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Message par Patlotch Dim 28 Oct - 16:49

en guise de mise en bouche pour un sujet annoncé qui viendra à son heure décalée en hiver, un courrier de Adé qui a entrepris la traduction en français de deux émissions radio de Federico Corriente (ici et ici)

Adé a écrit:
Federico Corriente a écrit:Caractéristiques générales de la domination réelle

Dans La révolution communiste : thèses de travail (1969), Jacques Camatte écrit : « Dans la phase de domination réelle, le procès de valorisation s’impose de plus en plus au travail. Sur le plan social ceci implique que le capital tend à dominer toujours plus le prolétariat. » Et dans Caractères du mouvement ouvrier français (1971) il y insiste et expose une conception assez curieuse : « La domination réelle du capital ne peut se réaliser qu’au travers de la médiation du travail productif, pour autant par la domination du prolétariat en tant que capital variable. Il s’agit de la mystification du prolétariat comme classe dominante. »

A première vue cela peut paraître une formule assez choquante, mais si l’on pense au stalinisme, au fascisme, au New Deal, ou aux origines du syndicalisme révolutionnaire et comment en Italie il prépare le terrain du fascisme, on peut penser que tous ces phénomènes sont paradigmatiques de ce qui se déroule durant la première phase de la domination réelle : le capitalisme généralise la condition ouvrière et porte à son maximum le pouvoir relatif de la classe travailleuse au sein de la société. C’est que veut dire Camatte par la « mystification du prolétariat comme classe dominante ».

Dans ce sens, il insiste sur le fait que lors de cette phase, le capital réalise la tâche de généralisation de la condition prolétarienne envisagée par Marx pour le « socialisme inférieur » de la Critique du Programme de Gotha. Cependant, il note que cette généralisation se réalise sous la généralisation des traits attribués par Marx à la classe moyenne. (Le travail, le travail productif, et les mythes de la classe ouvrière et de la classe moyenne, 1972)

Il m'est souvent passé par la tête que le "socialisme" avait été réalisé par le capitalisme à sa façon : la seule.

J'en avais touché mot, à plusieurs reprises à des proches de T.C., et la dernière fois à Bernard Lyon en personne, en 2007, pour toute réponse celui-ci avait balayé l'hypothèse en prenant un air à la fois agacé et je sais pas quoi...

Je ne sais pas où je suis allé chercher tout ça, mais il est vrai que je lisais Invariance tout petit déjà, c'est peut-être par là que s'est insinué cette horreur.

Il m'apparaît aujourd'hui que la période de DR [domination réelle] avec la plus-value relative a réellement socialisé le mode de production, c'est la société dans son ensemble qui participe à la valorisation. D'où, peut-être, le fait que l'inclusion du monde ouvrier se fasse comme incorporation dans une classe moyenne universelle, et que les différenciations entre, d'une part le prolétariat ouvrier et les autres couches (cadres, secteurs de l'enseignement, de la santé...) se soient estompées jusqu'à perdre toute consistance.

Je pense que l'erreur d'appréciation des tenants actuels d'une révolution classiste (et par-là même classique) vient du fait de ne pas prendre en compte l'ampleur du changement de paradigme entre DF (domination formelle) et DR (domination réelle), et pour ceux qui utilisent le concept de "programmatisme", de faire comme si le programme et ce qui est lié à celui-ci s'était comme évaporé, volatilisé, vaincu, etc...

Je subodore, au contraire, que les éléments propres au programme ouvrier se sont fondus, amalgamés, dans la société du capital. Ainsi, l'institutionnalisation des syndicats et le partenariat social toujours en vigueur, ont activement participé à cette inclusion sociale. Le programmatisme a été le marche-pied de la DR, et l'échec du premier est la victoire de la seconde.

Ce qui pose problème aux tenants de la révolution classiste c'est que le prolétariat ouvrier est à la traîne des "classes moyennes", car de fait il y est incorporé et ne peut jouir d'aucune autonomie : il fait partie de la classe universelle.

La désignation des "classes moyennes" comme contre-révolutionnaires permet d'éviter la question fondamentale de ce qu'est la société sous DR, afin de préserver le prolétariat, sans-réserve, ou producteur de plus-value comme sujet révolutionnaire potentiel.

Tu as peut-être une idée de ce que R.S insinue par "A trop dire que la France s'ennuie, on se prépare des lendemains inconnus" ?

En ce qui me concerne (mais oui, c'est le changement d'heure ?) La France m'ennuie, ça c'est sûr...
en ce qui concerne l'allusion de RS, c'est à la phrase-titre de Pierre Viansson-Ponté, dans Le Monde du 15 mars 1968, à quelques jours du 22 mars, voulant dire que ceux qui ne croient pas, comme lui, à un possible soulèvement prochain, se réservent ce genre de surprise

en ce qui concerne l'idée que « le prolétariat ouvrier est à la traîne des "classes moyennes", car de fait il y est incorporé et ne peut jouir d'aucune autonomie : il fait partie de la classe universelle, ce qui pose problème aux tenants de la révolution classiste », je serais prudent : comme je l'ai écrit ici, je ne partage pas leur partition caricaturale entre prolétariat et couches moyennes, je ne saurais donc l'utiliser "à l'envers" pour les critiquer. Le problème est que la domination réelle du capital noie le travail productif dans la plus grande partie du salariat, et donc que les frontières entre classe moyenne et prolétariat productif s'estompent. On ne peut donc plus user de ce schéma ancien pour fonder le devenir révolutionnaire de la classe ouvrière. Il me semble que dès les années 1972, Jacques Camatte l'a bien compris, mieux en tous cas que l'ultragauche et ses héritiers. Ajoutons qu'il parlera plus tard de "domination substantielle", ce qui est plus parlant que "domination réelle". J'y reviendrai

je partage sans réserves que « Le programmatisme a été le marche-pied de la démocratie radicale, et l'échec du premier est la victoire de la seconde.», ce qui s'annonce dès le début des années 70 (Programme commun, 1972 ; Marchais : Le défi démocratique, 1973 ; PCF : pas de candidat aux Présidentielles de 1974, abandon de la dictature du prolétariat, 1976). La pertinence des concepts de Théorie Communiste (TC), programmatisme et de démocratisme radical ne me paraît pas douteuse, ils sont sans doute des seuls qui tiennent la route, relativement à cycle de lutte, conjoncture quasi inutile, sans intérêt hors leur corpus qui tourne en boucle sur lui-même en se mordant la queue : chaque concept y tient fonction de renforcer les autres, et le tout donne l'impression d'une cohérence bétonnée, alors qu'elle n'est qu'interne

sur la fonction du concept de classes moyennes chez les communisateurs, on la trouve chez Astarian et Il lato cattivo (voir dndf hier), mais TC a mis la pédale douce là-dessus, mettant à raison en avant l'interclassisme plus que l'entité classes moyennes. Donc, je suis d'accord, « La désignation des "classes moyennes" comme contre-révolutionnaires permet d'éviter la question fondamentale de ce qu'est la société sous DR, afin de préserver le prolétariat, sans-réserve, ou producteur de plus-value comme sujet révolutionnaire potentiel. » C'est du bricolage, comme chez TC le « kaléidoscope du prolétariat » (TC26) qui permet de théoriser la segmentation multiple (genre, race, concurrence entre ouvriers) comme celle d'un sujet toujours délà là, constitué en classe

quant à « Le "socialisme" avait été réalisé par le capitalisme à sa façon », il y a de ça dans la social-démocratie, à savoir sa présence y compris à droite dans l'État-providence du compromis fordiste-keynésien. Je m'étonne de la réaction de BL pour qui il y avait bien "socialisme réel" dans le capitalisme d'État en URSS. Disons que ça renverrait à la partition de Debord entre Spectacle concentré (les démocraties populaires de l'Est) et Spectacle diffus (les démocraties occidentales) (La société du spectacle, thèse 64, 1967)

voilà qui nous éloigne de Camatte. J'y reviendrai à la réception des traductions de Corriente par Adé : « 11 pages par envoi. Le côté oral du texte est difficile, avec des bifurcations, etc... sans parler de l'absurdité de traduite en français du Camatte, traduit en espagnol, sinon faudrait repérer les N° et repiquer, pareil pour les citations de Karl...»

j'avais sur le précédent forum donné dans 'LE CONCEPT DE RÉVOLUTION en questions' de larges extraits expliquant la double rupture de Camatte, au début des années 70, avec le sujet révolutionnaire prolétariat et avec l'idée même de révolution accomplie par une classe. Malheureusement, à partir du moment où il a "quitté ce monde", il n'y a plus de débat possible avec les marxistes, qui le traitent en chien crevé contre-révolutionnaire, quitte pour les futurs théoriciens de la communisation à l'avoir pillé sans trop le dire. Tout juste revient-on encore sur les textes de cette période de rupture (par exemple tout récemment Comin Situ avec Bordiga and the Passion for Communism, Camatte, 1972)

or ce qui me semble le plus intéressant chez Camatte est ce qu'il élabore dans les séries ultérieures d'Invariance, de la fin des années 70, dans les années 80-90 et depuis, dans un programme d'écriture dont il dit qu'il a encore quelques années (il a 83 ans...). Intéressant dans la mesure où cela croise mes propres considérations élaborées dans un autre cheminement, sur la rapport humanité-nature

en attendant, un bon résumé du cheminement de Camatte, difficile à trouver sur son site Invariance, est proposé par Temps Critiques en 2012 dans Quarante ans plus tard : retour sur la revue Invariance. On peut au moins en première approche s'en servir de guide de lecture, car l'appropriation des concepts propres à Camatte n'a rien d'aisée. Perso ce n'est que récemment que j'ai commencé à les comprendre vraiment, et où il voulait en venir

à signaler un premier texte de Corriente déjà traduit par Adé : Jacques Camatte et «le chaînon manquant» de la critique sociale contemporaine, dndf 2015 (l'absence de tout commentaire dit combien ça les intéresse), et un autre de 1969 dont j'ai parlé dans le sujet éponyme DE L'ORGANISATION avec les réactions significativement agacées du jésuite RS

en résumé, l'intérêt de nous confronter aujourd'hui aux écrits de Camatte tient à l'actualité de leur problématique, quand ceux des théoriciens de la communisation montrent de plus en plus un épuisement de leur ancrage dans le réel, dont avait pris conscience Karl Nesic peu avant sa disparition, en 2012 (ici) : « Le  mouvement communisateur se trompe de période historique. Il commence d’ailleurs à être atteint de sclérose théorique, dont il ne se débarrassera ni aujourd’hui ni dans un avenir proche ou lointain, tant il est évident qu’il n’y est poussé par aucune réalité sociale.» Ni son proche camarade de troploin, Gilles Dauvé, ni les autres théoriciens visés ne lui ont jamais répondu. Il l'avait anticipé : « Je suppose que ce court texte suscitera ricanements et commentaires acerbes. Cela m’indiffère. »

et vous voudriez que je les trouve encore fréquentables ?

Camatte, aux quelques courriels que je lui ai envoyés, m'a toujours gentiment répondu

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Message par Patlotch Sam 3 Nov - 10:52

comme annoncé, livraison en épisodes de la traduction par Adé de la première émission de Federico Corriente sur Jacques Camatte (ICI, 1er septembre 2018)

Federico Corriente a écrit:
« Le lecteur pourra se rendre compte que l’invariance déclarée-proclamée au début, celle de la théorie du prolétariat, est déjà incluse dans une autre, bien plus large : la recherche d’une communauté humaine qui a son complément dans la destruction des anciennes communautés et la domestication des hommes et des femmes, ainsi que la lutte contre celle-ci, une des conditions historiques pour que la tentative de fonder une communauté humaine puisse se réaliser. » (Communauté et Devenir, 1994)

1) Débuts de Jacques Camatte dans la Gauche Communiste Internationale et premiers travaux. Rupture avec le PCI.

 Le point de départ de Camatte est le Parti Communiste International, héritier du Parti Communiste Italien original, et expulsé de l’Internationale Communiste vers 1928. La biographie de J. Camatte est, quant à elle, très lacunaire : il aura réussi à devenir bien plus « anti-spectaculaire » que Guy Debord, par exemple. J. Camatte est né non loin de Marseille en 1935, exerçant en tant que professeur des Sciences de la Vie et de la Terre dans le sud de la France (Toulon, Brignoles, puis Rodez) jusqu’en 1967. Son parcours militant débute en 1953 avec son adhésion à la Fraction Française de la Gauche Communiste Internationale (FFGCI) au sein du groupe de Marseille en 1953. Quelques années après, il fait la connaissance de A. Bordiga (décédé en 1970) à Naples qu’il consultera à maintes reprises lors de l’élaboration de ses premiers textes.

En 1957, le groupe français de la Gauche Communiste Internationale se lance dans la publication de la revue Programme Communiste, sous la direction de Suzanne Voute - germaniste et traductrice en collaboration avec Maximilien Rubel d’une grande partie de l’œuvre de Marx pour Gallimard et La Pléiade - quittant Paris pour s’installer dans le sud et prendre la direction du groupe. Voute a, selon toute apparence, une grande influence sur la personne de Jacques Camatte (il ne serait pas échevelé de penser qu’il a appris l’Allemand avec elle). Suzanne Voute avait préalablement animé la Fraction Française de la Gauche Communiste Internationale jusqu’en 1949-1950, date à laquelle son compagnon de cœur, ex-membre du POUM, Albert Masó («Véga»), entraîna avec lui vers « Socialisme ou Barbarie » (SoB) l’immense majorité des membres de la FFGCI. Tout au long de l’année 1950, et jusqu’à l’été de cette même année, S. Voute s’était entretenue avec Cornélius Castoriadis de SoB en vue d’une éventuelle fusion des deux groupes. En 1951, Voute fonda le groupe français de la Gauche Communiste Internationale.

À partir de 1961, Camatte semble jouer un rôle de plus en plus important au PCI, et il entame un véritable échange intellectuel très enrichissant avec Amadeo Bordiga. Origine et fonction de la forme parti (1961), par exemple, est un texte interne au PCI -écrit conjointement avec  Roger Dangeville - dont la publication a dû être imposée par Bordiga lui-même, vus les remous suscités par ce texte au sein du parti.

En 1963 Camatte fonde le groupe de Toulon, mais l’année suivante il le quitte pour se rendre à Paris, où il entreprend de s’opposer à ce qu’il nomme « l’activisme trotskiste » : cartes du parti, réunions formelles présidées par un « responsable du parti », activités d’agitation autour de la vente du journal Le Prolétaire et pour un syndicat de classe « rouge », etc.                                                                                                   
En 1964 la polémique s’intensifie, car à ce moment-là certains membres du PCI considèrent que celui-ci devait intervenir plus activement dans les luttes qui se succédaient en Italie depuis 1962, et que la raison de l’incapacité du parti à s’insérer dans ces luttes résidait dans son mode d’existence, dans sa forme d’organisation. Ils proposent d’abandonner le centralisme organique -fondé sur la priorité de la défense du programme communiste, et l’absorption spontanée des fractions par-dessus les mécanismes démocratiques- au profit du centralisme démocratique léniniste.

 Cependant, à la même date, lors de la réunion de Florence, Bordiga réagit énergiquement contre cette tendance, et cite, à cette occasion entre autres Origine et fonction de la forme parti, ce qui manifeste son accord avec celui-ci, et encourage ceux qui entendent poursuivre sur cette lancée.

C’est également à cette date (1964) que Camatte s’attelle à une étude sur le VI° chapitre inédit du Capital et l’œuvre économique de Karl Marx, plus connu comme Capital et Gemeiwesen,- travail très apprécié de Bordiga -, dans laquelle est développée l’idée du passage de « la domination formelle à la domination réelle du capital ». Ce travail achevé en 1966 (l’année même Camatte abandonne le PCI), est publié seulement en 1968, dans le N° 2 d’Invariance.

Au cours de la réunion de Naples en juillet 1965, Bordiga persiste à rejeter le « centralisme démocratique », ainsi que toute mesure d’exclusion à l’encontre de Camatte, mais ne fait plus aucune référence à Origine et fonction... parmi le matériel destiné à commenter les thèses générales ; ainsi donc, Bordiga commence à reculer, en lâchant du lest à la tendance néo-léniniste et trotskisante qui s’imposera toujours davantage.

 La trajectoire de Camatte au PCInter. prend fin en 1966 après avoir signé le texte Bilan (rédigé par Roger Dangeville), la rupture devient inévitable. Suzanne Voute est, dès lors l’une des plus acharnées à demander l’exclusion de Camatte et de Dangeville, allant jusqu’à faire pression sur Bordiga. Celui-ci rejeta par principe toute « chasse aux sorcières ». La rupture ne fut pas « amicale » : Camatte, dépositaire en France des publications du PCI dut se barricader chez lui pour pouvoir les conserver. Cependant, il décide de détruire tous les exemplaires, y compris les siens propres, dans lesquels ne paraissent pas des articles de Bordiga, selon lui afin de montrer « qu’il n’était pas un universitaire » (selon Ph. Bourrinet, in Un siècle de gauche communiste « Italienne » (1915-2015).

Camatte résume ainsi sa relation avec Bordiga dans Du parti-communauté à la communauté humaine, (1974): Cette brève histoire est nécessaire pour pouvoir comprendre l’accord qu’il put y avoir avec A. Bordiga sur la question du parti, ainsi que de ses limites, Origine et fonction est à certains égards, un texte charnière, puisque autour de lui de nombreuses polémiques se sont articulées (ceux qui ont abandonné le PCInter après 1962 l’ont toujours violemment critiqué), et parce qu’il a été le point de départ d’un dépassement qui se développa au travers des travaux exposés dans la revue Invariance, car par l’opposition qu’il suscita, il provoqua le renforcement de la composante léniniste, avec l’exaltation du lien avec la IIIème internationale de la part de Bordiga, mais surtout du PCInt, qui à partir de 1966 s’immerge totalement dans le courant léniniste et perd toute originalité.


2) Bref résume de Origine et fonction afin de caractériser le « bordiguisme »

Dans Origine et fonction Camatte décrit les traits les plus caractéristiques de la GCI afin la présenter dans son originalité et la séparer du léninisme et du trotskisme. La GCI  est un groupe des survivants du naufrage de la GC, qui s’était distinguée – conjointement avec les communistes de gauche germano-néerlandais, avec lesquels elle partageaient seulement un principe d’antiparlementarisme - car stigmatisées par Lénine dans son fameux pamphlet de 1920 « Le gauchisme, maladie infantile du communisme ».  Toutefois, à la différence des germanos-néerlandais, les communistes de gauche italiens demeureront dans la GC jusqu’en 1928. D’après Origine et fonction, les traits principaux de la GCI sont les suivants :

- La « théorie du prolétariat », surgissant une fois pour toutes en 1848 qui était censée anticiper tout ce que celui-ci devait faire afin de se constituer en classe et devenir le sujet de l’histoire avant de s’abolir lui-même et d’accéder au communisme. Selon la Gauche Communiste Italienne, la crise, basée sur la théorie de la valeur – qui représente le trait d’union avec la théorie du prolétariat - détruirait l’intégration du prolétariat dans la société bourgeoise, et permettrait la rencontre de celui-ci avec sa conscience, incarnée dans le parti.1

- En tant que dépositaire du programme communiste, le parti n’est pas seulement le représentant du prolétariat, mais aussi la « préfiguration de la société communiste » c’est-à dire de la Gemeinwesen, la future communauté humaine. Le parti ne pouvait pas être défini par des règles bureaucratiques, mais par son être, et cet être résidait en son programme. Le parti était dit « formel », ou « historique », ce dernier vainqueur de la révolution communiste, ne s’identifie pas nécessairement avec un quelconque parti « réellement existant » pour l’heure .

- Le parti se définissait comme un organe de la classe, qui naissait - ou se reformait - spontanément lorsque la lutte de classe prenait de l’ampleur. Cette conception tente de dépasser l’opposition léniniste-trotskiste entre spontanéité et conscience. Ni l’organisation n’était considérée comme le mal, ni la spontanéité comme le bien, car cette dernière finit toujours par être absorbée par la stabilisation des rapports sociaux.

- En dernier lieu, le marxisme se définissait comme théorie des contre-révolutions, puisque selon le texte de Bordiga daté de 1951 intitulé « Leçons des contre-révolutions », « tout le monde sait s’orienter à l’heure de la victoire, mais peu sont ceux qui savent le faire lorsque la déroute arrive, se complique et persiste. » Il était impossible de prétendre à l’action sans avoir préalablement défini la phase historique : révolutionnaire ou contre-révolutionnaire, de reprise ou de repli ; c’est pourquoi dans une période contre-révolutionnaire  - par exemple avant mai 68 - les internationalistes devaient éviter le piège de l’activisme et de l’immédiatisme et se concentrer sur le programme et la critique de l’économie politique. […] C’est pourquoi, l’erreur de Trotsky, selon la GCI, était d’avoir refusé de faire un bilan permettant de préparer le second assaut révolutionnaire, au lieu d’expliquer  les raisons de la défaite par la trahison des chefs, les crimes de Staline, la passivité des masses, la mauvaise application des consignes, etc. […] Dans La révolution communiste : thèses de travail, texte de Camatte en 1969, celui-ci résume ainsi la question : « La force de ce mouvement est d’avoir compris qu’il fallait battre en retraite. »

 1. Au sujet de la «décadence» du MPC, on se doit de préciser que Bordiga a toujours rejeté cette conception comme étant une déformation gradualiste de la théorie de Marx (cf. « Le renversement de la praxis dans la théorie marxiste », in Invariance série I, n°4. (Errance de l’humanité »)

livraison à suivre

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Message par Patlotch Sam 3 Nov - 11:41

Federico Corriente a écrit:3) Invariance : la rupture théorique

 Camatte fonde la revue Invariance en 1967, prenant progressivement ses distances d’abord par rapport au bordiguisme, puis au marxisme classique, pour en arriver à une rupture totale qui est allée en se vérifiant série après série. Il y a eu cinq séries : I (1967-1969), II (1971-1975), III (1975-1983), IV (1986-1996), et la dernière V (1997-2002). Il est possible de diviser ses apports en deux aspects principaux (ce qui a permis de se réclamer de l’un ou de l’autre de ces aspects, en ignorant ou en rejetant le reste).

a) Sauvetage de la « part maudite » du communisme


« La rupture de la continuité organisationnelle imposait une étude théorique plus exhaustif, une droiture encore plus grande et un enracinement plus profond, une intégration de tous les courants, qui, même partiellement, défendaient la théorie du prolétariat. » (La révolution communiste : thèses de travail, 1969)

  Non seulement Camatte se voua à sauver des textes importants de la GCI, mais il tira également de l’oubli les gauches germano-néerlandaises, anglaise et étatsunienne: les deux premiers n° de la série I étaient respectivement consacrés à Origine et fonction de la forme-parti et à Capital et Gemeinwesen. (Les n° 3, 4, et 5 furent consacrés intégralement à la publication de textes de Bordiga, à l’exception des Gloses critiques marginales à l’article ‘Le roi de Prusse et la réforme sociale’ de K. Marx incluses à la fin du n°5, et dont nous reparlerons à propos de l’Espagne et du groupe Etcétera.) Les thèses du n° 6 d’Invariance sont consacrées à la publication d’un essai monographique, La révolution communiste : thèses de travail (1969), qui devaient être illustrées par des textes provenant de diverses tendances du mouvement ouvrier, c’est ainsi que dans les n° 7 et 8 de la première série furent publiés des textes de Gorter, Pannekoek, Sylvia Pankhurst, Luckács, les communistes de gauche étatsuniens, du KAPD et de la revue Bilan. Enfin, les n° 9 et 10 de la première série renouvelèrent la publication des textes de Amadeo Bordiga. Le n° 5 de la Série II publia le texte de Gorter « L’Internationale Communiste Ouvrière » (1923), et dans le n°6 de la même série le Manifeste du Groupe ouvrier du Parti communiste Russe (1923) de Miasnikov.

Tout cela dans une période de temps très brève, puisque la série II d’Invariance prend fin en 1975, et que le gros de ces publications et de ces traductions furent réalisées avant 1971. Furent aussi traduits plusieurs textes classiques de jeunesse de Marx, tel que « la Question Juive », « Critique de la Philosophie de l’État de Hegel » - de fait, les « Gloses marginales...» avaient été traduites en France dans les années 20, et il n’y eut aucune autre traduction avant celle de J. Camatte.

b) Reprendre la critique de l’économie politique : analyse de la subsomption


« Les concepts les plus importants et véritables de l’époque sont conditionnés précisément autour d’eux de la plus grande confusion et des pires contre-sens. Les concepts vitaux connaissent à la fois les utilisations les plus véritables et les plus menteurs. (Internationale Situationniste, n°9, 1966)

                               « Le point de départ de la critique de la société du capital actuelle doit être la réaffirmation des concepts de domination formelle et de domination réelle comme phases historiques du développement capitaliste. Toute autre périodisation du procès d’autonomisation de la valeur, telle que capitalisme de libre échange, monopolistique, d’État, bureaucratique, etc., abandonne le champ de la théorie du prolétariat, c’est-à-dire la critique de l’économie politique, et fait parti de la praxis de la social-démocratie ou de l’idéologie léniniste codifiée par le stalinisme. […] Dans la phase de domination réelle du capital, en tant qu’instrument médiateur du despotisme du capital, disparaît. Après l’avoir employée à fond durant la période de domination formelle, il peut se passer d’elle lorsque le capital, transformé en être total, parvient à organiser rigidement la vie et l’expérience des subordonné » (« Transition », 1969)

  Ce qui est fondamental dans le point de vue de Camatte dans Capital et Gemenweisen, c’est qu’en marge de l’analyse du capitalisme comme totalité on ne pouvait pas comprendre de façon adéquate les mouvements anti-capitalistes ; cela semble être une évidence, mais nous pouvons saisir que ce n’est pas le cas. Faute d’analyser le capitalisme comme un rapport d’implication réciproque – ce que fait actuellement Théorie Communiste - incluant tout ce qu’il advient en-dehors de la sphère immédiate de la lutte des classes, on ne va pas bien loin. Il n’est pas suffisant de s’intéresser uniquement à la classe ouvrière (comme le firent - selon Camatte et Cie en péchant par immédiatisme – SoB, ou l’opéraïsme italien, qui en arriva à fétichiser la subjectivité ouvrière comme quelque chose de toujours déjà là, advienne ce qu’il advienne). En d’autres termes, il importait de relire à fond Le Capital, les Grundrisse, Urtext et le VI ème Chapitre Inédit, selon Camatte et Bordiga, afin de comprendre le capitalisme contemporain. Et, pour ce faire, ils se penchent d’abord sur Marx.

Qu’avait donc à dire Marx à propos des deux formes de plus-value et des deux formes de subsomption du travail dans le VIème Chapitre Inédit ? Entre autre, ceci :

   « Quoiqu’il en soit, les deux formes de plus-value, absolue et relative […] correspondent à deux formes séparées de la subsomption du travail dans le capital […], desquelles la première est toujours précurseur de l’autre, bien que la plus développée, la seconde, peut constituer, à son tour, la base de l’introduction de la première dans de nouvelles branches de la production » (VIème Chapitre Inédit, p.60).

  Marx ne dit pas qu’il existe une distinction temporelle stricte entre les deux formes de plus-value (relative / absolue), mais qu’une fois que la plus-value relative est devenue la forme dominante à l’échelle mondiale, elle sert également de base d’introduction à la plus-value absolue dans d’autres secteurs jusqu’alors non investis. Le rapport est complexe : il ne s’agit pas simplement de d’abord l’une – absolue – puis l’autre – relative.

 Marx ajoute à cela que, sur la base de la subsomption formelle (intimement liée à l’extraction de plus-value absolue) se dresse « un mode de production […] qui métamorphose la nature réelle du procès de travail et ses conditions réelles […] ce qui mène à la subsomption réelle sur le travail dans le capital » (VIème Chapitre Inédit, p.72), [...] et que celui-ci suppose « une révolution totale (qui se poursuit et répète constamment) dans le propre mode de production, dans la productivité du travail, et dans les rapports entre le capitaliste et l’ouvrier ». (idem, p. 72, 73)

Voilà ce qu’écrit Marx au sujet de la subsomption, ce qui semble déjà beaucoup.

Camatte entend justifier la périodisation qu’il introduit en argumentant par exemple :

« […] le capital ne peut se contenter de dominer à l’intérieur du procès de production ; il doit d’approprier l’ancien procès de circulation et le faire sien […] ; ce qui impose, à son tour,  la transformation des moyens de transport […] Il ne peut plus s’accommoder d’un État auxiliaire ; il faut que celui-ci se transforme en État capitaliste, en entreprise capitaliste. Ce qui signifie que le capital doit bouleverser toutes les présuppositions sociales, les capitaliser toutes. C’est que nous avons exposé dans les pages précédentes  sur la domination réelle du capital ; cependant, nous avions omis de préciser que, ce faisant, nous étendions le champ des concepts de Marx – en se fondant sur son œuvre – de l’usine à la société. » (Capital et Gemeinwesen)

                                                        ***

Ainsi, Camatte lui-même avertit que la périodisation historique est de lui-même ; elle s’appuie sur le travail antérieur de Marx, mais Camatte assume la responsabilité de cette périodisation.*

* [Patlotch : on relève chez Théorie Communiste la même extension de la distinction de Marx à une périodisation du capitalisme. TC a bien dû la prendre quelque part, sans dire où, ce qui est habituel chez lui. Christian Charrier indique dans À propos de la périodisation du mode de production capitaliste que « la périodisation du mode de production capitaliste entre subsomption formelle et réelle à partir de l’édition française du Vième chapitre inédit du Capital en 1971 – En fait la « découverte » a été faite par J. Camatte en 1964–1966, qui lui a consacré le second numéro d’Invariance daté d’avril–juin 1968. »]

Caractéristiques générales de la domination formelle

    Dans Capital et Gemeinwesen, Camatte écrit : « […] pendant la période de domination formelle du capital, le capital variable – la force de travail – est l’élément fondamental. » (du procès de production s’entend)

Sur cette base, « la perspective d’une révolution sous domination formelle du capital vue par Marx […] suppose une continuité du développement des forces productives sous le capital […] et sous la domination du prolétariat. La révolution signifie l’affirmation de la classe dominée et sa transformation en classe dominante. [Patlotch : c'est ce qu'il est convenu d'appeler le Programmatisme ouvrier ou prolétarien]. En prenant le pouvoir et en généralisant sa condition, la classe des travailleurs productifs développe les forces productives, ce qu’elle faisait déjà sous le capital, mais elle le fait sous sa propre direction. […] »

Camatte caractérise ici l’époque historique, qui selon lui, commence à devenir obsolète dès la Commune de Paris (1871), puis totalement après la Première Guerre Mondiale (1914–1918). Quelle en est la conséquence du point de vue de la politique ?

Domination formelle et politique

La conséquence est que « durant la période de domination formelle du capital, […] la politique – l’exercice de la volonté sur une société que le capital ne dominait pas encore « de l’intérieur » - pour ainsi dire – peut encore être efficace sur une assez longue période. […] Lorsque le capital atteint sa domination réelle, et s’est constitué en communauté matérielle, la question est résolue : il s’est emparé de l’État […] »

                                                    ***

Caractéristiques générales de la domination réelle

 Dans La révolution communiste : thèses de travail (1969), Jacques Camatte écrit : « Dans la phase de domination réelle, le procès de valorisation s’impose de plus en plus au travail. Sur le plan social ceci implique que le capital tend à dominer toujours plus le prolétariat. » Et dans Caractères du mouvement ouvrier français (1971), il y insiste et expose une conception assez curieuse [Patlotch : c'est l'extrait donné en ouverture du sujet] :

« La domination réelle du capital ne peut se réaliser qu’au travers de la médiation du travail productif, pour autant par la domination du prolétariat en tant que capital variable. Il s’agit de la mystification du prolétariat comme classe dominante. »

À première vue cela peut paraître une formule assez choquante, mais si l’on pense au stalinisme, au fascisme, au New Deal, ou aux origines du syndicalisme et comment en Italie il prépare le terrain du fascisme, on peut penser que tous ces phénomènes sont paradigmatiques de ce ce qui se déroule durant la première phase de la domination réelle : le capitalisme généralise la condition ouvrière et porte à son maximum le pouvoir relatif de la classe travailleuse au sein de la société. C’est que veut dire Camatte avec la « mystification du prolétariat comme classe dominante ».

Dans ce sens, il insiste sur le fait que lors de cette phase, le capital réalise la tâche de généralisation de la condition prolétarienne envisagée par Marx pour le « socialisme inférieur » de la Critique du Programme de Gotha. Cependant, il note que cette généralisation se réalise sous la généralisation des traits attribués par Marx à la classe moyenne. (Le travail, le travail productif, et les mythes de la classe ouvrière et de la classe moyenne, 1972) [Patlotch : étonnante pré-vision...]

Conséquence immédiate du point de vue de ce que supposerait une révolution en Domination Réelle

« Dans la période de domination formelle du capital, la révolution se présentait à l’intérieur même de la société, comme lutte du travail contre le capital ; à présent elle se manifeste – et le fera de plus en plus – à l’extérieur, comme une lutte à la fois contre le capital et le travail ; c’est-à-dire que le prolétariat doit lutter contre sa propre domination comme classe et détruire le capital et les classes. » (Capital et Gemeinwesen) [Patlotch : intérieur et extérieur ne sont pas tout à fait clairs ici : si comme Théorie Communiste l'on retient l'implication réciproque Capital-Prolétariat, cette contradiction demeure interne au Capital. On note néanmoins qu'à cette époque, Camatte formule quelque chose qui ressemble à ce que deviendra la théorie de la communisation]

Et il ajoute une autre observation : dans la phase de domination réelle le capital se constitue en communauté matérielle, ce qui signifie que grâce à l’approfondissement de la domination du travail mort sur le travail vivant, et au fait que les relations sociales ne sont plus régies par la valeur d’usage mais par la valeur d’échange, la société acquiert un substrat homogène et cohérent, ce qui permet – selon J. Camatte – de fonder une communauté matérielle stable (Capital et Gemeinwesen). De toutes façons, cette notion de « communauté matérielle » deviendra un peu polémique car, énoncée dans cette phase de production théorique, elle ne semble pas avoir une grande importance, mais plus tard elle se fétichisera un peu, et se transforme en quelque chose dont il n’est pas clair que l’on puisse sortir.

Domination réelle et politique

J. Camatte écrit à ce propos dans La révolution communiste : thèses de travail (1969) : « À partir du moment où tout ce qui fonde la société dépend de, ou est directement généré par le capital, la politique cesse d’exister de façon déterminante. Elle se transforme en folklore, en tant qu’élément mystificateur de la représentation du capital. »

Dans la phase de domination formelle, les prolétaires avaient créé des syndicats et des partis dans lesquels ils pouvaient retrouver une existence communautaire en marge du capital, mais sous la domination réelle, c’est le capital qui organise les êtres humains et toutes les organisations se transforment de fait en gangs-rackets soumise directement au capital (ou bien elles sont condamnées à végéter, et à n’avoir aucun impact). [Patlotch : Corriente y revient plus loin, cf message suivant]

Quelques appropriations restrictives (et critiques peu pertinentes) de la périodisation de J. Camatte

Dans Crise de l’État – Plan (1971), Toni Negri utilise déjà la distinction domination formelle / domination réelle. Bien des années plus tard, en 2003, dans le prologue à la seconde édition de 33 leçons sur Lénine, Negri donne l’impression de ménager ses arrières (au cas où quelqu’un ressorte l’affaire). Il écrit ceci :

« Au cours de ces années-là, entre 1960 et 1970, j’ai eu quelques amis bordiguistes : en Italie quelques camarades de Crémone, en France Robert Paris et d’autres. J’ai eu l’impression […] qu’une théorie du sujet (comme celle que j’élaborais alors) pourrait être soumise à ce dispositif. »

Phillipe Bourrinet, dans un livre sur la Gauche italienne, dit lui aussi que Negri lisait Invariance en prison ; cependant Toni Negri n’a pas été en prison jusqu’en 1979, et donc s’il utilisait en 1971 la distinction domination formelle / domination réelle, il avait bien dû la sortir de quelque part…

Puis Loren Goldner, qui depuis l’article The remaking of the American Working Class (1983) commença à employer cette périodisation, reconnaissant, quant à lui qu’il en était redevable à ce qu’il appelait « le néo-bordiguisme français », c’est-à-dire qu’il reconnaît son origine, mais qu’il omet les aspects liés à la politique, comme Toni Negri. Aucun des deux ne dit quoi que ce soit sur les conséquences de la domination réelle sur la politique et sur la politique radicale/révolutionnaire en tant qu’activité : il y a un mutisme complet là-dessus de la part des deux.

En dernier lieu, il semble bien que la périodisation de Camatte suscite une certaine nervosité dans les milieux liés à la GCI, non parce qu’elle serait « eurocentriste », selon leur expression – ce qu’elle n’est pas – mais bien par les conséquences que l’usage de cette périodisation entraîne sur la politique. Leur critique est basée, d’un côté, à rappeler – assez gratuitement par ailleurs – le caractère mondial du capital depuis ses débuts, et à signaler, d’un autre côté que la domination formelle suppose déjà un bouleversement des conditions de vie. L’accumulation primitive et la séparation des producteurs des moyens de productions sont-elles exclusives de l’Amérique et de la Conquista espagnole ? (ou bien en Asie, ou en Afrique. Évidemment non : et ni Marx, ni Camatte, ni Théorie Communiste ne pourraient être en désaccord là-dessus, cela n’invalide en aucun cas la périodisation en question).

Il y a plus, le texte de Marx commenté par Camatte – le VIème Chapitre Inédit – s’en tient, comme le titre même l’indique aux « Résultats du procès de production immédiat ». Si la domination formelle affecte seulement le procès de production immédiat c’est que tout le bouleversement antérieur – et simultané – est déjà donné, non que K. Marx nie son existence, ni prétende que le capital n’ait pas eu à parcourir un grand espace historique pour parvenir à ce point.

Il existe un dernier argument, lui aussi inopérant : « Lorsque l’on observe la réalité internationalement, il est impossible de penser en étapes délimitées (par rapport au procès de travail) » *2. En effet, Marx cité par Jacques Camatte avait déjà clairement établi que la prédominance de la plus-value relative pouvait servir de base à l’introduction de la plus-value absolue dans d’autres branches de la production.

L’on ne peut que se demander les motivations réelles de ces critiques si faibles : mon opinion personnelle est qu’il s’agit de soutenir, contre vents et marées, le caractère invariable de la condition prolétaire afin d’éviter la dévaluation de certains appeaux publicitaires tels que « communauté de lutte », et « association ouvrière » qui sont difficiles à tenir avec la notion de domination réelle.

*2. Les extraits cités proviennent d’une entrevue avec deux membres de la publication argentine Cuadernos de Negación (Cahiers de Négation). À notre connaissance l’entrevue ne fut pas publiée.


Dernière édition par Patlotch le Sam 3 Nov - 14:51, édité 1 fois

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Message par Patlotch Sam 3 Nov - 14:11

Federico Corriente a écrit:Critique et analyse des rackets

Afin d’illustrer mon point de vue, disons « agnostique », j’ai choisi de reproduire une paire de citations de la revue The Fifth Estate datée de février 1977 :

Thèse : « Il est faux de dire que The Fifth State n’est pas une « activité de gang » parce qu’il est un « collectif de propagande » (car une lecture stricte du pamphlet de Camatte/Collu et l’interprétation de celui-ci par Maple conduisent à la conclusion que, dans le système économique actuel, toute activité organisée est une « activité de gang »). Si Maple maintient que Fifth Estate n’en est pas une, il devra exposer en quoi il constitue une exception ou reconnaître que les affirmations de Camatte/Collu ne sont pas valides. »

Antithèse : « Aussi bien Bufe que Nat Turner disent que si toute activité humaine a été absorbé par le capital durant l’ère de sa domination réelle, alors cela n’inclut-il pas The Fifth State et des projets semblables ? Une réponse qui me vient souvent à l’esprit lorsque je me sens cynique est oui, très vraisemblablement. Quant au fait de savoir que si nous acceptons les affirmations de Camatte/Collu,  toute activité politique se transforme en « activité de gang », je réponds encore : très vraisemblablement oui. » (The Fifth Estate, février 1977)

Comme nous l’avons dit précédemment, en domination réelle selon Jacques Camatte, toutes les formes d’organisation ouvrière autonome disparaissent et s’intègrent, non qu’elles se corrompent ou soient vendues, mais de par l’évolution même du mode de production […] En domination réelle, toute organisation ne contribuant pas au procès de valorisation est mise en demeure d’adopter des pratiques lui permettant de se maintenir et de prospérer sous peine de disparaître.

Une des conséquence de ce que suppose la domination réelle est de comprendre que la domination écrasante du capital s’exerce sur tous. Il ne peut y avoir de groupes élus qui ne seraient pas marqués par son despotisme. Conséquemment, aucun groupe ne peut prétendre réaliser ou préfigurer la Gemeinwesen ; le prolétariat seul serait en mesure de le faire. […]

Dans La révolution communiste : thèses de travail (1969), Camatte ajoute une autre conclusion liée à une thématique dont nous parlerons plus tard, celui de « la classe universelle » : « Il n’existe plus de parti formel ; dans la mesure où l’on ne peut plus parler de classe, il n’est plus possible de parler de parti, même dans le sens historique. »

Je voudrais ici faire une incise pour noter quelque chose de curieux : le fait que Camatte ne se soit jamais demandé – à la différence de Négation qui suivait de très près son sillage théorique – si le parti ne serait pas un phénomène propre à la domination formelle, et même lié à la condition prolétaire de cette époque. Patlotch : [Patlotch : ce questionnement me surprend : si, dans la périodisation du capitalisme, la domination réelle commence autour de 1914, le programmatisme ouvrier, donc le parti, a encore de beaux jours devant lui avant l'effondrement de ses organisations au début des années 1970]

Sur la même ligne des conséquences théoriques concernant la thèse des « rackets », Camatte a déduit qu’une critique de la Gauche Communiste italienne – dont il venait - était nécessaire afin de démontrer que celle-ci n’était pas parvenue à une restauration de la théorie, mais qu’elle avait été le dernier mouvement du prolétariat à résister sur le terrain théorique à l’absorption par le capital.

