GSM de la taille d’une brique comportaient 29 métaux. Le smartphone d’aujourd’hui, beaucoup plus petit, contient paradoxalement jusqu’à 55 métaux. On croit vivre dans un monde immatériel, mais il est en fait considérablement matérialiste. »

L’écran tactile des smartphones, leur carte électronique, les condensateurs ou leurs divers périphériques regorgent de minerais. Certains sont « ordinaires », tels l’aluminium ou le cuivre. Mais d’autres sont disponibles dans les sols en quantités extrêmement moindres : ils sont appelés « métaux rares ». « L’avantage de ces métaux est qu’ils sont très puissants et une petite quantité suffit pour de grandes performances, poursuit Guillaume Pitron, auteur du livre La guerre des métaux rares - La face cachée de la transition énergétique et numérique. Dans les aimants, par exemple, la ferrite a été remplacée par le néodyme, qui, à volume égal, est dix fois plus puissant. Ces métaux permettent la miniaturisation des smartphones, qui, sans cela, ne pourraient pas tenir dans une poche. »


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En 2018, 1,55 milliard de smartphones ont été vendus à travers le monde. Afin de soutenir le rythme effréné de la société de consommation, les minerais sont exploités dans des conditions de plus en plus néfastes pour les écosystèmes. Leur exploitation requiert des volumes de terre gigantesques et conduit notamment à la destruction d’écosystèmes. 70 kg de matières premières sont mobilisées pour produire, utiliser et éliminer un seul smartphone, soit 583 fois de poids d’un téléphone.

L’extraction minière contribue également à des pollutions diverses, notamment de l’eau en raison de l’usage intensif de procédés d’extraction chimique.

« Lors de la phase de raffinage, dit Guillaume Pitron, séparer la roche des métaux et les métaux entre eux nécessite une grande quantité d’acide sulfurique. Les eaux, chargées de ces métaux lourds, sont souvent rejetées directement dans la nature. » « Ces métaux lourds s’infiltrent dans les nappes phréatiques et jusqu’aux cultures, précise Françoise Berthoud. Ce sont des substances bioaccumulables. C’est-à-dire que les organismes vivants ne sont pas capables de les évacuer. Ils se concentrent dans les organismes et la propagation parcourt toute la chaîne alimentaire. »

Une délocalisation des pollutions... et des troubles sociaux
Les consommateurs occidentaux ne perçoivent pas ces dommages dans leur environnement immédiat, et pour cause : aucun des métaux composants les smartphones ne sont extraits en Europe. « Les smartphones sont fabriqués loin de nous, et, quand ils sont recyclés salement, c’est loin de nous aussi », explique Françoise Berthoud. « On délocalise la pollution, affirme Guillaume Pitron. On ne veut pas voir l’amont et l’aval du téléphone. Nous voulons tous les avantages d’un mode de vie “connecté”, pas les inconvénients. On laisse d’autres pays, plus pauvres, souiller leur environnement et attraper des cancers, mais on se garde bien d’en parler. C’est d’une immense hypocrisie. »

L’activité minière participe à la déstabilisation du tissu social. Dans la région des Grands Lacs africains, l’extraction et le commerce d’étain, de tantale, de tungstène et d’or alimentent l’instabilité et les conflits armés. Selon l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance), plus de 40.000 enfants travailleraient dans des mines au sud de la République démocratique du Congo. Une grande partie d’entre eux piochent dans des mines de cobalt et de coltan, minerais stratégiques qui permettent l’élaboration des batteries et des condensateurs des smartphones [1].


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En Argentine, en Bolivie ou encore au Chili, l’utilisation abondante d’eau pour la production de lithium — présent dans les batteries des smartphones — provoque des conflits d’usage avec les populations locales et menace leur survie. Au Ghana, au Brésil ou en Guyane française, des milliers d’hectares de forêts et des peuples autochtones sont menacés par l’extraction d’or, de tantale, de cuivre, de bauxite ou de manganèse. L’extraction de la cassitérite — de la poussière d’étain — sur l’île Bangka, en Indonésie, a ravagé 65 % des forêts et 70 % des récifs coralliens à proximité de l’île. De nombreux habitants ont dû fuir, la pratique de l’agriculture et de la pêche n’étant plus assez viable.

