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SOCIÉTAL ET/OU SOCIAL ?

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Message par Patlotch Lun 8 Oct - 8:09

j'ai hésité avant de nommer cette catégorie. Le mot sociétal, apparu récemment, a des significations variables dans ses usages, à tel point que certains se demandent s'il ne s'agit pas d'une mode

Quelle est la différence entre "social" et "sociétal" ?
Olivier Rychner, Licence es Lettres Histoire & Anglais, Université de Neuchâtel, 1998
Il devrait n’y en avoir aucune!!!
“Sociétal” est un barbarisme novlinguistique qui s’applique à tout ce qui concerne la société dans son ensemble, chose que “social” faisait ‘achement bien. Mais “social” c’est trop simple.
Mais aujourd’hui on a donc “sociétal” pour parler de la société dans son ensemble, et “social” quand on s’occupe d’un individu ou d’un petit groupe d’individus.
Le politique est donc ces jours censé s’occuper des problèmes “sociétaux”, et les animateurs des homes ou des MJC font dans le “social.”
On l’aura compris, je n’aime pas le mot “sociétal”. Beurk.

Sociétal ? sociétal ? Est-ce que j’ai une gueule de “sociétal” ?
Langue sauce piquante, Blog Le Monde, 8 septembre 2015

Nous laissons aujourd’hui la parole à notre camarade de casse Luc Le Digabel, de l’équipe des correcteurs du Monde.fr, et que titille l’usage immodéré de l’adjectif “sociétal”. A toi, Luc  !

SOCIÉTAL ET/OU SOCIAL ? 3120549435_1_3_lG7o7qfr
"Miroir, beau miroir, sociétal est-il si original ?"
Arletty, ou la Vérité, dans « Les Enfants du paradis »
Nous tombâmes il y a peu sur cet adjectif, que nous avions déjà lu cent fois, mais cette 101e fois nous interpella. Peut-être parce que, plus encore que lors de nos lectures précédentes, nous avions l’impression qu’avoir écrit “social” à sa place n’aurait pas changé le sens de la phrase. Mais d’où vient-il, ce néologisme qui a si bien fait son nid dans notre société linguistique ?

Selon le chercheur François Héran, il s’agit d’un “mot sans modèle”. Aucun autre adjectif en -tal n’est formé en français sur un substantif en -té : pas d’identital, d’unital, de propriétal ou d’universital ! Héran trouve l’origine de sa création dans des ouvrages américains des années 1930 à 1950 s’intéressant au travail du sociologue allemand Georg Simmel (1858-1918) ; c’est également incongru en anglais, les équivalents en -ty des mots savants français en -té échappant eux aussi au suffixe -tal. “Sociétal” aurait malgré tout prospéré, d’abord dans le champ des sciences humaines, avant de se “démocratiser”. Belle fortune, en à peine quelques décennies, pour un mot de rongeurs de bibliothèques !

Nous soupçonnons que sa bonne étoile n’est pas sans rapport avec la fin d’une époque – qualifiée de “fin de l’Histoire” par certains* – qui charriait avec elle des mots insolents comme capitalisme, communisme, socialisme, lutte des classes… nous en passons, et des plus clivants encore. Dans l’acception qu’il a fini par revêtir, telle qu’on peut la discerner par exemple dans cet article de Libération de 2012, l’adjectif “sociétal” a trait essentiellement à l’individu dans ses rapports avec la société, et en particulier à la latitude de mœurs qu’on veut bien lui octroyer. De son côté, “social” est de plus en plus cantonné à la stricte vie économique, traînant son lot de problèmes insolubles et son lourd pathos : fracture sociale, aides sociales, cohésion sociale (positivons !)… Dans bien des cas, pourtant, il nous semble que les deux adjectifs sont interchangeables, ou qu’à tout le moins “social” remplirait un rôle équivalent. L’euthanasie, le mariage “pour tous” ou la dépénalisation du cannabis ne sont-ils pas des questions aussi sociales que le chômage ou la retraite ?