 En dernier lieu, et pour conclure le sujet, dans Du parti-communauté à la communauté humaine (1974), J.Camatte écrit : « depuis 1969, […] les diverses études entreprises, dont certaines parurent dans Invariance série II ont conduit à un dépassement total et donc à l’abandon de toute théorisation sur le parti. »
                                                 
                                                      ***

Au sujet de la thèse sur les rackets, une précision importante s’impose, à savoir son origine « adornienne ».

En 1977, - dans Mai–Juin 1968 : le dévoilement – Camatte reconnaît sa dette envers Adorno, auteur pratiquement inconnu en France dans les années 60 : « Depuis fort longtemps existait le projet de publier des textes sur la question des rackets et montrer à la fois les emprunts que nous lui devions et ce qui nous sépare de lui. »

Une différence importante entre les usages du concept de racket d’Adorno et ceux de Camatte tient à la périodisation : pour ce dernier le thème du racket est complètement lié à l’accès à la domination réelle ; lorsque l’on songe, par exemple aux années 20, avec l’apparition des « gangsters » aux USA, au fascisme et au nazisme naissants, l’idée ne paraît pas à côté de la plaque.

Un an plus tard, dans Précisions après le temps passé, janvier 1978, il se réfère à nouveau à Adorno comme un précurseur :

« Dans Réflexions sur la théorie des classes (1942), [Adorno] met en évidence tout ce qu’a de problématique le concept de classe, ce qui le conduit à affirmer qu’il faut le maintenir et le transformer. Il accepte la théorie sociologique qui met en relief l’importance des rackets, mais pense qu’il faut l’étudier à partir de la théorie des classes[…] »

Détail curieux, Camatte à ce moment-là considérait déjà qu’il n’y avait plus de classes, mais une « classe universelle des esclaves du capital ».

                                                             ***

Phénoménologie du racket politique

 Dans la fameuse texte/lettre de 1969, De l’organisation », Camatte après avoir caractérisé la bande délinquante comme résultat de la contention de l’instinct élémentaire de révolte dans sa forme immédiate, note que la bande politique, prétend, au surplus, transformer sa communauté illusoire en modèle pour toute la société, et que son acharnement « consiste à faire entrer la réalité dans son conception ; c’est de là que vient toute la sophistique des désajustements entre moments objectifs et moments subjectifs, et la condamnation de tout mouvement immédiat qui ne reconnaisse pas la supériorité de « sa conscience », comme prématuré, ou provocation de la classe dominante, en effet tout racket politique prétend être dépositaire de « la conscience » véritable.

   Vision des luttes du moment (68 long)

 Selon Jacques Camatte, Mai 68 ne fut pas une surprise ; « ce n’est pas que nous l’avions prévu dans sa totalité, mais nous attendions un mouvement révolutionnaire […]. Nous avions analysé la révolution sous la domination formelle et nous espérions la voir sous la domination réelle, conscients qu’elle ne pouvait lui ressembler. Conséquemment, bien que n’ayant pas été capables de la décrire, nous avions tout même pensé en l’inévitabilité de son originalité. » ( Vers la communauté humaine, 1976 )

Dans ce texte il ajoute ceci : « Le plus important immédiatement c’est que nous confrontions à un mouvement révolutionnaire qui ne posait pas une détermination classiste, et qui exprimait, pour cela même, l’exigence indiquée dans 'Origine et fonction de la forme parti' : une révolution à titre humain.[…] » (Vers la communauté humaine, 1976)

D’autre part, Camatte soutient que Mai 68 ne fut pas la révolution, mais son émergence : « Le mouvement de Mai […] marqua la fin de la phase de contre-révolution. » (Mai–Juin 1968 : Théorie et action, 1968)

Il reconnaît, une fois de plus dans Vers la communauté humaine (1976) « qu’a eu lieu […] un certain retour à la théorie marxiste, une purge limitée des tares lénino – trotskistes, mais il n’y a eu aucun mouvement prolétaire, même de faible amplitude, qui soit chargé de ce qu’Amadeo Bordiga nommait l’œuvre de restauration et d’affirmation de la théorie. »

Et en dernier lieu, il met en contraste les limites du Mai français, centrées autour de la revendication de la démocratique directe, avec ce que Camatte considère comme le mouvement le plus avancé de l’époque. Ceci est un aspect que l’on n’a pas l’habitude de mettre au premier plan : une des choses qui firent le plus d’impressions sur Camatte, et qui brouillèrent les calculs théoriques de Bordiga et Cie. au sujet du retour de la révolution, qui selon leurs attentes devaient intervenir avec une réunification allemande, ou en tous cas, de l’Est, non des USA. Ce qui surprend vraiment Camatte c’est le mouvement du prolétariat noir étatsunien, et probablement cela est au fondement de ses nombreuses théorisations du moment.  

« À cet égard [ Mai 68] était en retard par rapport au mouvement prolétaire noir aux États-Unis. Au sein de ce dernier, certains élément comprirent la nécessité de rejeter la démocratie une fois pour toutes. » (Mai-Juin 1968 : Théorie et action, 1968)

                                                          ***

Ceci, qui est fondamental, est relié dans le texte Le KAPD et le mouvement prolétarien (1971) avec le thème de « la classe universelle » :

« Désormais, la dissolution de la société est effective aux États-Unis. L’unité du prolétariat comme classe universelle, ne pourra y être effective qu’après une lutte tenace, décidée, sans concessions, contre le capital, et en certaine mesure au sein même de la classe universelle. Il ne faut pas revendiquer la reformation du prolétariat classique, car ceci équivaudrait à vouloir restaurer le passé, comme l’ont compris certains révolutionnaires américains. (Boggs, par exemple ) »

Il abonde dans le même sens en 1969 avec le texte Transition : « Dans les actions du prolétariat noir des États-Unis nous pouvons voir en action cette communauté constituée sur la base de la nécessité vitale de la destruction et la conscience d’une identité d’objectifs que Marx considérait comme l’authentique parti du prolétariat[ …] Le moment le plus important de cette manifestation du communisme est constituée par la négation positive de la démocratie, c’est-à-dire, le refus du prolétariat – lorsqu’il place au premier plan ses propres nécessités matérielles – d’accepter la séparation entre décision et action, et pour autant entre être et pensée, sur laquelle fut érigée dans le passé la possibilité d’une direction politique basée sur le mécanisme de démocratie directe. » (Transition, 1969 )

Nous pouvons apprécier que dans l’immédiat post-68, la perspective de Camatte était que se développe au sein de la classe universelle – l’ensemble « des esclaves du capital » 3* - une lutte débouchant sur la constitution en communauté-parti, avec le refus du travail comme élément d’unification.

3* Il est vrai qu’une grande part des déclassés noirs étatsuniens avait été peu de temps auparavant employée dans l’industrie automobile ou d’autres industries importantes, et en avait été déplacée par l’automatisation, pour autant il existait un lien direct avec la classe ouvrière, noire au moins.

j'ai fait mes propres remarques sur le texte de Camatte dans le sujet éponyme DE L'ORGANISATION

quant à la lecture critique de Corriente, et il faudrait le vérifier avec la traduction de la seconde émission de radio, je pense qu'il n'insiste pas assez, ou pas en ces termes, sur la double rupture de Camatte avec la lutte des classes et avec le concept de révolution (prolétarienne ou non). J'ai abordé cette question aujourd'hui essentielle dans LE CONCEPT DE RÉVOLUTION. Je redonnerai au besoin les extraits de textes de Camatte, soit dans cette période de rupture jusqu'au milieu des années 1970, soit ultérieurs quant il y revient pour résumer son cheminement

pour moi, cette première partie est certes très intéressante, et peut servir de guide de lecture. C'est celle qui intéresse généralement les marxistes et particulièrement l'ultragauche et la post-ultragauche (dont les 'communisateurs'), après quoi ils dédaignent les élaborations de Camatte en raison justement de cette double rupture. Et c'est en quoi celles-ci nous intéressent aujourd'hui davantage puisque, qu'elles nous aient ou non inspirées, nous y retrouvons nos problématiques

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Message par Patlotch Lun 5 Nov - 15:14

en attendant la livraison par Adé de la seconde partie de l'émission de Corriente, quelques textes illustrant ce que j'ai appelé la double rupture de Camatte, avec la lutte des classes comme motrice de l'histoire contemporaine, et avec le concept de révolution. Cette rupture est déjà présente mais pas complètement exprimée dans le texte ci-dessous où l'idée de révolution est conservée, mais élargie. On y relève des passages anticipant ce que nous avons sous les yeux

De la révolution
Jacques Camatte, Avril 1972
Les différents groupuscules qui se sont manifestés depuis 1945 se sont toujours refusés à reconnaître la mort du vieux mouvement ouvrier. Le faire aurait été proclamer leur auto-négation. Cela ne les a pas empêché de l'évoquer, de l'interpréter, de la théoriser, sous la rubrique : crise du mouvement ouvrier, conçue la plupart du temps comme une crise de direction révolutionnaire. Il s'est agi très rarement de chercher les causes de cette mort au sein de la classe elle-même. Car, il fallait avant tout refuser l'affirmation : le prolétariat est intégré, il a abandonné sa mission (comme l'avait déjà fait Trotsky en 1939 dans son article « L'URSS en guerre »). Certains ont interprété ce phénomène en expliquant que le capitalisme avait changé en devenant capitalisme d'État, capitalisme bureaucratique, mais que le prolétariat, lui, restait le même, avait la même mission ; d'où le plagiat du Manifeste du parti communiste fait par Socialisme ou Barbarie. Il n'est pas question de s'élever contre le fait de produire un manifeste, ni même d'avoir copié celui de 1848 au nom de la sainteté des textes classiques, mais de mettre en évidence la limite même de la proposition. On doit noter, dans cette perspective, que l'Internationale situationniste publiée quelques années plus tard, opéra de la même façon (en revanche Potere operaio ou Lotta continua proposèrent un néo-léninisme).

Il y eut des hommes1 qui comprirent l'importance de la défaite prolétarienne de 1945 et qui en déduisirent l'inanité de la mission du prolétariat et par récurrence en arrivèrent à rejeter la théorie de Marx. Ils affirmèrent, ce qui fut ensuite théorisé de mille façon, le prolétariat disparaissant dans les zones hautement industrialisées, ce sont les marginaux qui pourront accomplir l'antique projet prolétarien, ou bien ce seront les paysans en révolte dans les zones non asphyxiées par le capital qui relanceront la dynamique révolutionnaire.

Bordiga reconnut aussi, amplement, la défaite du prolétariat et le développement orgiaque du capital après 1945. C'est pourquoi, écrivit-il : « Nous avons dit plusieurs fois que le Manifeste est une apologie de la bourgeoisie. Et nous avons ajouté, qu'aujourd'hui après la seconde guerre mondiale, et après la réabsorption de la révolution russe, il fallait en écrire une seconde » (Le marxisme des bègues, 1952). Le développement du capital à l'échelle mondiale, accroîtra, pensait-il, le prolétariat et la crise qui découlera de son boom extraordinaire relancera le prolétariat des vieilles métropoles en particulier celui d'Allemagne. Ce dernier pays étant considéré comme le centre de la future révolution.

Les différentes récessions de même que les contre-coups des révolutions anti-coloniales ne parvinrent en aucune façon à relancer l'agitation révolutionnaire en Europe occidentale et aux États-Unis. La passivité du prolétariat semblait même devenir un acquis au début des années 60. La théorie et la pratique de groupes tels le SDS allemand, les groupements similaires aux E.U., les Zengakuren au Japon avaient comme objectif de réveiller la force révolutionnaire du prolétariat en ayant recours à des actes exemplaires. Ils avaient perçu – surtout certains éléments du SDS – l'importance de la défaite et pensaient que le mouvement ouvrier avait été reporté 100 ans en arrière. Ils avaient intuition d'un nouveau commencement, d'un début d'une nouvelle époque... C'est pourquoi s'évanouirent-ils au cours de la phase insurrectionnelle qui culmina à Paris et à Mexico en 1968, ou bien ils se diluèrent ensuite. On a critiqué la dissolution de la SDS en 1970, alors que c'était la preuve conclusive de la validité de son action antérieure. Avec l'émersion de la nouvelle phase révolutionnaire, ils devaient disparaître. Il en est de même du mouvement maoïste en France qui, paradoxalement, en dehors de quelques petits groupes isolés – exprima le mieux le mouvement spontané né de la crise de mai. La vie catastrophique des organisations maoïstes est la meilleure preuve de ce que nous avançons. Ils plaquaient une idéologie puisée dans, piégée par la révolution culturelle chinoise, sur les secousses révolutionnaires de mai et de l'après-mai, mais le contenu devait chaque fois se révéler plus fort que le contenant qu'il fit éclater. La volonté de coller à la masse qui se révolte les induisit de plus en plus à changer de terrain (au fur et à mesure que les luttes se déplaçaient de couches sociales à d'autres) et à s'enfler de diverses revendications vis-à-vis desquelles, au départ, ils étaient en opposition ou qu'ils ignoraient : lutter contre les syndicats reconnus comme organisations fondamentales du maintien du joug capitaliste, lutter pour la libération de la femme, pour la révolution sexuelle, etc. Autrement dit, leur phraséologie politique tomba, s'écailla, devant les exigences totales : ils durent reconnaître que la révolution n'est pas qu'un simple problème politique, mais que c'est celui d'un changement total du mode de produire, de vivre, que la prise du pouvoir n'est qu'un moment de la révolution, que tout ramener à cela conduisait purement et simplement à méconnaître toutes les dimensions de la révolte des hommes, de toutes les dimensions de la révolution.

Après la secousse de mai précédée par le vaste mouvement qui se développa dans deux aires aux moments historiques différents : la Chine et l'Occident et qui fut suivi par de grandes luttes en Italie, les premières grèves sauvages en Allemagne, les grèves de Kiruna, les émeutes de Pologne de fin 1970, la grande révolte de Ceylan en 1971, le prolétariat est toujours encadré par les groupuscules débris du vieux mouvement ouvrier (qu'ils regroupent des centaines de milliers d'éléments (comme le PCF) ou quelques centaines). Ils organisent le passé car celui-ci doit perdurer afin d'inhiber tout mouvement de lutte réelle, ce qui n'empêche pas certains d'entre eux, PCF ou PS en France par exemple, de moduler leur programme en fonction de la vague révolutionnaire qu'ils sentent eux aussi monter.

Dès lors tous ceux qui ont agi pour tirer le prolétariat de sa léthargie, qui ont manifesté, lutté ces dernières années ont-ils été le jouet d'illusions, ont-ils fait un simple baroud pour mieux enterrer ensuite la révolution ? Disons dès maintenant qu'ils ont, en fait, enterré un passé, qu'ils ont liquidé les illusions d'un monde disparu.

Le prolétariat a effectivement subi une grave défaite en 45, mais on ne peut pas la surmonter en proposant une action qui était compatible avec les tâches du prolétariat durant une période donnée, mais qui n'a pas de rapports avec la situation actuelle. La défaite de 1945 a signifié l'impossibilité pour le prolétariat de se substituer au, de remplacer le capital dans l'aire slave et dans les autres aires qui se soulevèrent après 1945 d'ailleurs et d'empêcher que celui-ci ne réalise sa domination réelle à l'échelle sociale, en Occident d'abord, sur toute la planète ensuite (dans la mesure même où c'est la forme supérieure qui ordonne toutes les autres). Nous l'avons dit le capital n'a pu parvenir à cela qu'en réalisant la domination de l'être immédiat du prolétariat, le travail productif.

Cette constatation implique la rupture absolue avec tout ce qui fut la pratique et la théorie du mouvement ouvrier avant 45 ; et étant donné que de 1923 à 1945 on a eu simplement répétition de ce qu'il y eut entre 1917 et 1923, nous pouvons modifier notre proposition en disant qu'il faut rompre avec la pratique et la théorie du mouvement ouvrier qui va jusqu'en 1923.

Cependant une telle proposition ne postule pas que nous devons construire un nouveau mouvement en bricolant à partir des débris des divers courants   du vieux mouvement prolétarien. Il ne s'agit en aucune façon de faire un nouveau manifeste, un nouveau programme etc., ou de faire un retour à Marx en copiant ses attitudes, comme étant plus révolutionnaires. Les retours à quelque chose sont souvent des fuites en devant quelque chose, fuites des réalités contemporaines. En fait il s'agit de penser la caducité de certaines parties de l'œuvre de Marx ; caduques parce que réalisées.

Fondamentalement l'œuvre de Marx désigne 3 grandes périodes de l'histoire de l'humanité, avec les discontinuités qu'elles impliquent: le passage du féodalisme au mode de production capitaliste, le développement de ce mode de production et le devenir au communisme. Cette œuvre concerne aussi d'autres moments de l'histoire de l'espèce humaine: les formes pré-capitalistes, mais ce que Marx a décrit de façon exhaustive c'est la période de soumission formelle au capital. Dans le Manifeste, La Guerre civile en France, Le Capital (les 4 livres), la Critique au programme de Gotha, on trouve le réformisme révolutionnaire de Marx qui tient compte des possibles de la société de son époque. Ceci ne l'a pas empêché de décrire le communisme pleinement réalisé (cf. les notes à l'ouvrage de J. Mill ainsi que certaines pages des Grundrisse) et d'exposer les éléments essentiels du passage à la domination réelle du capital, les caractéristiques fondamentales de cette période, mais il n'a pas pu faire œuvre synthétique à ce sujet (ce n'est pas par hasard si le Capital ne fut pas terminé). A plus forte raison il n'a pas décrit le devenir révolutionnaire au communisme, lorsque le mode de production capitaliste serait parvenu à sa domination réelle (et ceci de façon détaillé comme pour le passage sur la base de la domination formelle).

A cela beaucoup répondront que c'est faux, que Marx a donné toutes les indications nécessaires, que dans tous les cas même en domination réelle il y aura des classes et que de ce fait il y aura des partis, que donc la classe révolutionnaire en particulier devra se constituer en parti, etc.

Nous ne nions pas qu'il y ait des invariants mais :

1/ il faut situer le domaine d'invariance; ce qui implique une délimitation spatio-temporelle; ainsi l'invariant classe n'occupe pas un domaine aussi vaste que l'invariant population ou production (invariants que Marx appelaient verständige Abstraktion dans son introduction de 1857).

2/ le développement, le devenir, se fait à partir du particulier et non à partir du général ; il faut donc étudier les déterminations nouvelles.

Plus en profondeur il s'impose à nous – à cause de cette domination réelle bien définie – de repenser la théorie de Marx dans ce qu'elle a d'essentiel et de retrouver certains points fondamentaux qui ont été omis, oblitérés ou même laissés pour compte parce que non compris. Ceci ne postule pas une herméneutique mais un effort toujours renouvelé de parvenir à exprimer concrètement et explicitement ce que nous entendons par communisme en tant que théorie pour laquelle l'œuvre de Marx demeure l'élément pertinent.

Cette théorie explique la constitution de l'humanité en communautés communistes dont l'ensemble forme le communisme primitif, la dissolution de celles-ci sous l'action de la valeur d'échange et de son autonomisation, possible seulement à un certain niveau de développement des forces productives ; ce mouvement détruit les communautés et engendre simultanément les individus, les classes ; cependant son triomphe n'était pas fatal ; il fut plusieurs fois enrayé et les vieilles communautés reprirent provisoirement le dessus. Dans l'aire occidentale il triomphe cependant avec le mode de production antique, mais il est réabsorbé par le mode de production féodal et ce ne sera qu'en marge de la société féodale qu'il pourra reprendre vitalité et donner naissance au mode de production capitaliste qui ne put dominer le procès de production qu'à partir du moment où les hommes eurent été séparés de leurs moyens de production. Ce que Marx a appelé le premier concept du capital, c'est cette séparation. Le capital va alors réalisé ce que n'avait pas pu faire l'argent, se constituer en communauté matérielle en prenant toute la matérialité des hommes – anthropomorphose du capital – tandis que les hommes furent réifiés, capitalisés. Ceci se parachève avec la formation du capital fictif aboutissant à une communauté fictive où l'homme est totalement mû par les mécanismes du capital, être sensible-suprasensible. Alors l'homme est vidé de tout, sa créativité a été pompée, aspirée, il est même rejeté de l'antique procès de production ; il tend à devenir marginal, pollution du capital. Ce dernier s'est autonomisé et dépasse ses limites (espèce de surfusion du capital) ne peut pas en fait se passer des hommes (la pollution nécessaire). Ils sont la limite du capital. L'oppression toujours plus impitoyable directement ou indirectement par suite de la destruction de la nature conduira les prolétaires de la classe universelle à se révolter contre le capital. Pour cela ils ne peuvent plus prendre des forces dans le passé, ou dans des bases humaines qui auraient été conservées en cette société, car tout a été détruit. Ils doivent réellement créer le mouvement de leur libération. Ils ne peuvent pas emprunter aux schémas anciens ; le parti ne pourra être que le parti-gemeinwesen et celui-ci ne pourra pas fonctionner au moment de son surgissement en faisant appel au principe du centralisme ou de son contraire le fédéralisme, il est fort probable que le soulèvement de la classe universelle créera d'emblée les organismes qui seront compatibles avec la possibilité communiste de notre société, c'est-à-dire qu'ils formeront des communautés se mouvant déjà dans une pratique totalement différente de cette dernière ; il n'est pas possible de prévoir le détail de ce phénomène mais on peut déjà le percevoir comme seule possibilité de lutte contre la communauté capital (tendance à unification des diverses activités séparées, formation d'une autre unité industrie-agriculture, d'autres rapports femme-homme et d'autre part le moment même de l'explosion révolutionnaire sera déterminant pour la production d'une forme plus ou moins élaborée).

Dans les zones autres que l'occident le mouvement de la valeur d'échange eut encore plus de difficultés pour triompher. Marx ne pensait pas que le mode de production capitaliste dût encore obligatoirement se développer en Russie ; il pensait au contraire que l'Obchtchina par suite de ses particularités pourrait être le support d'une greffe du communisme à la suite d'une révolution victorieuse en Occident, dans tous les cas il ne pensait pas que le mode de production capitaliste puisse facilement triompher dans l'aire slave, tant était puissante selon lui la vitalité de l'Obchtchina. Les réforme de Stolypine et le développement du mode de production capitaliste dans l'industrie induisirent Lénine et les bolchéviks en erreur. Ils sous-estimèrent la vitalité et la capacité de résistance de l'Obchtchina qui avait peut-être été réduite dans les statistiques mais qui n'avait pas été éliminée en tant que comportement d'une population adaptée à un certain milieu. Ceci devait conduire à une attitude erronée vis-à-vis de la paysannerie en voulant forcer le développement du mode de production capitaliste (cf. la question de l'insurrection ukrainienne et Makhno et d'autre part la polémique aux multiples voix au sujet des bolchéviks qui auraient voulu forcer le devenir historique).

Le despotisme du tsar a été remplacé à l'heure actuelle par le despotisme du capital ce qui n'a pu se réaliser qu'au prix d'une répression effroyable contre les ouvriers et les paysans, répression toujours renouvelée comme si la tendance au communisme était inexpugnable.

En Asie le mouvement de la valeur d'échange tendit plusieurs fois à s'autonomiser, les classes et les individus tendirent à se former, mais finalement ce n'est que par l'intervention extérieure de pays capitalistes que le capital peut se développer. Cependant il ne domine que formellement la société et nous vivons une période particulièrement cruciale de son passage à la domination réelle, grâce à l'aide de la communauté capitaliste mondiale représentée par le capital étasunien. L'Asie ne peut trouver un certain équilibre que si les antiques communautés basales et centrales sont remplacés par les communautés du capital, étant donné que pour l'heure – vue la faiblesse du mouvement révolutionnaire mondial – nous devons malheureusement exclure un devenir immédiat au communisme.

En définitive toute l'histoire de l'humanité est celle de la perte de sa communauté plus ou moins étroite, plus ou moins immergée dans la nature (d'où la fameuse naturidolatrie) sous l'action de la valeur d'échange, la lutte contre celle-ci qui sous la forme de l'argent (équivalent général, monnaie universelle) puis du capital se constitue en communauté oppressive et pose la nécessité pour l'homme de la détruire afin de fonder la véritable gemeinwesen humaine : l'être humain pôle universel et l'homme social pôle individuel, ainsi que leur interpénétration harmonieuse.

Tel est le communisme – théorie du prolétariat dans son sens classique et dans le sens de classe universelle2 qui est déjà négation dans les termes de la classe, et de son invariance.

À partir de là nous pourrons toujours mieux situer tout ce qui est caduc dans l'œuvre de Marx et simultanément saisir tous les éléments qui permettent de comprendre en profondeur la domination réelle du capital à l'heure actuelle : le renversement de toutes les présuppositions et leur remplacement par celles du capital ; qu'enfin dans sa domination réelle achevée le capital engendre délinquance et démence.

Travailler à produire cette synthèse est important mais ce ne serait qu'activité parcellaire si on ne tentait pas en même temps de percevoir comment cette synthèse est déjà en acte dans les manifestations variées de divers éléments même si parfois ils le font encore dans l'enveloppe groupusculaire.

Mai fut l'émergence de la révolution. Depuis a commencé au sein de la classe universelle encore classe du capital = ensemble des « esclaves » du capital, une lutte qui conduira au révolutionnement total de cette classe, et à sa constitution en parti communauté, premier temps de sa négation. Or ce mouvement contradictoire est fondamentalement un procès d'élimination du passé ; cette classe ne peut se représenter à elle-même sans avoir éliminé les antiques déterminations et représentations. Ceci se produit évidemment souvent de façon bouffonne parce que le passé n'est rejeté qu'au cours d'une résurrection parodique : de la gauche allemande ou de la gauche russe par exemple.

C'est sur les distinctions sociales immédiates créées par le capital que s'est appuyée la conscience que se sont donnée les mouvements révolutionnaires étasuniens (Black Panthers, Yippies), allemands et français en mai 1968. L'opposition entre classe ouvrière et classe moyenne, fondée essentiellement sur la distinction entre le travail productif et le travail improductif, la production et la circulation, la production et la consommation, avait été prise par Marx comme fondement de sa vision de la révolution socialiste et de la dictature du prolétariat. La perspective posée aussi bien au développement du capital qu'à la dictature du prolétariat était la généralisation de la condition du travailleur productif. Cette perspective est maintenant réalisée et le potentiel révolutionnaire de 1848 s'est définitivement épuisé. La production pour le capital est devenu le fait de toute la population. Mais à chaque situation particulière dans le procès du capital correspond une vision « de classe » qui fait s'opposer blancs et noirs, ouvriers et petits bourgeois comme s'opposent entre elles les bandes du capital3.

En France et en Allemagne, le mouvement [de 68] s'était considéré comme spécifique des classes moyennes, simple détonateur d'un mouvement ne pouvant être que celui propre de la classe ouvrière. Jamais il ne s'est considéré comme mouvement de la classe universelle. Il n'a pas reconnu l'identité des situations de chacun dans le capital et face à lui [Patlotch : c'est sur ce face à face avec le capital dans chaque situation particulière que je fonde aujourd'hui mes considérations]. Cependant ce mouvement de 1968 était le témoin de la fin des classes moyennes telles que Marx les avaient considérées et le début de la lutte humaine contre le capital.

La classe ouvrière, catégorie du capital, désertera de plus en plus les anciens partis sans pour autant se constituer en des organisations nouvelles, mais en vivant sa métamorphose qui la rendra apte à confluer avec les autres composants de la classe universelle.

Seuls les nostalgiques du passé peuvent crier que le mouvement de mai 68 a été un échec, ce sont ceux qui sont incapables de penser un procès révolutionnaire qui réclame plusieurs années pour s'effectuer. Depuis mai nous avons le mouvement de production des révolutionnaires. Ceux-ci commencent à comprendre les exigences existentielles de la révolution : il faut que la représentation du capital qui parasite le cerveau de chacun soit anéantie. Ceci ne peut pas se produire grâce à l'intervention de groupements conscients infusant une représentation nouvelle à nos cerveaux intoxiqués, ni se réaliser d'un seul coup au jour « j » désigné par la fatalité, mais éclatera par suite de la longue lutte qui investit d'ores et déjà tous les champs de la vie telle qu'elle nous est imposée par le capital. Lutte réelle, opérante, qui ne s'attarde pas à ergoter dans un délire marxistico-psychanalytico-structuraliste pour savoir si elle est trop théorique et pas assez pratique ou l'inverse, si les conditions objectives sont toujours mûres et celles subjectives non, si l'organisation est nécessaire et quelle est sa structure la plus adéquate et son instance la plus pertinente... Ce délire est le rêve du capital : une révolution éternellement permanente parce que jamais engendrée, toujours retenue par quelque mystérieux «fil» : le manque d'une certaine condition objective, le non-dit d'une théorie certaine.

Il est vain d'attendre la révolution : elle est déjà en acte. Ne la perçoivent pas ceux qui attendent pour la reconnaître un signe particulier, une « crise » qui déclencherait un vaste mouvement insurrectionnel, qui produirait un autre signe essentiel : la formation du parti, etc. En fait la rupture d'équilibre s'est opérée avant 68 et mai en fut l'extériorisation, dès lors à tous les niveaux du procès total de vie du capital, il y a des « ratées » qui n'ont pas encore été transformées en crises dans le sens ancien, mais qui permettent aux prolétaires de commencer à détruire leur domestication. La perte toujours plus poussée de notre soumission réelle au capital, nous permettra d'affronter la vraie question de la révolution : non pas changer la vie, car toute vie depuis des millénaires est vie asservie, domestiquée, dévoyée par l'existence des classes, mais, créer la vie humaine.


1          Exemple : Prudhommeaux. Cf. Invariance, série II, n°1, 1971

2          La classe universelle peut être organisée par le capital : c'est sa façon à lui de nier les classes, mais elle peut dès qu'elle a été ionisée se mouvoir vers le pôle communiste de la société.

3          Les hommes du PCF sont les plus acharnés à maintenir le prolétariat classique dans un ghetto au sein de la société ; ils le considèrent comme leur propriété privée ; ils en défendent donc avec acharnement les caractéristiques et les vertus ; ils l'ont réduit à un racket qu'ils préservent jalousement. Il n'y a qu'à constater comme ils aboient dès que d'autres rackets essaient d'empiéter sur leur terrain.

Camatte opère ensuite un renversement complet, lisible en 1978 dans Prolétariat et révolution

                  Il apparut qu'on pouvait sortir de l'impasse qu'en abandonnant la théorie du prolétariat. L'étude historique acquérait par là-même une autre dimension : vérifier dans quelle mesure la plupart des révolutionnaires avaient vécu et lutté en ayant une certaine représentation du prolétariat en tant que classe révolutionnaire et dans quelle mesure eux-mêmes étaient pénétrés d'une représentation de « la société communiste » qui n'était pas incompatible avec l'être du capital. L'exemple des révolutions allemandes et surtout russe montre que le prolétariat fut amplement apte à détruire un ordre social qui faisait obstacle au développement des forces productives, donc au devenir du capital, mais qu'au moment où il s'est agi de fonder une autre communauté, il resta prisonnier de la logique de la rationalité du développement de ces forces productives et s'enferma dans le problème de leur gestion.

[...]

                  Pour Marx le prolétariat était la dernière classe apparue et l'ultime à apparaître. Cette position historique et la place qu'elle avait dans le procès de production faisaient en sorte que cette dernière ne pouvait pas ne pas être la négation absolue de l'ordre existant, l'opposant intégral à toute forme de domination. On conçoit que dans les moments de rupture sociale cette classe ait pu poser le possible d'une autre forme de rapports humains. On conçoit surtout que Marx ait pu investir sur cette classe tout ce qu'il pouvait entrevoir d'humain dans le futur manifesté lors de ces failles sociales. Dans tous les cas la représentation avait une base matérielle non seulement sur le plan de l'existence immédiate, la réalité sociologique d'une classe bien déterminée, mais d'une existence médiate : une classe intervenant activement, révolutionnairement, pour détruire les rapports sociaux en place. L'impératif : « Les philosophes ont seulement interprétés le monde de différentes façons, il s'agit de le transformer » et son corollaire : « Il ne suffit pas que la pensée tende à sa réalisation, il faut que la réalité tende vers la pensée « traduisant » cette volonté d'action déléguée à une classe qui doit « émanciper » l'humanité ».

[...]

                  La représentation du prolétariat comme sujet révolutionnaire n'a plus aucune base, par suite de l'évanescence de la classe, de sa fictivité. Peu importe ! Si elle n'existe plus on la postule. A la fictivité du capital lui permettant de surmonter les barrières à sa valorisation, correspond celle du prolétariat permettant de maintenir le schéma révolutionnaire fondé sur  l'intervention déterminante d'une classe lors de la révolution ou pour amener cette dernière.

[...]

                  Ce discours [qu'illustrent des citations de l'ultra-gauche] sur une absence révèle simplement l'inexistence d'un mouvement révolutionnaire s'incarnant en des hommes et des femmes bien concrets, révèle aussi l'impuissance de ceux qui voudraient une transformation de ce monde mais qui réalisent leur faiblesse par suite de leur nombre dérisoire. L'appel à un prolétariat mythique est un essai de conjurer l'horreur de la situation. Mais celle-ci demeure ce qu'elle est. Mieux vaut donc rejeter tout cet appareillage théorique et chercher à comprendre comment réellement en sortir.

                  Le rejet de la théorie du prolétariat implique une réflexion approfondie sur ce que peut signifier la révolution puisque cette théorie a pour présupposition le développement des forces productives qui postule que l'humanité doit en définitive subir de terribles destructions, des souffrances inouïes avant de pouvoir édifier un ensemble productif apte à lui assurer son « émancipation ». La révolution signifiait destruction des obstacles au développement des forces productives et la classe révolutionnaire était la plus grande force de ces forces.

                  A partir du moment où nous reconnaissons la disparition des classes avec le triomphe du despotisme du capital sur le troupeau humain subissant un « esclavage généralisé » et que le capital réalise pleinement la rationalité du développement des forces productives, donc le progrès (la droite classique réactionnaire a pratiquement disparu), où situer l'élément révolutionnaire et l'élément contre-révolutionnaire ? En quoi de ce fait la destruction du MPC sera-t-elle révolutionnaire ? Cette question était déjà implicite dans notre affirmation : la révolution communiste est à la fois classiste et aclassiste (surtout au moment où nous raisonnons en fonction de la classe universelle) ; elle n'est pas seulement une destruction mais est aussi un retour à un mode d'être perdu : le mode de vie communautaire en harmonie avec la nature.

[...]

                  Nous l'avons nous dit « il faut quitter ce monde » car les éléments fondamentaux du devenir à la communauté humaine ne peuvent être perçus qu'en dehors de tout le vaste arc historique – moment intermédiaire – qui va des communautés primitives à la réalisation de la communauté du capital (à laquelle révolutions et contre-révolutions ont contribué). Au sein de ce moment on peut voir se réaliser (surtout en Occident) un certain rêve des êtres humains : se situer par rapport à la nature, c'est-à-dire trouver son identité par rapport à elle à partir du moment où ils s'en abstraient, où ils s'en extraient, où ils s'en extranéisent ; ce qui les conduit à s'affirmer supérieurs, seigneurs et maîtres d'elle, devant la dominer. Mais cette domination se réalise au travers d'un être extranéisé, produit de leur activité millénaire, le capital, qui effectivement en les dominant domine la nature.

                  C'est donc contre sa propre affirmation humaine aboutissant à une déshumanisation complète que l'espèce humaine doit s'élever. Voilà pourquoi les concepts de révolution et de contre-révolution sont inopérants pour situer le moment que nous vivons d'autant plus que si on devait leur attribuer une réalité ils devraient alors couvrir une période historique plus vaste que celle que nous vivons.

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CAMATTE ET MOI Empty Re: CAMATTE ET MOI

Message par Patlotch Mer 7 Nov - 19:09


ici est la vie, ici il faut sauter

pendant des décennies, nous (je...) nous sommes laissés prendre par une conception révolutionnaire qui ne pouvait se passer ni de la lutte de classes comme moteur de l'histoire des sociétés, ni de la certitude qu'elle devait aboutir à une révolution communiste

c'est pourquoi, en lisant Jacques Camatte, nous avions des scrupules, et le tenions à distance. D'une part nous ne pouvions saisir ses ruptures des années 70 qu'en tant qu'abandon de ces dogmes marxistes, et nous ne voulions pas être perçus ou nous sentir "contre-révolutionnaires" ; d'autre part nous ne pouvions pas le comprendre, en raison non seulement de la difficulté théorique de ses textes et de leurs références, mais aussi parce que ne lisions pas vraiment la suite de ses propositions théoriques et leur évolution jusqu'à aujourd'hui

c'est seulement maintenant que nous prenons la mesure de ce qu'il a inventé alors, et du fait que cela correspond davantage aux réalités que nous avons sous les yeux qu'à celles que voient, ou croient voir encore les marxistes en toutes leurs variantes, des plus fossilisées et dogmatiques aux nouvelles normes émises par la théorie de la communisation qui prend le chemin perdu de la révolution prolétarienne

ce n'est pas "parce que Jacques Camatte", avec qui il faudrait clore le bec de toute critique comme l'ont fait les marxistes, mais avec sa pensée parce qu'elle s'impose à nous et à notre temps. Pour qui s'y colle avec quelques repères de lecture, son œuvre n'est pas aussi difficile qu'elle le paraît, et je m'emploierai à en faciliter la compréhension

ce forum est engagé, à petits pas, sur les voix multiples qu'ouvre ce nouveau paradigme du monde, tel qu'il ne va pas, ou tel qu'il va

extraits, en 40 ans, ça a guère vieilli...
Pour en revenir au présent, il est bien évident qu’il n’y a pas, économiquement parlant, possibilité de crise conçue comme moment d’écroulement du système. Ce qui ne nie pas l’éventualité de catastrophes dues aux conséquences du procès de production du capital. Il suffirait de variations climatiques de faible amplitude pour révéler la destruction des sols et amener un déséquilibre considérable causant une diminution de la production agricole, donc une famine; de graves épidémies au sein du cheptel sont également possibles à cause de l’insémination artificielle et de l’emploi des antibiotiques, etc.

Il faut penser le devenir à la communauté humaine dans une très grande diversité depuis les dernières communautés plus ou moins archaïques encore existantes jusqu’aux communautés humaines rompant avec le capital.

Les moments les plus troubles de l’histoire humaine sont ceux où s’effondre une communauté naturelle ou médiatisée et que s’impose la formation d’une nouvelle. L’époque est d’autant plus instable, remplie de violence, elle nécessite une durée d’autant plus longue pour parvenir à une solution, que l’opposition entre le désir profond des êtres humains à créer une communauté humaine et le mouvement de la valeur d’échange, puis du capital, est d’autant plus floue. Depuis près d’un siècle on considère le communisme comme la réalisation d’un processus interne au capital : le développement des forces productives qui permettra enfin d’abolir l’aliénation en assurant à tous une vie matérielle correcte compatible avec des exigences humaines, et non comme l’instauration d’une Gemeinwesen (communauté) humaine, comme l’avait affirmé le jeune Marx. Les événements qui se sont déroulés depuis 1913 ont balayé la première conception et imposé la seconde, la seule qui soit apte à permettre aux êtres humains de poursuivre leur vie dans le cosmos ; qui fait ressouvenir de leur vieux désir communautaire, tout en lui donnant consistance nouvelle.

La peur qui gît au cœur du monde a bien d’autres sources. La disparition des référentiels, des valeurs ; plus de parti révolutionnaire, plus de classe devant assurer l’émancipation, donc dissolution de tout « idéal », ce qui inhibe tout mouvement ; la perversion du socialisme et du communisme car ce qui a été déclaré, réalisé en tant que tel s’est révélé comme une prison plus ou moins dorée : la Suède ou l’URSS ! Peur que tous les rêves ne se transforment en cauchemars, comme le communisme transformé en un système de camps de concentration et d’asiles psychiatriques.

L’humanité doit faire le saut – possible depuis longtemps – c’est-à-dire rompre avec la dynamique surgie lors de la rupture avec la nature, avec la communauté et emprunter une autre voie ou bien elle sera assujettie à un rêve fou – vouloir dominer la nature, être en dehors d’elle – qui se réalise avec le capital et qui aboutit à sa totale sujétion en courant de multiples risques de destruction dont les plus graves sont écologiques. Mais c’est de ce saut qu’elle a peur; ce qui engendre un recul sur des positions antérieures, sur des moments précapitalistes qui ont été antagonistes au capital. Les êtres humains dans leur volonté de s’opposer à celui-ci, de le détruire, privilégient en définitive des périodes du passé qui ne furent souvent que des présuppositions à son devenir. Ce faisant la lutte est dévoyée et les êtres humains n’affrontent pas les question réelles. Adorno, en revendiquant une société réglée par l’échange égal en est un bon exemple, de même ceux qui défendent la démocratie comme un moindre mal, les mouvements régionalistes et tous ceux qui veulent éliminer les conséquences dévastatrices du MPC en conservant sa rationalité. Beaucoup de groupes gauchistes ont peur de remettre en question l’outil, la machine, la technique et refusent de considérer la science comme une simple thérapeutique pour une pathologie de l’action humaine.