En Chine, qui concentre plus de 90 % de la production mondiale des terres rares, l’exploitation du néodyme — utilisé dans les aimants des smartphones — génère des rejets d’eau acide, des déchets chargés en radioactivité et en métaux lourds. Les écosystèmes des zones d’exploitation chinoises sont sévèrement endommagés et les populations locales souffrent de leucémies et de malformations.

« La Chine a payé un énorme tribut environnemental mais aussi énormément investi ces dernières années, remarque Guillaume Pitron. De nombreux ingénieurs ont été formés, de nombreux brevets décrochés, et la Chine profite désormais de ses propres ressources pour vendre ses propres téléphones, moins chers que ceux des autres. Elle conteste ainsi aux États-Unis sa suprématie technologique. » Au point que, désormais, les trois modèles de smartphones les plus vendus à travers le monde sont chinois, l’iPhone d’Apple (États-Unis) se classant en quatrième position.

Un renouvellement perpétuel, un recyclage insuffisant

En moyenne, les Français changent de téléphone tous les deux ans alors que, dans 88 % des cas, ces téléphones portables fonctionnent encore.

« À travers la publicité et la sortie perpétuelle de nouvelles innovations, les fabricants jouent un rôle prépondérant dans nos comportements d’achats compulsifs, observe Alma Dufour. Ils nous poussent à toujours vouloir un produit dernier cri, au détriment de nos modèles plus anciens, qui nous paraissent obsolètes. » En étudiant le comportement d’utilisateurs de smartphones, des chercheurs ont même mis en évidence qu’ils avaient tendance à les négliger à l’approche de la mise sur le marché d’une nouvelle version.

« Mais l’obsolescence des smartphones n’est pas uniquement psychologique, ajoute Alma Dufour. Elle est aussi logicielle : de nombreux smartphones sont remplacés parce qu’ils ralentissent. Les fabricants poussent les consommateurs à télécharger les dernières mises à jour, tout en sachant que ces usages demanderont trop de mémoire et de puissance pour certains téléphones. »

Selon un rapport produit par France Nature Environnement, la courte durée d’usage des téléphones mobiles des smartphones est liée à leur conception même : « Batteries collées et soudées, indisponibilité de pièces de rechange, utilisation de connectiques et de systèmes d’exploitation exclusifs. Dans la plupart des cas, les smartphones ne sont pas conçus pour être robustes ou réparables, ni compatibles et évolutifs dans le temps. »

En France, moins de la moitié des téléphones en bout de course sont collectés pour être recyclés, et au moins 30 millions d’appareils inutilisés dormiraient dans des tiroirs. Quand ils sont récoltés, la gestion de leur fin de vie n’est pas non plus la panacée. Aujourd’hui, sur une cinquantaine de métaux fréquemment utilisés dans le numérique, « l’une des meilleures usines du monde n’est capable d’en recycler qu’une vingtaine », regrette Françoise Berthoud.


« Ce n’est pas évident d’aller extraire des métaux dispersés par milligrammes dans des milliards d’objets, sous forme d’alliages complexes, reconnaît Guillaume Pitron. Techniquement, on sait le faire mais on ne veut pas le faire : c’est plus coûteux, aujourd’hui, que d’aller chercher des matières premières directement dans le sol, à la mine. » « Tant que le prix de la matière primaire, celle qui sort de la mine, sera moins cher que le prix de la matière des métaux recyclés, le recyclage ne sera jamais compétitif », déplore Alma Dufour.

Dans son « Environmental Responsability Report » de 2017, Apple annonçait qu’à terme ses produits ne dépendraient plus de l’extraction minière et seraient composés de 100 % de matériaux recyclés. Quelques semaines plus tard, la vice-présidente des politiques environnementales et des initiatives sociales chez Apple, Lisa Jackson, avouait que « nous sommes en train de faire quelque chose que nous faisons rarement, à savoir annoncer un objectif que nous ne savons pas encore comment atteindre ».