Bref, nous arrivons après la bataille – ou plutôt l’absence de bataille –, mais on peut se demander si les frontières actuelles entre les deux adjectifs vont persister, ou si “sociétal” poussera son avantage de nouveauté et finira par supplanter et enterrer son ancêtre “social”, au sein d’une société enfin apaisée (endormie au chloroforme sémantique ?) et libérée des archaïsmes (l’immémorial combat pour le partage des richesses ?). Signe des temps, peut-être : les entreprises, fleurons du progrès et presque oracles, commencent elles aussi à y goûter, mais hésitent encore entre leur “responsabilité sociétale” et… la “sociale”.

Avis aux futurs Durkheim : préparez vos exercices de division du travail sociétal.

* Allusion au bon docteur Francis Fukuyama, notamment artisan du “Projet pour le nouveau siècle américain”, cercle de réflexion (think tank en français) néoconservateur qui a œuvré de 1997 à 2006.

pour d'autres les deux termes définissent deux champs qui se recoupent

extraits
« Les réformes sociétales ne doivent pas être un prétexte pour ne pas faire de réformes sociales », a estimé récemment Emmanuel Maurel, chef de file de l’aile gauche du PS. En toile de fond : le débat autour du mariage pour tous. Si la mesure en elle-même fait l’objet d’un large consensus au PS et dans l’ensemble de la gauche, certains considèrent qu’en période de crise, l’ordre des priorités n’est pas le bon. Entretien avec le philosophe André Tosel.
[...]
Les questions sociétales, comme par exemple le mariage pour tous, peuvent-elles être abordées au prisme du clivage gauche / droite, comme le sont les questions sociales ?  Ou bien diriez-vous qu’elles sont d’un autre ordre ?

André Tosel : Comment définir la différence entre ce qui relève du « sociétal » et ce qui relève du « social » ? Acceptons que le sociétal désigne les modes de la vie quotidienne en commun considérés du point de vue de leurs normes et du débat sur la définition de ces normes et que le social désigne ce qui relève de la production de la société en fonction d’une division sociale marquée par l’exploitation et l’inégalité des classes et des groupes sociaux. On voit que la distinction est flottante. La famille, ses institutions, ses pratiques réglant la reproduction des humains est aussi bien sociale que sociétale : elle est sociale car elle demeure une unité de reproduction de la vie générique humaine en reproduisant génération après génération les acteurs sociaux, et elle est sociétale en tant que les règles structurales de l’alliance et de la parenté sont à la base des modes d’existence. Elle relève à la fois de la vie, du travail et du langage. Lire cette distinction en utilisant la grille droite/gauche est peu opératoire, car il faut à nouveau s’entendre sur ces termes.
pour nous, ici, le social inclue le sociétal, au sens où ils participent des rapports sociaux selon une conception marxienne, mais le concept de sociétal a l'intérêt de discerner ce qui ne relève pas directement des rapports sociaux-économiques et politiques. Je l'ai jusqu'ici utilisé pour recouvrir ce que Raymond Williams définit comme un troisième champ du marxisme, avec l'économique et le politique : le culturel dans la société. On en voit l'intérêt du point de vue de l'idéologie en ce qu'elle est vie quotidienne (Roland Simon, Théorie Communiste). Le sociétal est particulièrement porteur de ce que Williams appelle la Structure of feeling

SOCIÉTAL ET/OU SOCIAL ? Andrew-frayn-attachment-and-coping-in-dh-lawrences-bay-6-638
Raymond Williams a écrit:The term is difficult, but ‘feeling’ is chosen to emphasize a distinction from more formal concepts of ‘world-view’ or ‘ideology’… We are concerned with meanings and values as they are actively lived and felt, and the relations between these and formal or systematic beliefs are in practice variable…. An alternative definition would be structures of experience…. We are talking about characteristic elements of impulse, restraint, and tone; specifically affective elements of consciousness and relationships: not feeling against thought, but thought as felt and feeling as thought: practical consciousness of a present kind, in a living and interrelating continuity. We are then defining these elements as a ‘structure’: as a set, with specific internal relations, at once interlocking and in tension. Yet we are also defining a social experience which is still in process, often indeed not yet recognized as social but taken to be private, idiosyncratic, and even isolating, but which in analysis… has its emergent, connecting, and dominant characteristics…