Ces positions de repli sont multiples du fait qu’en arrivant au moment de mutation où nous sommes, une foule de contradictions, qui se sont manifestées aux époques antérieures et ne furent qu’englobées, réaffleurent de façon plus ou moins virulente. Certains individus peuvent se polariser sur ces contrastes secondaires et édifier là-dessus théorie et pratique. Ils se seront seulement mis en dehors du mouvement réel, même s’ils s’opposent s’ils invectivent et, ce qui peut souvent arriver, s’ils s’adonnent au terrorisme. Ce dernier se manifeste fréquemment au moment où rien n’est possible ou ne l’est pas encore, au moment où la confusion est telle que la seule attitude pouvant faire jaillir quelque chose semble être une affirmation implacable de la violence. Le terrorisme c’est l’impasse et c’est la possibilité pour le capital d’éliminer tranquillement des éléments perturbateurs.

Même au moment où la situation sera favorable par suite d’un affaiblissement de toutes les contraintes, il n’est pas dit, encore, que l’espèce soit capable de vraiment se rebeller tant elle aura été domestiquée. Cette peur de la trop grande domestication possible détruit toute espérance qui n’est que suicide planifié et étalé. Un problème urgent se pose, ici et maintenant. On ne peut pas attendre que la révolution ait éclaté pour entreprendre quelque chose. Il faut prendre au sérieux l’injonction de Bordiga : se comporter comme si la révolution avait déjà eu lieu; il n’y a plus d’expériences à faire, à subir, qui seraient génératrices d’idées, de comportements nouveaux. Il est clair, encore une fois, que dans l’immédiat, pratiquement, les possibilités sont réduites mais on peut au niveau de l’affirmation être le plus radical possible en balayant toutes les représentations anciennes et en remettant vivement en cause le mouvement intermédiaire entre communautés primitives et communauté humaine à venir. Il faut, dès maintenant, entrer dans l’autre voie qui permet de se sauver et de constituer un pôle énergétique humain d’une part en puisant dans toute l’histoire les charges qui ont été émises lors de la rébellion contre le devenir du capital, d’autre part en portant à terme une convergence entre les différents éléments, non pour proclamer une solidarité révolutionnaire car celle-ci implique que les éléments sont atomisés, séparés, et qu’une certaine « éthique » permettra de les réunir. Non, il s’agit de trouver la communication immédiate entre humains. C’est cela qu’il faut acquérir, qui fait défaut et rend impuissants tous les groupements. Les hommes et les femmes se réunissent pour lutter contre quelque chose et c’est cet ennemi qui les unit, mais dès qu’ils doivent affronter leur positivité, leur œuvre réellement humaine, il y a faillite parce qu’ils n’ont plus de dimension humaine, ils sont trop étrangers les uns aux autres, trop réduits à particules du capital, inexpressives si ce n’est dans le champ d’action de celui-ci. La difficulté à communiquer dérive à la fois de l’absence de contenu des êtres humains et de la présence de diaphragmes que sont les représentations, les rôles, les caractères, etc.

La peur sous ses formes multiples peut conduire à une rébellion mais elle est en même temps inhibitrice ; elle paralyse l’élan qui ne peut engendrer tout ce qui devrait être. Il faut la reconnaître à la façon dont Marx disait qu’il fallait avoir honte de la situation sociale où il se trouvait, non pour réaliser une prise de conscience, mais pour rompre avec une dynamique qui nous broie. Étant donné que nous sommes parvenus à un point où en quelque sorte, l’espèce est prise au mot de son discours sur la conscience, sur la pensée, sur ses possibilités, sur son rapport à la nature et, qu’au fond, les données de la solution résident en elle, il ne reste qu’à paraphraser le vieux proverbe latin tant prisé d’Hegel et de Marx et dire à nous tous : « C’est ici qu’est la peur, c’est ici qu’il faut sauter ! »

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Message par Patlotch Mar 27 Nov - 9:44

pour mémoire, j'y reviendrai

Camatte, TC et moi

dans le texte de TC : A propos du « structuralisme » de Théorie Communiste et plus précisément de son « structuralisme althussérien » (j'ai réagi à ce texte ici)
TC a écrit:Si nous relisons le texte de Camatte « Contre une trop lente disparition » (supplément au n°2 de la série 3, publié en février 1978, le texte lui-même est daté de décembre 1977). Il n’y est jamais question de structuralisme et encore moins de TC (c’est dommage). C’est, bien longtemps après, Christian Charrier, dans La Matérielle, qui a mené à bout les interrogations de Camatte dans ce texte. La critique de Camatte du « sujet prolétariat » et de sa « trop lente disparition » serait paradoxalement proprement structuraliste si elle ne débouchait pas sur un vitalisme fou et transhistorique. C’est Charrier qui finalement a mené à terme la critique de Camatte du « sujet prolétariat », mais il nous a laissé dans un monde où les atomes choient sans même qu’un clinamen nous laisse quelque espoir. Il parlait de Pascal, du Ciel qui était vide, de la lutte de classe qui avance dans le noir et de Moby Dick où Achab  en veut à Dieu de ne pas exister.

par certains aspects, j'ai avec TC une même compréhension de ce parcours. J'estime toutefois que Charrier n'a pas « mené à bout les interrogations de Camatte » ni « à terme la critique de Camatte du "sujet prolétariat" ». TC (RS) l'écrivait lui-même, Charrier était coincé dans la critique de la théorie de la communisation sur la base de cette théorie et particulièrement sa variante técéiste. Si Charrier avait "mené à terme", il n'aurait pas arrêté, en 2006, de faire de la théorie

je me demande parfois si RS ne reprend pas encore, sans le dire, certaines de mes considérations, et comme il lui est arrivé de le reconnaître...

maintenant, il me faudra effectivement revenir sur le « vitalisme fou et transhistorique » de Camatte, et je suis d'accord que sans cela, « la critique de Camatte [...] serait paradoxalement proprement structuraliste. ». Je pense qu'il y a chez Camatte transhistorisme, et je l'ai dit, en découlent de sa part des constructions qui me semblent carrément mystiques. Par contre, la critique de « vitalisme » ne peut être portée à ce qui relève du rapport interne de l'humanité au vivant, par la médiation aujourd'hui du capital. C'est en ceci qu'à la fois je rejoins et me sépare de Camatte dans la construction que propose ce forum. Camatte n'est pas Vaneigem, et quoi qu'il en soit, retranché derrière l'implication réciproque prolétariat-capital, TC fait complètement l'impasse sur ces questions des rapports humanité-capital-nature

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Message par Patlotch Mer 28 Nov - 14:21


suite et fin de l'intervention radio de Federico Corriente sur Camatte, traduite en français par Adé que je remercie chaleureusement. Je n'ai pu à ce stade reprendre, hormis pour les citations, sa mise en forme précise avec les italiques et gras


À la recherche de la communauté : la révolution à titre humain
(et les travaux sur la Russie, etc.)

remarques à première lecture

très intéressante pour son résumé commenté de l'abandon par Camatte de la lutte des classes, du prolétariat révolutionnaire et de la révolution, son influence à l'époque en Europe et aux États-Unis, ses rapports avec d'autres théories telles que la critique de la valeur, elle ne porte cependant que sur cette période de l'œuvre de Camatte, dans les années 70 (et quelques remarques ultérieures quand il y revient)

on peut apprécier que ce travail complète l'«oubli» délibéré, par Senonevero donc TC, de Camatte dans Rupture dans la théorie de la Révolution : Textes 1965-1975 publié en 2003. J'y retrouve la plupart des références de textes et citations de cette période que j'ai utilisées pour décrire cette double rupture que je fais mienne, à quelques réserves près néanmoins importantes, qui posent aussi à Corriente des questions (par exemple sur les femmes, en référence à TC et à la critique de la valeur)

elle intéressera donc surtout le milieu théorique habituel, des 'communisateurs' à la critique de la valeur (Palim.Psao) en passant par Temps Critiques qui s'est toutefois plus intéressé à l'ensemble, et continue de le faire

on n'a donc rien de l'élaboration théorique qui suit chez Camatte, son étude approfondie de tout l'arc historique de l'humanité, les rapports à la nature, le rapport humanité-capital-vivant que j'ai mis en exergue du forum et qui justifie mon intérêt pour Camatte, un Camatte vivant et non un Camatte ressorti du placard pour écrire "notre histoire" et régler en passant quelques comptes. Je ne parle pas de Corriente, dont certaines critiques méritent attention y compris de mon point de vue

il me faudra donc poursuivre ce sujet, et le faire passer de Camatte et nous à Camatte et moi, quitter ce petit monde radical que ça n'intéresse pas

Federico Corriente a écrit:L’étude entreprise par Jacques Camatte sur le VIème Chapitre, avait débuté, selon ses dires, comme une tentative d’actualiser la théorie du prolétariat, mais dès Origine et fonction... l’actualisation se focalisait, autour de ce qu’il considérait comme la question fondamentale de l’œuvre de Karl Marx, qui avait été escamotée : celle de la communauté.

Camatte considérait que l’œuvre de Marx restait valide à condition de la développer en partant de sa totalité et d’éléments qui n’avaient pas été utilisé, particulièrement celui de la communauté.

C’est dans « Introduction à la Critique de la philosophie du droit de Hegel » que Marx écrit non seulement que l’être humain est la véritable Gemeinwesen (communauté) de l’homme, mais où l’on trouve le concept de la classe universelle – le prolétariat – qui ne souffre d’aucune injustice particulière, mais de l’injustice elle-même et qui se révolte à titre humain. Ce qui démontrerait à quel point existait une unité profonde parmi les textes de jeunesse de Marx (La question juive, les Manuscrits de 1844, La Critique de la philosophie de l’État de Hegel, Gloses marginales sur l’article « le roi de Prusse et la réforme sociale »).

Dans « Caractères du mouvement ouvrier français », (1971) Camatte note que la question de la communauté avait été abordée dans Origine et fonction de la forme parti […] nonobstant, étant donné le caractère non conclus de ce travail, un aspect important de l’histoire du mouvement ouvrier n’avait pas été exposé […] Il s’agit de la formation de la communauté matérielle.

Jacques Camatte fait ici une observation importante : il commence à s’apercevoir « qu’existait une certaine contradiction entre la théorie du prolétariat et les recherches sur la Gemeinwesen […] On ne peut sortir de l’emprise de celle-ci qu’en dépassant la théorie du prolétariat et celle de la valeur-travail.» (Du parti-communauté à la communauté humaine, 1974 )

***

Il faut dire que le grand théoricien de la « question russe » est Amadeo Bordiga, et non Camatte, malgré ses contributions. Par exemple, la « révolution double », bourgeoise et prolétaire, qui après la défaite de la dernière se replie sur les buts de la première, ainsi que la question agraire comme base de la révolution capitaliste (sujet dont Loren Golner s’est occupé souvent). Bordiga insistait beaucoup sur le fait que la capitalisation de l’agriculture était l’une des bornes qui indiquait l’existence d’un capitalisme «canonique », car aussi longtemps que l’agriculture n’est pas totalement capitalisée, la libération de main d’œuvre destinée à l’industrie urbaine, etc...la question demeure problématique. De fait, l’un des problèmes de la Russie stalinienne concernait l’existence parmi de nombreux ouvriers de liens unissant ceux-ci à leurs villages et campagnes d’origine, ce qui leur permettait d’opposer une certaine résistance, ce qu’un individu totalement prolétarisé (un ouvrier agricole aux USA, par exemple), ne pourrait faire.

Toujours est-il que durant les années 60, et bien plus tard encore, la plupart des révolutionnaires de « gauche » tendait à considérer l’URSS comme le centre de la contre-révolution car le capitalisme d’État ou bureaucratique était selon eux, une forme de domination capitaliste encore plus puissante et plus parfaite que ce qui existait en Europe Occidentale et même aux USA. (Communauté et Communisme en Russie, P.33)

Ce point de vue a toujours été rejeté par A. Bordiga, qui depuis 1951 avait insisté sur le fait que l’URSS n’était pas le centre des préoccupations des révolutionnaires, ni celui de la contre-révolution, mais les USA. Il soutenait également que l’URSS, bien qu’avec des spécificités historiques, était un pays capitaliste, sans plus.

***

Les apports de J. Camatte à la « question russe » se trouvent dans deux textes essentiellement, Communauté et communisme en Russie (1972), et La question russe et la théorie du prolétariat (1974), que l’on pourrait résumer ainsi :

« Malgré les nombreux travaux consacrés à la révolution russe et à la société soviétique, nous pensons que loin d’être terminée cette étude ne fait que débuter vraiment, car deux questions essentielles ont été escamotées : celle de la communauté et celle de la périodisation du MPC sous la domination formelle et réelle du capital. » (Communauté et communisme en Russie, p 33 )

Dans ces deux textes, Camatte revisite les nombreux débats depuis Marx, en passant par Plejanov et Engels ou Lénine au sujet du développement du capitalisme en Russie, le sort de la commune rurale russe, et si celle-ci pouvait servir de base afin d’éviter les « douleurs de l’enfantement du capitalisme », ou non. Par exemple, dans La révolution russe et la théorie du prolétariat, après avoir exposé la position de K.Marx sur la commune rurale russe (obtschina) et la possibilité de sauter par-dessus le MPC en cas de révolution victorieuse en Occident, Camatte note qu’en 1883 (année de la mort de K.Marx) Engels pensait encore à une possible revitalisation de l’obtschina, mais que vers la fin de sa vie celui-ci tendait à penser que la valeur d’échange s’y étant développé considérablement, la Russie était condamnée au capitalisme. Ce faisant, Engels aplanissait le terrain pour G. Plejanov et V. Lénine qui, contrairement aux populistes russes, soutenaient l’impossibilité du saut par-dessus le MPC, et conséquemment soulignaient le rôle primordial du prolétariat dans la révolution russe. Le marxisme russe, dans sa volonté de développer le capitalisme comme prémisse du socialisme, avait perdu la dimension populiste. (Cependant, la makhnovtchina, mouvement des paysans ukrainiens qui lutta aussi bien contre les rouges que contre les blancs, et je n’en suis pas sûr, contre les Allemands aussi*, et parfois alliée des bolchéviks – de toutes façons condamnée à l’échec sans révolution prolétaire victorieuse dans les pays capitalistes avancés, selon Marx – cette makhnovtchina aurait été impossible sans la résistance des paysans sur leur base communautaire […])

*ndT : contre les Allemands aussi ; la chanson dit que les rouges … « ont vendu l’Ukraine aux Allemands. »

Dans un texte de 1881 intitulée « La Marque », avait signalé un autre point de la question agraire : « Tout le système agricole européen est en train d’être dépassé par la concurrence des États-Unis. L’agriculture, en ce qui concerne l’Europe ; ne sera possible qu’à condition d’être menée dans des lignes socialisées et au bénéfice de la société dans son ensemble. » (La révolution russe et la théorie du prolétariat, 1974 )

En effet, Engels avait prévu que l’une des conséquences de la guerre mondiale à venir, et qui pointait déjà, serait la victoire des USA, ce qui obligerait l’agriculture européenne soit à se replier sur la consommation interne, soit à prendre le chemin de la transformation sociale..

Si l’effet sur l’agriculture occidentale fut moindre, il fut important sur la Russie, qui dut se restructurer sur la production en vue du marché intérieur exclusivement. Cette évolution avait été prévue par Marx qui pensait qu’après l’abolition du servage (1861), la Russie devait inévitablement passer d’exportatrice à importatrice et qu’elle souffrirait de disettes périodiques (Communauté et communisme en Russie, p. 60)

Comme point d’orgue aux études sur la « question russe », Camatte soutient qu’au moment où il écrivait (1974, ensuite les choses ont un peu évolué), « … en Russie le capital n’a pas réussi à accomplir sa domination réelle, car il n’est pas parvenu à dominer l’agriculture, et selon Bordiga le surgissement des kolkhozes ( coopératives agricoles ) durant la collectivisation stalinienne a été un compromis entre les classes destiné à limiter la production de prolétaires ruraux et à leur opposer un antagoniste, pour ainsi augmenter l’autonomie et le pouvoir de l’État. » (« Introduction », 1974) « La conséquence économique, cependant, a été la formation d’une structure peu productive, principale cause de la crise agraire permanente. » (La révolution russe...prolétariat, 1974 )

***

Enfin, vers la fin de Communauté et communisme en Russie, Camatte fait une observation intéressante et opportune, qui n’a pas directement à voir avec la Russie, mais qui constitue une critique anticipée au sujet des communautés et des idéologies du type « commun » :

« Dans d’autres lieux, le capital utilise le phénomène communautaire pour faire obstacle à l’autonomisation de la classe ouvrière, comme en Afrique du Sud, où le prolétariat noir, de retour à sa communauté [...]après quelles année passées dans les villes, est réabsorbé par elle […] D’une manière générale, en arrivant au stade de communauté matérielle, le capital n’a plus besoin de dissoudre totalement les anciennes relations sociales pour pouvoir dominer ; d’autant plus que les dissoudre détruirait la possibilité même de son implantation, car ayant besoin d’êtres humains, il est indispensable que ceux-ci puissent survivre ; ainsi donc, dans certains endroits du globe, le seul comportement vital viable est le communautaire. » (Communauté et communisme en Russie, p.96)

Citation de « La révolution russe et la théorie du prolétariat » 1974 :

« La révolution russe joue le rôle du sommet de la pensée. Y compris parmi les éléments les plus radicaux, qui prennent du conseillisme la revendication des conseils et l’autogestion, comme les éléments ayant animé l’Internationale Situationniste, et qui firent une critique très pertinente des bolchéviks et de Lénine, la révolution russe joue le rôle de modèle : la formation des soviets. […] Pour les anarchistes, la révolution espagnole remplace la russe. »

Deux remarques : l’aune à propos des rackets, et l’autre de l’épique…

. Abandon de la théorie du prolétariat : Contre la domestication, Errance de l’humanité, Ce monde qu’il faut quitter

[…] au moment où commençait la deuxième série d’Invariance (1971), était affirmée l’idée que le capital avait outrepasser ses limites, et qu’il en résultait qu’une analyse strictement classiste devenait difficile : nous ne parlions pas en vain de classe universelle. (Vers la communauté humaine, 1976 )

En 1973, -année très significative – l’impulsion de 68 s’épuise en France (aux USA, épuisée la fin 1971), la crise économique revient sous la forme de « crise pétrolière », et l’on assiste au renversement par le Gal Pinochet du Président S. Allende au Chili... J’insiste sur ce point, car parfois on entend parfois parler joyeusement du « deuxième assaut prolétaire contre la société de classe » qui irait de 1968 à 1977. Ceci est une demie – vérité, car dans les pays très centraux du capitalisme, comme la France, les USA, et l’Allemagne , les choses finirent bien avant ; dans d’autres pays les choses traînèrent encore quelques années, en Angleterre par exemple, où la « paix sociale » ne put être obtenue que bien plus tard, et dans des pays que nous pourrions qualifier de « périphériques », Portugal, Espagne, Argentine ou Pologne, connaissant encore des mouvements de lutte, bien que dans un contexte où les think – tanks du capitalisme mondial comptent déjà sur de possibles « débordements » et sur des initiatives autour de leur gestion. Dans certains endroits on entre – baillera la porte à la démocratie, ailleurs ce sera des répressions sanglantes, qui cependant ne déboucheront pas sur des dictatures de longue durée, comparables à celle de Franco en Espagne. C’est également la période pendant laquelle de nombreux groupes gauchistes ayant vu le jour dans les feux de 1968 entrent en crise et disparaissent, mais – contre tout pronostic – d’autres groupes, tel ICO ou l’I.S. et Solidarity qui pensaient qu’avec la crise du stalinisme leur heure avait sonnée, entrent également en crise et disparaissent. Invariance ne disparaît pas, elle évolue – ou mute, si l’on préfère - ce que concrétisera l’abandon de la « classe universelle ». Les changements de perspective les plus importants se trouvent dans deux textes datant de Mai 1973, « Errance de l’humanité » et « Contre la domestication », ainsi que dans celui de l’année suivant (1974) « Ce monde qu’il faut quitter ». Dans ces textes Camatte ne conçoit plus la classe universelle comme classe porteuse de négativité mais comme « ensemble d’homme et de femmes prolétarisés, ensemble des esclaves du capital » (« Errance de l’humanité – Conscience répressive – Communisme », 1973). Cette analyse était étroitement liée, d’autre part, à la considération selon laquelle la loi de la valeur n’était plus opérationnelle, après avoir suivi de près avec quelques camarades, tel Jean – Louis Darlet les nombreuses péripéties de la crise monétaire ayant abouti à l’abandon de l’étalon or […], ainsi qu’un étude sur le crédit et le capital fictif. (Gloses en Marge d’une réalité, X)

Dans Vers la communauté humaine (1976), Jacques Camatte résume ainsi son évolution : « L’étude du capital et d’autres formes de production me convainquit toujours plus de la converge MPC – MPA […] De son côté Darlet en était arrivé à la conclusion que le capital n’est rien d’autre qu’une représentation, ce que je préfère énoncer ainsi : le capital n’est plus qu’une représentation, pour tenir en compte le fait qu’il est devenu tel […] à travers un procès historique. Il est clair qu’à partir de là la problématique du capital fictif est dépassée, ce qui pose simultanément et de manière encore plus aiguë la question de la classe révolutionnaire., d’autant plus qu’il n’est désormais plus possible de maintenir la thèse de la classe universelle. L’affirmation de celle – ci peut se concevoir pour une période de temps assez brève, mais à partir du moment où il se révèle que le laps doit être plus long, on ne peut plus l’utiliser […]. (Vers la communauté humaine, 1976 )

Un an auparavant, dans Prolétariat et Révolution (1975) Camatte avait abordé plus concrètement – mais depuis la perspective de la communauté – la question du prolétariat et de son rapport avec le développement des forces productives capitalistes : « Il devint évident que l’on ne pouvait sortir de l’impasse sans abandonner la théorie du prolétariat. […] L’exemple des révolutions allemandes et surtout russe, montrait que le prolétariat était largement capable de détruire un ordre social faisant obstacle au développement des forces productives […] mais au moment où il s’agissait de fonder une autre communauté, il demeura prisonnier de la rationalité de développement de ces forces et s’enferma dans le problème de leur gestion . »

Cette critique de la conception marxiste du développement des forces productives * 4 était déjà présente dans Errance de l’humanité (1973) : « […] Marx considéra que l’émancipation humaine dépendait de l’apogée de ces forces ( productives ) ; la révolution communiste – et donc la fin du MPC – devait se produire lorsque celui – ci n’était plus suffisamment « large » pour les contenir. Cependant, Marx reste enfermé dans une ambiguïté: d’un côté il pense que l’homme est un obstacle pour le capital car celui -ci le détruit en empêchant son développement en tant que force productive, et dans certains cas, Marx pose la possibilité que le capital parvienne à échapper aux restrictions humaines. Partant de là, Marx est emmené à postuler une auto - négation du capital dans laquelle les crises sont perçues soit comme moment de restructuration du capital, [...] soit comme moment effectif de sa destruction. »

*4 Selon J.Camatte, Bordiga avait rompu avec la perspective « marxiste » classique au sujet du développement des forces productives afin d’accéder au communisme, ce qui était cohérent avec son affirmation de la possibilité de celui – ci dès 1848.

Comme prévisible, l’abandon de la théorie du prolétariat se traduisit par un virage à 180° dans la direction prise par la revue. Dans les « Thèses provisoires », (1973) signale déjà que « l’affirmation de la dimension biologique de la révolution, etc., a conduit les camarades qui produisaient Invariance à tenter de préciser et d’exposer une certaine représentation positive du devenir de l’humanité et de l’avènement de la révolution […] et à constater l’immensité des sujets qui inévitablement se présentaient à nous. »

Conséquemment, le diagnostic final – présenté en août 1974 dans « Ce monde qu’il faut quitter », (Invariance, série II, n°5) – serait le suivant : «...le MPC ne va pas disparaître après une lutte frontale des personnes contre leur oppression actuelle, mais par un immense abandon qui implique un rejet du chemin parcouru par l’humanité depuis des millénaires. »

Cette même année 1974, Camatte conclut que le procès – révolution avait touché à sa fin, et en 1983, dans le texte Gloses en marge d’une réalité I, apparaît le thème de la mort potentielle du capital (lié à celui de l’anthropomorphose) où il déclare que l’invariance en question est celle du désir de communauté, de retour à une union avec la nature […] (« Épilogue au Manifeste Communiste 1848 », 1989). Ensuite il ne fera qu’approfondir dans cette direction de retour à l’union avec la nature et d’étude de ce qu’il nomme les « présuppositions » du capital, telles que l’agriculture néolithique, le patriarcat, sujets très éloignés de la problématique immédiate du capitalisme ( il ne se limite pas à cela, mais y consacre une abondante attention) .

. Répercussion directe de l’œuvre de Jacques Camatte

. En France : Il y a une influence claire et importante de J. Camatte sur « l’ultragauche » (fr. dans le texte) post 1968 en général, à travers la publication des textes des classiques maudits de la gauche communiste, sur La Vieille Taupe, Le Mouvement Communiste Dauvé – avec certaines spécificités que nous examinerons plus loin – sur des groupes tels que Négation, Le Voyou, Les Amis de 4 Millions de Jeunes Travailleurs (influence plus marginale, ce dernier groupe fut en effet plus influencé par Dauvé et l’IS) ; on ne peut également pas comprendre la crise d’ICO sans l’influence d’Invariance sur Dauvé et d’autres. En général – chose rarement mise en relief – à partir de 68, tout le courant autogestionnaire ( ou de « gestion ouvrière ») basée sur les théories de « S.ou B. » [Socialisme ou barbarie] entre en crise, et ce fut précisément alors que les anciens de « S. ou B. », Castoriadis, Lyotard, Lefort débutèrent leur carrière de stars intellectuelles.

. En Italie : Invariance influença des groupes et des individus minoritaires mais significatifs, qui critiquaient les limites des conseils en tant qu’idéologie opérante, dans une large mesure car les staliniens et gauchistes (opéraistes inclus ) ne les laissaient pas intervenir dans les assemblées. Parmi ceux – ci, l’Organisation Conseilliste de Turin, ou le groupe « Ludd », formé en 1969 à partir d’éléments d’origine anarchistes en majorité, dissout en 1971. Dans leur revue - « Ludd – conseil ouvrier » parut « L’utopie capitaliste », texte d’Eddy Ginosa et Giorgio Cesarano, traduit et publié par Invariance. Le groupe « Comontismo » - dont le nom est une traduction plus ou moins littérale de Gemeinwesen (com=commun, et ontos= être) se forma en 1971. Selon Francesco Santini, Comontismo identifia son propre milieu (en grande part vétérans de l’Organisation Conseilliste de Turin) avec le parti historique, ou mieux encore, avec la Gemeinwesen, qui devait être mise en pratique immédiatement et sur le terrain ; il s’agissait de passer au communisme à vingt ou trente personnes, en communisant, une fois pour toute tous les rapports. (une de leur plus célèbre formule était « Contre le capital, lutte criminelle ! », ce qui peut nous donner l’idée de comment il concevaient le passage au communisme à l’échelle microscopique. Vid. « L’épingle stérilisée », texte des FVM).

Sergio Bologna, par exemple, qui s’était déjà distingué pour avoir écrit un livre intitulé « Mai 68 en France » ne mentionnant ni Situationnistes, ni Enragés , organisa rapidement un silence cadenassé autour de ces groupes qui furent dès lors gommés de l’histoire du 68 italien. Cependant, en Italie furent traduits de nombreux textes de J. Camatte (en juillet 1969,un numéro unique d’Invariance traduit en italien fut publié, alors qu’à Naples en 1971 ce fut une anthologie de textes de cette revue), Capital et Gemeinwesen fut également traduit sous le titre de Il Capitale Totale.

. Aux États – Unis : l’influence de J. Camatte s’exerça surtout sur Fredy Perlman, le groupe Black & Red (expérience qui court de 1968 à 1976) qui publie Errance… et le texte de Négation en 1975 ; Fith Estate (groupe qui vers 1975 commence à évoluer vers le primitivisme). La relation avec Perlman se maintient jusqu’à la mort de celui – ci en 1985, il existe une correspondance incluse dans certains des textes de J. Camatte. Dans la petite anthologie El persistente atractivo del nacionalismo (Pepitas de Calabaza, 2013) (NdT: L’attraction persistante du nationalisme), livre traduit par mes soins, aucune mention de la relation de Perlman avec Camatte n’apparaît, soit dans le prologue ou dans l’épilogue, et bizarrement, un texte très bref, mais très bon, « Dix thèses sur la prolifération des égocrates » que j’avais proposé fut rejeté. Rétrospectivement, mon impression est qu’un correcteur politiquement correct, ou un analyste des marchés libertaires ont joué leur rôle dans ce rejet, autant que dans ces oublis. Le livre de Seidman Les ouvriers contre le travail (Pepitas de Calabaza, 2104) dénote une certaine influence souterraine de J. Camatte (dans ce cas à propos de l’anarcosyndicalisme espagnol) en abordant le sujet des « forces productives » dont le développement sera pris en charge par le mouvement ouvrier « anticapitaliste ». Il s’agit là d’une thématique très camatienne, dont cependant on ne trouve aucune mention dans tout le livre. Nous savons que Seidman fréquenta durant ses investigations européennes Échanges et Etcétera. De fait, lorsque Jorge Montero et moi - même proposâmes un épilogue où il était un peu question de J. Camatte et de l’Ultragauche française, ce fut un bras de fer pour parvenir à l’inclure, car il semble bien que dans ce cas également nous avions à faire à une opposition anonyme...

. En Grande Bretagne, à partir de 1975 le groupe Solidarity entre en crise prolongée. C’est de cette année là que date le « texte perdu » ‘The illusions of Solidarity’ (http: http://libcom.org/library/illusion-solidarity-david-brown ) publié seulement en 2011, œuvre de David Brown, memebre de Solidarity aui traduisit un bon nombre de textes de Camatte en anglais, et fit une critique approfondie de ce groupe qui disparaîtra l’an suivant (1976), bien que son agonie se prolongea un peu encore.

. En Espagne? L’influence la plus perceptible s’exerça sur le Movimiento Ibérico de Liberación (MIL), au travers de la librairie La Vieille Taupe (lettre de la Vieille Taupe au MIL, Paris, 8 février 1971 ) où l’on peut lire ceci : « Généralement notre opinion se trouve exprimée dans les textes [Cahiers ] Spartacus que nous vous avons donné : ceux de Guillaume et Barrot dans le Kautsky, le prologue au texte de R. Luxembourg autour des grèves en Belgique, et tous les Invariance. Ces écrits suivent notre évolution et nous sommes d’accord avec eux, à exception de certains points qui demandent des précisions et des critiques, puisque Invariance comprend deux sortes de textes :

1) Textes classiques et historiques du mouvement bordiguiste.
2)Textes rédigés par les personnes qui publient Invariance.

Dans ces textes importants et enrichissants, nous avons trouvé des points inacceptables – léninisme, date de la Révolution, etc. - . Nous pensons que le numéro 3 d’Invariance (Théorie du Prolétariat) est particulièrement important. Faites – nous savoir ce que vous en pensez. »

On peut donc supposer que les gens de la Vieille Taupe n’étaient pas en complet accord avec certains textes de J. Camatte
en 1971, alors que Camatte n’avait pas encore abandonné la théorie du prolétariat, ni rien de tel).

Réponse du MIL à la Vieille Taupe ( décembre 1971 ) :

« Nous nous sommes partagé les Invariance et le Kautsky, et nous les lisons tous. Nous avons commencé le fameux N° 3 d’Invariance que vous nous recommandez. […] Nous sommes très intéressés par Invariance, bien que nous croyons devoir manifester quelques observations : cette revue cite extensivement Lénine et en arrive à dire même que Lénine et le léninisme sont deux choses différentes...

Il est très exact de dire que la lecture de « S. ou B. » bien que digne d’intérêt , ne soit vraiment féconde qu’en lisant parallèlement Bordiga, Invariance, etc. »


Plus tard, de la main de Zero – zyx arrivera « Communauté et communisme en Russie » (1975), puis le livre de Santi Soler, Marxismo : señas de una identidad (1980) [ndT Marxisme signes d’une identité ]dans lequel se trouvent quelques brèves références à Camatte et Invariance, ce qui permet de supposer que l’influence de J. Camatte à travers la Vieille Taupe se tourna plus vers la récupération des « textes maudits du communisme » que vers théorisation de Jacques Camatte lui-même. En 1977 paraît, incluse dans une série improprement nommée Critique de la Politique, la première publication du groupe Etcétera, qui n’était rien d’autre que les Gloses marginales à l’article ‘Le roi de Prusse et la Réforme sociale’ de K. Marx ( Invariance n°5). La traduction d’Etcétera ne dit ni d’où vient le texte, ni le nom de son traducteur (il y a plus, il était donné à entendre sur la couverture qu’eux mêmes en étaient les traducteurs d’après la version originale allemande…). La chose n’en resta pas là, car leur épilogue consistait à donner de la Gemeinwesen et de la communauté sans arrêt, puis à paraphraser sans vergogne un long fragment du seul texte publié alors en castillan : « Communauté et communisme en Russie ». Pourquoi ?

Il existe des explications pour tous les goûts – sauf la leur, qu’il n’ont jamais livré - , mais ce ne fut pas seulement pour briller sur le dos de J. Camatte : sans aucun doute existe-t-il des rapports plus complexes et des ramifications internationales dans cette affaire…

Peu de temps après, dans le n°3 de la série Crítica de la Política, « La ilusión democrática » ils présentèrent une biographie de Bordiga si replète d’erreurs facilement détectables, que les bordiguistes officiels réagirent par la publication d’un article intitulé « Le stalinisme n’est pas le seul à avoir son école de falsification » (disponible en ligne) auquel Etcétera n’a jamais répondu. Ils s’enhardirent au point de terminer leur présentation par cette prétention... « de remplir une fois pour toutes ce vide, ce silence complice, que les ‘spécialistes’ des anthologies et approximations au sujet de Bordiga voulaient maintenir par opportunisme, au nom de la divergence de leur problématique » (77)

Et c’est là que se clôt le chapitre des répercussions durant des décennies… J. Camatte commença à sortir de l’oubli grâce à la revitalisation du « courant communicateur » (ndT : sic) autour des années 2008 – 2011, lorsque des groupes tels que Théorie Communiste, Aufheben, Endnotes, s’intéressent à cette héritage et à le rendre accessible.

. Similitudes et différences avec la « critique de la valeur », dépassement de la loi de la valeur, anthropomorphose du capital

Avant toute chose, je voudrais commencer par la critique générale émise par Camatte dans Invariance envers ceux qui, comme l’I.S., et d’autres qui selon lui n’allaient pas plus loin que la critique de la marchandise, de son fétichisme, et du travail comme marchandise (et non comme aspect d’un rapport social), qui est le point commun entre ces groupes et « la critique de la valeur », bien que cette dernière soit plus sophistiquée.

Par exemple, dans La révolution communiste : thèse de travail (1969): « Les situationnistes*5 (ainsi que de nombreux trotskistes), à la suite de Luckàcs placent la marchandise au centre de leur critique. Ils oublient que pour Marx : ‘’ Le trait le plus caractéristique du mode capitaliste de production est la production de plus-value comme objectif direct et motif déterminant de la production. Le capital produit essentiellement du capital, et il ne la fait que dans la mesure où il produit de la plus-value.’’ (Le Capital, Livre III, p. 117.) L’objectif de tout capitaliste n’est pas de produire de la valeur, mais que sa marchandise le moins de valeur possible, afin que vendue au même prix que la concurrence, elle offre un bénéfice différentiel, un ajout de plus-value. La plus-value n’est pas un pouvoir sur des marchandises qui se consomment et s’échangent, mais sur des personnes et des moyens de production que l’on fait travailler ensemble pour obtenir des bénéfices. »

Bien des années plus tard, Camatte, dans Gloses en marge d’une réalité, VII (2008) y insiste : « Parler de spectacle en opérant dans la catégorie de la marchandise, c’est ne pas parvenir à l’invisible. » L’invisible, est bien entendu, ce qui arrive dans la production, c’est–à-dire le rapport social capitaliste comme rapport d’exploitation, et non uniquement un rapport d’échange généralisé.

***

Ceci dit, passons à présent à « critique de la valeur » :

Aussi bien Camatte que les représentants de « critique de la valeur » coïncident sur le fait que la contradiction fondamentale du capital est celle qui se produit entre le procès de production immédiat (procès de valorisation) et le procès de circulation (procès de dévalorisation). L’unité des deux procès se présente donc comme procès de valorisation et de dévalorisation, unité contradictoire.

Ils sont également d’accord sur le fait que plus le capital se développe, plus il lui est malaisé d’obtenir un surcroît important de plus-value relative, puisque la part du travail vivant employée diminue relativement à la part du travail mort mise en mouvement […].

Ils différent sur l’idée que la limite du capital consiste sur dans le fait que celui-ci est basé sur l’exploitation sur le travail d’autrui, c’est une relation de sociale de classe contradictoire (de là l’importance accordée par Camatte et par d’autres à la plus-value par rapport à la valeur) [...]. Comme le dit Roland Simon, de Théorie Communiste, dans une critique à Anselme Jappe *6 : « L’objectif de la production capitaliste n’est pas la valeur, mais la plus-value contenue en elle, et l’on pourrait ajouter que l’objectif n’est même pas la plus-value, mais la reproduction des classes et de son rapport.»

***

*5 Il est étrange que les situationnistes n’aient jamais rien dit, ni en bien, ni en mal d’Invariance. *6 http://raumgegenzement.blogspot.de//2010/10/01/roland-simon-a-propos-dun-texte-danselm-jappe-2009/

D’autres différences entre Invariance et la « critique de la valeur » des groupes Krisis et Exit ! sont historiques : à la différence de ces derniers, entre Camatte et les survivants de la gauche communiste italienne existe une continuité directe, peut-être due à la contemporanéité du passage à la domination réelle avec la nazisme en Allemagne qui rendit toute continuité générationnelle impossible, ce n’est pas le cas en Italie, ni en France (cela pourrait paraître un détail insignifiant, pourtant la continuité historique a souvent son importance). D’autre part, puisqu’on est dans l’histoire, Invariance relie presque toujours son analyse du capital à une succession de faits historiques concrets et à leurs conséquences, il prête également beaucoup d’attention à des phénomènes non strictement anticapitalistes, comme la décolonisation ; par contre, la « critique de la valeur » dévoile ses lointaines origines franckfortiennes en s’adonnant en grande part à une théorisation plus abstraite – sous le prétexte de n’avoir pas de recettes pratiques à offrir- alors qu’ils pourraient se limiter simplement à analyser des réalités plus concrètes, ou bien à une visite guidée du musée des horreurs de l’actualité, ce qui n’est pas dépourvu en soi d’intérêt, mais sans aucune perspective de « pronostic » ou d’anticipation.

Une autre différence s’ancre dans la distinction faite entre « Marx ésotérique » et « Marx exotérique » par la Neue-Marx-Lektüre allemande des années 70, poussa les représentants de « la critique de la valeur », qui la firent leur, à postuler que la lutte des classes était « immanente au système » (et donc, par là-même, inopérante au moment de déterminer son évolution) ; Camatte, par contre, approuve, d’un côté ce qu’il dénomme « le réformisme révolutionnaire » de Marx qu’il considère historiquement justifié, et décrit, d’un autre côté, ce que nous pourrions appeler « la fuite du capital », sans minimiser la lutte des classes a priori. Le groupe français Temps Critiques résume bien la position de « la critique de la valeur » : « Krisis ne prend pas acte de la défaite du prolétariat, mais proclame son incapacité congénitale à être autre chose que capital variable. Le reproche que l’on peut adresser à Krisis n’est pas celui de nier la réalité actuelle,*7 mais de nier celle d’hier, de nier l’histoire de la lutte des classes […] .»*8

Cependant, « la critique de la valeur » va plus loin : elle établit un lien nécessaire entre la lutte des classes, l’antisémitisme, le populisme et d’autres politiques fondées sur la recherche du bouc émissaire -prenant la partie – la lutte des classes- pour le tout – c’est-à-dire la dynamique , disons racketiste, du capital comme totalité. De cette façon, tout en faisant montre d’une largeur de vue, elle taxe « d’insuffisance » tout mouvement réel.

Sans minimiser leurs différences, nous pourrions dire que le Camatte actuel autant que « la critique de la valeur » manquent d’attention quant aux mouvements contemporains des populations excédentaires créées par l’évolution catastrophique du capitalisme (Camatte car ayant abandonné toute analyse en terme de valeur et de classes, et Krisis car éliminant toute question de classes en la submergeant dans la valeur).

Pour Camatte, bien que la « fuite » du capital vers le capital fictif puise ses origines dans les difficultés de valorisation de celui-ci, ce processus ne laisse pas d’avoir des répercussions sur les rapports sociaux (malgré le fait que, la répercussion concrète ne peut qu’être distordue par la priorité accordée à « la communauté humaine » en tant qu’hypothétique sujet transformateur).

Toutefois, les deux convergent non seulement dans la conception du capital comme « sujet automate », mais aussi dans « le rejet de la mission historique du prolétariat » (pour J. Camatte, dès le moment où est rejetée la théorie de la valeur et qu’il considère que le capital s’est transformé en représentation).