Devant l’absence d’un recyclage efficient, Françoise Berthoud estime que les consommateurs peuvent agir en se tournant « vers des modèles conçus pour durer plus longtemps, comme le Fairphone, à éviter la production de nouveaux appareils en réparant ceux qu’ils possèdent déjà, ou encore à chercher un téléphone d’occasion. L’enjeu, aujourd’hui, est d’arriver à augmenter la durée de vie de ces équipements. » « Chaque smartphone neuf vendu devrait être lesté de son “intensité matière”, pense Guillaume Pitron. Toutes les informations sur les matériaux nécessaires à sa fabrication, leurs provenances et les conditions dans lesquelles elles ont été extraites devraient être connues et communiquées. Ce serait une bonne façon de responsabiliser le consommateur. »

Mardi 24 septembre 2019, le Sénat commencera l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Dans les tuyaux : « Un indice de réparabilité devant s’appliquer à cinq familles de produits à l’horizon 2021, dont les smartphones, dit Erwann Fangeat. Une note globale permettrait de savoir si un produit est facilement réparable ou non. Ça irait dans le bon sens. »

[1] Amnesty International a par exemple mis en lumière, en 2016, la vente de cobalt extrait dans des zones où travaillent des enfants à la Congo Dongfang Mining, qui appartient au géant chinois Zhejiang Huayou Cobalt Ltd. Ce cobalt est ensuite vendu à trois fabricants de composants de batteries fournissant, en bout de chaîne Apple, Microsoft, Samsung, Sony, Daimler et Volkswagen.

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Message par Invité Sam 28 Sep - 3:12


LA FABRIQUE DE L'HOMMe DIMINUÉ

Écrans : « Nous sommes face à un scandale sanitaire »
Entretien avec Michel Desmurget,
Propos recueillis par Paula Pinto Gomes, le 24/09/2019

Michel Desmurget, directeur de recherche à l’Inserm et auteur de « La Fabrique du crétin digital » (1), un livre qui fait la synthèse des travaux scientifiques sur les effets réels des écrans.

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osons l'écriture inclusive : crétin.e
La consommation du numérique sous toutes ses formes – smartphones, tablettes, télévision, etc. – par les nouvelles générations est astronomique. Dès 2 ans, les enfants des pays occidentaux cumulent chaque jour presque 3 heures d'écran. Entre 8 et 12 ans, ils passent à près de 4 h 45. Entre 13 et 18 ans, ils frôlent les 6 h 45. En cumuls annuels, ces usages représentent autour de 1 000 heures pour un élève de maternelle (soit davantage que le volume horaire d'une année scolaire), 1 700 heures pour un écolier de cours moyen (2 années scolaires) et 2 400 heures pour un lycéen du secondaire (2,5 années scolaires).
Contrairement à certaines idées reçues, cette profusion d'écrans est loin d'améliorer les aptitudes de nos enfants. Bien au contraire, elle a de lourdes conséquences : sur la santé (obésité, développement cardio-vasculaire, espérance de vie réduite...), sur le comportement (agressivité, dépression, conduites à risques...) et sur les capacités intellectuelles (langage, concentration, mémorisation...). Autant d'atteintes qui affectent fortement la réussite scolaire des jeunes.
"Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute, dans l'histoire de l'humanité, une telle expérience de décérébration n'avait été conduite à aussi grande échelle ", estime Michel Desmurget. Ce livre, première synthèse des études scientifiques internationales sur les effets réels des écrans, est celui d'un homme en colère. La conclusion est sans appel : attention écrans, poisons lents !
La Croix : La littérature scientifique est « indiscutable » sur les effets des écrans domestiques. Vous écrivez : « Plus les élèves utilisent les écrans, plus leurs notes s’effondrent. » Sur quels critères se basent ces études ?

Michel Desmurget : La plupart des études suivent une méthodologie classique en prenant en compte les grands facteurs susceptibles d’influer sur la réussite scolaire comme le niveau socio-économique, l’âge et le temps passé sur les différents écrans. D’autres appliquent des protocoles plus expérimentaux en donnant des écrans à des familles qui n’en possèdent pas, pendant quelques mois. Toutes comparent des milieux sociaux équivalents. Et toutes aboutissent aux mêmes résultats : au-delà de 6 ans, dès une heure par jour – et même une demi-heure si on en fait une lecture stricte – les résultats scolaires baissent.

S’il n’y avait que des corrélations sèches, on pourrait douter. Mais on comprend très bien les mécanismes à l’œuvre. Dans l’une des études, on a demandé à des enfants d’apprendre une liste de mots. Certains ont ensuite joué à un jeu vidéo d’action pendant une heure. D’autres n’ont rien fait de particulier. Le lendemain, on a vérifié le vocabulaire retenu. Ceux qui n’avaient pas utilisé d’écrans avaient oublié 20 % des mots. Ceux qui avaient joué au jeu vidéo en avaient oublié quasiment la moitié.