Le terme est difficile, mais «sentiment»* est choisi pour souligner une distinction entre les concepts plus formels de «vision du monde» ou «idéologie»… Nous nous intéressons aux significations et aux valeurs telles qu’elles sont vécues et ressenties activement, et les relations entre celles-ci et les croyances formelles ou systématiques sont, dans la pratique, variables… Une autre définition serait des structures d’expérience… Nous parlons d'éléments caractéristiques d'impulsion, de retenue et de ton; éléments spécifiquement affectifs de la conscience et des relations : ne pas se sentir contre la pensée, mais la pensée comme ressentie et le sentiment comme pensée : conscience pratique de type présent, dans une continuité vivante et interdépendante. Nous définissons ensuite ces éléments comme une «structure» : un ensemble, avec des relations internes spécifiques, imbriquées et en tension. Cependant, nous définissons également une expérience sociale qui est toujours en cours, souvent même non reconnue comme telle, mais considérée comme privée, idiosyncratique et même isolante, mais qui, en analyse… a ses caractéristiques émergentes, communicantes et dominantes…

* à tout prendre, il vaut mieux garder le mot anglais feeling

Methodologically, then, a ‘structure of feeling’ is a cultural hypothesis, actually derived from attempts to understand such elements and their connections in a generation or a period…. The hypothesis has special relevance to art and literature.

Méthodologiquement, alors, une «structure du sentiment» est une hypothèse culturelle, en fait dérivée de tentatives pour comprendre ces éléments et leurs connexions dans une génération ou une période... L'hypothèse revêt une importance particulière pour L'Art et la littérature.

Structures of feeling can be defined as social experiences in solution, as distinct from other social semantic formations which have been precipitated and are more evidently and more immediately available…. Yet this specific solution is never mere flux. It is a structured formation.

Les structures du sentiment peuvent être assimilées à des expériences sociales ou à des expériences distinctes, elles ont été précipitées et sont immédiatement apparentes et plus immédiatement disponibles... Pourtant, cette solution spécifique n'est jamais un simple flux. C'est une formation structurée.

citations tirées de Marxism and Literature, 1977
pour autant, dans les sujets de cette catégorie, ce n'est pas la façon, abordée ailleurs, dont l'art et la littérature* rendent comptent, indirectement, de cette 'structure of feeling', ou d'ailleurs des idéologies dans la vie quotidienne, qui nous intéresse, mais sa trace dans les événements non sociaux-économiques et politiques

* pour creuser la question, voir Jean-Jacques Lecercle, Marxisme et littérature, Revue Période, 24 septembre 2018. Il fait appel dans ses réponses à Althusser, Gramsci, Raymond Williams, Lucien Sève


Dernière édition par Patlotch le Sam 10 Nov - 20:15, édité 1 fois

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Message par Patlotch Sam 10 Nov - 21:49


social, car manifestement affaire de fric, mais pas seulement


SOCIÉTAL ET/OU SOCIAL ? 10976153

cet article nous mène-t-il plus loin que les analyses de ce mouvement comme « transclassiste » ? Voire, mais on a déjà eu cette question avec le « Mouvement des bonnets rouges »* en 2013, bien qu'ancré en Centre-Bretagne. Il est clair qu'il traverse de même le clivage droite-gauche, et prend aussi davantage un contenu de protestation sociale. Il n'empêche qu'autour de la bagnole, il y a du sociétal, du "culturel"...

* Le Monde du 6 novembre pose la question ici le 6 novembre : Les « gilets jaunes », nouveaux « bonnets rouges » ?


Les gilets jaunes, ou la révolte de la France des ronds-points
Jean-Laurent Cassely Slate.fr 9 novembre 2018

L’appel au blocage des routes le 17 novembre a tous les aspects d’un mouvement social «périphérique», dans tous les sens du terme.

SOCIÉTAL ET/OU SOCIAL ? France_ronds_points
Un rond-point de l'est parisien, le 15 juin 2018 | Thomas Samson / AFP

Le mouvement de blocage du 17 novembre soulève un certain nombre de questions politiques: à une époque où on évoque volontiers le déclin des partis et la constitution de nouveaux clivages, les pétitions et les pages Facebook sont-elles l’embryon d’une action plus structurée? Ce type de mouvement aux accents poujadistes sera-t-il intégré à l’offre politique partisane actuelle? Les «nouvelles têtes» qui émergent vont-elles jouer un rôle dans le débat public après leur mobilisation ponctuelle ?