*7 si l’on approfondit la question, il y a bien déni de la réalité actuelle, ou pour le moins, d'importants aspects de celle-ci

*8 « Poursuite de la valorisation ou domination du capital sur la valeur ? » ( http://tempscritiques.free.fr/spip;php?article166 ) (2006)

Selon Camatte, le point de départ de l’abandon de la théorie de la valeur a été la constatation qu’à partir de 1956, aux USA le nombre de travailleurs improductifs – en terme de production de plus-value- avait dépassé le nombre de travailleurs productifs. Il écrit en 1992, dans Épilogue au Manifeste Communiste « exposé dans les .» de 1848 » : « À partir de là, il devint évident que le mouvement du capital dépassait la loi de la valeur, qu’il avait dépassé ses limites, comme Marx l’avait exposé dans les Gründrisse […].»

C’est ici que le thème de l’anthropomorphisation fait son apparition :

Pour Camatte, en se transformant en représentation, le capital tend à échapper à la nécessité de s’incarner en un procès de production matérielle. De cette manière, il est capable d’escamoter ou d’englober les difficultés surgies au cours de son développement antérieur. Le capital devient espèce humaine et s’empare de tout ce qui est humain ; les hommes et les femmes se transformant en objets réifiés, le capital réalise son projet de domination sur la nature, et se pose en discontinuité totale avec celle-ci. (« La séparation nécessaire et l’immense refus », 1979)

D’autre part, l’anthropomorphisation n ‘exclut pas un mouvement antagonique – à savoir que le capital oblige les êtres humains à l’être- ni toute capacité de lutte, car le capital en se séparant de l’espèce humaine, l’espèce humaine peut également se séparer de lui. (La mort potentielle du capital, décembre 2001).

À ce propos, dans un texte de 2007 (Commentaire sur le texte de Marcel) Roland Simon et Bernard Lyon, de T.C., font cette remarque critique : « Avec la « communauté matérielle » et « l’anthropomorphose » […] nous sommes passés de l’asymétrie des pôles du rapport dans son implication réciproque […] à une occultation ou annihilation de la contradiction qui fait que ce mouvement existe. Le résultat détaché de son propre procès de constitution, se présente comme sa propre cause (réification). C’est l’auto-présupposition du capital sans la contradiction qui la constitue. La notion de « communauté matérielle » se réfère à des individus-personnes qu’il s’agit de réunir ; c’est de fait, une notion politique. »

En effet, on peut se demander quel est le nœud du rapport social capitaliste une fois dépassée la loi de la valeur. Sur quoi repose-t-il ? Marx écrivait déjà en 1857 dans son Introduction générale à la critique de l’économie politique que :

La population est une abstraction si je laisse de côté, par exemple, les classes qui la compose. Ces classes sont, à leur tour, un mot vide de sens, si je méconnais les éléments sur lesquels elles reposent, par exemple, le travail salarié, le capital, etc.[...]Le capital, par exemple, n’est rien sans travail salarié, valeur, argent, prix, etc.

***

Là où la « critique de la valeur » semble bien prendre l’avantage sur Camatte en capacité explicative est la théorie de la dissociation-valeur introduite en 1992 par Roswitha Scholtz pour se référer à la « scission » qui fonde l’existence de la valeur comme forme sociale fétichiste et structurellement « masculine » ( malgré le fait que certaines femmes produisent de la valeur et même gèrent sa production ).

Concrètement, cette théorie soutient que les activités reproductives que le capitalisme délègue aux femmes possède un caractère distinct par rapport au travail abstrait, et constituent une dimension de la société capitaliste qui fait partie de la même réalité sociale que valeur/plus-value, mais qui lui est cependant extérieur et qui de ce fait constitue un présupposé du capitalisme.

Dans ce sens, ce qui est décisif c’est que les transformations historiques des rapports de genre et des rapports sociaux en général doivent se comprendre à partir des mécanismes et structures de la scission de la valeur ; par exemple, lorsque les femmes ne peuvent plus assumer ces tâches reproductives car elles doivent s’occuper tant de la famille comme de leur travail rémunéré, ou quand l’obsolescence du travail abstrait produit également une violente réaffirmation des structures, hiérarchies et conduites patriarcales.

En ce qui concerne ces questions, Camatte, - sans être indifférent à celles-ci- se trouve réduit à parler de « l’espèce » et de « communauté humano-féminine », car une fois que nous avons posé que la loi de la valeur est dépassée, et par conséquent la distinction travail productif/travail improductif, quelle interprétation concrète donner au mouvement des femmes ? Au-delà de faire allusion génériquement à l’avènement de la « communauté humano-féminine » comme objectif et la domination masculine comme une des « présupposition du capital », J. Camatte ne peut dire que des choses telles que « le phénomène révolutionnaire a été effectivement fragmenté et ses diverses composantes se sont autonomisées, ce qui est une affirmation du capital, car cela facilite le devenir de la séparation ». (« Épilogue au Manifeste Communiste 1848 », 1992) en même temps qu’il parle de « la mort potentielle du capital » puisque l’extraction de plus-value au dépens du travail des hommes et des femmes a disparu. […]

Camatte compte dans son œuvre, a minima, une paire de textes classiques, et les classiques sont toujours actuels. L’analyse de Capital et Gemeinwesen anticipe parfaitement, et dans certains cas dépasse la « critique de la valeur », par exemple. Un autre texte classique -et qui en fait donc partie- « La mystification démocratique »,( et non uniquement le fragment de ce texte disponible en anglais et en castillan, mais le texte dans sa totalité ) est La révolution communiste : thèses de travail (1969) où est exposé un bilan très élaboré, aussi bien dans le temps que dans l’espace de la révolution communiste.

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Message par Patlotch Jeu 21 Fév - 21:29


publié ce soir ici https://www.facebook.com/jprefere.nepas


à propos et à repartir de JACQUES CAMATTE au présent

il me paraît rétrospectivement évident que ce penseur, qui deviendra un jour incontournable, et qui est un des héritiers de Marx les plus conséquents, des plus fidèles à son esprit dans la dimension d'ouverture à tous les domaines de la vie que j'ai évoqués;

évident que la mise à l'écart de sa pensée, par les "marxistes" y compris d'ultragauche et théoriciens de la communisation, est une calamité théorique dont nous payons tous les conséquences trop durables

je passe sur le sectarisme aveugle - que porte encore le tartuffe jésuite Roland Simon RS/TC, comme par hasard -, dont Jacques Camatte a souffert, puis dépassé : « Je n'ai pas d'ennemis: l'enfermement s'abolit. », dit-il en page d'accueil d'Invariance

je regrette, je l'ai écrit, que Federico Corriente, dans des textes récents traduits par mon ami Adé, que j'ai mis en ligne dans ce sujet, n'aborde pas le Camatte à partir de la fin des années 70 début des 80, qui est bien sûr le plus passionnant pour remettre en cause et en chantier une perspective révolutionnaire, non prolétarienne et pas nécessairement dans la "structure d'horizon" d'une "Révolution"* mythifiée par nos "révolutionnaires" ni plus ni moins que par tous curés : chrétiens intégristes, islamistes, sionistes de l'apartheid israélien, laïcards d'extrême-gauche... j'en passe que j'ignore
* voire LE CONCEPT DE RÉVOLUTION

j'ignore beaucoup de choses, mais je sais celles dont je ne veux plus

et vous, dans tout ça ?

PS : ne vous inquiétez pas pour ma santé mentale, je suis habitué à entendre : « Patlotch, "graphomane compulsif" (Léon de Mattis), parle tout seul ». Avec qui puis-je espérer "causer" au sens de Diderot, parler et causer des effets ?

mais sachez que si vous persistez à vous enfermer dans la prétendue, par Bruno Astarian/Hic Salta en 2016, Solitude de la théorie communiste, c'est d'avoir oublié, pour autant que vous l'auriez connue, la leçon d'Aristote, Marx, et quelques autres Frères voyants (Éluard parland des peintres), voyant bien plus loin et mieux que Bernard Lyon (BL/TC) le Préviseur tropprès, nous annonçant la communisation pour 2020, et que d'aucuns d'autres que vous considérez comme des "vôtres" comme Alain Corne de Carbure/ Lutte de classes/Guerre civile/Communisation (sic) ont vu se rapprocher avec les Gilets jaunes : faut-il en rire ou en pleurer ?

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Message par Invité Jeu 28 Mar - 3:40


abolir la domestication
Jacques Camatte a écrit:1973 (Contre la domestication) : « Il faut détruire le comportement de domestique dont le maître est le capital. »

1980 (Violence et domestication) : « La domestication est un procès par lequel l’espèce, qui le subit, est arrachée à son procès de vie naturel, et se trouve placée sous la dépendance d'un procès de vie d'une autre espèce. Dans le cas des êtres humains, la domestication - prolongement de ce qu'ils infligèrent aux animaux - est le fait de l'acceptation de l'ordre établi sans qu'il y ait de contrainte.»

2019 (Un autre devenir) : « En ce qui me concerne je suis parvenu à me connecter à ma naturalité et à la puissance de l'enfant que je fus et non à un enfant intérieur. Pour l'espèce il s'agit de la fin de l'errance. Avec le mouvement du capital elle pense avoir atteint une sécurité et être sortie de la dépendance, de l'enfance. Autrement dit la prématuration du bébé humain a été cause d'un traumatisme – à partir du moment où elle s'est trop séparée du reste de la nature et a perdu la continuité. L'enfant et sa supposée infirmité – sa dépendance - est ce contre quoi les hommes vont lutter. Il faut sortir de l'enfance et cette exigence s'imposa tant aux hommes qu'aux femmes. Mais cela redoubla d'intensité chez les hommes du fait que les femmes sont assimilées à des enfants (l'état d'enfant est le paradigme de l'infériorité) afin de les dominer. Ceci implique qu'on ne peut pas étudier l'assujettissement des femmes par les hommes sans tenir compte de la répression sur les enfants qui est à la base de toute la dynamique de celle-ci qui s'impose au départ comme une dynamique de protection: se protéger contre un risque d'extinction. »
Patlotch a écrit:je reviendrai ailleurs sur ce concept central de domestication, notamment dans son rapport à l'élevage/éducation des enfants construisant leur dépendance d'une autorité quelle qu'elle soit, et en rapport avec l'art.
Baudelaire : « Le génie n'est que l'enfance retrouvée à volonté »
Paul Klee : « Je veux être un nouveau-né, ne sachant rien de l'Europe, ignorant les poètes et les modes, presque un primitif. »
Pour Picasso il n'y a pas de frontière entre le monde de l'enfant et celui créé par l'artiste. Lui qui affirmait « Je n'ai jamais fait de dessins d'enfant », dit à la fin de sa vie vouloir « retrouver le geste de l'enfance », la gratuité du geste créatif, l'instantanéité de l'invention, une spontanéité qui n'a rien à faire du ressemblant, du bien fait, du bien fini

CAMATTE ET MOI 11-Picasso-jeune-peintre
Le jeune peintre,
14 avril 1972 (un an avant sa mort à 91 ans)
Huile sur toile, 91 x 72,5 cm.

Patlotch a écrit:plus bas le dernier texte en date sur le site de Jacques Camatte, en forme de vœux pour "un autre devenir"

on pourrait le situer au bout d'un des fils conducteurs de sa pensée, depuis Contre la domestication, en 1973 : « Il faut détruire le comportement de domestique dont le maître est le capital. »

en effet, comme l'écrit un commentateur en 2010 : « Camatte a placé le refus de la domestication au centre, c'est là son grand mérite. La domestication parmi les hommes, comme également celle dans le comportement vis-à-vis de la nature. » Dans le Glossaire d'Invariance :

"La domestication, qui s'est réalisée quand le capital s'est constitué en communauté matérielle, a recomposé l'homme que, au début de son procès, il avait détruit-parcellisé" (1973). Les éléments de cette domestication, qui commence bien avant le surgissement du capital, sont à rechercher dans les phénomènes de séparation d'avec le reste de la nature et dans la répression parentale.

entre les deux textes on trouverait, en août 1980, Violence et domestication
8 - La domestication est un procès par lequel l’espèce, qui le subit, est arrachée à son procès de vie naturel, et se trouve placée sous la dépendance d'un procès de vie d'une autre espèce. Dans le cas des animaux et des plantes on parlera de leur exploitation ; dans celui des êtres humains, la domestication - prolongement de ce qu'ils infligèrent aux animaux - est le fait de l'acceptation de l'ordre établi sans qu'il y ait de contrainte ( tout au moins dans la phase finale du procès); c'est l'élimination de tous les instincts, de toutes les pulsions.

C'est donc un procès de mutilation. Ainsi les hommes et les femmes n'ont pu juguler la violence déchaînée par leur devenir même (le moment de la coupure et du déchaînement de la violence peut-être le fondement de ce qui dans la représentation religieuse est le péché originel, la catastrophe initiale, etc...) qu'en se domestiquant (la civilisation, la politesse, en sont des euphémismes).

32 - [...] On ne peut pas éviter la violence, mais on peut, répétons-le, éviter de se mettre sur le plan de celle du capital. [...]
On peut en revanche éviter la domestication. Notre sortie du monde vise à accéder à un potentiel d'énergie qui sera un immense potentiel de refus ; notre devenir autre sera d'abolir l'errance millénaire pour nous retrouver en tant qu' espèce-phylum devant réaliser le phénomène réflexif de la vie, en  symbiose avec tous les êtres vivants; avec au sein de l'espèce, l' accession-réalisation de l'individualité-gemeinwesen, c'est-à-dire que l'homme, la femme vivront des modalités simultanées et interpénétrées.

37 - En finir avec la violence implique d'abolir la dépendance qui est sanction de la séparation soi-autres, et la consécration  de la violence originelle, fondatrice de l’errance, ce qui aboutit aussi à détruire la base de la domestication. Cela ne veut pas dire abolir les liens entre membres de la communauté mais, tout au contraire, postule la nécessité de ne plus être séparé, puisque la séparation réclame la production de médiations externes pour rétablir l'union. Le terme de symbiose peut évoquer l' abolition de la dépendance.

Un autre devenir
Jacques Camatte, Invariance, 5 janvier 2019
Jacques Camatte a écrit:Je ne désire pas vous souhaiter une nouvelle année mais un autre devenir.

Pour cela je dois vous signaler le point d'aboutissement de mon investigation qui s'est conclue juste à la fin de 2018 et qui concerne mon devenir et celui de l'espèce. En ce qui me concerne je suis parvenu à me connecter à ma naturalité et à la puissance de l'enfant que je fus et non à un enfant intérieur. Pour l'espèce il s'agit de la fin de l'errance. Avec le mouvement du capital elle pense avoir atteint une sécurité et être sortie de la dépendance, de l'enfance. Autrement dit la prématuration du bébé humain a été cause d'un traumatisme – à partir du moment où elle s'est trop séparée du reste de la nature et a perdu la continuité. L'enfant et sa supposée infirmité – sa dépendance - est ce contre quoi les hommes vont lutter. Il faut sortir de l'enfance et cette exigence s'imposa tant aux hommes qu'aux femmes. Mais cela redoubla d'intensité chez les hommes du fait que les femmes sont assimilées à des enfants (l'état d'enfant est le paradigme de l'infériorité) afin de les dominer. Ceci implique qu'on ne peut pas étudier l'assujettissement des femmes par les hommes sans tenir compte de la répression sur les enfants qui est à la base de toute la dynamique de celle-ci qui s'impose au départ comme une dynamique de protection: se protéger contre un risque d'extinction.

La dynamique de l'inimitié s'origine dans la lutte contre la nature et contre la naturalité cause de notre dépendance. Donc, lutte contre les êtres vivants, les phénomènes naturels, et lutte contre les enfants.

On ne doit pas omettre que toute dépendance dérive dune séparation car elle crée un manque, une incomplétude que ce soit dans une dynamique positive afin de se séparer de quelque chose qui apparaît comme un obstacle à un développement ou dans une dynamique négative lorsqu'on subit ce qui est vécu comme une perte ou un abandon. Dans tous les cas au niveau de l'espèce comme de l'individu cela induit la mise au point d'un grand nombre de représentations compensatrices et justificatrices.

L'espèce ne se déploie plus dans l'errance mais dans l'artificialité qui nécessite une innovation toujours redéployée pour justement «créer» un substitut à tous les manques, c'est-à-dire toutes les données naturelles rejetées.

Au niveau individuel s'impose à chacun, à chacune de retrouver sa naturalité ce qui implique de revivre son enfance et la dépendance où elle fut placée, où il fut placé et, par là, se rendre apte à saisir ce que fut la communauté originelle de Homo sapiens. Dans cette dynamique tend à se réaliser l'individualité-Gemeinwesen et l'espèce n'est plus une entité séparée susceptible d'être hypostasiée. Dit autrement: on n'a pas à créer quoi que ce soit mais à retrouver la continuité.

Je me trouve dans une situation comparable à celle qui me conduisit à mettre fin à la rédaction des gloses en marge d'une réalité - une sorte de séparation non mutilante parce qu'elle visait à centrer l'investigation sur le devenir hors ce monde – je pense nécessaire d'abandonner la dynamique de la mise en évidence des possibles tant actuels qu'historiques de l'inversion, mais dire, signaler sa réalisation. On ne doit pas faire comme si elle était déjà réalisée, car le comme si dans ce cas a une dimension conjecturelle. Or, pour moi l'inversion ne dépend pas d'une conjecture (cf. Positionnement).

Les éléments fondamentaux concernant l'enfance ont été exposés dans De la vie, Addendum 2010 et Gloses IX. C'est dans ce dernier texte qu'est abordée la question du rapport enfance et esclavage, suggérée activement par Viviana Pâques. Pour moi le contenu des deux est la mise en dépendance, en sujétion, et donc recèle la dynamique de l'inimitié dont on ne peut échapper que si nous changeons totalement notre approche du bébé, de l'enfant.

Je vous transmets un résumé et n'ai pas rapporté en particulier comment, enfant de sept ans j'ai essayé de comprendre ce qu'adulte je nomme spéciose-ontose à travers la recherche d'une réponse à diverses questions comme : pourquoi les adultes sont-ils si méchants ? Ou: à quoi ça sert la vie ?

J'ajoute que je compte porter à bout la rédaction de la totalité de ce qui est prévu en ce qui concerne Émergence de Homo Gemeinwesen.

Fuir la dépendance vis-à-vis du temps c'est vivre un autre devenir: ce que je vous souhaite.

Affectueusement,

Jacques.

05 janvier 2019

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Message par Invité Sam 8 Juin - 7:19


DEUX VISIONS D'UNE JEUNESSE EN LUTTE
ET L'AVENIR DU MONDE
Patlotch a écrit:deux interprétations opposées des mobilisations écologistes de la jeunesse autour de la figure de Greta Thunberg. La première aurait méritée le sujet LA PAROLE EST À LA DÉFONCE, qui voit en la jeune Suédoise rien moins que le retour de la bête immonde, sans nous dire quel ventre l'aurait fécondée (allusion à Brecht). Mais je l'ai trouvée intéressante de la confronter à deux lettres de Jacques Camatte, des 25 avril et 20, sur son site Invariance. C'est à ce jour sa dernière intervention et elle éclaire le point d'arrivée actuel de son cheminement théorique. Concernant l'enfance, elles critiquent ce qui est parfaitement mis en œuvre et justifié dans l'article de Guillaume Bigot, co-auteur en 2017, avec Natacha Polony et le Comité Orwell, de Bienvenue dans le Pire des Mondes, le triomphe du soft totalitarisme. Ça ne s'invente pas...
« Jeunesses écologistes » : la marque de la bête ?
Greta Thunberg et le point Godwin

Guillaume Bigot Causeur 8 juin 2019
Depuis le national-socialisme, aucun mouvement idéologique n’avait appelé les enfants et les adolescents à défiler pour en remontrer au monde adulte… Jeanne d’Arc entendait des voix. Greta Thunberg voit des particules de CO2 dans l’atmosphère.

CAMATTE ET MOI Greta-thunberg-jeunesse-ecologique-1200x731
Greta Thunberg manifestant en Autriche © Ronald Zak/AP/SIPA
Certes, son esprit crédule est quelque peu dérangé car la lycéenne de 15 ans souffre d’autisme asperger. Il n’en reste pas moins que sa croisade en faveur du climat paraît si juste et si urgente que le comité Nobel envisage de décerner son célèbre prix à la jeune Suédoise. Pour tenter d’éveiller les consciences de nos contemporains qu’un véritable état de delirium tremens s’est emparé de ceux qui nous gouvernent, il peut être utile de jouer à une devinette historique.

Petite devinette
J’étais un dirigeant politique qui a cessé totalement de manger de la viande pour ensuite devenir l’un des précurseurs du véganisme. Qui suis-je ?

J’aimais tellement les animaux que je préférais leur compagnie à celle des humains et que j’ai voulu mourir en même temps que ma chienne. Vous ne me reconnaissez toujours pas ?

Ma conviction profonde c’était que l’être humain ne valait pas plus que n’importe quel autre être vivant. En ce sens, je suis l’un des inventeurs de l’antispécisme. Je suis…

La première mesure que j’ai prise en arrivant au pouvoir était d’ailleurs destinée à protéger la nature. Vous ne me reconnaissez toujours pas ?

Je ne suis pas un leader des verts français ou des Grünen allemands, je suis Adolf Hitler.

Un point Godwin peut en cacher un autre
Qui ne connaît pas le célébrissime point Godwin ?

Cette manière de clouer le bec de son adversaire en lui trouvant un petit air de troisième Reich. Le point Godwin est une corde élimée qui soutient souvent minablement l’argumentation de celui qui l’utilise, mais agit paradoxalement comme une corde de potence.

Trop de point Godwin tue le point Godwin.

La réduction ad hitlerum a été à ce point utilisée pour discréditer les populistes, les partisans de la nation, du référendum, du contrôle des flux migratoires ou les contempteurs de l’islamisme ! Elle a jeté le discrédit sur toute comparaison entre des phénomènes ou des idées politiques contemporaines et l’hitlérisme.

À tort.

Car s’il est une manifestation politique et idéologique actuelle qui possède une ascendance nationale-socialiste en ligne directe, c’est cette folie environnementaliste, apocalyptique, végane et antispéciste qui s’est emparée d’une partie de nos contemporains. Cette lame de fond évoquant un réchauffement climatique imparable, encouragée par un matraquage médiatique constant, est amplifiée par les programmes scolaires qui, dans notre pays, promettent à nos jeunes têtes blondes que l’avenir sera « décarbonné » ou ne sera pas.

Est-ce la peur de tomber dans la facilité et dans l’outrance du fameux point qui nous aveugle sur la filiation hitlérienne de l’antispécisme et de l’environnementalisme forcené ? Sans doute pas.

Luc Ferry et d’autres auteurs avaient déjà souligné la parenté entre l’écologie radicale (deep ecology) et l’idéologie anti-culturelle nazie. Une même haine de la supériorité de l’humanité sur la nature irrigue, en effet, les deux courants. L’écologie actuelle est certes empreinte d’idéaux égalitaires et humanitaires, à défaut d’être humanistes ; ce que n’était évidemment pas le nazisme. L’écologie de Jadot est une écologie de gauche tandis que celle des SS était une écologie de droite.

L’icône des marcheurs verts  

Mais, ce qui est le plus dérangeant et, assurément, le plus effrayant avec nos marcheurs verts qui annoncent l’été éternel et mortifère du réchauffement, c’est le jeunisme sidérant dont ils font preuve.

Le véritable héritage caché d’Hitler est là. Dans cette soumission à l’opinion des enfants et des adolescents considérés comme une parole d’Évangile. Cette réaction témoigne non seulement d’un mépris pour la transmission culturelle, mais embrasse les caractéristiques les plus effarantes du national-socialisme, doctrine qui donnait raison aux jeunes parce qu’ils étaient jeunes.

La figure en passe de devenir une icône mondiale de ce qui est décrit par l’essentiel du monde adulte comme une salutaire prise de conscience est une adolescente suédoise atteinte de graves troubles de la personnalité. Une lycéenne de 15 ans souffrant d’autisme devant laquelle la plupart des chefs d’État se prosternent comme s’il s’agissait d’un oracle. Reçue partout, ses poncifs sont religieusement écoutés par les grands de ce monde comme s’il s’agissait de la Pythie de Delphes.

Multinationales, ONG, Nations-Unies, grandes puissances, médias, opinions publiques semblent suivre cette enfant aussi enchanteresse que le joueur de flûte du conte de Grimm.

Tous sont fascinés et suivent aveuglément l’enfant prête à basculer dans un monde décarboné.

Le jeunisme, spécificité du national-socialisme
L’une des spécificités les plus repoussantes du national-socialisme résidait dans sa croyance que les adolescents voire les enfants n’avaient pas grand-chose à apprendre des adultes, mais qu’au contraire, ils avaient tout à leur apprendre.

Dans le cerveau dérangé du Führer, les jeunes étaient une avant-garde destinée à sauver la nature et à accoucher d’une nouvelle humanité qui se résoudrait à occuper la place d’une espèce animale parmi d’autres. Depuis le troisième Reich, aucun mouvement idéologique n’avait appelé les enfants et les adolescents à défiler seuls pour en remontrer au monde adulte.

Seul le mouvement nazi avait osé enrôler les jeunes, non comme tous les mouvements politiques en utilisant leurs qualités spécifiques d’énergie, de crédulité et d’enthousiasme, mais en les persuadant que les adultes corrompus et pusillanimes attendaient le salut à travers leur engagement.

Lettre à propos de Greta Thunberg
Jacques Camatte, 25 avril et 20 mai 2019
Patlotch a écrit:relevons que Camatte ne nie pas ce que pointe outrancièrement Bigot : « Cette gamine s'est servie de la gravité de la crise climatique pour dire son mal profond: le fait de ne pas être reconnue dans sa naturalité. Elle a tout de suite été récupérée à ce niveau, d'abord par ses parents, puis par  des amis à eux, militants du capitalisme vert. », ce dernier étant donc pour lui un concept opérant, à la différence de RS/Théorie Communiste, pour qui le capitalisme vert n'existe pas et le capitaliste tout court se fout des luttes écologistes... Qui vivra verra
Jacques Camatte a écrit:Cher Éric,

Je constate que le tapage médiatique au sujet de la "crise"climatique sert à masquer les problèmes essentiels : l'inimitié, dynamique qui implique qu'on ne peut pas vivre si on n'a pas d'ennemi, la répression de la naturalité, particulièrement et en premier lieu chez les enfants, la perte de la sensibilité, la fuite dans l'artificialité et donc la réalisation profonde de l'obsolescence de l'espèce.

L'"affaire" Greta Thundberg en est une illustration profonde. Cette gamine s'est servie de la gravité de la crise climatique pour dire son mal profond : le fait de ne pas être reconnue dans sa naturalité. Elle a tout de suite été récupérée à ce niveau, d'abord par ses parents, puis par  des amis à eux, militants du capitalisme vert. Voici quelques citations qui me semblent importantes.

Elle dit avec beaucoup de conviction l'évidence de l'horreur de la situation et ne prône aucune mesure. « Ce n'est pas mon travail de dire ce qu'il faut faire. Je suis une enfant.1 »

«"Elle souffrait d'un immense sentiment de solitude", dit son père. Les médecins ont diagnostiqué le syndrome d'Asperger, un trouble du spectre autistique.» "À mesure  que nous avons commencé à agir, son angoisse s'est atténuée." 2

Or la solitude dérive profondément de ne pas être reconnu. En fait on se sent isolé et inutile. Tout syndrome est l'expression du refus de la répression de la naturalité.

« Quand j’ai parlé de mes projets à mes parents, ils n’ont pas été conquis. Ils n’étaient pas favorables à une grève dans les écoles et ils ont dit que, si je le faisais, je devais le faire toute seule et sans leur soutien. »

« Mes parents étaient aussi éloignés que possible des militants climatiques avant que je ne leur fasse prendre conscience de la situation. »

« Ma famille a écrit un livre sur la façon dont ma sœur Beata et moi avons influencé la manière dont mes parents pensent et voient le monde, surtout en ce qui concerne le climat. Et à propos de nos diagnostics.»


"Il y a un autre argument contre lequel je ne peux rien faire. Et c’est le fait que je ne suis «qu’une enfant et que nous ne devrions pas écouter les enfants».3

On peut constater que le fait que ses parents prennent en compte sa prise de position sur la crise climatique est interprétée par elle comme une reconnaissance et c'est là où elle se fait piéger.

« La jeune lycéenne suédoise a eu la révélation, un soir, à la maison, en visionnant un discours sur le réchauffement climatique du débonnaire social-démocrate Stefan Löfven, le premier ministre, pourtant allié aux écologistes. "Il ment ! Crie-t-elle soudain. Tout le monde n'est pas responsable, seuls quelques uns le sont, et pour sauver la planète nous devons les combattre, ainsi que leurs entreprises et leur argent." 4

Ceci est intéressant pour situer sa rébellion : je ne suis pas responsable de l'horreur, elle existait bien avant moi.

En la citation suivante retentit toute la souffrance qu'elle a endurée, son immense panique devant ce qui peut apparaître son extinction du fait de ne pas être reconnue: « Je ne veux pas que vous soyez désespérés, je veux que vous paniquiez. Je veux que vous ressentiez la peur qui m’habite chaque jour et que vous agissiez, comme s’il y avait le feu, parce que c’est le cas. […] Il y a encore une petite chance de stopper les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter des souffrances pour une grande partie de la population de la planète. »

Après la mise en évidence de la répression de la naturalité de Greta, sa récupération, s'impose la peur des adultes devant une manifestation "autonome" des enfants : parents, psychologues, enseignants, etc, se sont pour ainsi dire jetés sur cette manifestation en disant - récupération oblige - qu'ils reconnaissaient la pertinence de la prise de position des enfants, mais que ceux-ci devaient être encadrés afin qu'ils ne dépassent pas les limites, etc... Les adultes manifestèrent la peur des enfants, voire leur haine. Et ceci est déterminant car il ne peut pas y avoir d'initiation d'inversion si ce phénomène profond n'est pas reconnu. Et nous revenons à la question de l'inimitié. Et le soubassement de cela c'est la peur de la dépendance, le refus de l'état d'enfant.

Ce que je vise c'est le rapport inversion, possible. La manifestation de Greta signale qu'un possible  est "apparu" tout de suite étouffé. Mais il n'est pas dit
1° que Greta se laisse pleinement asphyxiée, au cours d'un déchirement profond en elle (rejouement encore de ce qu'elle a vécu) elle peut remettre en cause son parcours car  elle a une grande puissance;
2° que le phénomène ne se reproduise pas et de façon plus ample. Il est curieux  que justement quelque chose de semblable a déjà eu lieu: "L'adolescente Severn Cullis-Suzuki au sommet de la terre de 1992 à Rio: «Vous, les adultes vous dites que vous nous aimez. Je vous mets au défi: faites que vos actions reflètent vos paroles. »   Or Greta a déclaré "Vous n’êtes pas assez Matures"... " Vous dites que vous aimez vos enfants par-dessus tout et pourtant vous leur volez leur futur" 5. Vous leur enlevez leur naturalité : dénonciation de l'ambiguïté.

Pour le proche avenir je tiens compte que mouvement régressif, que l'impasse de celui de libération initié à partir de la fin du XVIII° siècle (les lumières) et le retour à une phase plus répressive avec l'accession de courants d'extrême-droite aux USA au Brésil etc... équivalant au passage de l'extrême-gauche à l'extrême-droite sur le plan individuel – de l'émancipation libératrice à la répression salvatrice - aura pour conséquence un renforcement de la répression parentale, couplé avec le continuel procès d'artificialisation et de séparation, et donc un impact énorme sur la situation des enfants et sera cause de l'apparition d'autres syndromes et d'autres Greta. Autrement dit le possible se réactualisera. Ceci n'implique nullement qu'on dépende de ce phénomène car cela réactiverait un messianisme et conduirait à considérer les enfants non dans leur naturalité mais en tant que sauveurs, et donc à réactiver la dynamique de négation de celle-ci.

Je n'oublie pas la dimension historique et que s'amorce un rejouement. Dans les années 60 du siècle dernier on a eu un vaste mouvement de la jeunesse qui remit en cause la dynamique de l'inimitié prônée par les adultes; faites l'amour et pas la guerre. Les dominants s'en sortirent en légalisant la drogue, en conquérant soi-disant la lune, et en récupérant l'affirmation: tout est possible, qui visait à démontrer que le possible que les jeunes affirmaient ne pouvait pas être exclu (donc qu'ils ne pouvaient pas être niés) avec une exaltation de l'innovation et une artificialisation de plus en plus poussée.

Curieusement le mouvement de contestation de la jeunesse commença en Suède avec une grande manifestation des jeunes le 01 janvier 1956 où, en silence, ils cassèrent tout (cf. E. De Martino qui écrivit sur la fureur suédoise dans son livre : Furore, simolo, valore). Il y a un certain déterminisme dans les rejouements !

Tout cela peut faire le contenu d'un article : Inversion et possible.


Complément

Pour réaliser ce projet il sera nécessaire de prendre en compte le phénomène de dissolution qui se présente comme une réponse au mouvement contestataire des femmes et des jeunes depuis les années soixante du siècle dernier et, maintenant, de celui émergeant des enfants. Dans ce phénomène intervient une reconnaissance formelle et parcellaire qui opère intensément par l'entremise des médias

La révolte des enfants contre les parents s'exprime de façon inconsciente et totalement mystifiée dans la rébellion contre les adultes qui leur imposent tout et particulièrement il se manifeste dans le refus de la sexualité qui s'exprime dans la théorie du genre. Ainsi un homme peut se vivre du genre féminin et s'en revendiquer, de même une femme peut se vivre homme et le revendiquer mais, aussi, un homme ou une femme peut refuser d'être genré, ou genrée, c'est-à-dire d'être "enfermé" ou "enfermée" dans un genre.

La dissolution opère en faisant que tout le monde devienne enfant, et donc dépendant. Ainsi il y a tendance à remplacer les appellations d'homme et de femme par celles de garçon et de fille.

La dissolution a toujours suscité une réaction consistant en un renforcement des structures autoritaires répressives (comme au siècle dernier) devant sauver hommes et femmes, rejouant la dynamique de la répression parentale et celle de se protéger contre la menace d'extinction. Il en est de même de nos jours comme signalé plus haut.

Le mouvement d'émancipation, progressiste, devant sortir l'humanité de la minorité a conduit à la dissolution; celui réactionnaire, autoritaire, maintient hommes et femmes au stade enfant qu'il faut éduquer, réprimer. Progrès et régrès se compensent. Cela nous conduit à envisager dans quelle mesure la théorie du progrès nécessite et suscite l'inimitié.

Il n'en demeure pas moins que la permissivité qui fleurit avec l'autonomisation de la forme capital permet ce qu'on pourrait nommer des révoltes passives mais qui peuvent transcroître en profondes remises en cause lors d'une dynamique non lestée de mystification.


1 Le Monde 15 mars 2019, article de Anne-François Hivert
2 Idem
3 Cf. sur le site Reporterre : La jeune militante du climat Greta Thunberg répond à ses détracteurs
4 Article du Canard enchaîné 17 avril 2019: Greta Thunberg Autiste dramatique.
5 La Décroissance avril 2019, n° 158: L'écologie infantilisée.

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Message par Invité Sam 3 Aoû - 14:45


L'INIMITIÉ
TRAJECTOIRE À BALLE DANS LE PIED
DE L'ESPÈCE HUMAINE ?
Patlotch a écrit:un nouveau et court texte de Jacques Camatte. Pas de commentaire à ce stade si ce n'est que l'inimitié me semble un concept un peu faible, rejoignant la phrase en exergue d'Invariance : « Je n'ai pas d'ennemis : l'enfermement s'abolit. » Inimitié est une sorte d'antiphrase à connotation morale, le contraire ou l'absence d'amitié, pour ne pas dire un euphémisme pour adversité ouverte, ennemitié (hainemitié ?), comme la décrit le texte. Je relève que ce mot-concept est également au centre de la pensée d'Achille Mbembe : Politiques de l'inimitié, 2016

mais ce n'est qu'une remarque sur le choix du mot pour traduire pertinemment ce qu'il recouvre dans ce texte en relation avec la pensée de Camatte en général
Inimitié et extinction
Camatte Jacques, juillet 2019
Jacques Camatte a écrit:Ce qui empêche la prise de mesures immédiates et efficaces pouvant enrayer le réchauffement climatique et la destruction de la nature, c'est la dynamique de l'inimitié qui commande tout le comportement de l'espèce. Ainsi le rapport entre les deux est évident et inéluctable: la dynamique de l'inimitié conduit inévitablement à l'extinction de l'espèce. Un exemple probant : une mesure qui aurait un effet positif et assez rapide sur le réchauffement climatique et la destruction de la nature (les deux étant absolument liés) serait d'abolir les armées et de cesser de produire des armes, ceci sans supprimer les salaires de ceux et celles qui travaillent dans les armées et dans l'industrie d'armement. Au lieu d'être payés et payées à détruire, ils et elles le seraient à ne rien faire ce qui leur permettrait aussi de pouvoir envisager autrement le phénomène vie. Une telle proposition serait rejetée comme utopique, irréaliste, etc et l'argument invoqué est le plus souvent : il faut pouvoir se défendre. Ainsi même une personne non belliciste, ni même belliqueuse, pense qu'elle peut être agressée et qu'elle doit se protéger, ce qui implique que l'autre est potentiellement un ennemi ou une ennemie. Or une telle mesure concerne la totalité de la planète tant sur terre en surface comme en profondeur, sur les mers comme dans les profondeurs océanes, dans l'atmosphère et dans l'espace.

L'inimitié commande d'autres pratiques comme l'éclairage intense la nuit (peur d'agression) de celui nocturne des magasins. En ce cas l'inimitié est liée à la concurrence et à la nécessité d'être reconnu. Mais cela opère également en politique et dans le domaine de la connaissance avec la polémique. Pour s'affirmer l'individu a besoin d'un "ennemi", il ou elle s'affirme contre un autre, une autre. Tout le champ de vie de l'espèce est imprégné d'inimitié. Elle fonde son comportement en rapport avec la coupure d'avec la nature dont une conséquence essentielle est la séparation du pouvoir et de l'amour qui s'affirment préférentiellement l'un, le pouvoir, au pôle homme, l'autre, l'amour, au pôle femme, mais coexistent aussi au sein de l'homme, comme de la femme et constitue un des fondements de l'ambiguïté. Toutefois ce qui "relie" les êtres humains entre eux et leur permet de former un tout c'est l'inimitié.

En ce qui concerne ses rapports avec les autres êtres vivants l'inimitié prévaut et cela peut opérer également pour des éléments du cosmos tant les êtres humains ont besoin de support pour fonder "l'ennemi".

Sous une autre forme des théoriciens variés ont fait ce constat. Dans L'homme imprévu André Bourguignon affirme: "Effectivement, aucune espèce ne se voue avec autant d'acharnement à la réalisation de son malheur, à la destruction des êtres et des choses, aucune ne pratique avec tant d'obstination la violence et le meurtre intraspécifiques, individuels et collectifs; aucune ne traite avec tant d'incohérence, d'insouciance, voire même de cruauté, ses petits; aucune n'assujettit aussi durement les femelles. Ainsi, pour mille raisons, l'Homme est devenu un animal «fou». (…) Voilà ce que nous avons cru lire dans les faits et dans cette longue histoire qui débute avec l'atome d'hydrogène, et qui peut-être finit sur la Terre avec l'Homme."1

Dans L'Homme fou – Histoire naturelle de l'homme -2, il précise en quoi l'Homme est fou. Il appuie sa démonstration sur des citations de Blaise Pascal et il déclare:" D'ailleurs la folie de l'Homme est attestée par la dualité, la division et l'incohérence de son esprit."2 À cela il ajoute l'inimitié: "Ennemi de lui-même, l'Homme l'est aussi de ses semblables."3 Mais tout ceci ne relève pas de la folie mais de la déraison, plus précisément de la spéciose, car celle-là affecte plus profondément l'être humain. Ainsi dans le cas de l'ipséisation il se sent tellement menacé qu'il s'enferme en lui-même, les relations à autrui devenant impossibles; tandis que dans celui de l'aliénation il s'identifie à un autre et s'y enferme, ne pouvant plus retourner auprès de lui-même. La folie est une autre forme de l'extinction car pour l'individu, comme pour l'espèce – si cela advient – c'est l'enrayement de tout développement, de tout devenir. La folie au sens pascalien découle du fait que l'espèce s'étant séparée de la nature, cherche vainement à y retrouver sa place ce qui fonde son errance. Elle sort constamment du "sillon naturel".

Pour A. Bourguignon la racine de cette folie pascalienne réside dans un comportement inadéquat des adultes vis-à-vis des enfants qui peut aller jusqu'à la maltraitance. Cela implique que "l'Homme doit changer.