Pas d’écrans avant 3 ans, et après ?
Les études montrent aussi que les écrans altèrent « les échanges intrafamiliaux en quantité et en qualité », « le volume et la qualité des échanges verbaux précoces » ou encore qu’ils « entravent l’entrée dans le monde de l’écrit ».

M. D. : Plus un enfant passe de temps devant un écran, moins il a d’interactions avec son entourage. À l’âge de 2 ans, c’est 50 minutes de moins pour chaque heure devant un écran. À 4 ans, 45 minutes et à 12 ans, une demi-heure. Une étude a suivi des enfants pendant 10 ans pour enregistrer le nombre de mots qui leur étaient adressés les 3-4 premières années. Les chercheurs se sont ainsi aperçus que la période critique entre 18 et 24 mois conditionnait le développement langagier et cognitif. À l’adolescence, le nombre de mots entendus expliquait jusqu’à 25 % des variations de QI.

En ce qui concerne l’écrit, on sait que plus un enfant passe de temps devant un écran, moins il en a pour lire. Or, la vraie richesse du langage est dans l’écrit. Aujourd’hui, on assiste à un effondrement du niveau de langue. Il suffit de voir la nouvelle version des livres de la bibliothèque rose, par exemple, pour constater un appauvrissement du vocabulaire.

La lecture est d’autant plus difficile qu’ils ont du mal à se concentrer…

M.D. : Oui, là encore, les études montrent les effets délétères des écrans sur la concentration. Le cerveau humain n’est pas fait pour subir un bombardement sensoriel permanent. Il souffre et il se construit mal. Il faudra des centaines de milliers d’années pour qu’il devienne (peut-être) multitâche, n’en déplaise à ceux qui vantent les « incroyables » capacités des digital natives.

Les études montrent encore des effets sur le sommeil et la santé.


M.D. : Oui, on sait que la lumière bleue des écrans retarde la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil. Les écrans rendent aussi les enfants plus sédentaires ce qui entraîne des risques cardiovasculaires à l’âge adulte. Une étude portant sur des petits de 5-6 ans a montré qu’ils avaient des artères moins larges dès une heure d’écran par jour. Enfin, les écrans contribuent aussi à la propagation de contenus à risques sur la drogue, le tabac ou la sexualité.

Certains spécialistes estiment que les nouvelles générations auront un QI inférieur à celui des générations précédentes. Qu’en pensez-vous ?

L’effet Flynn – la croissance du niveau intellectuel de la population – s’est inversé à la fin des années 1990. Les écrans ne sont pas les seuls responsables. Les perturbateurs endocriniens et la baisse de l’activité physique y contribuent aussi. Mais leur rôle est incontestable. Des études longitudinales ont permis de constater une différence de QI entre des enfants qui regardaient beaucoup les écrans et ceux qui les utilisaient moins. La corrélation entre les écrans et les atteintes cognitives est la même que pour le plomb, par exemple.

La plupart des études que vous citez ne sont pas nouvelles. Comment expliquez-vous qu’elles ne soient pas plus connues du grand public ?

M.D. : On n’en parle pas beaucoup parce que les intérêts économiques sont colossaux ! L’industrie du tabac a mis quarante ans avant de reconnaître que la cigarette était cancérigène. Nous sommes face aux mêmes techniques de désinformation et à un scandale sanitaire de même ampleur. Si n’importe quelle maladie avait les mêmes effets que les écrans sur nos enfants, on mobiliserait une armée de chercheurs.

Vous préconisez de ne pas donner d’écrans récréatifs avant 6 ans et de limiter ensuite l’utilisation à une heure par jour, tous usages cumulés. N’est-ce pas un peu radical ?

M. D. : Je sais que je passe souvent pour un extrémiste. Mais le dernier rapport de l’OMS va dans le même sens. Il recommande de ne pas utiliser d’écrans avant un an et de s’en tenir à une heure par jour jusqu’à 5 ans, en ajoutant que moins d’une heure c’est encore mieux. C’est compliqué pour tout le monde, y compris pour moi, d’imposer ces règles à ses enfants. Mais il en va de leur développement et de leur santé. Cela vaut d’autant plus la peine que nombre d’effets sont réversibles. Et même si tous ne le sont pas, diminuer le temps d’utilisation est toujours bénéfique.