Réponses le 17 novembre et dans les mois qui suivront. Tentons d’ici là de décaler le regard sur le mouvement pour en proposer une lecture culturelle, paysagère et, si j’ose dire, esthétique.


Le gilet jaune, emblème de la culture bagnole

Le premier trait culturel du mouvement du 17 novembre est indéniablement son objet de colère: le carburant et, par extension, l’automobile et la place centrale qu’elle occupe dans la vie des mécontentes et mécontents qui appellent au blocage. C’est donc tout naturellement que les groupes à l’origine de la mobilisation à venir ont puisé leur signe de ralliement dans le vocabulaire de cette culture de la bagnole, choisissant le «gilet jaune» du kit de sécurité que les automobilistes sont tenus de conserver dans leur habitacle pour le cas où elles ou ils devraient s’aventurer sur la chaussée. Obligatoire en France depuis 2008, ce « gilet de haute visibilité » selon son appellation technique a une fonction fédératrice forte: quiconque possède une voiture sait de quoi il s’agit et peut associer à ce vêtement un ensemble de contraintes (les trajets quotidiens domicile-travail, les radars, les contrôles, les taxes sur le carburant, etc.). À l’inverse, celles et ceux qui ne possèdent pas de voiture voient dans le gilet jaune un objet un peu exotique vendu chez Norauto et, pour tout dire, plutôt moche.

La particularité de l’automobile est d’être à la fois un outil nécessaire à la production et un objet de consommation: elle sert autant aux trajets boulot-dodo qu’aux déplacements personnels, de loisir ou d’achat

La particularité de l’automobile est d’être à la fois un outil nécessaire à la production et un objet de consommation: elle sert autant aux trajets boulot-dodo qu’aux déplacements personnels, de loisir ou d’achat. Elle est donc plus qu’un objet économique, et c’est pourquoi on rate probablement le sens profond du mouvement spontané en cours de coagulation si l'on s’en tient à une revendication de pouvoir d’achat. Les pages personnelles des organisateurs, organisatrices et soutiens du mouvement font apparaître nettement que ce folklore automobile est un élément central dans leurs interactions sur les réseaux sociaux. La voiture n’est pas uniquement l’outil de déplacement quotidien, elle est aussi objet de culture, d’esthétique, de loisir. Du tuning à la photo artistique, elle reste un signe de statut pour une partie de la population, alors même qu’une autre partie de la France s’éloigne de plus en plus de ce modèle de civilisation automobile au point d’en ignorer les codes.

Certes, toutes celles et ceux qui possèdent une voiture ou qui roulent quotidiennement sur les routes de France, et qui constituent une majorité statistique de la population, ne s’identifient pas nécessairement à cette culture de la bagnole. Il est probable que cet investissement dans un objet courant de la vie quotidienne soit plus fort parmi les milieux populaires, ce que tendrait à confirmer la profession des leaders du mouvement interviewés dans la presse. On découvre qu’elles et ils sont employé, vendeur, chauffeur routier, travailleur du bâtiment, au chômage – OK, je mets à part le cas de Jacline Mouraud, l’internaute à l’origine d’une vidéo très relayée, « hypnothérapeute sous le régime auto-entrepreneur » par ailleurs organisatrice « de séances d’ectoplasmie ».



La carte de la France auto-dépendante

Dès lors qu’on se penche sur la carte des blocages annoncés, que centralise une page Facebook gérée par les organisateurs du mouvement du 17 novembre, quelques controverses bien familières portant sur le périmètre et l’ampleur des fractures territoriales rejaillissent instantanément. Comme l’analyse la cellule data du Parisien, qui recense à partir du site du mouvement de blocage 583 appels locaux, les départements qui comptent le plus d’appels au blocage sont le Nord et les Bouches-du-Rhône, deux départements particulièrement urbanisés (et démographiquement importants), ainsi que des départements moins peuplés: Eure, Charente-Maritime et Seine-Maritime.