"Quand l'enfant, ses aptitudes et ses besoins seront encore mieux connus, de meilleures conditions de développement pourront lui être offertes; car actuellement, sans que les parents et les maîtres en aient conscience, son éducation est génératrice de conflits psychiques et ne contribue guère au complet épanouissement de ses potentialités".4

"Si l'Homme pouvait changer, ce ne serait que par une profonde transformation des conditions qui lui sont imposées pendant l'enfance."5

Il est bien évident que la source de tous les maux réside dans l'inadéquation du comportement des adultes en rapport aux enfants et surtout en rapport aux bébés. Comment en est-on arrivé là car, originellement, l'espèce eut un autre comportement sinon elle aurait disparu ? Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord reconsidérer les caractères de celle-ci. En premier lieu s'impose l'acquisition de la station verticale puis l'accroissement du volume de l'encéphale, lequel va conditionner ce qui est défini prématuration de l'enfant. Toutefois à mon avis c'est une formulation inadéquate. L'accroissement important de l'encéphale et donc de la tête implique, étant donnés les caractères anatomiques du bassin de la femme, une sortie du fœtus de l'utérus lors du neuvième mois de gestation. Mais, encore une fois, est-ce une prématuration. Le petit marsupial sort de l'utérus maternel à l'état de larve et poursuit son développement dans la poche marsupiale. Son développement se fait donc en deux temps. C'est quelque chose de comparable qui s'effectue dans le cas de l'espèce humaine. À la phase de gestation dans l'utérus, l'utérogestation finissant à la naissance, fait suite ce qu'on peut appeler l'haptogestation, gestation réalisée à travers des contacts constants entre la mère (et même d'autres adultes) et l'enfant6. En anticipant on peut dire que la prématuration s'impose parce que l'haptogestation a disparu, escamotée.

Avant de poursuivre je désire préciser les notions de juvénilité, foetalisation, néoténie comme je l'ai déjà fait de façon plus détaillée dans Données à intégrer. Les deux premières indiquent qu'il y a conservation de caractères jeunes chez l'adulte ce qui est évident quand on compare le développement de Homo sapiens avec celui des singes qui lui sont le plus proches. Néoténie indique la même chose mais s'y ajoute l'idée que la sexualité est acquise à un stade plus jeune que celui adulte ce qui n'est pas le cas chez l'Homme. Ces trois notions ne concernent pas ce qui est nommé prématuration.

Revenons à l'haptogestation. Franz Renggli affirme que les bébés veulent constamment être portés et des psychologues allemands parlent de tragling7 et considèrent que le bébé humain est nidicole, le nid étant constitué par le bras entourant et soutenant le bébé et la poitrine. Comme il doit être constamment porté jusqu'au moment où il acquiert la capacité de marcher debout, traversant une phase où il a, par moment, besoin de progresser à quatre pattes, ce qui ne doit pas être empêché, la mère et le père ne peuvent satisfaire cette exigence. En conséquence une communauté très cohésive s'impose comme elle s'imposa avec l'émergence de Homo sapiens.

Au cours des millénaires à la suite de la séparation d'avec le reste de la nature, moment à partir duquel surgit l'inimitié vis-à-vis d'elle, mais aussi l'ambiguïté à son égard, la communauté se fragmente et surgissent des formes d'organisation diverses. Corrélativement la séparation des mères de leurs enfants s'accroît, nécessitant l'invention d'objets techniques comme le berceau ou création d'emplois comme celui de nourrice, ce qui implique que plus l'Homme se sépare de la nature plus il se sépare de sa naturalité. Et nous arrivons au stade actuel où le bébé devient un être étranger et étrange créant souvent un malaise, un désarroi chez les parents dû à la remontée: le retour du refoulé : la continuité perdue. L'espèce survit grâce à un énorme développement technico-scientifique compensant une connaissance et un comportement immédiat réprimés, puis perdus, même si certains éléments de naturalité persistent occasionnant l'intervention de scientifiques pour faire respecter la rationalité et donc le devenir hors nature.

Le bébé, être étranger, n'est pas accepté dans sa naturalité, il est souvent perçu comme dérangeant et empêchant les parents de réaliser ce qu'ils nomment leur vie. Cependant plus l'enfant grandit et se rapproche de la maturité et plus il peut être accepté par les adultes parce qu'il leur devient un être compréhensible avec qui ils peuvent avoir des relations épanouissantes pour les deux parties. Par là peut s'opérer le recouvrement de la phase enfantine initiale qui fut douloureuse. Il le devient de plus en plus au fur et à mesure de sa domestication qui le fonde être humain de cette société. En effet on ne naît pas homme ou femme mais on le devient. Cela implique un procès d'acquisition, un travail permanent, une progression indéfinie, bases sur lesquelles s'élabore l'idéologie du progrès qui, elle aussi, est imprégnée d'inimitié : par rapport à la nature et au passé, par rapport aux autres (les ennemis du progrès). La répression de la naturalité implique un devenir qui débouche dans l'errance.

Alors qu'est-ce qui pousse hommes et femmes à avoir des enfants ? La donnée la plus importante, inconsciente, est le désir d'être sauvé et de former une communauté. Tant que ce désir ne sera pas universellement reconnu, il sera impossible d'enrayer l'accroissement vertigineux de la population. À des degrés divers tout enfant est au départ un enfant sauveur. Curieusement l'adulte qui veut fuir toute dépendance – ce qu'il a vécu enfant – recherche un être qui, à ses yeux, représente la dépendance par excellence.

Toutes les communautés despotiques, qu'elles aient disparu ou subsistent encore, ainsi que toutes les sociétés avec diverses formes d'État, ont visé à adapter mères et enfants au devenir communautaire puis social et n'ont jamais essayé de faire en sorte que celui-ci soit adapté aux besoins naturels des mères et des enfants. Ainsi au cours des millénaires s'est opérée une séparation constante entre mère et enfant et les conditions de vie de celui-ci n'ont fait qu'empirer surtout avec l'instauration du patriarcat, où il devient un objet de contestation du pouvoir.

La haine inconsciente des mères et donc l'inimitié et l'ambiguïté s'en est suivi qui, avec celles vis-à-vis de la nature, fonde le comportement de l'espèce spéciosée parvenue au bout de son errance8.

Pour éviter l'extinction, on doit abandonner la dynamique de l'inimitié comme fondement du procès de vie tant intraspécifique que interspécifique et même avec le cosmos, ce qui implique fondamentalement la remise en continuité grâce à l'acceptation de la naturalité de l'enfant, et à la récupération de la leur de la part des adultes, ce qui ne peut advenir qu'à la suite d'une immense inversion.

1 André Bourguignon L'homme imprévu – Histoire naturelle de l'homme - 1, Ed. PUF, p.10.

À propos de l'importance de l'enfant j'ai, dans d'autres textes, cités divers théoriciens et théoriciennes. L'intérêt de l’œuvre de A. Bourguignon réside dans son approche historique, paléontologique, qui tient compte du rapport de l'espèce à la nature et qu'il évoque le possible de son extinction.

2 Cf. page 18.

3 Idem, page 18.

4 L'homme imprévu, pp. 303 – 304.

       Ajoutons le point de vue d'un anthropologue, François-Robert Zacot : "Trois exemples. Trois symptômes qui tous ont un point commun: l'appropriation de l'enfant par l'adulte. Qui témoignent de la pathologie de notre époque culturelle.

      La fécondation in vitro (FIV) qui parait justifiée, produit cependant une absence de transmission entre les parents et l'enfant; l'enfant n'a et ne peut avoir de place ni dans une histoire ni dans une filiation. Bien que présent, le bébé n'existe pas. Ce qui compte c'est le désir de l'adulte, celui de la médecine. Qui l'inscrivent dans leur logique."


         Il en est de même selon lui avec l'adoption et le cas de l'homoparentalité. Il conclut: "Elle (la logique culturelle) construit le danger car elle construit l'homme de la perte de soi." l'Occident, l'adulte et l'enfant, in Le Monde,09 novembre 2007

5 L'Homme fou, p. 16 . Page 316 du même livre, il précise : " Pour celui qui rêverait d'un monde meilleur, la seule voie de transformation de l'Homme passerait donc par un changement radical des conditions offertes aux femmes enceintes et aux enfants; car il semble bien que dans toutes les cultures les petits de l'Homme soient élevés dans de moins bonnes conditions que les petits des animaux sauvages, dont le développement psychique, il est vrai, a de moins grandes exigences." Il ajoute, cela suppose une révolution "actuellement inconcevable". Au cas où elle se réaliserait, "il resterait un élément non maîtrisable, les désirs inconscients des parents. Savent-ils pourquoi ils souhaitent avoir des enfants? Savent-ils qu'ils ignorent leurs véritables besoins et qu'ils les élèvent de façon si souvent désastreuse ?"

6 Je rappelle que l'origine de ce terme provient de l’œuvre de Ashley Montagu qui parlait d'utérogestation et d'extérogestation. J'ai remplacé extero par hapto en référence à Franz Veldman fondateur de l'haptonomie.

7 Cf. Glossaire.

8 Je ne fais aucun développement, parce que tous ces thèmes ont été développés dans d'autres textes, par exemple dans De la vie. D'autre part j'y reviendrai dans la suite de Émergence de Homo Gemeinwesen.

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Message par Invité Lun 24 Fév - 11:14


2 heures avec Jacques Camatte, on en reprendrait bien 2 autres. Il raconte l'histoire de son cheminement depuis sa jeunesse, et même son enfance, insiste sur Marx et Bordiga, parle de Dangeville, Rübel, Debord, Sartre... Dommage que son interlocuteur l'entraîne sur des voies qui dépensent le temps d'entretien sans grand intérêt. J'aurais préféré qu'il développe davantage certains aspects de sa pensée, notamment les concepts d'inversion et inimitié

néanmoins, toute la post-ultragauche et notamment Théorie Communiste en seront pour leurs frais, comme experts en caricature de sa pensée, qui s'arrête pour eux au début des années 70, comme vu dans ce sujet plus haut


à 1:58:40, sur l'écologie, « Je n'ai jamais été écologiste » : son interlocuteur la réduit à la protection de la nature, ce qui ne recouvre pas tous les critiques écologistes, mais JC les enferme aussi dans cette signification politique, alors que paradoxalement sa réponse peut fort bien relever d'un de ces courants

et 2:02:20, sur Greta Thunberg : « non, ce n'est pas une mystification »... Camatte s'explique mais son interlocuteur est fort peu dialecticien, concernant les luttes en général. Lire Lettre à propos de Greta Thunberg et Complément, avril-mai 2019

PS : notons que parmi les vidéos de ce Cercle Marx, figurent deux entretiens avec Francis Cousin... Les écouter dépasse ma capacité de patience en 2020


Dernière édition par Florage le Ven 17 Avr - 19:17, édité 1 fois

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Message par Invité Mar 24 Mar - 12:29

dans le débat sur le coronavirus et la critique théorique radicale, histoire de ne pas mettre tous les nœufs dans le même panier, un texte
Jacques Camatte a écrit:23 mars 2020

Lettre au sujet de la pandémie et du risque d 'extinction

Cher Mårten,

Voici ce que je peux te dire :

 Je pense depuis longtemps que l'espèce a risqué l'extinction. Ceci a été confirme scientifiquement. Il y aurait eu deux cas: un il y a 120 000 ans et un autre il y a 70.000ans. Ceci a laissé en l'espèce l'empreinte d'une menace.  Pour la conjurer elle est sortie de la nature. Mais, au bout du compte, elle rejoue cette menace et elle provoque elle-même le possible de son extinction. Nous sommes arrivés au moment final, décisif. C'est la fin de l'errance. Dans le chapitre 14 (avant-dernier) de Émergence de Homo gemeinwesen, Point d'aboutissement actuel de l'errance, j'expose tout cela  de façon la plus précise possible1. Synthétiquement: pour échapper à la menace "naturelle" l'espèce s'est séparée de la nature, pour échapper  à la menace "anthropique", elle doit s'y réinsérer, ce qui n'implique pas une fusion. Pour cela il faudra que  s'actualise un immense retour du refoulé : la naturalité, comme cela se vérifie lors de catastrophes naturelles avec manifestation de la solidarité, préoccupation pour l'autre, etc.  avec la suspension  de la dynamique de l'inimitié qui doit, de nos jours, se transformer en une élimination car il ne faudrait pas qu'elle resurgisse entre ceux et celles qui optent ou vont opter pour une virtualisation accusée avec perte de ce qui reste de relations humaines, et ceux et celles qui seront touchés par le retour du refoulé.

       Dit autrement, pour se protéger l'espèce s'est enfermée dans un devenir, son errance, et est devenue incapable d'imaginer autre chose; ce qui constitue sa folie. C'est ce qui apparaît nettement à travers les réactions des dirigeants dans les divers domaines. D'où, sous-jacente et tendant à émerger, la panique. On le sent par exemple au fait que le coranovirus évoque irrésistiblement une menace.

Jacques
14.03.2020

Afin de rendre plus compréhensible la lecture de cette lettre je publie un chapitre non terminé de Émergence de Homo gemeinwesen :

14. Point d'aboutissement actuel de l'errance

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Message par Invité Jeu 14 Mai - 12:39

très certainement un des textes les plus importants de la séquence historique "coronavirus", aboutissement d'un travail d'au moins 40 ans, pour ne parler que de la période la moins connue dans les milieux marxistes

y sont abordés pratiquement tous les thèmes sur lesquels se focalisent les critiques théoriques recensées ici, avec une rare et cohérente mise en perspective historique et scientifique depuis l'origine de l'humanité et de sa séparation d'avec la nature

texte d'autant plus important, et passionnant, qu'il refait l'historique de son cheminement théorique, en renvoyant aux textes jalons jusqu'à la fin des années 70. Un excellent guide de lecture donc, pour qui voudrait découvrir ce penseur aussi puissant que discret

pour faciliter la lecture j'ajoute des séparateurs et du gras sur des idées jalons
Instauration du risque d'extinction
Jacques Camatte, Invariance, 30 avril 2020
Dans une première approche, l'importance exceptionnelle accordée aux effets pathologiques liés à l'infection par le coronavirus, apparaît comme un bon moyen pour masquer le phénomène essentiel en acte : la destruction de la nature et la remise en question du procès de vie organique sur terre. Il s'agit de la disparition de milliers d'espèces et de l'enraiement de ce dernier en acte depuis prés de quatre milliards d'années, conduisant à une immense extinction. Or la terre est un corps céleste exceptionnel et aucun autre semblable n'a été découvert à des milliers d'années-lumière. Comment l'espèce peut-elle escamoter un tel événement, si ce n'est à cause de sa folie, enfermement dans un devenir, une errance, devenant incapable d'imaginer autre chose, particulièrement une issue. Elle ne se préoccupe que d'elle-même ignorant que ce qu'elle subit est une conséquence de sa dynamique de séparation de la nature et de son inimitié1 tant interspécifique, qu’infraspécifique.

Cette dynamique de masquage est vraie, évidente, mais cette affirmation n'implique pas une sous-évaluation du phénomène que nous subissons. C'est sur quoi nous voulons insister et nous désirons ne pas séparer les deux phénomènes mais au contraire intégrer ce qui concerne l'espèce dans le devenir de la totalité du phénomène vivant.


Le caractère le plus important de cette pandémie c'est sa contagion extrêmement forte à cause du virus lui-même mais surtout du fait de la surpopulation et de la destruction de la nature diminuant le nombre des espèces hôtes possibles. Elle est vécue comme une terrible menace.

Or à divers moments de leur procès de vie hommes et femmes se trouvent, consciemment ou inconsciemment en présence de la menace qui dans certains cas peut se manifester comme une menace bien déterminée. Et ceci opère tant au niveau individuel qu’au niveau d’un groupe plus ou moins important, au niveau d’une ethnie, d’une couche sociale, ainsi qu’au niveau d’une nation et, enfin à celui de l’espèce. Celle-ci se trouve logée dans son monde, dans la nature voire dans le cosmos, comme dans une matrice dominée par la menace, déterminée et structurée par elle - en rapport à des phénomènes naturels destructeurs - au cours de milliers d’années, celle du risque d'extinction2. Ce n'est pas seulement la contagion qui détermine la réinstauration du risque, d'un risque encouru il y a plus de cent mille ans3, mais les mesures qui sont prises pour l'enrayer.

Donc, viennent à se sommer un risque pour l'espèce et un risque pour l'ensemble du monde vivant, la sixième extinction envisagée il y a déjà plusieurs années par R.Leakey4, ce qui renforce encore chez Homo sapiens la menace inconsciente de l'extinction, avec prépondérance surtout dans l'immédiat du phénomène la concernant, tandis que l'autre est le plus souvent occulté selon la dynamique de masquage sus-indiquée.

Que révèle la contagion, fondant cette pandémie, ainsi que les mesures protectrices qu'elle suscite ? On peut parler à ce sujet d'apocalypse ne serait-ce que pour signaler le rejouement puisque ce mot indique justement la révélation d'une destruction possible mais aussi le moyen d'y échapper.

- L'échec de la sortie de la nature puisque l'espèce n'est pas parvenue à échapper à la menace et à atteindre la sécurité, en dépit d'une série de séparations pour se protéger.

- La fin de la négation totale de la communauté originelle par suite de sa fragmentation au cours des millénaires avec la phase finale du procès de séparation et le déploiement de l'hyperindividualisme se manifestant comme une compensation à l'évanescence de l'individu. De nos jours, les rackets et la grégarité sont les résidus aberrants de la communauté.

- La fin du recouvrement et la mise à nu de la déréliction, ainsi que la manifestation du numen, du sacré, de ce qui engendre fascination et effroi, et la révélation de la vulnérabilité5.

- L'instauration du risque d'extinction - on ne s'affronte plus simplement à la menace mais au risque lui-même - se présentant comme la sommation des deux phénomènes précédents sus-indiqués, nous ne pouvons pas les traiter séparément et notons, en premier lieu, qu'affirmer qu'il s'agit d'un risque implique que normalement l'extinction ne se réalisera pas. Toutefois au cours des milliers d'années qui nous séparent de l'événement initial, des données imprévues ont pu s'imposer et faire en sorte que du risque on puisse passer à la certitude. La donnée imprévue, la plus importante et difficilement maîtrisable est peut-être la folie de l'espèce qui la rend incapable d'envisager un autre développement que celui qu'elle a adopté (enfermement). D'où la nécessité d'une écoute à la fois historique et actuelle pour être vraiment présent à ce qui advient ce qui permet d'actualiser un comportement adéquat.


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L'étude de l'origine de la maladie nous révèle qu'elle a eu une "incubation" assez longue, support de confusion. En effet elle a été précédée par le syndrome respiratoire aigu sévère SRAS surgi en Chine (2002-2003) et qui a touché 29 pays. Le virus de covid-19, le SARS-cov2 pourrait dériver de celui qui a causé le SARS. D'autre part, il y a peut-être un lien avec le Syndrome de détresse respiratoire aiguë connu depuis assez longtemps et repéré effectivement en 1967. Il est parfois également fait mention du Syndrome respiratoire du Moyen-Orient dû aussi à un coronavirus MERS- Cov, transmis par le chameau et qui, depuis 2012 toucherait quelques pays en dehors de l'Arabie Saoudite. Ceci suggère que la maladie actuelle a une assise profonde et étendue d'autant plus que les coronavirus constituent une vaste famille de virus pouvant provoquer des maladies diverses, allant du rhume banal au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Il devient le virus par excellence.

Les conditions de vie étant ce qu'elles sont et similaires dans tous les grands centres citadins, est-ce que dans chacun de ces centres le virus de la covid 19 ne trouverait-il pas la possibilité d'émerger à partir d'un virus "apparenté" préexistant? On aurait une forme de production endogène. Je pense à cela à cause de la vitesse de propagation de la maladie et parce que celle-ci révèle l'état de délabrement6 en lequel se trouve l'espèce. Cela n'implique pas, au cas où cette hypothèse s'avérerait juste, qu'il faudrait abandonner le confinement, mais cela imposerait de se préoccuper simultanément encore plus des causes profondes de cette maladie au-delà du parasitage par le virus. Celui-ci en vient à être le support de tout mal. On entend dire souvent: je ne vais pas bien, j'ai dû attraper un virus. Mais il y a toujours ambiguïté au sein de l'espèce spéciosée. Ainsi de quelqu'un qui s'adonne avec passion à une activité donnée, on affirme il a le virus du ou de. La malignité de cet être se retrouve dans le domaine de l'artificialité avec les virus informatiques divers. Fort curieusement Stephen Hawking, physicien et cosmologue, voulait, parait-il, qu'on les considère comme des êtres vivants, révélant ainsi une ambiguïté en formation, rejoignant une autre qui serait naturelle, selon la représentation en place, qui considère le virus à la fois vivant et non vivant en fonction du support sur lequel il se trouve. Mais du fait même de la diabolisation dont il est le support, son rôle essentiel au sein du procès de vie est totalement escamoté. Pour le signifier il nous faut remonter aux origines de ce procès à l'époque de ce qui fut nommé la soupe primitive, où régnait un continuum vital. Il n'y avait pas de séparation et la continuité était immédiate. Quand les cellules apparurent, leurs membranes imposèrent des séparations s'opposant à la continuité. Les virus furent les éléments vivants, discrets qui permirent de rétablir la continuité à partir du discontinu en permettant des transferts de certains êtres vivants à d'autres et le procès de vie en sa totalité put continuer, car ce qui évolue ce ne sont pas seulement des espèces isolées mais l'ensemble du monde vivant qui doit conserver sa cohérence. Les généticiens ont mis en évidence la présence d'un grand nombre de virus intégrés dans notre génome signalant leur contribution à l'édification de celui-ci. Autrement dit, s'il y a continuité ils peuvent opérer mais sans parasiter. En revanche si celle-ci est remise en cause ils peuvent devenir parasites. Et là, encore on doit tenir compte de la totalité pour pouvoir l'affirmer, car une foule de relations sont opérantes dont en particulier celle intervenant dans la dynamique de révélation d'un état donné, tandis que d'autres peuvent nous échapper. Or, du fait de son mode de vie Homo sapiens a opéré diverses discontinuités dont la plus importante est celle avec le reste de la nature, d'où la multiplication des maladies virales. Faire des virus les supports du mal (des maladies) c'est encore entériner la séparation et l'inimitié, surtout quand on les associe à des espèces qui seraient leurs vecteurs comme dans le cas du covid 19, les chauves-souris et les pangolins. Or ces derniers, du fait de l'action humaine, sont en voie d'extinction! Mais cela recèle une ambiguïté: faire des autres êtres vivants les responsables de nos maladies implique de penser que nous sommes passifs, voire inessentiels! L'espèce virtuose de la manipulation se projette dans les autres et considère que le virus la manipule. Or il est supposé que le SARS - Cov 2, le virus de Covid-19 dériverait d'une manipulation en laboratoire comme l'affirme Luc Montagner. Une même affirmation fut faite à propos du virus, non encore connu, du sida.

Les symptômes de covid-19 sont très divers et certains ne se sont manifestés que récemment comme les troubles cardiaques ou les réactions inflammatoires excessives comme les orages de cytokines signalant un dérèglement du système immunitaire, les troubles du comportement en rapport à des atteintes au cerveau, l'inflammation endothéliale systémique7 et encore plus récemment la formation de caillots impossibles à éliminer, obligeant dans certains cas à des amputations.

Cette grande diversité est liée au fait que la maladie révèle en fait des dysfonctionnements antérieurs au sein de l'espèce ainsi que son obsolescence, et ceux causés par elle au sein de la biosphère. Elle est plus qu'une maladie car, en tant qu'opératrice de révélations, elle s'impose, en tant qu'apocalypse. Mais, répétons-le la cause n'en est pas le virus mais l'état de l'espèce.


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À la suite du bouleversement lié à Mai 1968 j'ai axé ma réflexion et mon investigation sur d'une part le maintien d'une perspective "émancipatrice" avec l'affirmation d'une invariance au sein de l'espèce d'un courant porteur d'un projet de réémergence de la communauté humaine, d'autre part sur la mise en évidence de la dégénérescence de l’espèce liée au développement du capital et à l'autonomisation de sa forme8. Dix ans après je constatais: "Nous sommes parvenus à un stade d'épuisement de l'humanité et de la nature; d'où s'ouvre à nous l'ère des catastrophes." Précisions après le temps passé. Invariance, série III, n°5-6, p. 359.

À posteriori on constate que le commencement de cette ère est contemporain avec la fin du mouvement prolétarien dans les années 80. Elle fut elle-même une immense catastrophe et c'est d'ailleurs ainsi que nous l'avons vécue, contemporaine de l'accélération de la destruction de la nature, particulièrement les forêts. En effet la disparition du prolétariat a eu un effet comparable à la réduction extrême des forêt: perte de toute régulation du système économique avec l'accroissement indéfini de la production, comparable à la perte du phénomène de compensation permettant une régulation du climat10. C'est pourquoi au cours de ces années j'ai étudié comment le devenir de la société-communauté en place avait pour impact une dégénérescence toujours plus poussée de l'espèce. Ce qui fut essentiel pour cela ce furent toutes les techniques de manipulation qui utilisèrent persuasion, séduction, comme la communication, l'information, la publicité avec les médias correspondants car elles eurent toutes un impact important sur le système immunitaire pouvant aller jusqu'à sa dépression. action complétée par celle des drogues. Cela a opéré aussi dans la dynamique d'assimilation et d'intégration sans oublier sa constante opérationnalité au cours des siècles dans l'éducation et dans l'enseignement11.

Ainsi nous pouvons répondre à la question : qu'est-ce qui cause la grande dangerosité de cette maladie ? C'est qu'elle arrive en fin de parcours, comme la conclusion d'un immense procès de fragilisation de l'espèce liée tout particulièrement à un dérèglement de son système immunitaire dont l'importance est considérable, assurant un procès de connaissance inconscient complémentaire de celui conscient.

De l'ensemble des articles de ce n° consacré à "Les défenses du corps humain", il émerge en définitive que le réseau immunitaire ne sert pas uniquement à la défense de l'organisme, mais serait un système d'intégration, de positionnement de celui-ci dans le continuum vital, qui fonctionnerait d'ailleurs en symbiose avec les milliards d'organismes (principalement les bactéries) présents dans le corps de tout homme et de toute femme12.

On comprend que de multiples atteintes à ce système puissent se traduire par une grande difficulté d'être présent à soi-même et au monde qui est une composante de la spéciose13, d'autant plus que la coupure d'avec le reste de la nature a engendré la solitude de l'espèce et que la destruction de celle-là a pour conséquence l'impossibilité d'être reconnu. Durant une longue période elle a pu diminuer cette solitude grâce à la surnature en recourant à toutes sortes de divinités et, surtout avec le monothéisme, à l'aide de Dieu. La faiblesse de ce dernier, son évanescence, remet l'espèce en déréliction.

Ainsi les causes essentielles de la pandémie sont la spéciose précédemment citée dont la manifestation la plus extrême est la perte de la sensibilité, de l'affectivité cause et résultat de la perte de la continuité et la régression de l'empathie, la surpopulation14.

Cette perte concerne le rapport à l'autre en général, le retentissement de l'autre sur soi accroissant l'hyperindividualisme qui exprime bien la coupure de continuité impliquant la dimension de la puissance de vie, la disparition de l'écoute.

Le déploiement de la maladie et les mesures visant à l'enrayer, à l'éradiquer - remettant en cause tout le mode de vie - révèlent tout ce qui affecte négativement l'espèce et met en évidence tout particulièrement la nocivité de se séparer pour se sauver.


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Ce qui est révélé en premier et de façon qu'on pourrait dire explosive est l'inimitié qui se présente à la fois comme un comportement et une affectation, mais aussi comme un schème de connaissance15. Dés le début il a été proclamé: nous sommes en guerre. Dans cette proclamation perce la nostalgie des périodes guerrières où l'individu peut soit-disant donner le meilleur de lui-même et où la vie acquiert un sens, parce qu'il est possible alors d'accéder à soi. En outre l'état de guerre permet aux dominants de justifier les divers mesures de répression, d'enrayer les possibilités pour les dominés de se manifester, comme cela se vérifie avec l'imposition du confinement qui, prolongé aboutit à une forme d'asphyxie. À ce propos je communiquerai la remarque profonde que m'a transmise Cristina Callegaro au sujet des troubles provoqués par le covid-19: "Toutes ces personnes qui suffoquent, qui ne parviennent plus à respirer, qui manquent d'oxygène, c'est comme une peur radicale, absolue. Cela semble un revécu de naissance, d'une naissance lourdement traumatisante qui a son tour récapitule la terreur de l'anéantissement de l'espèce." Cela indique également la difficulté, voire l'impossibilité, d'opérer l'inversion qui peut se présenter et se vivre comme une naissance.

La contagion par le Covid-19 et le confinement qui  s'en suit, ne traduisent-ils pas le refus inconscient de l'autre, surtout au sein des populations qui subissent une trop grande proximité forcée, par exemple dans les transports, dans les rues surpeuplées, ou même dans des appartements exigus? Normalement nous ne sommes pas limités à notre corps mais nous sommes entourés d'une bulle analogue à une cavité amniotique limitée, donc par un amnios. Le franchissement répété de celui-ci rend le vivre très mal aisé, c'est comme si l'individu perdait son idiosyncrasie, ses repères et même sa trace. Où se trouve-t-il? Et l'on peut penser que les trous opères dans "l'amnios", sont des portes par où un virus peut s'introduire.

Cette remarque sur l'importance de la cavité amniotique et de l'amnios m'a été suggérée par la lecture des œuvres de Varenka et Olivier Marc, particulièrement Premiers dessins d'enfants. Ed. Nathan. En effet d'après ce qu'elle et qu'il exposent j'en suis arrivé à la conclusion que cavité amniotique et amnios étaient reconstitués par la présence enveloppante de la mère qui, par là-même, permettait à l'enfant d'édifier sa propre bulle, grâce au cordon ombilical constitué par la continuité entre lui et sa mère. On peut dire que c'est un moment important entrant dans la réalisation de l'haptogestation.16 Et tout ceci, il faut le mettre en relation avec la perte de toute communauté qui rend les individus extrêmement fragiles, et j'ajouterai que probablement la bulle, et donc l'amnios, étaient les restes de la dimension communautaire au niveau de l'individu.


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Revenons à la manifestation de l'inimitié, la proclamation de l'Union sacrée - complément à celle de la guerre, équivaut à la mise en œuvre d'une forme de répression, complétée souvent par une auto-répression, visant ceux et celles qui sont en désaccord. Elle tend à abolir les différences, plongeant la population dans un état de d'indifférenciation qui est une forme de cancer17.

Cela permet à l’État de récupérer une certaine importance en se faisant gérant de la thérapeutique, voire thérapeute, ce qui est logique car la thérapeutique fondamentale est celle visant à guérir hommes et femmes de leur naturalité en les réprimant. Or les mesures assurant le confinement entrent bien dans cette dynamique qui est propice à l'effectuation de violences policières, comme cela se produit lors des révoltes actuelles dans les banlieues dues au confinement, à la misère, à la non reconnaissance.

Il en est de même d'autres mesures comme la distanciation qui révèle l'inimitié sous-jacente, car garder ses distances c'est se protéger. Elle permet aussi d'éviter la crise de la présence, la présence de l'autre qui est potentiellement dangereux surtout s'il est inconnu.

La distanciation implique la réalisation à distance de procès de vie : télétravail, téléenseignement, jeux vidéo, cybersexe, et donc plus de toucher. Il faut accomplir toutes les fonctions vitales dans la séparation, sans aucun contact, vivons heureux vivons séparés.

Ainsi le covid -19 apparaît comme une maladie affectivement transmissible qui oblige au port du masque impliquant que se masquer crée une certaine distanciation, ou conduit à cette dernière. Ainsi plus l'espèce dégénère et plus difficilement elle peut accomplir son procès de vie sans risques dont le dernier, sommation de tous, est le risque d'extinction.

Le Covid-19 et les mesures pour s'en préserver révèle la répression parentale et l'exacerbe
. Depuis le début du confinement il y eu un accroissement des cas de maltraitance concernant les enfants ainsi que les femmes.

Le phénomène se répète dans les rapports de travail où les employeurs n'assurent pas les mesures de protection nécessaires ou profitent de la situation pour accroître l'exploitation, ce qui a causé des grèves. En outre, au départ, certains patrons ont nié l'épidémie afin de ne pas interrompre la production.

Comme l'activité économique ne peut pas être interrompue, s'impose une séparation entre les confinés et ceux qui doivent pour ainsi dire servir ces derniers: soignants et soignantes mais aussi les travailleurs et les travailleuses dans diverses entreprises comme la Poste, par exemple, et qui souvent ne sont pas correctement protégés et protégées du fait d'exigences économiques, ou par manque de moyens dont la cause réside elle aussi dans des données économiques, comme des restrictions budgétaires (le cas des hôpitaux et du personnel hospitalier est exemplaire).

Les inégalités sociales se manifestent ouvertement. Ainsi les riches ont pu aller à la campagne, ceux qui ont une villa avec petit jardin ou ceux qui vivent en appartements assez grands jouissent de conditions de vie bien plus favorables que ceux qui se trouvent dans des logements exigus, qui sont des lieux favorisant les conflits.

Le covid-19 et les mesures visant à l'éradiquer révèlent et amplifient le phénomène de substitution que l'on a déjà mentionné, et qu'on peut définir comme étant le remplacement de la naturalité par l'artificialité, l'envahissement de l"utilisation de la technique
(l'intériorisation de celle-ci n'étant plus suffisante) dans toutes les opérations de la vie qui de façon exacerbée a besoin d'un mode d'emploi pour être effectuée. Il constitue une réponse à une très vieille question double comment pouvoir vivre dans le discontinu, comment rétablir une continuité? Questions et réponses font partie de ce qu'on peut nommer: traité du savoir-vivre à l'usage de toutes les générations. Actuellement le problème de conserver une continuité en dépit du confinement se résout grâce à la virtualité, l'artificialité.

La substitution est le triomphe de l'économie, une démarche caractérisée par la prédominance des objets sur les êtres. Les premiers grâce à l'informatique sont de plus en plus connectes entre eux et n'auront bientôt plus besoin des hommes pour opérer
. À la limite, hommes et femmes apparaîtront comme des parasites qui, à cause de leur affectivité, perturbent gravement les procès en cours. D'autre part l'économie assure le progrès en tout et il doit aussi concerner Homo sapiens en sa dimension zoologique, d'où la dynamique de l'homme augmenté. En outre ils nous faut tenir compte du phénomène d'objectalisation qui fait que les êtres humains tendent à se comporter comme des objets18.

La substitution crée un devenir à l'extinction du fait du remplacement du vivant par du non vivant comme les robots, des êtres qui font comme s'ils étaient vivants. C'est le triomphe du comme si, de la simulation, du remplacement de mère nature par mère informatique-Internet.

L'épidémie sert à masquer la destruction de la nature - à opérer un détournement - mais elle révèle aussi toutes les horreurs humaines, c'est-à-dire qu'elle fait surgir et ne dévoile pas seulement. À ce propos notons que le voile est une sorte de masque qui, originellement dans l'aire islamique, servait à protéger les femmes. Le masque sert aussi, depuis quelques années, pour se protéger contre les conséquences de cette destruction: se protéger contre la pollution19 qui peut se percevoir comme une maladie très contagieuse et dont l'origine est fort ancienne puisqu'elle commence avec la construction des villes, délimitées par des enceintes20 érigées en vue d’opérer une protection vis-à-vis d'autres hommes. Or, on peut considérer que se masquer c'est s'enfermer en soi-même. C'est aussi exposer une ambiguïté: je ne suis pas dangereux mais je porte un masque parce que je suis ambigu, je renferme une possibilité de transmettre un danger. Dans ce cas lever le masque serait escamoter l'ambiguïté. La pandémie prenant plus d'ampleur et le possible du surgissement d'autres, on peut se demander si le port du masque ne va pas entrer dans notre habillement nécessaire. J'expose ici la dynamique en place et ce qu'elle implique, cela ne veut pas dire que je sois convaincu de l'utilité du masque ou du testage.

Masquer : nous avons maintes fois fait appel à ce mot pour signaler le fait de dissimuler une certaine réalité plutôt que escamoter ou scotomiser qui expriment qu'on occulte mais non qu'on dissimule. Quand on masque on tient compte d'une réalité mais on la cache, ce qui constitue d'ailleurs le contenu du recouvrement. Dans la situation actuelle, de façon immédiate, le port du masque permet de se protéger, mais aussi de ne pas contaminer l'autre s'il n'en porte pas, au cas où il serait porteur du virus sans le savoir. Mais, inconsciemment, d'autres fonctions peuvent être présentes et avoir un effet sur la personne qui se masque, par exemple qu'est-ce qu'elle recouvre ? En effet on peut se masquer aussi pour ne pas être reconnu, signalant encore la dynamique de l'inimitié. D'un point de vue général, cette pratique est en rapport à l'incertitude de l'espèce, incertitude de ce qu'elle est et de sa place dans le phénomène vivant mais aussi en rapport à l'insatisfaction d'être ce qu'elle est. Elle signale aussi toute l'inquiétude et l'immense perplexité qu'engendre la relation réalité-apparence recelant une ambiguïté fondamentale21. Celle-ci est liée à la coupure d'avec le reste de la nature : sommes-nous naturels ou sommes-nous hors nature ? telle est la question qui se pose depuis des siècles. Une forme d'escamotage de celle-ci consiste à poser que l'homme est constamment dans la dynamique de se séparer, ou sur le point de le faire. L'ambiguïté a la dimension de la dualité, de l'ambivalence, de l'équivoque (existence de deux voies, laquelle prendre?). Toutefois elle est souvent inconsciente et ne se dévoile qu'au travers d'une transcroissance à travers la manifestation de ces trois phénomènes. Comme cela se vérifie avec la nature mère ou marâtre et la mère aimante ou répressive.

La nocivité de l'ambiguïté découle du fait qu'elle génère l'insécurité, l'indécision qui peut se transformer en inchoation, le désarroi, l'installation d'un blocage qui, pour en sortir, provoque le déploiement de mesures extrêmes grosses de violences, et donc le recours à l'inimitié. Globalement l'ambiguïté suscite la crise de la présence; c'est pourquoi elle est en général refoulée.

Les mesures prises contre le covid - 19 nous fournissent un exemple important d’ambiguïté : ont-elles été préconisées en vue de la santé des individus ou visent-elles à sauver l'économie ?
N'oublions pas que le résidu de naturalité est cause de l'ambiguïté. Les exigences au départ se présentent ainsi : il faut bien soigner les gens afin qu'ils puissent travailler et donc faire fonctionner l'économie qui à son tour permet de satisfaire leurs besoins. Or plus la pandémie perdure et avec elle les mesures visant à l'endiguer et plus l'ambiguïté se dissout, comme nous l'avons déjà indiqué en parlant de la substitution. En outre réduire la naturalité permet de sortir de l'ambiguïté et l'artificialisation s'impose comme le moyen de l'éliminer.

Nous avons déjà signalé aussi que les inégalités sociales sont bien apparentes et même s'accusent et que donc toute ambiguïté au sujet d'une inexistence de barrières sociales et sur une égalité entre les êtres humains, disparaît.

C'est avec la mise en place du confinement que se révèle avec le plus d'acuité la levée de toute ambiguïté 22. Ainsi Sylvia Duverger utilisant des travaux de Natacha Chetcuti Osorovtz a déclaré : nous ne sommes pas en prison mais enfermées23. C'est ce qui se passe normalement pour tous les gens qui vivent dans les villes, surtout les grandes, les mégapoles. C'est comme s'ils subissaient une peine dont ils ne connaissent pas la cause. Elle révèle également l'effectuation de la répression au nom de c'est pour ton bien avec le triomphe de l'artificialisation se réalisant au travers du télétravail, du téléenseignement déjà indiqués à propos de la distanciation, qui peuvent même être justifiés au nom d'une diminution de la pollution. Il cause une grande désorganisation de la vie économique et sociale mais c'est surtout la répression des pulsions et de l'affectivité des hommes et des femmes avec escamotage des souffrances énormes que cela induit particulièrement pour les personnes âgées en maison de retraite (Ehpad), donc déjà isolées de leurs proches, ce qui peut hâter leur mort. Confiner c'est enfermer ce qui peut conduire à l'asphyxie et à la mort comme avec le covid-19.

L'inhibition, voire la négation de la vie affective aboutit à l'obsolescence de l'homme
théorisée par G. Anders, dont nous avons souvent parlé, et à la disparition de l'espèce animale Homo sapiens comme l'affirma A. Leroi-Gourhan en 1965. "Il faut donc concevoir un homo sapiens complètement transposé et il semble qu'on assiste aux derniers rapports libres de l'homme et du monde naturel. Libéré de ses outils, de ses gestes, de ses muscles, de la programmation de ses actes, de sa mémoire, libéré de son imagination par la perfection des moyens télédiffusés, libéré du monde animal, végétal, du vent, du froid, des microbes, de l'inconnu des montagnes et des mers, l'homo sapiens de la zoologie est probablement prés de la fin de sa carrière" ( Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, t.II, p.266)24.


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L'autre aspect non moins dangereux c'est avec un contrôle constant et plus efficace, une surveillance accrue réalisée grâce aux progrès de l'informatique rendant possible une traçabilité - avec dans un futur proche la mise au point de l'identité numérique et l'utilisation de la 5 G - à laquelle il sera difficile d'échapper et par l'utilisation de drones ainsi que l'utilisation de nouveaux moyens pour lutter contre ceux qui se soulèvent contre cet ordre infernal en empêchant toute possibilité de heurt en créant un phénomène de distanciation révélant toute sa dimension d'inimitié et la dissymétrie dans l'affrontement: les hommes au service de l'ordre pourront se protéger et les manifestants rendus incapables de les attaquer. En bref la réalisation d'un despotisme lié à une réaffirmation momentanée de l’État qui se manifestera de façon de plus en plus sournoise grâce à l'économie qui mettra en place une organisation répressive, comme l'est d'ailleurs toute organisation sociale, recherchée depuis des millénaires. La guerre contre le virus ne parvient pas à masquer la guerre civile latente.

Contrôle et surveillance qui vont de pair, s'accroissent en même temps que le montant de la population humaine croit.

Avec la dynamique de se protéger c'est donc toujours l'inimitié qui prévaut, comme cela se passe en général dans les relations humaines, mais tant que demeure une certaine naturalité, l'ambiguïté persiste. Il faudrait donc que cela aille jusqu'au bout pour l'éliminer, entraînant l'extinction de l'espèce.