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Message par Invité Sam 5 Oct - 6:45


LA COUPURE QUI VIENT

DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Internet
Patlotch a écrit:on se souvient, ou pas, de ce qui fut un des premiers Rap, The Revolution Will Not Be Televised, de Gil Scott-Heron en 1970. On peut croire ou non en la révolution qui vient, mais seuls les plus candides en un rôle réel d'Internet et ses réseaux autre que pour les États, la police et l'armée qui fermeront tous les tuyaux, sauf les leurs. Alors les révolutionnaires peuvent toujours rêver de s'emparer des centres et nœuds de contrôle comme jadis du siège de la radio-télévision... Le processus est déjà à l'œuvre à divers degrés et pas seulement de la part des "régimes autoritaires"

C'est devenu une habitude des régimes autoritaires : quand la rue gronde, Internet est immédiatement censuré.

DU CONNECTÉ DUPÉ À LA DÉCONNEXION Irak-emeutes
L'Internet a été coupé en Irak où des émeutes plongent le pays dans le chaos.
Twitter / YasserEljuboori
Une trentaine de personnes sont mortes cette semaine dans des manifestations à Bagdad et dans le sud du pays. L’Irak plonge dans le chaos mais les images arrivent au compte-goutte sur les écrans internationaux. Et pour cause : l’Internet est coupé depuis mercredi dans une grande partie du pays. C’est devenu une habitude pour les pouvoirs autoritaires : couper Internet fait partie, à l’instar du couvre-feu, des mesures d’urgence prises pour tenter de mater une révolte.

D’après l’ONG Netblocks, qui observe les restrictions de liberté sur Internet dans le monde, une première coupure a eu lieu mercredi, touchant 75% du pays. Les réseaux sociaux Facebook, Twitter, WhatsApp et Instagram étaient complètement bloqués. Le débit a été partiellement rétabli jeudi soir pendant une heure alors que le Premier ministre Abdul-Mahdi devait s’exprimer à la télévision.

Le mouvement a débuté de manière spontanée mardi à Bagdad, à la suite d’appels sur les réseaux sociaux, un fait inédit en Irak. Les manifestants sortent dans la rue pour protester contre la corruption, le chômage et la faillite des services publics. La rue a repris massivement un slogan issu du printemps arabe : « Le peuple veut la chute du régime ». « Les manifestations en Irak ont pris de l’ampleur. » analyse la journaliste irako-britannique Mina Al-Oraibi. « Des années de gouvernements successifs qui ont échoué à répondre aux demandes de la population, en particulier en terme de service de public et de moyens de subsistance, ont conduit à une grande frustration ».

Malgré la coupure d’Internet, quelques images nous parviennent. Elles sont principalement le fait de journalistes de l’AFP, Reuters, et d’Associated Press. Les journalistes iraquiens, qui publient normalement photos et vidéos sur les réseaux, sont silencieux depuis le début du blackout, signale la journaliste Joyce Karam, du Washington Correspondent. Quelques vidéos amateurs circulent néanmoins sur Twitter, montrant que les autorités ont totalement perdu le contrôle.


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Dans un tel contexte, couper Internet a deux avantages supposés pour les autorités : perturber l’organisation des protestataires qui ne peuvent plus lancer d’appels à manifester sur les réseaux sociaux, et organiser un blackout dans le pays et à l’international afin d’empêcher que des images d’émeute soient publiées. Rien cependant n’indique que la mesure soit vraiment efficace : « Les restrictions d’internet accélèrent la propagation de la désinformation pendant une crise car les sources fiables d’informations sont coupées », estime NetBlocks. « Nous sommes coupés du monde. C’est juste un face à face entre nous et la police », déclare un manifestant iraquien à Amnesty International. L’ONG appelle les autorités iraquiennes à « revenir immédiatement sur la décision illégale de bloquer Internet et les médias sociaux ».