Les porte-parole à l’initiative du mouvement et leurs soutiens qui s’expriment dans les médias résident eux-mêmes dans des communes de taille moyenne de province (comme la Tour-du-Pin), situées aux franges de la région parisienne (comme en Seine-et-Marne et dans l’Essonne), ou dans des territoires peu peuplés (comme la Nièvre). Ces territoires rappellent la définition amplement discutée qu’a donnée le géographe et essayiste Christophe Guilluy de « la France périphérique ». Ou encore celle des « petits-moyens » de la banlieue pavillonnaire, tant scrutés par les instituts d’opinion et les responsables politiques depuis l’élection présidentielle de 2007 et, plus encore, celle de 2012. De manière encore plus imagée, ils évoquent une France « des gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel » comme cela a été récemment synthétisé par le porte-parole du gouvernement à propos de l’électorat que séduit de manière décomplexée Laurent Wauquiez –bien que le mouvement soit composé de personnes relativement jeunes, actives et ne soit pas uniquement représenté par des hommes, contrairement à ce que l’association avec la culture automobile aurait pu laisser présager.

En somme, il s’agit de communes que l’Insee peut classer comme des villes-centres ou des banlieues, mais dans lesquelles l’éloignement des centres de décision économique et de production culturelle et symbolique peut créer le sentiment d’un déclin commun, réel ou perçu, et qui s’avère de plus en plus favorable à un vote de protestation pouvant prendre diverses expressions: souverainisme, populisme ou extrême droite.

Les ronds-points sont les places de la France étalée


Évidemment, la périphérie est un concept, et l’opposition binaire entre le centre et la périphérie masque une diversité de situations plus complexes ou enchevêtrées. Mais la tonalité d’ensemble de ce mouvement est, à n’en pas douter, d’inspiration «périphérique», dans tous les sens du terme. Et sur le plan esthétique et paysager, les conséquences sont assez nettes. C’est peut-être, plus que l’homogénéité sociale du mouvement qui resterait à démontrer, ou qu’une orientation politique clairement affirmée, le point le plus marquant des manifestations annoncées. La majorité des appels à bloquer le trafic routier mentionne comme lieu de rassemblement un équipement de voirie, un type de lieu ou une forme urbaine qui fait partie de l’écosystème de l’étalement urbain: une station-service, un parking de centre commercial, un péage, une bretelle d’accès à l’autoroute ou un rond-point. Beaucoup de ronds-points.


Eric Dobro Photos a écrit:@ericdobro
Blocage des routes du 17 novembre pour le département 04 mise à jour !
Rond point Nord de l autoroute à Sisteron.
Rond point de l autoroute Les Mées.
Rond point Super U à Manosque.
Please faites plutôt des copier coller que des partages,
Partagez... https://www.facebook.com/100000701810747/posts/2187706114596094/

Voici des extraits d’un article publié sur le site de France 3 Hauts-de-France, qui recense les blocages annoncés dans la région :
Herlies : les automobilistes mèneront une opération escargot en direction de Lille. Ils se donneront rendez-vous à 13h sur le parking du rond-point des 4-Chemins.
Cambrai : le rond-point de Petite-fontaine ainsi que les stations essence environnantes seront bloqués.
Orchies : l’A23 sera bloquée au niveau du pont de Carvin à partir de 9h. Les stations d’Auchan et d’Intermarché seront également inaccessibles.
Amiens : plusieurs points de rassemblement ont été donnés, notamment à Carrefour Amiens Nord, à la zone industrielle ou encore la gare dès 7h30.
Péronne : blocage du rond-point de l'avenue de l'Europe à côté de la sortie Péronne Nord de l'Autoroute A1 (Lille-Paris). Les trois rond-points à l'entrée de la ville pourraient également être bloqués.

SOCIÉTAL ET/OU SOCIAL ? Blocage-rond-point
Plan du blocage du rond-point de Petit-fontaine à Cambrai.

« Nous allons nous rejoindre sur un parking de centre commercial à Sens », témoigne encore le créateur d’un groupe Facebook local appelant au blocage. Dans le territoire marqué par l’étalement urbain, le rond-point devient l’équivalent logistique et symbolique du rôle joué par la place dans les mouvements de protestation de centre-ville, dont l’expression française fut la tenue, place de la République à Paris, du rassemblement Nuit Debout. La place conserve, à gauche, une connotation politique forte, comme en témoignent encore récemment le cas de l’aménagement du quartier de La Plaine à Marseille, ou le mouvement politique lancé par Raphaël Glucksmann, baptisé « Place publique ».