Cette pandémie éclaté au sein d'une crise économique, qui est pour ainsi dire perpétuelle avec l'instauration de la forme autonomisée du capital car rien ne vient faire obstacle à la dynamique de l'incrémention continue, et l'a renforcée. D'où la comparaison souvent faite avec les crises historiques comme celle de 1929 et même avec les guerres qui souvent eurent lieu pour résoudre une crise économique. On pourrait se poser également la question des épidémies de guerre du fait même que l'épidémie se vit comme correspondant à celle-ci. D'autre part les mesures prises contre le covid-19 accentuent la crise mettant bien en évidence qu'hommes et femmes sont nécessaires, ce qui conduira encore à essayer de les éliminer, de les rendre obsolètes.

Elle a donné lieu de la part d'un grand nombre d'hommes et de femmes à la manifestation d'une grande empathie qui, pour les soignants et les soignantes a pu dans certains cas les conduire à la mort, et d'une solidarité, indiquant que la naturalité est encore opérante chez l'espèce mais insuffisante pour éliminer l'ambiguïté en sa totalité. C'est pourquoi l'espèce en sortira affaiblie et réceptive à d'autres pandémies, artificialisée à outrance, hypercontrôlée ce qui accroîtra son risque d'extinction.

Avec le confinement on a constaté une diminution de la pollution de l'air, du taux de CO2,, un accroissement des manifestations d'animaux qui auparavant étaient peu visibles, mais hélas toujours le maintien des pesticides et des insecticides. Probablement qu'il faudra une autre crise du type de celle que nous vivons pour aboutir à leur suppression.

Il surgit également que les conséquences de la pandémie et des mesures qu'elle a induites signifient activement à Homo sapiens ce qu'il faut faire pour régénérer la nature25 : l'espèce devra limiter le montant de sa population et s'imposer un confinement afin de laisser un espace plus important pour les autres êtres vivants.


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Après la fin du confinement les individus essaieront de trouver une place dans le corpus social mais ils pourront difficilement retrouver celle antérieure. C'est ce qui se produisit de façon analogue pour l'espèce avec la coupure d'avec le reste de la nature.

Ce qui signifie aussi que nous vivons la mise en place d'une grande discontinuité.

Pour la mettre en évidence, on peut envisager d'une autre façon tout le phénomène en cours. en une complémentarité avec ce qui précède. En tenant compte de ce que nous écrivîmes au sujet du soulèvement de la vie lors du mouvement de Mai-juin 1968 faisant suite au mouvement hippie, et en tenant présent que ce qui est fondamental dans le cas la pandémie, ce n'est pas le virus mais l'état de délabrement dans lequel se trouve l'espèce après des milliers d'années de sortie de la nature, de conflits avec celle-ci et sa destruction qui est destruction également de la naturalité de chacun, de chacune, phénomène accéléré depuis deux siècles et comme autonomisé depuis les années 80  du siècle dernier, on peut affirmer que c'est comme si le corps de l'espèce signifiait qu'il n'en peut plus, qu'il n'est plus à même de supporter ce qui lui est infligé, qu'il ne peut plus assurer la guerre, qu'il entre en dépression, et ne peut plus supporter l'artificialisation.

C'est comme si hommes, femmes, et même enfants s'étaient mis "en grève" pour refuser le diktat du mécanisme infernal qui les oppresse, une grève qui a pris de court, surprit tout le monde, les dominants y compris qui, eux aussi, à un degré moindre, pâtissent  de la même situation, et comme tout le monde ont peur de la mort (reste de naturalité commun à tous et à toutes). Il s'est agi, de façon passive d'un immense refus. Or c'est à partir de là que peut s'initier une autre dynamique de vie26 .

En conséquence au début ils ne purent rien faire, mais dés que le choc initial a été amorti ils s'adonnèrent à la manipulation et essayent maintenant, de faire cesser la pandémie grâce au confinement et autres mesures dites de protection - toutes sujettes à caution - car ce qui est essentiel pour eux c'est de cheminer dans la virtualité qui succède à la dynamique de l'économie (la domination du capital ayant été remplacé par celle de sa forme autonomisée) puisque c'est avec ça qu'ils pensent se sauver et sauver l'humanité. Or cela nécessite un contrôle et une surveillance toujours accrus des hommes et des femmes qui, par eux-mêmes, par elles-mêmes, étant donné leur reste de naturalité sont incapables de se "libérer". Il faut les réprimer pour les sauver. En outre pour contrôler les hommes, les femmes, il faut contrôler leur santé et même la leur créer artificiellement, avec les vaccins par exemple.

À partir de là on peut supposer que la pandémie devienne comme une entité psychique à l'instar de la peste pour Antonin Arthaud : "une sorte d'entité psychique et ne serait pas rapportée à un virus"27. Je ne peux pas nier l'existence du virus mais je dirai qu'il révèle l'existence d'une  entité psychique, se manifestant inconsciemment, un mal interne à l'espèce dont elle essaie tout autant inconsciemment de se libérer. Ce mal inclut l'insatisfaction liée au ressenti d'un inachèvement, la haine de soi déterminée par ce ressenti d'incomplétude, la mise en dépendance, l'ambiguïté car parallèlement il manifeste une grande mégalomanie, la solitude, tout cela déterminé par la coupure avec le reste de la nature engendrant un sentiment inconscient de culpabilité.

Cette entité provient probablement aussi du désaccouplement du geste et de la parole et du fait que le premier est de plus en plus assuré par des machines et que la seconde s'est autonomisée en une sorte de compensation mais ne réussit pas à éliminer la souffrance causée par l'obsolescence renforçant le mal dont nous parlons.

Cette dépression généralisée peut être le prélude à un retour du refoulé suscité à cause de cette discontinuité qui crée un blocage et favorise un retour du passé. C'est sur quoi nous nous fondons pour que s'initie une inversion (voir Inversion et dévoilement) permettant d'abolir toute extinction surtout si, simultanément nous abandonnons la dynamique de l'inimitié qui pourrait surgir entre les partisans de l'artificialité et ceux de la naturalité.

Ce n'est que si nous ressentons, vivons à fond le risque d'extinction, que nous en devenons pleinement conscients sans nous culpabiliser pour les horreurs que nous avons commises au cours de notre errance, que nous pouvons en finir avec celle-ci, effectuer un soulèvement de la vie, et initier l'inversion salutaire pour nous et pour la nature, tous les êtres vivants (virus y compris), et poursuivre notre cheminement dans le cosmos.


1 Voir Inimitié et extinction, article qui complète ce que nous exposons ici.

2   Le film Matrix – en sa trilogie – représente bien cette matrice où s’impose le mécanisme infernal des rejouements. En effet, par exemple, Néo se rend compte qu’il y a eu d’autres élus et d’autres tentatives de destruction et, au final il nous est fermement suggéré que la menace persiste : l’éventualité d’une nouvelle attaque de Sion de la part des machines n’est pas éliminée.

3   Cf. « Il semble que notre espèce soit passée par une phase de sélection drastique, un goulot d’étranglement avec une population réduite à quelques 60 000 individus, il y a entre 100 000 et 50 000 ans ». Pascal Picq, Une évolution buissonnante  dans la revue Pour la Science, octobre 2002, n° 300.

      Quand la mer sauva l'humanité (au cours de la période glaciaire qui a duré de - 195 00 ans à - 120 000) article de Curtis Marean dans Pour la Science, n°396, octobre 2010.

       Actuellement on parle d'un risque d'extinction encouru vers - 13000 ans à cause de la chute d'un météorite au Groenland qui a causé la disparition de la mégafaune, une réduction de la population humaine qui en reçu un choc dont divers mythes témoignent. De l'origine  des mythes et de la civilisation, Casimir Peraud, Médiapart 01.05.2020.

        Plus prés de nous dans le temps et plus localement une transgression marine affectant le moyen-Orient, la région de Sumer serait à l'origine du mythe du déluge.

        On devrait tenir compte de tous ces événements catastrophiques liés à des impacts de météorites ou d'astéroïdes pour utiliser l'industrie spatiale non pour la conquête de l'espace (dynamique de l'inimitié), mais en vue de pouvoir détruire ces objets cosmiques avant qu'ils n'atteignent la terre. En outre, on devrait réfléchir sur l'impact négatif que peut avoir le franchissement fréquent de la magnétosphère qui protège la terre contre les radiations dangereuses et permet la vie sur terre.

4   Andreas Loepfe a repris cette thèse dans un article fort intéressant publié dans le n° 17 la revue (Dis)continuité, Cf. François Bochet, f.bochet@free.fr

5    Nous avons déjà mis ceci en évidence à propos des attentats du 11 septembre 2001 à New-York, dans Gloses en marge d'une réalité VIII. Nous avons aussi insisté sur l'importance du choc créant un état hypnoïde qui rend les individus particulièrement manipulables comme cela se vérifie à nouveau de nos jours. Cette donnée fut reprise lors de l'analyse du livre de Naomi Klein : La stratégie du choc, dans Inversion et dévoilement, 2012.

6     Il se manifeste en particulier à travers le grand développement des maladies autoimmunes dues à un dérèglement du système immunitaire, la multiplication des cancers, la dépression (cf. La fatigue d'être soi - dépression et société de Alain Erhenberg, Ed. Odile Jacob), à la haine de soi (cf. Gloses X), l'accroissement des maladies mentales, à l'obésité qui se généralise ainsi que diverses maladie lies à une mauvaise alimentation, ou à la prise de drogues, la baisse de la fertilité masculine, le possible de la disparition du chromosome Y, etc...

        Cela explique que certaines personnes affirment que nul n'est mort à cause du coronavirus, mais avec. Cette affirmation est souvent faite après qu'il y ait eu des autopsies. Toutefois demeure le problème de la présence du virus. Comment la comprendre ? Ces personnes ne donnent pas de réponse effective et j'ai l'impression qu'elles minimisent le phénomène, ne serait-ce que parce qu'elles tendent à nier l'existence d'une pandémie. D'autres font état d'un complot mondial, ce qui à nouveau n'explique rien.

7   Le virus n'attaquerait pas le système immunitaire par les poumons mais par les récepteurs de surface ACE2 (récepteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, substance jouant un rôle dans le maintien du volume et de la pression artérielle) présents dans l'endothélium (membrane interne des vaisseaux sanguins) qui perd ainsi sa fonction protectrice. Ainsi tous les organes peuvent être touchés.

    Précédemment il avait été fait remarquer:

     "Or, plus le temps passe, plus il est clair que l’épidémie ne se déroule pas de la même manière en Chine et en Europe, pour des raisons liées à la fois au contexte social, à l’évolution du virus et peut-être à la génétique différente des populations. Pour ne prendre qu’un exemple, une manifestation classique d’une infection asymptomatique en Europe comme la perte de l’odorat n’a quasiment pas été décrite en Chine." Médiapart 06 avril 2020, Samuel Alizon: Le confinement ne fera pas disparaître l'épidémie.

8      En ce qui concerne l'invariance voir index, la page d'accueil du site, ainsi que le glossaire. Pour la dégénérescence se reporter à Errance de l'humanité 1973, Contre la domestication 1973, Ce monde qu'il faut quitter 1974, C'est ici qu'est la peur c'est ici qu'il faut sauter 1975. Ils parurent imprimés dans la revue Invariance Série II, n° 3 pour les deux premiers, n° 5 pour le troisième et n° 6 pour le quatrième. [liens dans l'original]

9   Sur le site cf. Précisions après le temps passé, deux paragraphes avant l'appel de note 25.

10    La forêt est essentielle, et la végétation en général, car grâce à la photosynthèse elle produit l'oxygène. Elle fournit l'habitat et la nourriture à un grand nombre d'espèces. Elle protège les sols et permet leur développement grâce aux racines se développant en symbiose avec des champignons, des bactéries. Elle permet le prélèvement des sels minéraux nécessaires à la formation des fruits et des légumes. La disparition des arbres des champs cultivés liés à la monoculture est la cause de celle de tout goût des fruits et légumes, même dans le cas de l'agriculture biologique. L'agroforesterie et la permaculture peuvent remédier à toutes les insuffisances dans une perspective fort lointaine d'une disparition de l'agriculture quelle qu'elle soit. Les arbres exercent aussi une action bienfaisante, calmante, apte à nous remettre en continuité (cf. la sylvothérapie).

           L'importance primordiale de la forêt commence à s'imposer. Dans le n°1226 de novembre 2019, la revue Science et Vie a publié un dossier Arbres - Ils peuvent nous sauver. Oui, mais pour cela, il faut en planter des milliards.

11    J'ai abordé ces thèmes dans divers articles. J'en indique seulement quelques uns car ils sont nombreux, avec quelques citations pour situer.

        Dans Gloses en marge d'une réalité I, 1983 : "(…) La seule façon de s'immuniser (contre les effets de la télévision) c'est de s'adapter au médium, et c'est bien ce qui se passe. L'humanité se robotise pour s'adapter. L'immunisation a lieu sous nos yeux, c'est la robotisation à l'exception peut-être de la Chine.." Marshal Mac-Luan, Des têtes vides comme des entonnoirs, dans la revue " Réalités".

          Dans Gloses II : "Tout le devenir du capital à la représentation autonomisée est présupposition au monde de la publicité. Une étape essentielle a été l'instauration généralisée du crédit...".

         "Dans un article de la revue Parents expliquant comment, aux USA, des parents avaient créé une ligue pour s'entraider afin de pouvoir dire non à leurs enfants - renonçant à la pratique anti-autoritaire antérieure - il était indiqué la remarque d'un psychologue concernant la pratique de cette ligue. Il signalait le danger d'accroissement de violence que cette dernière impliquait et notait à quel point le vrai problème n'était pas abordé: la destruction des liens affectifs eux-mêmes. Pour illustrer son propos il ajoutait: connaissez-vous un pays où l'on puisse lire, placardé sur la vitre arrière des voitures, le slogan suivant: " avez- vous pensé à embrasser votre enfant ce matin ? "

        Dans Gloses III 1986 : "Ainsi puisque les phénomènes publicitaires peuvent être interprétés en termes d'immunité et puisque les relations interindividuelles sont interprétables en ces mêmes termes (cf. la question de la tolérance exposée plus haut), on comprend que la publicité puisse jouer un rôle de régulation à l'instar du système immunitaire. Plus exactement il nous faut dire que la communauté actuelle a engendré un système intégrateur-régulateur qui est comparable sous bien des aspects au système immunitaire opérant dans l'organisme des vertébrés supérieurs."

      Dans Émergence et dissolution 1989 : "La dissolution atteint le niveau cellulaire avec la désorganisation de la cellule provoquant la séparation d'éléments qui s'étaient unis il y a plus d'un milliard d'années lors de la formation des cellules eucaryotes. Ce faisant Homo sapiens devient une espèce inutile et dangereuse pour l'ensemble du procès de vie d'où la tendance à ce que celui-ci l'élimine au travers de l'activité des bactéries avec leurs auxiliaires les virus, les prions, etc. " Cette idée a été exprimée également dans d'autres textes . On peut la libeller de façon plus précise ainsi: tout se passe comme si l'ensemble des êtres vivants tendait à éliminer Homos sapiens.

        Dans Communauté et devenir 1994 : "Cependant, nous l'avons indiqué, la médiation autonomisée se posant comme réalité immédiate (comme cela se vérifie avec la virtualité) abolit la représentation. Ce faisant il y a évanescence du procès de connaissance fondé sur cette dernière; d’où l’escamotage de l’espèce elle-même, comme il y a un escamotage de la terre (culture hors-sol), de la femme (fécondation in vitro avec en perspective la réalisation de bébés éprouvettes), du cerveau (intelligence artificielle), le spectacle sans acteurs réels, etc. Cette élimination de l'espèce séparée de toute réalité concrète entraîne sa dégénérescence qui s’exprime au mieux dans sa perte d'innéité qui, à son tour, signale la perte de bases, de racines, de fondements."

12    Cf. Gloses en marge d'une réalité III, 1986.

13    Cf. 14.2.2. Structure de la spéciose dans : Point d'aboutissement actuel de l'errance.

14    Il y a un siècle lors de la grippe espagnole qui fit entre 50 et 100 millions de morts nous étions 1,8 milliard d'individus, maintenant 7,7 c'est-à-dire 6 milliards de plus, un quadruplement en ce court laps de temps. Dès lors on comprend la justification de la nécessité du confinement. [j'avais souligné ces sauts de proportion dans le suivi de l'épidémie, avec d'autres chiffres au cours des XIX et XXe siècles]

       À partir du moment où nous entreprendrons l'inversion, il nous faudra quelques milliers d'années pour que le nombre d'êtres humains oscille entre 250 à 500 millions, comme ce fut le cas probablement avant la grande séparation opérée avec la pratique de l'agriculture et de l'élevage, permettant à toutes les formes de vie de prospérer.

15     Je n'insisterai pas sur cette donnée, ayant déjà écrit à ce sujet : dans Gloses IX : émeute où je cite Le livre de James Hilman: A terrible love of war et, de façon plus circonstanciée dans Inimitié et extinction.

16    Voir particulièrement L'image du corps, pp.83-86

17   J'ai déjà signalé que le cancer est une maladie liée au développement du capital. En effet la cellule cancéreuse est une cellule indifférenciée et le mouvement du capital produit l'indifférenciation des hommes, des femmes, ce qui rend la dynamique de la reconnaissance de plus en plus impossible. En outre elle les rend inutiles. L'hyperindividualisme, une tentative pour être repérable, apparaît comme une réaction à ce devenir.

18     Ceci se produit lors de psychoses où l'individu non reconnu se sert de l'objet afin de l'être. Voir: Harold Searles, L’environnement non humain, Ed. Gallimard, ainsi que l'approche englobante qui en est proposée dans Inversion et dévoilement. 2012.

19      On est toujours dans une problématique où l'inimitié est opérante, comme c'est le cas également des masques à gaz mis au point en 1916, lors d'une guerre réelle.

20    F. Renggli a fait remarquer que la ville réalisait un utérus et était considérée comme une mère et sur le fait curieux que le mot enceinte désigne à la fois un système de protection et caractérise l'état d'une femme qui attend un enfant.


21   Ne désirant pas, dans le cadre de cet article, traiter à fond la question du masque, je reporte une citation - où les énoncés sont remarquables - qui permet de se faire une idée de son ampleur:

         "Objet universel de toutes les sociétés archaïques ou modernes, le masque tient une place étonnante dans le cours de la civilisation et son usage remonte à la plus haute antiquité où, déjà fait pour être porté, il est souvent conçu en matériaux légers et sa valeur initiatique reste obscure et paradoxale. Simulacre facial, il dissimule, cache, et camoufle. Appartenant au domaine du paraître, le masque permet à l'homme, doté d'une dualité originelle, d'accéder à la métamorphose de son être, à la révélation de son inconscient. Ses caractéristiques, d'abord exclusivement rituelles, conservent tout au long de son histoire le principe de transgression qui est à la base de toute forme de déguisement. Doté d'un pouvoir surnaturel, il permet d'échapper temporairement à la vie quotidienne en donnant libre cours aux instincts les plus refoulés et en faisant ressortir les aspects de l'homme que la vie sociale occulte normalement; il révèle même parfois quelques facettes inconnues".

        "(...) Grâce au masque, la communication s'instaure de façon plus libre et plus familière. L'homme se donne l'illusion de faire tomber les barrières et les distances sociales." Céline Moretti-Maqua Le masque et l'histoire.

       Le souci de se métamorphoser dérive de l'insatisfaction, de la perception d'être inachevé. Il est remplacé aujourd'hui par le désir d'être augmenté. Toutes les techniques permettant cela visent au départ à masquer l'être naturel, puis à l'éliminer. D'autre part s'accroître n'est-ce pas transgresser ? Le phénomène n'était-il pas opérant chez les peuples vivant nus et utilisant des masques, et n'est-ce pas aussi le cas avec la pratique des peintures corporelles, du tatouage? On peut aller pus loin et se poser la question de la fonction, probablement polyvalente, de l'étui pénien. Enfin, toujours concernant le sexe mâle, quel peut-être le soubassement inconscient de l'usage du préservatif.

      D'autre part avec le port généralisé du masque "l'illusion de faire tomber les barrières et les distances sociales" pourra-t-elle réellement s'imposer ?

        Qu'est-ce qu'on signifie en profondeur quand on parle de masque mortuaire ? L'individu n'est plus qu'une apparence, il n'a plus d'être mais il conserve quelque chose en rapport à la vie, activant le désir et la nostalgie qu'il vive encore ?

     Enfin, il conviendrait d'examiner le rapport qu'il peut y avoir entre masque et travestissement, mais cela ne peut pas se traiter dans le cadre de ce texte.

22    Dans Positionnement j'ai abordé la possibilité d'opérer une affirmation sans ambiguïté en n'étant pas dans la dynamique de l'inimitié.

        En ce qui concerne le confinement beaucoup ont fait remarquer que c'est une mesure extrême et que l'on aurait pu l'opérer de façon moins draconienne. En fait, surtout en France, il est dû à une volonté d'organiser et à une incapacité de mettre en place d'autres mesures comme le dépistage (très contesté) opéré en Corée du sud ou en Allemagne.

23    J'ai relevé cela dans club Médiapart. il est question de femmes mais cela vaut aussi pour les hommes.

24    Transposé, c'est-à-dire réalisé dans des organes artificiels; on pourrait dire aussi transféré.

          Nous avons déjà cité et commenté ce texte dans Gloses I.

25   On ne peut pas oublier que la santé de la planète va de pair avec celle de l'espèce; on ne peut pas les séparer.

26   J'ai abordé ce thème dans La séparation nécessaire et l'immense refus ,1979.

27     Dans Le Théâtre et son double, commenté dans Gloses III.



Dernière édition par Florage le Mar 19 Mai - 8:43, édité 1 fois

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CAMATTE ET MOI Empty Re: CAMATTE ET MOI

Message par Invité Dim 17 Mai - 6:28


DE L'UTILISATION ou non DES CONCEPTS DE CAMATTE
errance de l'humanité...
et de quelques autres : anthropocène, capitalocène...

sur les modèles de projections spéculatives
Aufhebung, Dépassement produit, Inversion...
et les concepts
d'écarts, dynamique et conjoncture
1. qu'entendons-nous par écologie # écologisme ? par "nature", "vivant", etc.
2. Quelques intuitions, sans prétention théorique, tu dis ? Une lecture de Camatte par Adé
reçu de Adé, une lecture de Instauration du risque d'extinction, critique des concepts d'errance de l'humanité, percevant une confusion entre humanité et homo sapiens..., renvoyant à une "nature humaine" plus qu'aux responsabilités de la civilisation occidentale

à ce stade, je n'ai pas trop d'avis sur cet avis, du moins pas sur tout, je m'en explique ci-dessous. Quoi qu'il en soit, merci Adé pour ta contribution depuis son ouverture à ce sujet, qui montre combien le milieu qui a rejeté Camatte depuis 45 ans, non content de le déformer à souhait, n'a pas compris grand chose à son œuvre depuis

pour Adé « le concept d'errance de l'humanité présuppose l'existence de cette "humanité" »

on aura noté que ce dont je me sers chez Camatte se réfère peu à ce concept d'errance de l'humanité, mais enfin, il ne faut pas faire dire à ce concept ce qu'il ne dit pas. Utile de se référer à sa définition, et celle d'autres concepts, dans le glossaire d'Invariance. Camatte y parle de l'espèce humaine dans sa séparation de la nature, pas de la nature humaine, ni de l'humanité

Camatte a écrit:Errance : Mode de se comporter de l’espèce se séparant du reste de la nature. Recherche d’une place, d’une fonction et d’une justification à la situation où elle s’est mise et se met, afin d’avoir des repères de vie pour justement ne pas errer (éviter un rejouement).

Rejouement : Concept largement employé par Arthur Janov, dérivant de celui freudien de « compulsion de répétition », indiquant que nous tendons, inconsciemment, à reéffectuer  ce que nous avons vécu à la suite de traumatismes, ou à reéffectuer ce qu’ont vécu nos parents. Le rejouement commence souvent par un déjouement. Le rejouement est en filiation avec la compulsion de répétition, déterminée par le traumatisme fondateur de l’empreinte. Le bébé ne peut absolument pas comprendre ce qui advient, parce que c’est hors de son procès de vie naturel. Or sans la compréhension, le phénomène est bloqué; il ne peut pas parvenir jusqu’au procès d’élimination permettant de restaurer ce qui a été perturbé. En conséquence, il y a une tendance à ce que le phénomène soit en quelque sorte reproposé afin de tendre à parvenir au parachèvement de ce qui eut lieu. C’est dans cette dynamique de reproposition que s’impose le rejouement. On se met inconsciemment dans une situation où la scène traumatique puisse se réaffirmer. C’est là qu’interviennent les supports qu’on peut également percevoir comme des substituts, voire des simulacres. Donc on est poussé à rejouer. La compulsion de répétition a pu être plus ou moins confondue avec le désir de retrouver ce qui fut perdu au cours de phases antérieures du développement tant au niveau de l'individu que de celui de l'espèce. Ce désir est très souvent consubstantiel avec une nostalgie ainsi que l'expression d'une profonde insatisfaction, elle-même expression de l'ontose-spéciose. On peut percevoir cela dans la thématique de l'Aufhebung de G.W.F. Hegel ou dans l'art, avec, par exemple, l'importance accordée à la symétrie rayonnée qui fut l'apanage de nos très lointains ancêtres les échinodermes.

  On doit distinguer rejouement de réactualisation qui implique un rythme, parfois difficile à individualiser, qui permet qu'à des intervalles donnés, un phénomène semblable s'impose, comme le retour des saisons.

Ontose : « C’est un phénomène d’adaptation au mode de vie imposé par la séparation d’avec la nature qui induit inévitablement la répression parentale. Elle est simultanément le résultat de cette adaptation qui fonde l’être ontosé. Elle est constituée d’un ensemble de phénomènes inconscients qui fondent le comportement inconscient de l’homme, de la femme ».

Spéciose : Phénomène isomorphe à l’ontose mais concernant l’espèce. Ce qu’elle produit en effectuant son devenir hors-nature.

Adé : « Cette confusion entre d'une part Humanité et d'autre part Homo sapiens, me semble ethno-centrée, analogue à celle qui consiste à nommer "Anthropocène", au lieu de "Capitalocène"  la période actuelle, et brouillant les pistes renvoie à une nature humaine les responsabilités qui sont, de fait, celles de la CIVILISATION OCCIDENTALE.»

je me refuse à parler de "civilisation occidentale" autrement qu'historiquement moderne (depuis la Renaissance) et sur son ère géographique, et forcément en tant qu'ayant étendu, via le colonialisme du capitalisme né chez elle, ce qui est devenu à proprement parler civilisation capitaliste mondiale et globale, celle même qui est en crise, mais n'a plus rien de spécifiquement occidental : les caractères essentiels, structurels, du capitalisme, sont les mêmes partout - là-dessus, Marx a encore raison -, avec des adaptations notoires, comme en Europe au protestantisme (Weber), dans les pays anglo-saxons au libéralisme idéologique (philosophique), en Chine au confucianisme (Mao Zedong), au Japon ou en Inde à d'autres aspects culturels... C'est la grave inversion des théoriciens du décolonialisme, à partir de laquelle passent à la trappe les contradictions propre au capitalisme, et pointe l'idéologie d'un changement décolonial en son sein. C'est l'équivalent pour "la race" de l'écologisme politique promouvant le capitalisme vert. À souligner que Macron est plutôt habile sur ces deux terrains, qu'il a comme intégrés à sa "Révolution"

sur « la confusion qui consiste à nommer "Anthropocène", au lieu de "Capitalocène" la période actuelle », j'ai abordé le sujet dans CAPITALISME & HUMANISME, ANTHROPOCENTRISME... Anthropocène vs Capitalocène ?. L'usage d'anthropocène est discuté même chez les anthropologues, et celui plus récent de capitalocène. J'y ai vu un manque de dialectique des niveaux de généralité. 11 avril 2019 :

dans le débat opposant anthropocène et capitalocène, quelque chose est excessif et réducteur des deux côtés. J'ai esquissé plus haut l'idée qu'une fois encore de grands mots-concepts aboutissent trop souvent à figer et crisper des positions, et c'est encore un défaut de  dialectique des contradictions à plusieurs niveaux de généralité. La part de vérités récentes sous le concept de capitalocène, lié à une portion de l'arc historique de l'humanité sur terre (et maintenant au ciel), ne peut effacer la construction de la séparation de l'humanité et de la nature et la recouvrir entièrement sous prétexte du capitalisme ayant étendu sa domination réelle sur presque l'ensemble du monde vivant

me semblerait plus pertinent de revenir sur la critique de l'humanisme-théorique (évoquée ici sous celle des Lumières), de sorte que celle de l'anthropocentrisme puisse se faire sans être anthropocentrée, et partant paradoxalement capitalocentrée. L'enjeu est le contenu d'un processus révolutionnaire de sortie du capitalisme et inséparablement, comme on le dit de la domination de genre, des rapports de domination de l'humanité sur la nature, toutes "classes" confondues n'en déplaise aux prolétaristes

je suis sensible aux critiques de Adé, et même de François Danel, à la nécessité de ne pas noyer le bébé de la critique du capital dans les eaux rusées de la "nature humaine", et donc m'intéresse le Camatte héritier et continuateur de Marx, non de le prendre en bloc. J'ai fonctionné comme ça avec tous les penseurs et théoriciens dont je me suis inspiré (Marx, le capital, Henri Meschonnic la poétique, Roland Simon restructuration,  démocratisme radical et certains concepts méthodologiques, Christian Charrier syllogisme du prolétariat, Frantz Fanon dignité, Stuart Hall identité ethnicité, Raymond Williams Structure of Feeling, Gayatri Spivak les subalternes, Saskia Sassen expulsion, Achille Mbembe Nègres du monde, etc.), chacun au demeurant "réinventant" les concepts qu'il emprunte à d'autres. Rien de pire qu'une théorie autoréférentielle et jugeant toutes les autres en bloc comme idéologies, en interprétant les mots des autres avec le sens qu'ils ont pour elle *

* typique chez Théorie Communiste, dépourvu de toute empathie, d'où ses déformations de la pensée des autres, et ses procès chargés de « malveillance » contre les plus proches, comme Bruno Astarian en le « pestiférant » par « un florilège de contre-vérités, de déformations et d’ironie mal placée qui montrent surtout la brutalité et la mauvaise foi de l’attaque... réquisitoire où les accusations sont trop souvent fantaisistes...» (Où va Théorie Communiste?, 2012)
encore RS utilise-t-il, sans le dire, quelques-unes de mes idées, alors que FD lui les rejette en bloc pour "humanisme-théorique", car, dit-il ici, il ne veut pas qu'on l'engage « dans un dilemme crétin du type ou avec Patlotch ou avec TC ». Ce serait effectivement "crétin",- reconnaissons-lui son originalité d'unique "communisateur écologiste" -, et c'est pourquoi personne ne lui demande, à ceci près que sous son texte, il semble difficile aux commentateurs de m'éviter, certains pour ne rien dire, d'autres pour me trouver apparemment incontournable y compris pour leurs différends internes, dont j'ai souhaité ne pas me mêler, mais distinguer par souci de clarté critiques interne et externe. Bref, c'est pourquoi j'apporte fréquemment des précisions sur le sens conceptuel que je mets sous les mots


le plus important chez Camatte est in fine pour moi le plus concret, et notamment ce qui concerne l'enfance, l'éducation... sur quoi le marxisme s'est très peu penché même quand il se mâtinait de psychanalyse, ce qui semble paradoxal concernant la formation des idéologies, enfance et éducation dans et par laquelle se forgent les structures de pensée et de comportement déterminantes dans la vie adulte, et qui rendent si difficile un auto-changement, qui suppose de bonnes raisons de le faire, et, précisément une conjoncture
. Et si la conjoncture actuelle n'est pas pour Camatte la conjoncture épidémique d'un François Danel, c'est ici que son texte est précieux, quand, répondant à la question « Que révèle la contagion, fondant cette pandémie, ainsi que les mesures protectrices qu'elle suscite ? », il précise ce qui définit pour lui le nouveau de la conjoncture présente

Camatte a écrit:L'instauration du risque d'extinction - on ne s'affronte plus simplement à la menace mais au risque lui-même - se présentant comme la sommation des deux phénomènes précédents sus-indiqués, nous ne pouvons pas les traiter séparément et notons, en premier lieu, qu'affirmer qu'il s'agit d'un risque implique que normalement l'extinction ne se réalisera pas...

il n'y a là que les prémisses de la possibilité de surgissement de l'inversion, en somme la possibilité d'écarts à l'inversion*. En fait, les modèles schématiques de dépassement du capitalisme font tous appel à un processus de ce genre, et il n'y a, depuis Hegel et Marx, pas grand chose de nouveau : aufhebung, dépassement produit, inversion. Les modèles ne fournissent la solution qu'aux déterministes, car ils n'en proposent qu'une projection spéculative, abstraite. Les concepts, ou leurs équivalents, d'écart, de conjoncture, de dynamique et dépassement produit peuvent être largement utilisés pour leur intérêt méthodologique plus que leur fonction dans le corpus de TC. La difficulté est alors de ne pas voir des écarts parce qu'on voudrait qu'ils surgissent, et c'est le risque même souligné par RS, hérité de la mésaventure de Sic, quant à la communisation comme idéologie, mais il concerne toutes les projections. TC n°26, p.309 : « aucune théorie ne peut totalement se débarrasser de toute composante spéculative postulant...»

d'où une question en suspens : y-t-il vraiment dans cette conjoncture une dynamique d'écarts à l'inversion ? pour moi, clairement non, et je ne vois pas Camatte très optimiste pour le court terme. Le plus probable est « la mise en place d'une grande discontinuité » qui fait que réellement, dans le monde d'après, rien ne sera plus comme avant. La question n'est pas même de refuser un "retour à la normale", parce qu'il est désormais impossible, et cela ne dépend pas que du nombre de morts, relativement faible au regard de précédentes pandémies (Pepe@dndf, 15 mai : « j’ai plutôt la sensation que cette pandémie est plus un événement, certes très chaud, dans la crise d’après 2008, qu’une réelle « conjoncture » pandémique….» Circulez, il n'y a pas de quoi « bouleverser les catégories de la théorie communiste... », puisque la sienne « tient la route ». Le même, en pleine discussion sur "la race", pontifiait, en substance : les crimes du colonialisme furent certes horribles, mais enfin, camarades, tout ça c'est du passé, nous ne sommes pas anticolonialistes...). À rebours de cette sclérose normative, qui provoque et explique le désintérêt voire le rejet d'un splendide isolement sectaire, c'est ce que toute théorie sérieuse doit prendre en compte


* on peut m'accuser de camatto-técéisme, car je l'ai déjà évoqué le 2 avril ici : « la nécessité d’une veille sur la ‘dynamique d’écarts à l’inversion’,- expression que je forge dans la conjoncture présente -, plutôt qu’une « dynamique d’écart à l’intérieur de la limite », en termes de confrontation de classe aboutissant à la révolution communiste »
Inversion : Désigne la mise en place d’un devenir contraire à celui effectué jusqu'à nos jours, comportant en particulier : sortie de la nature, répression, refus, abstraïsation, émeutes (soulèvements, révolutions) mais aussi guerres et paix. Elle n'est pas un détournement de ce qui fut détourné et n'est pas un retour au moment où ceci s'est imposé. Non, car c'est à partir du potentiel Gemeinwesen en nous ici et maintenant et en la communauté de ceux et celles qui convergent et participent, que cela s'effectuera.
2. Quelques intuitions, sans prétention théorique, tu dis ?
Adé, 16 mai
Adé a écrit:J'ai parcouru le texte de Jacques Camatte, je le lirais plus en profondeur as soon as possible. Beaucoup de choses très, très intéressantes. mais d'ores et déjà, quelques remarques à propos des concepts utilisés par Camatte dans son parcours.

ERRANCE de L'HUMANITÉ :  Ce concept présuppose l'existence de cette "humanité" et confond selon mon entendement HUMANITÉ et HOMO SAPIENS.
L'humanité est une abstraction, n'existant comme telle qu'à partir du moment de l'universalisation des rapports sociaux modernes.

Pour les CULTURES et CIVILISATIONS pré-modernes et pré-capitalistes cette catégorie n'existait pas: pour les aborigènes-indigènes l'humain se confondait avec leur culture et/ou leur civilisation, la preuve en est fournie par les relations entre des cultures voisines -Amérindiens, indigènes d'Amazonie, par exp- ceux-ci considéraient leurs voisins, mêmes immédiats, comme non-humains; de nombreux peuples s'auto-définissent et se nomment-mêmes "hommes" et considèrent comme "non-hommes" ces voisins. Certaines cultures, notamment amazoniennes considéraient d'autres individus observés ou seulement aperçus en lisière de leur aire d'activité comme des "fantômes" ayant revêtu l'aspect "humain", c'est-à-dire l'aspect de leur propre être.

Cette confusion entre d'une part Humanité et d'autre part Homo sapiens, me semble ethno-centrée, analogue à celle qui consiste à nommer "Anthropocène", au lieu de "Capitalocène" la période actuelle, et brouillant les pistes renvoie à une nature humaine les responsabilités qui sont, de fait, celles de la CIVILISATION OCCIDENTALE.

Ce n'est pas l'humanité qui erre, c'est bien la civilisation occidentale, qui par son expansion a entraîné le reste de l'espèce, devenue humanité abstraite, dans son errance (errance et erreur ont le même radical, la même origine : ERRARE HUMANUM EST)

Il s'ensuit qu'une rupture a eu lieu dans la sphère occidentale, précisément européenne, à l'aube des XVèmes-XVIèmes siècles par rapport à toutes les autres cultures et civilisations, et que bien que séparées d'avec la nature - spéciose -, celles-ci n'ont pas radicalisé cette séparation.

Il s'agit selon moi d'un dépassement (agriculture, villes, états...) conservant  de nombreux éléments pré-néolithiques: sacralisation des forces, éléments et rapports avec la nature, refus des techniques facilitant la main-mise sur la nature: refus de l'usage de la roue chez les peuples amérindiens,  métallurgie à usage principalement somptuaire et décorative chez ces mêmes peuples (aussi bien les Incas que les Aztèques connaissaient la roue, leurs enfants jouaient avec des objets roulants) fonderie et extraction des minerais par fusion existante chez les Incas  : or, cuivre étain, platine -avant les Européens- pour les parures, la statuaire, sans usage monétaire de ces métaux, ni usage en tant qu'outils ou armes. L'on a cependant rapporté l'usage limité de fer chez les Inuits, uniquement obtenu semble-t-il sans extraction du minerai, par utilisation de fer d'origine météoritique.

Il est très probable que la radicalisation du Néolithique, apparu pour ce qui concerne l'ère occidentale au Moyen et Proche-Orient, ait été "responsable" de l'apparition des religions monothéistes, également apparues dans cette même ère : Judaïsme, Christianisme, Islam, et que ces religions aient à leur tour renforcé cette radicalisation. Ces religions à Dieu "unique" (cum grano salis : Diable est aussi un dieu) ont en effet posé que la nature est à la disposition des croyants, l'Ancien Testament allant jusqu'à dicter à ceux-ci d'être "[...] la terreur de tout ce qui vit dans les airs, dans la mer et sur terre[...]", c'est-à-dire, d'une part à se comporter comme les propriétaires de la nature, d'autre part de faire vivre la divinité , par cet holocauste, à travers les croyants.


Dans le texte de J. Camatte, comme dans d'autres productions de celui-ci il est question de l'usage de "la drogue", comme prothèse et palliatif à cette séparation et à cette errance, mais alors comment comprendre que des animaux de différentes espèces en fassent usage? Ces comportements ont été depuis assez longtemps clairement établis par les observateurs.

En outre l'usage de l'alcool, et d'autres nourritures produisant des effets euphoriques et/ou hallucinatoires est très probable bien avant le néolithique, et pourraient être à l'origine, ou en tout cas un des ingrédients essentiel à la sacralisation de la nature et aux rapports de l'homme à cette dernière. Je suis au contraire d'avis que l'usage de ces "drogues" indiquent l'appartenance à la nature et la naturalité de ceux qui en consomment; la plante consommée, le breuvage enivrant, hallucinogène, euphorisant est le lien entre nature et culture.