Ce n’est pas la première fois que l’Irak coupe Internet. Pour une raison beaucoup plus triviale, le gouvernement ordonne chaque année de fermer les tuyaux pendant les examens de fin d’année, afin d’éviter les tricheries. Il existe dans le pays un puissant marché en noir en ligne, où les étudiants peuvent payer des professeurs pour obtenir les questions des examens en avance. La mesure est assumée par le gouvernement, le fournisseur d’accès Earthlink envoie ainsi ce mail à ses clients, comme s’il s’agissait d’une banale coupure d’eau ou d’électricité : « Suite aux instructions du ministère des Communications et de la société irakienne des télécommunications et de la poste, nous vous informons que tous les circuits seront coupés demain de 5 heures du matin à 8 heures du matin. »

Plus de 120 autorités nationales ou locales ont déjà ordonné une coupure d’Internet en 2019 dans le monde, d’après les chiffres de l’ONG Access Now. Cela fait plus de 100 jours que le réseau est coupé dans l’État de Rakhine en Birmanie, au prétexte du maintien de l’ordre, alors que des combats opposent l’armée et la guérilla de l’Arakan Army. La « cyberbrutalité » est devenue tristement commune.

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Message par Invité Mer 15 Juil - 8:35


« les sept critères de l'addiction :
le besoin compulsif de se connecter, la satisfaction immédiate, le symptôme de manque,
le phénomène de tolérance qui implique d'augmenter la durée et la fréquence de la connexion,
la dépendance, les réactions défensives de déni et la centration »
dans un texte publié sur son site Invariance le 13 jullet 2020, 14. Point d'aboutissement actuel de l'errance, (Version définitive et corrigée), 13 juillet 2020, Jacques Camatte range la dépendance à internet dans la "substitution", une des composantes de la spéciose*. Il cite une interview de Philip Pongy auteur de La Cyberdépendance, Pathologie de la connexion à l'outil internet, 2019
*  Spéciose : Phénomène isomorphe à l’ontose mais concernant l’espèce. Ce qu’elle produit en effectuant son devenir hors-nature.


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Jacques Camatte a écrit:14.2. Traumatismes et spéciose
2. La spéciose: structure

On peut aborder l'étude de la spéciose à partir de huit composantes, pouvant apparaître comme des déterminations, des thèmes, qui, certaines, ne sont que potentiellement présentes au début, et ne seront opérationnelles que bien plus tard: il faut un procès de révélation en quelque sorte; tandis que d'autres, au contraire, vont tendre à être masquées au cours du temps. Elles ne sont pas indépendantes et n'opèrent pas séparément; elles se présupposent et s'impliquent mutuellement, ainsi que la totalité, c'est-à-dire l'espèce se spéciosant, se domestiquant, tendant par auto-obsolescence à un vaste suicide. Ce sont : Affectation, Menace, Refus et Séparation, Surnature, Répression, Compensation et Autonomisation, Recouvrement et Déversement, Substitution. Deux phénomènes sont en étroite connexion avec ces composantes : la violence et la confusion (elles les sous-tendent en quelque sorte).

[...]

H. Substitution

Au départ les inventions apparaissent libératrices et permettent aux hommes, aux femmes, de mieux accomplir leur procès de vie, mais ultérieurement ils et elles en deviennent dépendants et dépendantes comme cela s'est produit dans le cas de la communication. La radio, la télévision, l'ordinateur, sont apparus au départ comme des médias de la libération. Actuellement ils sont devenus des supports de mise en dépendance et, avec les divers téléphones mobiles, suscitent une addiction au numérique 41

41. Dans le n° de juin 2020 de La Décroissance est paru un article très révélateur à ce sujet : La pandémie du numérique qui est une interview de Philip Pongy auteur d'un ouvrage : La Cyberdépendance, Pathologie de la connexion à l'outil internet (Sauramps médical, 2019). Extrait de l'interview : "D'un point de vue clinique, internet remplit à la lettre les sept critères de l'addiction : le besoin compulsif de se connecter, la satisfaction immédiate , le symptôme de manque, le phénomène de tolérance qui implique d'augmenter la durée et la fréquence de la connexion, la dépendance, les réactions défensives de déni et la centration - c'est-à-dire que l'outil devient un objet de focalisation, il assiège la pensée et toutes les représentations mentales, à telle enseigne que le langage est lui-même infiltré." Au départ de l'énoncé on a encore manifestation d'une certaine naturalité car se connecter est un ersatz de recherche de la continuité et, à la fin, on se trouve en pleine substitution.


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