À l’opposé de cette culture politique, en tout cas assez loin de ses habitudes, l’automobile devient le langage de la protestation des mouvements périphériques. Si les unes et les uns se réunissent en grappes humaines, forment des assemblées et des cortèges, nourrissant une culture politique marquée par les grands mouvements sociaux, les luttes passées qui peuplent l’imaginaire collectif du « peuple de gauche » et un idéal de démocratie directe et participative, les autres, dans un rapport au corps et à l’espace différent, forment des « opérations escargot » et autres figures chorégraphiques d’un grand ballet motorisé qui se danse depuis l’intérieur de son habitacle. C’est par le « périph » que les manifestants ont prévu de rouler (et non de marcher) sur Paris. C’est aussi sur le périphérique des grandes villes que se sont réunis plusieurs groupes locaux pour préparer la journée du 17 novembre.

À l’heure enfin où les flux de données ont tendance à prendre le dessus sur les flux matériels, tous les lieux n’ont pas la même charge symbolique ni la même efficacité politique. Des manifestations peuvent bloquer des flux logistiques importants et avoir une portée faible sur le plan des symboles : la manifestation bloquante annoncée pour le 17 novembre pourrait donc passer inaperçue depuis les centres des grandes agglomérations, à la fois sur le plan territorial, du fait de l’éloignement physique des zones de blocage, et en raison des bulles de filtres propres à chaque camp sur les réseaux sociaux. La dissociation des expériences aggravant un peu plus le fossé entre France des places et France des ronds-points.

voir aussi « Les gilets jaunes, une jacquerie numérique », Francis Brochet Le Figaro, 09/11/2018

SOCIÉTAL ET/OU SOCIAL ? 20181106_carburant_gilets_jaunes_explosion_sociale_web

quoi qu'il en soit, si c'est indéniablement un mouvement social, les syndicats ne le soutiennent pas (encore) sauf des syndicats de policiers par une grève des PV

on peut même dire que c'est un mouvement revendicatif de base, puisqu'il demande à l'État de payer le carburant moins cher

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Message par Patlotch Jeu 15 Nov - 14:58

je reviens sur la question titre "SOCIÉTAL ET/OU SOCIAL ?" à la lumière des précédents posts concernant le mouvement des Gilets jaunes. Je m'étais référé en introduction à Raymond Williams et son concept de Structure of Feeling renvoyant pour lui à la sphère culturelle/sociétale comme troisième champ du marxisme, avec l'économie et la politique, ces deux champs recouvrant aussi le social

ainsi peut-on parler de changement sociétal plutôt que de mouvement sociétal puisque dès que le premier génère des mouvements, des luttes, il devient social/économique et nécessairement politique

à cet égard la page Wikipédia Changement sociétal est des plus ambiguës, qui assimile changement social et sociétal
Le changement social (ou sociétal) est « toute transformation observable dans le temps, qui affecte, d'une manière qui ne soit pas que provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire ».
quelqu'un dans la discussion le dit bien
Une notion n'est pas un mot "normal" qu'on peut se permettre de remplacer par un homonyme, c'est un terme qui se conceptualise et s'articule en recherche, ayant une définition précise. Changer l'appellation des notions ce n'est pas trivial. Dans cet article, la seule référence renvoie vers "changement social", et ce n'est pas pour rien, ou un effet de style, mais une question de langage en sciences. Il faut renommer cet article, s'il traite de changement social, et arrêter de jouer avec les mots...

mon avis est que des transformations d'ampleur, en profondeur, affectent les rapports sociaux, économiques et politiques, mais ne s'expriment pas que dans ces champs. On voit à plusieurs signes que la question "écologique", ou "environnementale", c'est-à-dire les rapports humanité-"nature", rencontre l'économie et sa politique, en un mot le capital. Ce qui a produit le mouvement des Gilets jaunes est de cet ordre, dans une forme d'expression à ce niveau inédite. On ne sait pas trop ce qu'il en sortira, certes pas la révolution, mais l'analyser en termes purs de rapports de classes, et donc d'interclassisme, est un peu court

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