LA drogue n'existe pas.
L'Humanité non plus.


https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tallurgie_dans_l%27Am%C3%A9rique_pr%C3%A9colombienne

https://en.wikipedia.org/wiki/Metallurgy_in_pre-Columbian_America?oldid=648301320

http://boissy.rostand.a.free.fr/prehistoire/armes%20et%20outils.htm

https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1948_num_3_4_2367

https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/animaux-d-elevage/comme-les-humains-les-animaux-aussi-peuvent-prendre-de-la-drogue_103239

https://micrologie.com/les-champignons-hallucinogenes-et-les-insectes/

http://www.topito.com/top-animaux-droguent-aiment-ca-gros-junkie
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Instauration du risque d'extinction
Jacques Camatte, Invariance, 30 avril 2020

qu'entendons-nous par écologie # écologisme ?
par "nature", "vivant", etc.
16 mai
ce texte prend une importance particulière dans le tournant de mon analyse théorique à la suite de ce sujet prend la suite de THÉORISATION COMMUNISTE PAR TEMPS DE CORONAVIRUS, à comprendre en relation avec les sujets de la rubrique
le VIVANT (la 'NATURE'), l'HUMANITÉ, et le CAPITAL et particulièrement :
- L'HUMANITÉ CONTRE LE VIVANT ? ET LE CAPITAL ?
- LE MONDE BRÛLE-T-IL ? CAPITALISME et CHANGEMENT CLIMATIQUE, ouverts à l'automne 2018

une précision, si Camatte a pu affirmer « Je n'ai jamais été écologiste » (entretien fin 2019, vidéo), c'est au sens de l'écologisme politique. Mais comme moi, et nombre d'autres, il prend le terme écologie dans son sens originel, scientifique. Exemple dans Marx et la Gemeinwesen, octobre 1976

Nous retrouvons la convergence avec l’écologie qu’on peut définir simplement comme la science des conditions d’existence et des interactions entre les êtres vivants et les conditions ambientales qui est fondamentalement une science de l’adaptation de l’individu et de l’espèce à son milieu. La science économique est la science de l’adaptation à un milieu précis, celui du capital

il faudrait néanmoins entendre individu comme pouvant être de toute espèce, animale ou végétale, vivante ou non, y compris le minéral, puisque sans ce milieu total, pas d'écologie. J'ai abordé ces relations à tous les niveaux dans la partie le VIVANT (la 'NATURE'), l'HUMANITÉ, et le CAPITAL

en ce sens il n'y aurait pas à, en tant que communiste, à mettre "écologie" entre guillemets (Pepe@dndf, la dimension « écologique »), comme pour prendre ce concept avec des pincettes, le mettre à distance de ce qu'une théorisation communiste devrait considérer, si j'ose dire, comme naturel : c'est une confusion entre écologie et écologisme

le tout, au-delà du capital, est immédiatement écologique, par définition, c'est le septième des niveaux de généralité que Bertell Ollman voit chez Marx :  « le niveau sept, le plus général de tous, qui fait apparaître les qualités que nous possédons comme parties matérielles de la nature, comme le poids, l’étendue, le mouvement, etc. » (VI. Les trois modes d’abstraction - Les niveaux de généralité, p. 79 à 104.

cela supposerait encore, en toute rigueur, de distinguer "le vivant" et "la nature", et celui-là comme partie de celle-ci, qui serait donc le tout, englobant, au sens écologique, le social, et conformément à la compréhension de Marx par Ollman. Les rapports de l'humanité et du capital "à la nature" sont donc internes, intrinsèques, alors que parler de rapports À la nature* signale immédiatement une extériorité, un anthopocentrisme qui englobe aussi bien la théorie de la communisation communisation dans son ensemble que l'humanisme-théorique que François Danel voit chez moi : un non-sens. Que le capitalisme domine depuis l'es années 70 "en subsomption" réelle n'y change rien, il n'englobe pas pour autant la nature, cette crise pandémique en administre une preuve irréfutable, et moins encore, l'univers, le cosmos...

* cf "Rapports à la nature, sexe, genre et capitalisme", de Jacques Wajnsztejn, 2104, Temps critiques, représentants typiques de l'humanisme-théorique avec leur "révolution à titre humain"

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Message par Invité Mar 19 Mai - 9:45


UN COURRIER D'EN-BAS
de "chez nous"
ma réponse du haut
de con bat les masques

19 mai, reçu d'Adé 2 ni, mes réponses dedans
Camatte et eux...

"Je n'ai pas d'ennemi, le renfermement s'abolit"

Bon c'est bien sympathique, en phase avec son analyse sur l'inimitié, mais... que Jacques Camatte n'ai pas d'ennemi, c'est très bien pour lui, par contre le vivant a des ennemis, et même un ennemi principal qui n'est ni l'humanité et sa "prétendue" errance, ni l'espèce humaine -Homo sapiens- : le capitalisme est son ennemi, toute classes confondues par l'entremise de la Civilisation Occidentale qui a contraint cultures et civilisations autres à rentrer dans le jeu de la concurrence, ou les a éliminé "; d'ailleurs l'inimitié n'est-ce pas la guerre de tous contre tous, depuis "toujours"?

Ce côté, "christique" (Jacques Camatte= J.C), me rebute, mais n'enlève rien -un peu, si peu-  à l'intérêt de ces analyses.

assez d'accord avec toi sur "je n'ai pas d'ennemis..." Je le prends pour, disons, les rapports humains directs, càd que ceux que je considère comme des ennemis, je m'en protège et me tiens à distance. Je n'aime pas la personnification du "capital" ou autres gros concepts englobant, "l'humanité" qui ne résout que les problèmes qu'elles rencontre... "le prolétariat" qui va faire ceci et cela, et nous sauver, etc. Cela dit OK, la classe capitaliste, le gouvernement, les flics, ce sont bien des personnes, en cher et en os, donc s'ils s'en prennent à moi au-delà du supportable, ils deviennent des ennemis effectifs. Et même un commerçant qui m'arnaque, un mec qui veut me piquer mon portable, etc. je ne vais pas leur tendre l'autre joue. Tu vois l'esprit

Autre point sur J.C: le prisme psychanalytique: je me méfie des théories de Freud et consorts à cause de leur prétention à l'universalité.
je doute du fait qu'elles puissent être opérantes ailleurs que dans l'Occident chrétien, catho et surtout protestant.

c'est vrai mais je ne sache pas que ce soit ce qu'il dit. Toujours est-il que perso, je retiens l'existence de l'inconscient davantage que la cure psychanalytique (encore que, j'y ai appris bien des choses sur moi-même, mes rapports aux autres, la vraie vie...), qui même au Japon, ne fonctionne pas, le concept d'individu n'étant pas encore complètement absorbé par celui du capitalisme occidental. En revanche, il y a bien des effets de la sorcellerie, du chamanisme, de la médecine africaine ou autre... Ne me demande pas comment ça fonctionne, si c'est psychosomatique ou quoi...

J'ai aussi quelques doutes, bien sûr liés à supra, sur le trauma causé par la peur de l'extinction, sorte d'inconscient collectif, cher à Jung.

Jung a eu quelques bonnes intuitions, mais c'est devenu du charlatanisme, très impactant la "psychanalyse à l'américaine". Laissons tomber

Par contre je suis entièrement d'accord sur la difficulté de transformer le cadre social en relation avec le sentiment de culpabilité, je pense même que ce sentiment de culpabilité est un des ennemis de première importance : ce sentiment se base sur une réalité tangible, les individus du capital sont responsables, plus ou moins, de la persévérance criminelle à détruire et à mépriser.

Amateurs de grosses bagnoles, imitateurs du mode de vie étatsunien,
Chasseurs tristement passionnés
Xénophobes
Patriotes à cérémonie, célébrant diverses enseignes de boucherie
Militaires et policiers (avec ou sans uniformes)
Adeptes de l'homme et de la réalité augmenté
Religieux, toute religion confondue
Théoriciens roublards.
Idéologues de tout poil
Ouvriers et Capitalistes: c'est leur travail.
Ouvriers: je n'ai pas le choix;
Patron: moi non plus
Vendeurs et acheteurs
Vendus et achetés.

lu et plus ou moins approuvé. Disons que je n'en ai pas dans mes relations choisies, et que je ne choisis pas de les relationner plus loin. "Idéologues", t'as vu, j'ai rompu. Suffit pour soi de les nommer tels, c'est performatif

La bise.
Dionisio.

Lorsqu'un disciple annonce à Jésus que ses frères et sœurs sont dehors et demandent à le voir (Mt 12. 46-47 [archive]) : « 12.46 Comme Jésus s'adressait encore à la foule, voici, sa mère et ses frères, qui étaient dehors, cherchèrent à lui parler. 12.47 Quelqu'un lui dit: Voici, ta mère et tes frères sont dehors, et ils cherchent à te parler. 12.48 Mais Jésus répondit à celui qui le lui disait: Qui est ma mère, et qui sont mes frères? 12.49 Puis, étendant la main sur ses disciples, il dit: Voici ma mère et mes frères. 12.50 Car, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère. »
Les sages qui le connaissaient ont dit de lui : N'est-ce pas le fils du charpentier ? n'est-ce pas Marie qui est sa mère ? Jacques, Joseph, Simon et Jude, ne sont-ils pas ses frères ? et ses sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous ? (Mt 13. 54-56 [archive])


et ben didon, t'en as des lettres

je suis revenu à Camatte avec quelques commentaires dans MODIFICATIONS DANS LES RAPPORTS À LA NATURE, ça se remélange avec "inimitié"...

j'ai un super masque, un machin chirurgical, j'ai l'air d'un Mec Donald, et je suis comme Trump, je veux pas être plus laid que NATURE, alors je ne sors pas, ça me changera rien

le pire, toutes ces belles bouches de femmes masquées. Quelle horreur ! Les jambes ça devrait le faire, avec les vacances en France de "chez nous", À nous les petites Françaises ! "nos" plus belles filles vont rester à proximité : proxime extimité ? promixité ?

c'est l'heure de ma sieste, je va me pieuter

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Message par Invité Lun 25 Mai - 4:58


SIGNE DES TEMPS PANDÉMIQUES

des éclaircissements depuis le dernier texte de fin avril, Instauration du risque d'extinction

c'est un retour pour les idées de Jacques Camatte, dont témoigne l'intérêt pour ce sujet, dont les lectures ont doublé en un mois, depuis l'ouverture en octobre 2018

sur Twitter, 400 lectures dans le hashtag #Jacques Camatte, là où #théorie de la communisation,- pour laquelle "camatiste" reste une injure comme dans les années 70 -, est quasi désert et dont mes critiques mêmes peinent à atteindre 30 lectures : son « structuralisme prolétarien » (Camatte, 1978), n'intéresse plus que ses adeptes, les activistes en moins pour en faire la propa

ce renouveau n'a rien à voir avec un bordiguisme comme jadis dans le milieu de la théorie communiste, voir les blogs qui le diffusent. Ces pages du jeune Camatte, lues ou non, ont été tournées, tandis que ses jeunes vieux critiques des années 70 ont mal vieilli, comme dit Annette

face à la présente crise, chacun son invariance : "permanence au sein d’un devenir", ou norme figée d'une théorie morte-vivante
‘Inversion is not a strategy’
A CONVERSATION WITH JACQUES CAMATTE
23 mai 2020

via Magazine »NON« @achimszepanski
et Infrapolitical Deconstruction @GerardoMunoz87


CAMATTE ET MOI 1581654770-arlit-uranium-mine
Gerardo Muñoz a écrit:Jacques Camatte was a central figure in the theoretical debates of the Italian communist left in the sixties and seventies, in the wake of the exhaustion of the revolutionary horizon. Camatte has written dozens of essays on the transformation of the logic of capital (Il capitale totale. Il capitolo VI inedito de «Il capitale» (1976), Capital et Gemeinwesen (1978), Il disvelamento (1978)). He is the founder of the journal Invariance, which situates its thinking between the extinction of originary community (Gemeinwesen) of the species after the absolutization of the anthropomorphosis of capital. For Camatte, the end of capital coincides with its total domination incarnated within the processural existence of the subject itself.

Camatte’s thought continues to be relevant to thinking the intersection between questions of extinction, the devastation of dwelling on the earth, and the possibility of ‘inversion’ for a new ‘time of life’. At age 85, Camatte possesses a tremendous mental clarity, which opens possibilities for thought and friendship outside hostility. In the last months or so, I have had the opportunity to exchange a bit with Camatte, and what follows is are some of his generous responses to my questions surrounding the pandemic that we are currently experiencing. This conversation is an ongoing process, and should be taken as incomplete, insofar as Camatte’s thought embodies a melody that accompanies us in this desert.


* * * * *
1.   I think a good point to start our conversation would be around the emergence of the coronavirus epidemic that is now extending across the world. For some time now, you have reflected on the relationship between “extinction” and “enmity” in our species. Does this pandemic confirm your thesis concerning the extinction of the species, after the total crisis of the human community (Gemeinwesen), now fully integrated within Capital?
Yes, I think that the COVID 19 pandemic must be studied in relation to the risk of extinction of the species. I would like to point out that this risk has, at base, two causes. On the one hand, the destruction that has been completed, or is being completed, of the original community of Homo sapiens, which enabled this to happen. This destruction is related to a series of separations of which the current confinement represents the ultimate state. On the other hand, the destruction of nature. The final state, the one we have reached, is related to the end of capital (1990s), that is to say, to the end of the social relationship that founds it, that gives it substance (an exchange between a quantum of value – at the beginning – and then later capital, and labour power), but with the autonomisation of its form, which is that of incrementation, correlative to the deployment of virtuality, to the substitution of all naturalness by artificialization.

By the time capital died, the human community had already been integrated into capital. It may be said that for a certain period of time the material community of capital substituted itself for the human community. But all this is outdated. If this is not clear enough, I can return to this subject.

Oui je pense que la pandémie COVID 19 doit être étudiée en rapport avec le risque d’extinction de l’espèce. Je précise que ce risque a, au fond, deux causes. D’une part la destruction achevée, ou  s’achevant de la communauté originelle de Homo sapiens, celle qui lui a  permis d’advenir. Cette destruction est en rapport à une suite de séparations dont le confinement actuel représente l’état ultime.  D’autre part la destruction de la nature. L’état final, celui où nous sommes parvenus, est en relation avec la fin du capital (années 1990) c’est-à-dire la fin du rapport social le fondant, lui donnant substance (échange entre un quantum de valeur  -au début – de capital ensuite, et  la force de travail), mais avec autonomisation de sa forme qui est celle  de l’incrémentation, corrélative au déploiement de la virtualité, de la  substitution de tout naturalité par l’artificialisation.

Lors de la mort du capital la communauté humaine avait déjà été intégrée dans le capital. On peut préciser que durant un certain moment la communauté matérielle du capital s’est substituée à la communauté humaine. Mais tout cela est dépassé. Si ce n’est pas assez clair je pourrai revenir à ce sujet.


2.   My next question is whether the human species can be thought outside of strife—that is, a pre-origin (an-archē) unmarked by the caesurae of enmity. Is the movement of “inversion” a way out?  
In the Glossary (on the site) I specify the term ‘enmity’ as follows: “A dynamic by which ‘the other’ is used as a support to identify the enemy and, from there, to initiate the deployment of various forms of violence. The enemy can be transient, as in a game, in a debate, in all forms of competition. It founds the behavior of the species cut off from nature.

We must evade them, not fight them. However, the notion of combat, of war, derives from clashes between human groups following the fragmentation of communities, population growth, the emergence of the State, etc… It is an anthropocentric notion used to justify a conflictual relationship with nature. What the idea of inversion contributes resides in the fact that the species will only survive provided it completely abandons the dynamics of enmity (cf. Enmity and extinction).

Dans Glossaire (sur le site) j’indique ceci à inimitié : “Dynamique par laquelle “l’autre” est utilisé comme support pour présentifier l’ennemi et, de là, initier le déploiement de diverses violences. L’ennemi peut être transitoire, dans le jeu, dans les débats, dans toutes les formes de concurrence.  Elle fonde le comportement de l’espèce coupée de la nature.”  L’inimitié dérive du fait que l’espèce s’est sentie profondément menacée (rapport à un risque d’extinction) et s’est placée dans une dynamique de protection ce qui l’a conduite à voir dans l’autre un ennemi. Certes il y a des espèces qui sont dangereuses pour l’homme mais ce ne sont pas des ennemies.

On doit les éviter non les combattre. Toutefois la notion de combat, de guerre dérive des heurts entre groupements humains à la suite de la fragmentation des communautés, de l’accroissement de la population, du surgissement de l’État, etc… C’est une notion anthropocentrique utilisée pour justifier une relation conflictuelle avec la nature. Le apport à l’inversion c’est le fait que l’espèce ne pourra survivre que si elle abandonne totalement la dynamique de l’inimitié (cf. "Inimitié et extinction").


3.   In his forgotten classic, Apocalisse e rivoluzione (1973), Giorgio Cesarano proposed a “biological revolution” as the only possible way to exit the “anthropomorphization of Capital”. In an era in which capitalism has completely been conquered full virtuality and metaphysical equivalence, is this still a possibility?
Let me clarify: In my view, the revolutionary process is closed, capital is dead, and what dominates is the autonomization of its form, which is what enables the installation of virtuality. Consequently, it is difficult for me to consider the expression biological revolution. I do feel obliged to take into account what Giorgio was aiming at when he formulated it. I believe it is clearly insufficient because it is the whole human psyche that must undergo a transformation in order that the inversion can be fully realized.

Je précise : je considère que le procès révolution est fini et que le capital est mort et que ce qui domine c’est l’autonomisation de sa forme qui permet l’instauration de la virtualité. En conséquence il m’est difficile de prendre en considération l’expression révolution biologique. Je suis obligé de tenir compte de ce que visait Giorgio en la formulant. Je considère que c’est nettement insuffisant car c’est tout le psychisme humain qui doit subir une transformation pour que l’inversion s’effectue pleinement.


4.  Yes, and to speak of subtraction is to question what we take as ‘reality’. In the 1970s, an Italian Bordigean poet, Domenico Ferla questioned the very constitution of reality as already contaminated by ‘evil’. Is the transfiguration of ‘reality’ the way in which one can access another relation with nature?
I’m not sure I understand your question, nor certain words such as ‘subtraction’. But from what I understand of it, I would reply no. Reality is the reality of men and women in society and nature (what is left of it), since it is the transfiguration of reality. The point, however, is to establish a different behaviour among these men and women.

Je ne comprends pas ta question et certains mots comme subtraction (soustraction). D’après ce que je comprends je te répondrai non. La réalité c’est celle des hommes et des femmes dans la société et la nature (ce qui en reste), dés lors qu’est- que la transfiguration de la réalité. La question c’est la mise en place d’un autre comportement de ceux-ci et celles-ci.

5.   There is much talk today about ‘politics’. Everyone ‘demands’ more politics, and everyone is ‘political’. Is “inversion” a political strategy, or, on the contrary, is it outside of politics as such?
Inversion is not a strategy, it is totally outside of politics, which is the dynamic of organizing people, of controlling them. We must abandon everything that is part of its world.

Gerardo, all the best for you in the current turmoil. Good journey,

L’inversion n’est pas une stratégie elle est totalement en dehors de la politique qui est la dynamique d’organiser les hommes, de les contrôler. On doit abandonner tout ce qui est de ce monde.

Gerardo, tout le meilleur pour toi au sein de la tourmente actuelle. Bon cheminement,


-Jacques

May 2020

Translated by Ill Will Editions

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Message par Invité Mar 2 Juin - 5:01


CHANGER SON DÉSIR
QUAND LE FANTASME EST IMPOSSIBLE À RÉALISER

- des leurres dans la perspective communiste et révolutionnaire
témoignage personnel
- des causes profondes d'un désir de révolution irréalisable
- des affectations de l'être humain depuis la séparation avec la nature
- des concepts essentiels de Jacques Camatte

voir en bas de commentaire la définition des concepts utilisés, extraite du glossaire d'Invariance, marqués d'une *
dans ce commentaire, nous allons approfondir le schéma de la perspective camatienne de sortie du Capital, et le renversement de perspective qu'elle suppose pour être réussie, à savoir la sortie de l'humanité de son errance*, càd de sa séparation avec la nature*, il y a plusieurs centaines de milliers d'années : c'est le processus d'inversion*

en présentation de Lettre au sujet de la pandémie et du risque d 'extinction, du 23 mars 2020, valant aussi pour Instauration du risque d'extinction du 30 avril, Camatte précise : « Afin de rendre plus compréhensible la lecture de cette lettre je publie un chapitre non terminé de Émergence* de Homo gemeinwesen* :
14. Point d'aboutissement actuel de l'errance »

14.1. Avant-propos et actualisation
1.1. Chapitres non traités
1.2. Données récentes concernant Homo sapiens
1.3. Aperçu sur la communauté initiale

14.2. Traumatismes et spéciose*
2.1. La spéciose : prémisses
2.2. Structure de la spéciose
A. Affectation
B. Menace

la lecture de ce texte est d'autant plus nécessaire que l'on n'a qu'une vague connaissance de l'œuvre de Camatte depuis la fin des années 70. C'est un résumé de ses travaux, incomplet, l'élaboration de cette œuvre n'étant pas achevée, et Camatte explique en quoi, précisant les points manquant et l'incomplétude de son étude. Tout ce que nous avons rencontré de critiques de Camatte par les tenants de la Révolution prolétarienne ou "à titre humain" fait l'impasse sur ces 40 années d'élaboration théorique, c'est dire leur crédibilité

ce texte permet de comprendre l'ensemble du cheminement* théorique de Jacques Camatte, et particulièrement pourquoi une révolution communiste, pour autant qu'elle serait possible et engagée, ne pourrait pas aboutir à la Communauté humaine : sortir du capitalisme est non seulement très insuffisant mais prend le problème à l'envers en étant présenté comme LA rupture essentielle et fondatrice d'une autre ère de l'histoire humaine dont les problèmes sont masqués par les théories révolutionnaires. C'est un point essentiel car tant qu'on croit à la possibilité d'une révolution, prolétarienne ou à titre humain, on reste dans ce que Camatte nomme des Affectations, dont il décrit dans ce texte les différentes formes. Il ne s'agit pas, Marx avait raison, de « faire bouillir les marmites de l'avenir », mais bel et bien celles du présent

le désir de révolution* est l'opium des communistes idéalistes
pour simplifier, le "désir de révolution", dont je parlais un temps comme étant décisif dans le processus de "subjectivation révolutionnaire", "utopie concrète" (Ana Dinerstein/Ernst Bloch) devant aboutir à la "constitution en classe de la révolution" d'un sujet quel qu'il soit (ici, peu importe), ce désir de révolution n'est qu'un leurre, une des stratégies inconscientes pour faire face à l'angoisse que constitue pour l'humanité le fait d'être séparée de la nature. Cette angoisse peut avoir plusieurs formes, et conduire à la dépression et à la folie* d'un rêve, d'un désir, d'un fantasme irréalisable

comme "la religion opium du peuple" recouvre un processus de défense/contournement de la réalité, la croyance révolutionnaire vient combler le manque d'un désir non réalisé et reconstituer un espoir. Abandonner un rêve parce que la réalisation du fantasme qu'il porte est impossible est un processus qui suppose la compréhension du leurre par la psychanalyse ou l'auto-analyse, avant que, "par surcroît" dit Jacques Lacan reprenant Freud, on ne guérisse de cette maladie confinant, avec les désillusions à la dépression et la folie*. La plupart préfèrent entretenir leur rêve par tous les moyens, on a vu ce qu'ils valent quand ils ne peuvent plus faire appel qu'à l'évacuation et à la déformation des critiques et des arguments, à la censure, jusqu'à revendiquer leur propre mauvaise foi comme féconde en matière théorique...

les différentes phases de mes opiums communistes 1972-2005
si je considère rétrospectivement ma propre histoire à différents âges et périodes, mon adhésion au PCF en 1972 correspond à ma découverte du communisme dans l'après 68, et n'importe quel groupe d'extrême-gauche ou anarchiste aurait pu assurer cette fonction ; ce choix m'a doté d'une formation de base aux textes de Marx, dont j'appréciais le caractère "scientifique", c'était le domaine de mes études. À 20 ans, l'objectif était loin, je ne me préoccupais pas trop de savoir si la révolution communiste viendrait ou non de mon vivant, et fautes de connaissances suffisantes, je ne comprenais pas grand-chose aux débats théoriques d'alors. De désillusions en dissidence, j'ai quitté ce parti pour ne plus remettre les pieds dans aucun, mais...

après une traversée du désert où je complétais ma formation en divers domaines de la connaissance, l'étape suivant fut la lecture en 2000 d'Empire, de Negri/Hardt, suivie en 2004 de celle de Multitude, Guerre et démocratie à l'âge de l'Empire. La fonction de ces lectures fut clairement, je l'ai compris après, de me redonner cet espoir, et peu importe alors que ces livres soient entachés d'erreurs d'analyse, car je voulais y croire, et je fermais les yeux sur les passages qui me paraissait douteux : je voulais que ça marche, donc j'y croyais. Divers textes critiques m'ont fait comprendre que c'était une fausse piste, et c'est alors que j'ai entrepris, tant bien que mal, mon propre travail théorique. Ce fut CARREFOUR DES ÉMANCIPATIONS, oct-déc 2004, détruit en 2011 plusieurs années après avoir saisi que le démocratisme radical entachant la chute ne tenait pas la route, ceci suite à ma rencontre avec la théorie de la communisation, qui prenait alors le relais de mon espoir communiste

je peux dire que la théorie de la communisation, découverte fin 2004 avec les Fondements critiques d'une théorie de la révolution, de Roland Simon, 2001, a joué pour moi exactement le même rôle, retrouver cet espoir communiste, et de même qu'avec Negri, je colmatais ce que je comprenais pas ou qui me paraissait bancal en passant dessus rapidement, puisque je voulais y croire. Malgré mes critiques de plus en plus acérées (2012 : Pour en finir avec mon communisme-théorique, où je cernais "le manque comblé par la théorie" dans une "folie de langage"), j'ai d'abord voulu refonder un corpus communisateur qui à mes yeux prenait l'eau de toutes parts (2014 : le plancher de terre : écologie radicale, luttes paysannes, environnement, ZAD... / Communisation 2015 : ruptures communiste et décoloniale dans la théorie de la révolution) avant de comprendre que c'était vain, puisque impossible (ce n'est pas le refus des théoriciens de l'admettre qui m'a conduit à abandonner cette théorie, mais la conviction que leurs thèses étaient mauvaises du double point de vue de sa logique interne, et externe par sa confrontation à la réalité)

Camatte : rupture avec l'idéalisme révolutionnaire
avec Camatte, le problème devient tout autre, puisque  on découvre les causes profondes d'un désir venant combler un manque de perspective communiste sauf toutes autres, remontant au passé de l'espèce humaine, et plus en adéquation avec ce qu'on peut en savoir sur le plan scientifique. On verra avec ce texte que Camatte prend avec les sciences de grandes précautions. Note 3 :

Je précise que je ne suis ni scientiste ni un contempteur de la science, mais que j'utilise les résultats des recherche scientifiques. C'est dans l'interprétation que s'infiltre la spéciose, sans oublier que dans biens cas cette recherche est "commandée" par cette dernière.

je reviendrai sur quelques passages, notamment sur les différents types d'Affectations
A1. On peut considérer que l'affectation commence avec l'étonnement qui résulte souvent de la perception de quelque chose d'insolite de la part de l'individu et donc concerne sa présence au monde et s'exprime souvent en une interrogation...

A2. Les traumatisme subis par l'espèce ont provoqué sa mise en dépendance qui s'actualise pleinement avec la coupure de continuité qui se réimpose à chaque génération du fait de la répression...

A3. L'affectation peut concerner l'apparence mais également l'être, ce qui aboutit, pour certains, à considérer qu'il n'y a pas d'invariance dans l'être, sa naturalité fondamentale...

A4. La réaction inconsciente à une très forte affectation engendrant la tendance à revenir à l'état antérieur est en rapport avec ce qui est nommé actuellement la résilience, phénomène de résistance à la répression avec production d'une attitude, d'un comportement de défense par rapport à celle-ci...

A5. Masochisme et sadisme peuvent être considérés comme des phénomènes d'autoaffectation détermines par des troubles psychiques profonds...

A6. L'espèce affectée par la dépendance recherche ce qui n'est pas affecté et qui ne peut pas être dépendant; ce qui affecte et n'est pas affecté, la cause sans cause: dieu, l'En-soi. En fait elle recherche l'état qu'elle connaissait avent de subir l'affectation...

A7. L'affectation peut être acceptée et être intégrée dans le procès de vie de l'espèce et se présente alors comme un acquis, quelque chose qu'on peut considérer comme une adaptation. La dynamique s'apparente à celle du progrès mais c'est aussi celle qui fonde la servitude volontaire, l'impossibilité d'une remise en cause de l'ordre établi.

A8. La dynamique de l’affectation non plus dans la passivité: être affecté, peut faire place à celle dans l’activité: affecter. Affecter quelqu’un peut conduire à infliger des dommages à celui-ci. Mais être incapable d’affecter quelqu’un, cela implique que celui-ci demeure indifférent à ce que nous sommes. C’est d’autant plus intolérable que l'on se trouve dans une relation amoureuse...

A9. Du fait de la séparation, les différentes modalités du procès de vie (relations) peuvent être supports pour affecter et troubler l'intersubjectivité ainsi J.P. Sartre montra qu'à cause du regard de l'autre qui nous affecte, on a honte de soi devant autrui (on ne s'accepte plus). Mais on peut poser également la question: dans quelle mesure le regard de l'autre nous souille à cause de l'affectation dont il nous charge ?...

A10. Celui qui est indifférent est pour ainsi dire désaffecté car non affecté. Réciproquement ne pas être affecté signifie qu'on est plongé dans l'indifférence car on n'a aucun retentissement en l'autre, on n'est pas reconnu. On n'est pas doté de signification. À la limite on est rien, on ne sert à rien. On est, ou devenu, un être inutile. Avec plus ou moins d'intensité hommes et femmes ont ressenti douloureusement une indifférence de la nature ou du cosmos à leur encontre comme c'est le cas avec Blaise Pascal ou Claude Lévi-Strauss. Cela se double parfois de la perception de la vanité des choses et que c'est en vain que l'on opère pour affirmer un certain devenir comme l'exprime de façon percutante Qohélet. Ici se révèle le retentissement puissant de la coupure de continuité qui place l'espèce dans la solitude et dans l'angoisse.

A11. La mystique vise en fait à aller au-delà de l'affectation par l'intermédiaire de la transcendance, particulièrement grâce à la fusion avec "l'inaffecté" et "l'inaffectable".

A12. Compenser l'affectation, le tort causé, induit la recherche d'un bouc émissaire. Le sacrifice de celui-ci permet d'éliminer les maux (les affectations) dont il a été chargé et de sauver le reste de la communauté. Au fond c'est l'exclu totalement affecté qui fonde comme cela opère avec l'équivalent général.

A13. Au cours des millénaires des affectations successives ont pu modifier le procès biologique de l'espèce voire enrayer son déploiement. En conséquence cela peut conduire à l'inhibition d'une émergence.

A14. Plus récemment s'est imposé le concept de handicap pour indiquer une affectation survenue au cours de la vie (lors de la guerre par exemple), puis une affectation initiale s'imposant dés le début de la vie. Le handicap peut être défini: tout ce qui ne permet pas une intégration immédiate dans le corps social. C'est pour surmonter cela que Andrew Solomon propose de remplacer handicap par identité horizontale, une autre façon d'exprimer l'humanité. Mais une telle dynamique peut conduire - étant donné que la spéciose est dominée par le mouvement de séparation - à une fragmentation de l'espèce pouvant conduire, au cours du temps, à la formation d'autres espèces bien séparées.

A15. L'imprévu est une cause profonde d'affectation et l'espèce recherche à s'en prémunir le plus possible parce que la coupure de continuité l'a mise dans un état d'insécurité qui l'obsède, ce qui se conjugue totalement avec l'obsession de la menace.

A16. L'affectation la plus insidieuse et sournoise est celle de l'ambiguïté. Pour y échapper l'espèce recourt à des mesures extrêmes, souvent opposées, génératrices de grandes violences.

A17. Le procès de vie lui-même est source d'affectations profondes, ainsi de la nécessité de tuer pour se nourrir et de l'inéluctabilité de la mort. La première en outre est lestée de beaucoup d'ambiguïté. La mise en place et la puissance de ces deux affectations dérivent de la coupure de continuité et de la perte de participation.

A18. L'affectation fondamentale, après celle du risque d'extinction, c'est l'affectation d'être enfant, c'est-à-dire d'être dépendant. C'est une affectation au sein du devenir même de la spéciose au cours de laquelle elle surgit et s'amplifie. Cette affectation souvent nommée condition (la condition des enfants) est elle-même affectée d'ambiguïté qui, comme la plupart du temps, dérive de la coexistence d'une donnée spéciosique et d'une donnée de naturalité; c'est pourquoi on a aussi une exaltation de l'enfance en particulier en tant que moment d'affirmation d'un génie. En général l'adulte veut fuir l'état de dépendance, devenir autonome, et voit la source de ses insuffisances, de ses maux dans l'enfance. D'où par exemple l'affirmation de Franz Fanon "Le malheur de l'homme est d'avoir été enfant"19. Le stade auquel il faut aspirer c'est le stade adulte. Pour cela il faut impérativement devenir, c'est-à-dire progresser, d'où le mythe du progrès De là aussi la manipulation intense des enfants jusqu'à faire en sorte qu'ils ne soient plus engendrés mais produits.

définition des concepts utilisés extraite du glossaire d'Invariance
Cheminement : Mode selon lequel un homme, une femme, progresse, c’est-à-dire avance, dans la réalisation de ses potentialités, en relation avec ses semblables, avec le monde interrelationel, dans la nature, dans le cosmos. Le cheminement n’implique pas la nécessité d’emprunter une voie bien définie, souvent préétablie. À l’heure actuelle, pour ceux, celles, qui veulent émerger, il implique fondamentalement l’abandon de ce monde.
Cosmos : Désigne la totalité éternelle et sans limite.
Émergence : Phénomène qui s’opère particulièrement au sein d’une phase de dissolution. Elle s’affirme au travers d’un saut qualitatif et se caractérise par l’apparition de déterminations nouvelles.
Errance : Mode de se comporter de l’espèce se séparant du reste de la nature. Recherche d’une place, d’une fonction et d’une justification à la situation où elle s’est mise et se met, afin d’avoir des repères de vie pour justement ne pas errer (éviter un rejouement).
Folie : Stade limite de diverses perturbations psycho-somatiques profondes. Elle peut se présenter sous deux modalités, deux formes d’enfermement. L’enfermement en soi-même, l’ipséisation, l’enfermement en l’autre, l’aliénation. Entre ce qui nous est propre (das Eigne) et ce qui nous est étranger ou autre (das Fremde) il n’y a pas simplement conflit comme l’affirma O. Gross (et avant lui M. Stirner ainsi que dans une certaine mesure, S. Kierkegaard), mais une complémentarité où l’autre peut apparaître comme le sauveur à qui on doit s’identifier.
Gemeinwesen : Concept très utilisé par K.Marx et par G.W.F. Hegel. Il n’indique pas seulement l’être commun, mais aussi la nature et l’essence communes (Wesen). C’est ce qui nous fonde et nous accomune, participant au même être, à la même essence, à la même nature. C’est le mode de manifestation de cet être participant.
Je puis ajouter une interprétation personnelle  au sujet de gemein. Ge est une particule inséparable qui exprime la généralité, le commun, le collectif. Mein indique ce qui est individuel : mien. Ainsi affleure sous-jacente, l'idée d'une non séparation entre ce qui est commun et ce qui est individuel; ce qui implique le concept de participation où l'on se perçoit soi dans un tout qui est comme consubstanciel.
La Gemeinwesen se présente donc comme l'ensemble des individualités, la communauté qui résulte de leurs activités dans la nature et au sein du monde créé par l'espèce, en même temps qu'elle les englobe, leur donnant leur naturalité (indiquée par wesen), leur substance en tant que généralité (indiquée par gemein),  dans un devenir (wesen).
Inversion : Désigne la mise en place d’un devenir contraire à celui effectué jusqu'à nos jours, comportant en particulier: sortie de la nature, répression, refus, abstraïsation, émeutes (soulèvements, révolutions) mais aussi guerres et paix. Elle n'est pas un détournement de ce qui fut détourné et n'est pas un retour au moment où ceci s'est imposé. Non, car c'est à partir du potentiel gemeinwesen en nous ici et maintenant et en la communauté de ceux et celles qui convergent et participent, que cela s'effectuera. Il ne s’agit donc pas de retourner à une phase antérieure, à un comportement ancestral, mais d’accéder à quelque chose en germe en nous, en l’espèce : la naturalité profonde qui a toujours été réprimée, en grande partie occultée, ainsi que la continuité avec tous les êtres vivants, avec le cosmos.
Nature : Ensemble des êtres vivants, Homos sapiens inclus, et de leurs relations réciproques, ainsi que de celles avec le support inorganique de la planète terre.
Ontose : C’est un phénomène d’adaptation au mode de vie imposé par la séparation d’avec la nature qui induit inévitablement la répression parentale. Elle est simultanément le résultat de cette adaptation qui fonde l’être ontosé. Elle est constituée d’un ensemble de phénomènes inconscients qui fondent le comportement inconscient de l’homme, de la femme.
Refoulement : Concept forgé par S. Freud qui indique le procès inconscient empêchant (inhibant) que ce qui cause une souffrance intolérable ou qui pourrait la rappeler, la réactiver, puisse devenir conscient. Ce qu’il a perçu dans l’immédiat c’est la remontée d’un refoulé (phénomène inconscient pour le patient), particulièrement au travers de signes (symptômes) organiques. Il en a déduit qu’initialement il y avait eu un phénomène de refoulement (Verdrängung).
Rejouement : Concept largement employé par A. Janov, dérivant de celui freudien de « compulsion de répétition », indiquant que nous tendons, inconsciemment, à reéffectuer  ce que nous avons vécu à la suite de traumatismes, ou à reéffectuer ce qu’ont vécu nos parents. Le rejouement commence souvent par un déjouement. Le rejouement est en filiation avec la compulsion de répétition, déterminée par le traumatisme fondateur de l’empreinte. Le bébé ne peut absolument pas comprendre ce qui advient, parce que c’est hors de son procès de vie naturel. Or sans la compréhension, le phénomène est bloqué; il ne peut pas parvenir jusqu’au procès d’élimination permettant de restaurer ce qui a été perturbé. En conséquence, il y a une tendance à ce que le phénomène soit en quelque sorte reproposé afin de tendre à parvenir au parachèvement de ce qui eut lieu. C’est dans cette dynamique de reproposition que s’impose le rejouement. On se met inconsciemment dans une situation où la scène traumatique puisse se réaffirmer. C’est là qu’interviennent les supports qu’on peut également percevoir comme des substituts, voire des simulacres. Donc on est poussé à rejouer. La compulsion de répétition a pu être plus ou moins confondue avec le désir de retrouver ce qui fut perdu au cours de phases antérieures du développement tant au niveau de l'individu que de celui de l'espèce. Ce désir est très souvent consubstantiel avec une nostalgie ainsi que l'expression d'une profonde insatisfaction, elle-même expression de l'ontose-spéciose. On peut percevoir cela dans la thématique de l'Aufhebung de G.W.F. Hegel ou dans l'art, avec, par exemple, l'importance accordée à la symétrie rayonnée qui fut l'apanage de nos très lointains ancêtres les échinodermes.
On doit distinguer rejouement de réactualisation qui implique un rythme, parfois difficile à individualiser, qui permet qu'à des intervalles donnés, un phénomène semblable s'impose, comme le retour des saisons.
Révolution : On peut la définir comme résultant de l'union d'une épistémé (Ce qui permet d’organiser un savoir en vue d’un télos cognitif. Réflexion sur ce savoir pour en déterminer la validité, l’opérationnalité), pouvant inclure la science, et d'une pratique, l'insurrection, qui peut être un art. Dans l'œuvre finale de A. Bordiga elle est posée en tant que dépassement de la théorie et de la pratique. On peut écrire la thèse ainsi : "une seule pratique humaine est immédiatement théorie : la révolution." Une telle approche du comportement de l’espèce, dont le fondement est le rapport de la pensée à l'action, n'est pas nouvelle. On peut la retrouver chez divers mystiques et, particulièrement, chez certains théologiens chrétiens ou musulmans.
Science : Ensemble d’une épistémé (mathématique et logique) et d’une praxis : l’expérimentation. La science est en fait la science expérimentale. Ce qui est désigné tel, pour les époques qui précèdent son émergence, est en fait une épistémé. Il convient de distinguer l’expérience de l’expérimentation. La première est en rapport à un vécu et à des données psycho-existentielles et entre dans le domaine de l’immédiateté, de ce qui advient et dont on tire a posteriori un enseignement. Ce n’est pas le cas pour la seconde qui est pour ainsi dire médiatisée par l’hypothèse à vérifier. Toutefois, un individu peut se comporter vis-à-vis de lui-même comme par rapport à un objet d’expérimentation ce qui indique l’influence que peut avoir la science sur le mode d’être des hommes et des femmes.
Spéciose : Phénomène isomorphe à l’ontose mais concernant l’espèce. Ce qu’elle produit en effectuant son devenir hors-nature.

(à suivre)

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Message par Invité Lun 8 Juin - 18:45

afin d'entrer dans la matière des rapports étudiés, plutôt que rester au niveau d'un débat conceptuel sans chair, j'ai choisi d'ouvrir une batterie de sujets concrets sur le thème MUSIQUE, NATURE, ET HUMANITÉ. Deux raisons :
- le son et la musique sont les domaines où j'ai les connaissances les plus étendues, de la musicologie à l'histoire de la musique en passant par celles d'un musicien, ainsi qu'une pratique, de la guitare, de la basse, des tambours, de la composition et de l'improvisation, de l'acoustique d'un salon pour l'écoute audiophile réaliste
- sous ces rapports, la musique est le plus intéressant des arts, car elle met en branle le corps et l'esprit, ce que ne font pas ou moins la peinture ou la poésie. Quant à la danse, elle est inséparable de la musique, même quand celle-ci elle se fait silence, elle est le corps qui traduit la musique, parfois dans une relation réciproque (tambours d'Afrique, Jazz classique, Soul, Rock, Hip hop...)
7 juin
l"humanité" c'est l'ensemble des êtres humains comme étant semblables,
l'humanité n'a rien d'une "abstraction" :
l'humanité, c'est l'espèce humaine en mouvement historique,
doublement par ses rapports sociaux et ses rapports internes et externes à la nature,
car l'être humain, animal social, est aussi un être de nature (physique, biologique...)

appartenir à l'humanité, espèce humaine, est une particularité dans le vivant, la nature, dans le cosmos


deux allers-retours avec Adé
une discussion tendue, mais passionnante, si si
Adé revient sur une débat qu'il avait engagé le 17 mai. Voir DE L'UTILISATION ou non DES CONCEPTS DE CAMATTE, errance de l'humanité... et de quelques autres : anthropocène, capitalocène...
Cette confusion entre d'une part Humanité et d'autre part Homo sapiens, me semble ethno-centrée, analogue à celle qui consiste à nommer "Anthropocène", au lieu de "Capitalocène"  la période actuelle, et brouillant les pistes renvoie à une nature humaine les responsabilités qui sont, de fait, celles de la CIVILISATION OCCIDENTALE.
je lui réponds dessous, écartant ce qui à mon sens n'a pas vraiment d'intérêt ici, ou ce qui me semble erroné concernant la terminologie, la conceptualisation, ou la compréhension de Camatte, voire peut-être de la fonction de ce sujet dans mon élaboration théorique personnelle, et pourquoi pas commune
à mon avis,
L'Humanité, n'existe pas vraiment, existe "Homo Sapiens sapiens"
Adé, 7 juin
L'espèce de singe en question est une donnée, elle préexiste à toute "humanité", cette dernière est une abstraction, non un concept. L'abstraction est floue, vide de contenu empiriquement observable: ce que j'ai devant les yeux c'est des hommes et femmes: des Homo Sapiens Sapiens, mâles ou femelles, jeunes ou vieux, etc... En aucun cas la totalité des êtres humains, et humaines ne forment un ensemble conceptuel définissable comme L'Humanité, car cette dernière présupposerait une homogénéité, une communauté d'histoire, de relations intra et extra-spécifiques, c'est-à-dire une relation à soi comme humanité,  communauté d'êtres humains dans la communauté du vivant, là il y aurait la Nature et le socle, l'écorce, l'eau, l'air, montagnes, vallées,etc... l'ensemble des êtres vivants et de leurs relations et l'humanité dans cet ensemble vivant.

L'humanité comme abstraction, ou même en tant que conception ressort de l'universalisme : L'Humanité est ethnocentrée, c'est l'ensemble des Hommes Occidentaux Blancs de peau, c'est l'ensemble des sujets en question qui englobent formellement universellement tout sujet humain -Homo Sapiens S.-. L'Humanité est le reflet idéalisé de l'absence de communauté humaine habillée par la civilisation occidentale, gréco-judéo-chrétienne et islamique

Une errance très particulière, celle qui conduit le monde, et l'a poussé dans la direction occidentale dans les divers modes d'extractions, l'industrie, la colonie, les guerres industrielles, l'extermination de masse, etc... Eh! bien oui : voulez-vous des errances ?  C'est bien le produit de la civilisation européenne, et d'elle-seule. Aucune autre société, culture ou civilisation n'a produit ce que l'occident a produit et imposé.
En enserrant toute l'histoire des hommes dans L'Humanité (errance de...), on en fait une explication totale : tout vient de là, cependant, et même en considérant qu'il y a effectivement une errance- il est prudent de connaître les spécificités spatio-temporelles.

Comme tu lis, j'ai beaucoup de réticences de plusieurs ordres envers "Errance de l'Humanité"
Pour que cela puisse exister il faut une Humanité préexistante, je pense, au contraire que l'Humanité a été inventé à certains endroits à certains moments de l'histoire, et c'est dans l'Occident du Moyen-Âge à la Renaissance, les Lumières, etc... que s'est forgé cette conception dans les esprits religieux, théologiques, philosophiques, éthiques, politiques, etc...

Puis, pourquoi les Égyptiens anciens, les Mésopotamiens, et tout le toutime auraient-ils erré ?
L'Empire du Milieu ? Les Incas, les Mayas, les Aztèques errants ? selon quel critère ?

Le trauma de "séparation d'avec la Nature" impliquerait un esprit commun à cette humanité errante, une sorte d'inconscient collectif.
Je ne rejette pas l'idée d'un "fond psychologique" spécifique aux membres de l'espèce, mais je doute que ce "fond" soit lié à une menace ou effroi devant l'extinction, je pencherais plutôt sur un inconscient d'appartenance à l'espèce en tant qu'espèce animale parmi les autres.
La relation à la communauté née,- à la communauté de destin du vivant, et plus largement à l'entropie cosmique, aux forces mystérieusement mêlées, primordiales, à l'insondable, non à la mort, ou à l'extinction, car la vie ne s'oppose pas à la mort, mais au néant (ni vie, ni mort)- est le fond universel, végétal, animal, minéral.

Last but not least : "L'Errance de l'Humanité" n'est-elle pas très proche du "Péché Originel" ?
Le mythe du Paradis originel, figure la séparation d'avec la Nature et reflète l'évolution des populations humaines au Moyen-Orient, source géographique de "la Révolution néolithique".

L'exclusion du Paradis de l'Ancien Testament du couple primordial Adam, Eve, pour cause de tentation Satanique par l'intermédiaire du fruit "défendu" et via l'entremise du reptile entraîne à la fois, la sexualité, la connaissance et la déchéance : travail de l'enfantement, travail de la terre, etc...
Il y a peu de doute que pour la religion de l'Ancien Testament l'humanité concernée par le péché et par ses fatales et irrémédiables conséquences était sa propre humanité : celle des croyants;
Le sort des populations non-croyantes était indifférent puisque seul le peuple croyant était -et demeure- le peuple "élu".
Le Christianisme a suivi une pente semblable, pour être concerné par le message de la Bible et par celui des Évangiles, il faut être baptisé, il faut être humain, faire partie de l'humanité des croyants afin de pouvoir être racheté, et éternisé : la Rédemption, la vie éternelle.

L'humanité est une extension sur une base philosophique et éthique dépouillée de Dieu de l'humanité des croyants. L'humanité de la civilisation occidentale chrétienne étendue à tout membre de l'espèce, formellement et universellement, puisque la communauté humaine n'est pas: il y a et il demeure des races, des genres et même des activités dont la question de l'appartenance à l'humanité n'est pas réglée. Question du racisme, question du féminisme, castes, classes et races des travailleurs, subordonnées, etc...

Le problème, et la donnée de base, n'est pas la séparation d'avec la Nature, mais le mode de production historique de celle-ci, et sa portée suivant les diverses civilisations et cultures. Le néolithique moyen-oriental importé en Europe est un mode très spécifique, inconnu dans d'autres civilisations : la Chine, ou les domaines amérindiens ont produit eux-même leur "révolution néolithique", d'où de profondes différences dans les cultures, religions, malgré l'existence d'institutions similaires ou semblables.
L'importation du néolithique son caractère exogène en Europe Préhistorique est un fait historique marquant, l'expansion européenne ultérieure en est peut-être le résultat: les colonisateurs apportaient en effet "La civilisation", la leur, aux colonisés : bœufs, chevaux, moutons, etc... et bien entendu intégraient ces colonisés, ou ces esclaves dans "L'Humanité"... errante, mais dimmable, rachetable, en vertu de la religion de leur région occidentale.

S'il est une appétence occidentale, c'est bien celle de l'explication définitive, unique, comme la divinité révérée encore aujourd'hui, quoique devenue moins centrale dans le mode de vie des populations étatsuniennes et européennes, dont le Dieu des sectes protestantes est le paradigme. Cette appétit a accouché des dogmatismes religieux, politiques d'idéologies raciales et mysogines défendant l'invariance du dogme, religieux, puis (et) politique.

Il n'y a pas "d'Errance de l'Humanité", il y a une direction imposée au monde par la Civilisation Occidentale, c'est celle-ci qui est responsable de la situation actuelle et non une quelconque errance humaine. Comme pour l'"Anthropocène", il s'agit d'une tentative (d'une tentation) supplémentaire de diluer la responsabilité du capitalisme et donc de ses inventeurs et promoteurs occidentaux dans une abstraction englobante "les hommes", l'Humanité errante.

Il n'y a pas de péché originel, ni sous la forme chrétienne, ni sous celle de l'errance, il n'y a que l'histoire et les contingences qui ont produit le MPC ici et non ailleurs, forgé la psyché des hommes et des femmes d'ici, et non de là-bas, l'humanité errante est celle-là, non "L'Humanité" traumatisé par la"séparation" d'avec la Nature, et d'avec sa propre Nature; c'est aussi la raison pour laquelle cette errance doit être revêtue du manteau de la généralité humaine, et spécifique (de l'espèce Homo S.S.). Afin d'amortir la responsabilité toute particulière du MPC et la dissoudre dans le bain de la nature humaine, et du prétendu choc traumatique entraîné par une prétendue " séparation" qui est illusoire.

HUMANISER LA NATURE, NATURALISER L'HOMME.
l'humanité, c'est l'espèce humaine en mouvement historique,
doublement par ses rapports sociaux et ses rapports internes et externes à la nature
il m'est très difficile de "répondre" à ces arguments, qui mélangent des considérations historiques et anthropologiques justes avec une déformation des thèses de Camatte mâtinée des reproches des marxistes qui attendent la Révolution prolétarienne : oublier le mode de production capitaliste...

quant aux définitions de l'humanité, il y en a deux grandes pour CNRTL :

- A. Caractère de ce qui ou de celui qui est humain.
1. Ensemble des caractères spécifiques de la nature humaine.
2. Caractère d'une personne (ou de son comportement) qui manifeste pleinement son appartenance au genre humain.
3. Bonté, bienveillance de l'homme pour ses semblables
- B. Ensemble des hommes, du genre humain, parfois considéré comme constituant un tout, un être collectif.
« Qui dit homme dit humanité. L'homme porte en lui l'humanité. L'homme n'existe pas indépendamment de l'humanité. Perfectionner l'homme, c'est perfectionner l'humanité. Perfectionner l'humanité, c'est se perfectionner soi-même. » Pierre Leroux, Humanité, 1840

l'humanité, une abstraction ?
dans ce contexte nous intéresse la seconde définition, qui ne fait que nommer "humanité" l'ensemble des êtres humains comme étant semblables, et qui n'a rien d'une "abstraction" : l'humanité, c'est l'espèce humaine, c'est au sens philosophique une particularité, puisque tout ce qui existe n'appartient pas à l'espèce humaine. C'est pour Marx selon Ollman, un niveau de généralité (voir plus bas)

nul besoin effectivement de faire de "L'Humanité" un gros concept doué d'une âme ou de la doter d'une "essence humaine". Pour paraphraser Marx, l'humanité c'est l'ensemble des rapports sociaux, restant à dire qu'ils sont sociaux entre eux, mais pas dans leurs rapports "avec" la nature et le vivant, puisque les deux termes ne sont pas de l'ordre du social, la nature n'étant pas "subsumée" sous les rapports sociaux de production. En ce sens le début de la citation de Pierre Leroux ne dit pas autre chose : « L'homme porte en lui l'humanité. L'homme n'existe pas indépendamment de l'humanité. » L'être humain porte en lui, doublement, les rapports sociaux et son rapport à la nature en tant qu'il est un être physique, biologique, possédant une nature interne (Edgar Morin) plongée dans une nature externe (l'extérieur de son corps physique)

je rejoins donc Adé pour dire qu'il n'est pas besoin d'un concept d'humanité dérivant en essence humaine, divine, etc. Mais ce n'est pas du tout ce que fait Camatte, ni moi si l'on ne fait même que jeter un œil à la recension ÉCOLOGIE, SOCIO-ANTHROPOLOGIE, TEXTES et LIVRES UTILES, sciences, politiques, critiques..., qui fait au demeurant largement écho à la critique de l'Occident, y compris d'un point de vue décolonial prenant justement en compte la dimension écologique du problème, ladite séparation, dont témoignent l'histoire et le présent des peuples indigènes comme les théories décoloniales. Je m'étonne au demeurant de cette dérive de Adé vers un discours décolonial pur et dur faisant porter tous les péchés du monde au "Capitalisme occidental", une "Histoire" un peu trop courte pour être vraie. Certes TC réduit toute la pensée décoloniale à son plus mauvais, mais c'est un point que je partage avec Théorie Communiste n°26 dans Le « Grand Récit » décolonial, et c'est avec grand plaisir que je le cite, p. 163 :

TC a écrit:Il aurait été certainement tentant pour les décoloniaux de faire de « l’arrogance » une tare inhérente à la pensée de l’Occident depuis Platon, mais alors on perdait l’année 1492 comme point zéro de l’Histoire : « Remettant en cause ce grand mythe intra-européens qui associe la modernité à une série de phénomènes survenus en Occident entre le XVIe et le XVIIIe siècle, les chercheurs du programme Modernité/Colonialité replacent la colonisation ibérique du Nouveau Monde à l’origine (souligné par nous) du monde moderne/capitaliste » (Claude Bourguignon Rougier et Philippe Colin, La théorie décoloniale en Amérique latine, idem, p.10)

pas d'« ensemble conceptuel définissable comme L'Humanité » ?
Adé a écrit:En aucun cas la totalité des êtres humains, et humaines ne forment un ensemble conceptuel définissable comme L'Humanité, car cette dernière présupposerait une homogénéité, une communauté d'histoire, de relations intra et extra-spécifiques, c'est-à-dire une relation à soi comme humanité,  communauté d'êtres humains dans la communauté du vivant, là il y aurait la Nature et le socle, l'écorce, l'eau, l'air, montagnes, vallées,etc... l'ensemble des êtres vivants et de leurs relations et l'humanité dans cet ensemble vivant

point besoin d'homogénéité pour constituer une particularité. Au contraire, puisque ce qui distingue en son sein définit d'autres particularités de niveau inférieur. Une particularité se définit comme l'ensemble de ce qui est commun, à l'exclusion de ce qui ne l'est pas, soit plus particulier (exemple, les femmes, les enfants, les Chinois), soit plus général (exemple, le règne animal, végétal, le cosmos)

relisons ce qu'écrit Bertell Ollman dans Le processus d’abstraction dans la méthode de Marx VI. Les trois modes d’abstraction - Les niveaux de généralité, pp 88-89

Il est instructif de comparer les études sur l’homme et la société que Marx effectue sur les niveaux deux, trois et quatre (principalement trois, le capitalisme) avec des études issues des sciences sociales et avec la pensée du sens commun sur ces sujets, qui opèrent de façon typique sur les niveaux un (l’unique) et cinq (la condition humaine). Là où Marx abstrait, par exemple, les êtres humains sous forme de classes (comme une classe sur le niveau quatre, ou comme l’une des classes principales qui émergent des rapports de production capitaliste - travailleurs, capitalistes, et quelque fois propriétaires fonciers - sur le niveau trois, ou comme l’une de plusieurs classes et fragments de classes qui existent dans un pays particulier au cours de la période la plus récente, niveau deux), la plupart des non marxistes abstraient les êtres humains sous forme d’individus uniques, où chacun porte son nom propre (le niveau un) ou comme membre de l’espèce humaine (niveau cinq). En déplaçant leur réflexion directement du niveau un au niveau cinq, ils peuvent ne jamais même percevoir, et par conséquent n’éprouvent pas la moindre difficulté à nier, l’existence même des classes.

Mais la question n’est pas de savoir laquelle de ces différentes abstraction est vraie. Elles le sont toutes dans la mesure où les individus possèdent des qualités qui se situent sur chacun de ces niveaux de généralité. La question pertinente est : quelle est l’abstraction appropriée pour traiter un ensemble de problèmes particuliers ? Plus précisément, si l’inégalité économique et sociale, l’exploitation, le chômage, l’aliénation et les guerres impérialistes sont dues pour une large part aux conditions associées à la société capitaliste, alors on ne peut les comprendre et les traiter qu’au moyen d’abstractions qui font ressortir leurs qualités capitalistes. Et pour cela, il est nécessaire, entre autres choses, d’abstraire les individus comme capitalistes et comme travailleurs. Ne pas le faire, vouloir à tout prix rester sur les niveaux un et cinq, ne permet que de blâmer des individus particuliers (un mauvais patron, un président malfaisant), ou la nature humaine en tant que telle, pour ces problèmes.

Pour compléter ce tableau, on doit reconnaître que Marx abstrait occasionnellement des phénomènes, et des individus, sur les niveaux un et cinq. [...]

ajoutons, si tel est le problème soulevé par Adé, et au cas où ce ne serait pas évident, que pour théoriser, il est nécessaire d'avoir recours à des abstractions, à des concepts, qui définissent le champ de la philosophie comme celui des sciences, de toute théorie en général. Sans abstraction, il n'y a pas de représentation possible, au sens où Marx "critique de la philosophie" est un "théoricien de la représentation" (Isabelle Garo, 2000). Ma critique du conceptualisme concerne l'usage idéaliste, descendant, des concepts abstraits, sur la terre des réalités, encore un point que RS avait fait mine de ne pas comprendre, sans doute effet de sa « mauvaise fois » revendiquée pour faire avancer le schmilblick de la théorie...

anthropocène et capitalocène
j'ai dit ailleurs ce que valaient pour moi, et pas plus, les gros concepts d'anthropocène et de capitalocène. Adé me semble tomber dans le piège de les faire jouer l'un contre l'autre. Certes il est vrai que, surtout depuis qu'a été forgé le concept de capitalocène, on fait jouer à l'anthropocène ce rôle idéologique « d'amortir la responsabilité toute particulière du MPC et la dissoudre dans le bain de la nature humaine », mais cela est indépendant du  « prétendu choc traumatique entraîné par une prétendue "séparation" qui est illusoire. » Les anthropologues, qu'ils utilisent ou non les concepts d'anthropocène et de capitalocène, sont unanimes pour prendre en compte cette "séparation", qui n'a rien d'illusoire, puisqu'elle est maintenant bien fondée scientifiquement, et Camatte n'a fait que se référer à ce fait depuis une époque où l'on n'avait moins de preuves scientifiques, travail qu'il complète en avançant, comme il vient de le préciser dans 14. Point d'aboutissement actuel de l'errance 2. Données récentes concernant Homo sapiens. Il s'agit de données scientifiques, en l'état inachevé des connaissances, et c'est comme telles qu'elle doivent être critiquées, ce que Adé ne fait pas

bref, les concepts d'anthropocène et capitalocène sont pratiques tant qu'on ne les utilise pas de façon descendante, conceptualiste, idéaliste. Il s'agit de revenir à ce qu'ils nomment et de partir de là, des choses, non des mots

rappel de ma démarche théorique
au total, je ne vois pas à qui Adé adresse ses reproches. Je ne suis pas un fana du terme d'"errance de l'humanité", ni de la formule "il faut quitter ce monde", qui ont leur poids d'ambiguïtés, je n'en use pas personnellement car je n'en ai pas besoin dans mes développements théoriques. J'ai, au sens de Camatte, mon "cheminement propre", qui n'est pas le sien. S'il s'agit de critiquer Camatte, c'est à Camatte qu'il faut écrire, il répond généralement. Je n'en ai personnellement pas ressenti le besoin récent

Cheminement : Mode selon lequel un homme, une femme, progresse, c’est-à-dire avance, dans la réalisation de ses potentialités, en relation avec ses semblables, avec le monde interrelationel, dans la nature, dans le cosmos. Le cheminement n’implique pas la nécessité d’emprunter une voie bien définie, souvent préétablie. À l’heure actuelle, pour ceux, celles, qui veulent émerger, il implique fondamentalement l’abandon de ce monde.
glossaire d'Invariance

voilà, la fonction de ce sujet CAMATTE ET NOUS se rapporte, dans ce forum, à mon cheminement théorique, qui ne consiste pas à faire une critique systématique de Camatte, ou de tout autre corpus pris en bloc, mais à y puiser ce qui me semble fécond comme je le fais toujours avec divers penseurs. J'ai rappelé ce matin la place que tenait Camatte dans ma démarche réorientée dans NOUVELLES VOIES THÉORIQUES. Cela devrait je pense évacuer tout risque de méprise
pour simplifier et structurer cette (en)quête, trois sujets phares (je les renumérote, peu importe l'ordre) permettant d'approfondir les problèmes que devra résoudre l'humanité maintenant qu'elle se les pose, les autres sujets en étant les satellites :
- I. LE POUVOIR POLITIQUE de l'ÉTAT du CAPITAL vs L'ADMINISTRATION COMMUNISTE DES CHOSES. C'est la reprise d'un vieux problème du communisme soulevé par Marx et repris par Étienne Balibar qui le confronte à la notion de Communs
- II. CRITIQUE DE L'ÉCOLOGIE POLITIQUE, complément à la Critique de l'économie politique. C'est en s'appuyant sur les sciences de notre temps et leur critique que l'on reprend dans le champ écologique le travail et la méthode de Marx dans Le Capital
- (III.) CAMATTE et NOUS. L'importance de ce penseur héritier de Marx et Bordiga, ayant rompu avec ses années de jeunesse théorisant encore La Révolution prolétarienne, tient à son "cheminement" théorique depuis les années 70. Son principal intérêt est de poser le problème de la séparation de l'humanité d'avec la nature en même temps que sa constitution en sociétés avant l'apparition des classes sociales et modes de production économiques, autrement dit considérant que l'histoire de l'humanité ne se réduit pas à celle de la lutte des classes, et donc aussi le problème non d'une Révolution prolétarienne ou humaniste, mais d'une possible Inversion

conclusion et suites à donner
je ne me sens pas concerné par cette critique à mon avis injustifiée de Camatte, ou du débat anthropocène vs capitalocène, etc. Je laisse ça à qui se repaît des polémiques stériles et dialogues de sourds dont le "milieu radical" s'est fait une spécialité pour dénigrer le plus proche sur qui il aime bien taper, dixit RS. J'en suis aujourd'hui très loin, comme de leur goût prononcé pour ce genre de joutes à la con

restons-en, avec Adé si je le comprends bien, à un double accord :
- si  « existe "Homo Sapiens sapiens" comme espèce humaine actuelle en devenir, la nommer ou non "humanité" n'a pas grande importance, tout dépendant de ce qu'on en fait, et je ne sache pas que j'en fasse une essence humaine, une croyance religieuse, ou autre idéologie humaniste effaçant caractère essentiel, structurel, du mode de production capitaliste
- « Je ne rejette pas l'idée d'un "fond psychologique" [une sorte d'inconscient collectif] spécifique aux membres de l'espèce, mais je doute que ce "fond" soit lié à une menace ou effroi devant l'extinction, je pencherais plutôt sur un inconscient d'appartenance à l'espèce en tant qu'espèce animale parmi les autres », à ceci près qu'il faudrait montrer que la notion d'inconscient, complétant le conscient, c'est-à-dire de la pensée, n'est pas spécifique à l'espèce humaine. Les animaux rêvent, c'est certain, ils souffrent ou voient leurs besoins naturels satisfaits, mais je ne pense pas qu'ils pensent

je regarderai néanmoins de plus près cette histoire de choc traumatique face à une menace d'extinction, face à laquelle l'espèce humaine, pour ne pas dire l'humanité, a été confrontée à plusieurs reprises : je ne parle pas des lubies de la collapsologie, mais aujourd'hui d'une nouvelle réalité sur le plancher des vaches, qui n'est pas un plafond de verre : on parle de 6ème extinction, ce qui a fait, chose rare, sortir Camatte du bois dont on fait la théorie : Instauration du risque d'extinction, Jacques Camatte, Invariance, 30 avril 2020 

PS : il y a un point sur lequel j'aimerais interpeller Adé et d'autres, c'est le recours à l'ironie mélangée à l'argumentation rigoureuse, d'autant que j'en ai usé surabondamment un temps. L'humour est bienvenu et peut avoir son efficacité même dans l'exagération (le rôle de la caricature quand elle grossit un trait réel, contre le sens de "caricatural"), mais la dérision, y compris l'auto-dérision comme excuse, vient toujours combler un manque d'arguments. Outre qu'on risque d'être compris de travers, j'y vois une défaite de la pensée donc de la théorisation, une résignation devant ce qu'on ne maîtrise pas avec assez d'autorité naturelle (sic). Voir DE L'AUTORITÉ NATURELLE...
« Je t'ai écrit, pas à J. Camatte : Camatte et nous. »
Adé
Adé a écrit:Si l'humanité = Homo Sapiens, alors pourquoi ne pas poser la question en ces termes et pourquoi passer d'une conception scientifique à une conception philosophico-religieuse ?

Tu réponds que mon histoire décoloniale pure et dure "est trop courte", c'est qu'il m'apparaît que le MPC vient d'une histoire longue, mais existe en lui-même et détermine plus que l'histoire depuis l'origine.
Je persiste donc à penser qu'employer les concepts ou abstractions telles que l'Humanité revient à faire fonctionner un DEUS EX MACHINA, alors que l'histoire présente est largement déterminée par le MPC.
Ce qui ne signifie absolument pas que j'attends une action décisive de la part du prolétariat (encore faudrait-il que celui-ci existe autrement que comme prolétariat pour soi, couche sociale sociologique).
En tant qu'espèce, ou bien en tant qu'humanité - va pour c'est kif-kif - les problèmes posés aujourd'hui ne dérivent pas en droite ligne d'une errance de cette espèce ou de cette humanité, ils se posent parce que la Civilisation Occidentale a "cheminé" (plutôt s'est dirigé à très grande vitesse) dans une direction particulière.
L'extinction galopante des espèces végétales et animales, le réchauffement climatique, la pollution généralisée ressortent, non seulement de sa responsabilité propre (hmm !), mais bien de sa culpabilité.
Les occidentaux le savent, c'est pourquoi, cela les fascine (quoi de plus fascinant, en effet que le pouvoir de détruire tout ce qui est à sa portée) et les paralyse, impliquer l'espèce depuis l'origine, depuis sa "séparation" d'avec la nature, revient à en faire un problème inhérent à cette espèce et à éviter ce sentiment de culpabilité, en tant que occidental.

L'intérêt de la démarche de J. Camatte, de son investigation sur l'histoire de l'espèce est estompé par la focalisation sur le point de départ qui fait que ce point de départ (encore faudrait-il savoir ce que signifie "séparation d'avec la nature") devient réponse englobante, fardeau que l'espèce doit porter, indépendamment des conjonctures et déterminations particulières à chaque civilisation, histoire, culture.
La hantise de l'extinction n'explique pas les spécificités de chaque civilisation, ni les particularités qui ont conduit la civilisation occidentale à dominer et à détruire tout ce qui n'est pas elle-même (humanités, animaux, relations, plantes...) et pour ce faire à organiser de vastes massacres à l'intérieur d'elle-même.
Le renversement, les ruptures, l'inversion exigent que ce soient définis précisément qui a fait quoi, pourquoi et comment. Cette critique doit reconnaître que l'histoire de l'espèce ne se confond pas avec celle d'une errance, qu'il y a une pluralité d'humanités, la source des responsabilités quant aux problèmes posés, non par l'espèce, ni par l'humanité, mais bien par la voie occidentale imposée à ces humanités, et à tout ce qui existe sous le soleil.
et si l'on commençait par parler de la même chose ?
Patlotch a écrit:je ne suis pas certain que nous nous comprenions, que nous parlions de la même chose, ni que tu tiennes véritablement compte de ce que je t'ai répondu, puisque c'est à moi que tu écris. On peut tourner en rond comme ça des lustres

je n'ai pas écrit humanité = homo sapiens et je suis resté sur un plan scientifique, du moins avec des hypothèses théoriques forcément prospectives s'agissant du futur, mais sans glissement « à une conception philosophico-religieuse ». Qu'est-ce que ça vient faire ici, avec des si... on ne va pas refaire la critique de la religion

si l'on parle de l'humanité comme étant l'espèce humaine en mouvement historique, ce n'est pas d'une abstraction, ni d'abord du concept, mais de sa réalité, de la chose même en chair et en os, en histoire, au passé, au présent, et en devenir. En un mot je suis matérialiste, indécrottablement. Je me contrefous du concept d'humanité comme Deus ex Machina, car il n'a rien à voir avec la pensée de Camatte ni avec la mienne. C'est l'éternel retour du reproche d'humanisme-théorique. C'est réglé

dire que « le MPC vient d'une histoire longue, mais existe en lui-même et détermine plus que l'histoire depuis l'origine », c'est vrai, mais ajouter « les problèmes posés aujourd'hui [...] se posent parce que la Civilisation Occidentale a "cheminé"... », c'est contradictoire puisque ça ramène, en pur décolonial post-1492, tous ces problèmes au capitalisme comme étant occidental, alors qu'il y a belle lurette que ses caractères structurels et définitoires sont les mêmes y compris adaptés dans telle ère géo-culturelle, par la mondialisation, qui est une globalisation capitaliste (restructuration au sens de TC depuis les années 70), pas seulement une "occidentalisation du monde". C'était déjà le cas dans le capitalisme en domination formelle, tel que décrit par Marx dans Le Capital, qu'il n'a pas écrit "pour les Occidentaux" avec une position eurocentriste comme dans ses écrits politiques pour l'AIT. C'est un peu comme si l'on conférait au "capitalisme comme civilisation occidentale" le caractère de "subsomption réelle" absolue que donne la théorie de la communisation au "strict rapport capital-prolétariat". J'ai l'impression de retrouver mes désaccords de 2014-2016 avec... les décoloniaux ! Tout s'absolutise de façon binaire et à fronts renversés, comme à l'époque. Je ne me suis pas débarrassé des prolétaristes pour retomber sur un essentialisme des races blanche vs racisées conférant à celles-ci une mission particulière au-delà bien évidemment pour les victimes du racisme de se défendre (Elsa Dorlin : Se défendre. Une philosophie de la violence, 2018, tout-à-fait d'actualité)

c'est donner un blanc-seing (sic) aux capitalismes chinois, indiens, brésiliens, etc.

Adé a écrit:L'extinction galopante des espèces végétales et animales, le réchauffement climatique, la pollution généralisée ressortent, non seulement de sa responsabilité propre (hmm !), mais bien de sa culpabilité.
Les occidentaux le savent, c'est pourquoi, cela les fascine (quoi de plus fascinant, en effet que le pouvoir de détruire tout ce qui est à sa portée) [...]

ils sont vraiment adorables, tes Chinois, Indiens, Brésiliens et autres non-Occidentaux capitalistes ou non, ils ne polluent pas, ils ne réchauffent pas, ou alors ils ne le savent pas, donc ne sont pas culpabilisés, d'ailleurs c'est bien connu, il n'y a pas chez eux d'émules de Greta Thunberg... T'as vu ça dans quel film ? Et si par hasard ils exploitent leurs prolos et dominent leurs femmes bien de chez eux, mangent leurs chiens domestiques et leurs pangolins sauvages, et détruisent leurs forêt primaires, c'est encore la faute aux Occidentaux...

il faudrait également prouver, difficile puisque faux, que les "non Occidentaux",- terme anachronique en l'occurrence pour désigner des peuplades vivant en Asie et en Afrique il y a une dizaine de milliers d'années -, que ces "non-Occidentaux" donc, n'ont pas, avec l'agriculture et l'élevage, engagé avant les Européens ce processus de séparation dont il est question, qui supposait la sédentarisation des chasseurs-cueilleurs plus ou moins nomades. C'est ce qu'explique aussi Camatte en s'appuyant sur des historiens de ces périodes (voir au besoin Histoire de l'agriculture). Ici, il va falloir repasser, concernant la "responsabilité du cheminement occidental"...

par conséquent, écrire « la source des responsabilités quant aux problèmes posés, non par l'espèce, ni par l'humanité, mais bien par la voie occidentale imposée à ces humanités », concernant la période considérée parce qu'en cause quant à la séparation de la nature, c'est une erreur historique redoublée d''une position décoloniale absurde heureusement non partagée par ceux d'entre eux qui se réclament aussi de Marx, il en est peu, mais il en est

quant à « savoir ce que signifie "séparation d'avec la nature" », là je suis désolé, Camatte y a consacré pendant 40 ans des pages, des chapitres entiers, des numéros d'Invariance, dûment confortés par des données scientifiques, recoupés pendant et depuis par des études d'anthropologues dont des Asiatiques et Africains étudiant leurs contrées, et des approches théoriques écologistes ou communistes, dont la mienne. Non, Camatte ne confond pas l'errance de l'humanité avec toute son histoire indifférenciée selon les régions du monde (il précise récemment qu'il a des trous à combler, voir ci-dessous), il fait un travail précis, il n'« englobe » pas le tout par un concept abstrait totalisant et descendant. Bref, Camatte ne pense pas ce qu'il écrit comme tu le lis, parce que Camatte aussi est un penseur matérialiste

Camatte a écrit:Le devenir d'Homo sapiens a été étudié, en premier lieu dans les zones qui ont, à des titres divers, contribué à la production du phénomène de la valeur (Asirope, Afrique du Nord) puis dans celles où c'est le mouvement du capital qui s'est imposé : Angleterre en premier lieu, ultérieurement, Europe occidentale et Amérique du Nord et, finalement, le reste de la terre, ne laissant que de rares espaces hors de son atteinte. De ce fait l'ensemble de notre exposé sera lesté d'une certaine incomplétude du fait d'une approche insuffisante du devenir des communautés en Afrique Noire, en Amérique précolombienne, en Australie, bref tout ce qui est en dehors de l'Asirope.
14. Point d'aboutissement actuel de l'errance 14.1.1. Chapitres non traités

j'ai justement insisté, le 2 juin ici, sur l'importance de ce texte auquel Camatte renvoie bien qu'il soit inachevé : « Afin de rendre plus compréhensible la lecture de cette lettre je publie un chapitre non terminé de 'Émergence de Homo gemeinwesen' ». En passant il y parle bien du « mouvement du capital qui s'est imposé ». Donc oui, tu caricatures Camatte au sens de le déformer comme d'autres l'ont fait avant toi, et si ça te satisfait, pourquoi pas ? moi non, et perso, ça ne m'intéresse pas de discuter avec une reformulation que je peine à comprendre de ta part, puisqu'elle fluctue entre restes de "capitalisme en subsomption réelle achevée" et "décolonialisme essentialiste", le tout parfaitement contradictoire, et de ce fait je l'avoue incompréhensible. Comment veux-tu donner un sens commun à ce travail théorique en cours, en marchant sur du sable sans aucun acquis, et tiraillé que je serais en permanence à revenir en arrière et laisser de côté les deux tiers de mon travail actuel ?

je t'invite, et tout le monde, à lire les textes avec minutie et respect de ce qui est écrit avant de les commenter au risque de les déformer, car cela rend les échanges impossibles. C'est chiant et long mais ça fait partie du boulot théorique, auquel du coup j'ai consacré aujourd'hui bien plus de temps que souhaité

bref, si dialogue de sourds, à quoi bon ? Et puis j'ai une lectorate qui a envie de connaître la suite


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Message par Invité Jeu 11 Juin - 8:22


UN CAPITALISME NON OCCIDENTAL
NE SERAIT PAS MEILLEUR
NI PLUS "HUMAIN" AVEC LA NATURE

suite des échanges précédents
Adé, 10 juin
j'en resterai là avec cette discussion, car elle sort pour moi de l'intérêt du sujet CAMATTE ET NOUS. Ayant mieux à faire ailleurs, je ne veux plus y perdre mon temps
peu de commentaires, pas envie de me répéter, ni de relever ce qui me semble, a minima, non étayé et largement fantaisiste comme « Chinois, Brésiliens, Indiens [...] polluent, réchauffent, détruisent les forêts, primaires, ou non, à cause des besoins des économies occidentales ». Vue la forte croissance asiatique (y compris Inde et Asie du Sud-Est) depuis 3 à 4 décennies, et l'écart démographique, les couches moyennes consommatrices, sont aussi nombreuses qu'en Europe, voire que dans tout l'Occident riche. Leur plus faible proportion dans la population laisse supposer un réservoir immense alors qu'en Occident, les couches moyennes sont en cours de paupérisation/prolétarisation. Autrement dit, un capitalisme quasi-endogène dans la zone asiatique n'est pas exclu. Concernant la pollution, les normes de production industrielle et des marchandises sont bien moins sévères qu'en Europe... L'exploitation chinoise de l'Afrique (la Sinafrique) ne laisse pas vraiment de grands espoirs de moindre dégâts que le colonialisme occidental, à l'horreur près des destructions humaines. Faut-il considérer que sans les Occidentaux, les Chinois n'auraient pas su exploiter les richesses du sous-sol et creuser des mines, utiliser le charbon et les "métaux rares" indispensables aux "énergies vertes" ?

d'une façon générale, j'ai suffisamment pendant des années montré le croisement entre globalisation capitaliste et domination occidentale* pour partager une part de ce qui est affirmé, mais sans que soit montrée d'une part la dynamique de perte de suprématie occidentale, d'autre part qu'une autre suprématie, asiatique, ne modifierait pas en essence la domination du Capital. Même si l'on pouvait trouver juste retour des choses la fin de la domination occidentale, il n'y a pas à se réjouir que d'autres prennent la relève, qui n'apporteraient rien de meilleur qu'un capitalisme consumériste de masse chez eux et la misère accrue pour leurs laissés pour compte et ceux partout ailleurs

* LE CAPITAL, L'OCCIDENT, LA MONDIALISATION, et LEUR CRISE

sur la "séparation de la nature" il y a confusion sur ce qu'elle a été et signifie, tant pour Camatte que pour moi. La tendance d'Adé est de donner aux formules, notions et concepts un sens qu'ils n'ont pas et qu'il critique hors de leur signification pour leur auteurs, répondant alors on ne sait à qui. Idem pour la chute sur "pas d'ennemi... quitter ce monde"...

franchement, il y a un moment où il faut dire haut et fort que la théorisation, et les controverses qu'elle suscite et nécessite, ne peuvent pas se résoudre en un grand jeu de mots
Adé a écrit:Je te remercie pour les critiques, non je ne prends pas celles-ci "mal", je les prends et j'en laisse.

Par exemple, je réponds à l'extrait ci-dessous :

ils sont vraiment adorables, tes Chinois, Indiens, Brésiliens et autres non-Occidentaux capitalistes ou non, ils ne polluent pas, ils ne réchauffent pas, ou alors ils ne le savent pas, donc ne sont pas culpabilisés, d'ailleurs c'est bien connu, il n'y a pas chez eux d'émules de Greta Thunberg... T'as vu ça dans quel film ? Et si par hasard ils exploitent leurs prolos et dominent leurs femmes bien de chez eux, mangent leurs chiens domestiques et leurs pangolins sauvages, et détruisent leurs forêt primaires, c'est encore la faute aux Occidentaux...

Il n'y a plus de "peuples" (Nations-Etats) non-capitalistes, Chinois, Brésiliens, Indiens, tous le sont DEVENUS, car le capitalisme est un produit IMPORTÉ.
Et, à cet égard, en effet : ils polluent, réchauffent, détruisent les forêts, primaires, ou non, à cause des besoins des économies occidentales: ce sont des marchandises à EXPORTER, ou des besoins à satisfaire pour et à la manière des Occidentaux : forêts rasées pour y mettre soja, palmiste = élevage et alimentation typiquement occidentale (version USA) = bovins, porcs = Mc Do & Cie.
C'est encore les Occidentaux, en tout cas il me semble bien, qui dominent et informent (donnent forme) les rapports économiques mondiaux, et encore l'Occident qui donne le la dans tous les domaines : culture, nourriture, transports, habillement... modes de vies, etc.
Encore il me semble que partout dans ce vaste monde la tendance lourde, et ce depuis des lustres (depuis plus de 200 ans) est à l'imitation de tout ce qui a cours dans les pays dominants du centre historique capitaliste. Même si, depuis quelques années les "pays émergents" émergent, je ne vois pas que la domination culturelle, politique, géo-politique ait changé de pôle. Si la Chine est en passe de surpasser, en termes économiques, les USA, ceux-ci dominent encore et toujours sur tous les autres plans : militaire, géopolitique, culturel, etc. De plus à l'instar de l'inde ou du Brésil son activité économique- la Chine- est largement conditionnée par la demande occidentale = EXPORTATION.

Ce sont les USA qui imposent des taxes et d'autres mesures contraignantes  envers La République Populaire de Chine, même si cela révèle aussi que les USA, et l'Occident, Japon compris sont en perte de vitesse relative mais profonde sur les plans économiques, démographique, et sur le plan de "l'influence" internationale, etc...

Sait-on ce que "La Chine", ou "l'Inde" seraient devenus (et le "Brésil" alors !) sans que leur histoire soient brutalement interrompue, ou au moins modifiée de certaines manières, par celle de l'expansion occidentale ?
Ce que je sais c'est que cette histoire occidentale a fait, et je voudrais savoir pourquoi, puisque le comment est mieux connu.
Ce qui m'intéresse c'est de saisir ce qui a permis cette prééminence occidentale, quels traits spécifiques à (ou aux) la civilisation(s) occidentale(s) ont été déterminants, le soubassement de la dynamique d'expansion planétaire.

Pour les rapports d'exploitation, de domination c'est une autre affaire car ils puisent dans une histoire qui n'est pas importée, mais qui a été tout de même modelée par les rapports tels que existants dans les pays du centre capitaliste par le moyen du colonialisme ou du néo-colonialisme.

C'est à cette responsabilité là, celle d'être "la source et le sens" du mode de production capitaliste que doit faire face l'Occident, moralement, historiquement coupable : crimes de masses, masses de crimes, avec ou sans préméditation mais toujours dans un but de domination et de profit sonnant et trébuchant.

Je terminerais sur ce sujet : "aux pays poivrés et détrempés-au service des plus monstrueuses exploitations industrielles eu militaires... Nous massacrerons les révoltes logiques..." Démocratie A. Rimbaud, fin du XIX ème siècle.

Je veux en venir à présent à la "séparation d'avec la Nature".
Tout être vivant est séparé d'avec la nature, ou de la Nature, l'existence de ces êtres ne se confond pas avec celle de la nature, pour exister en tant qu'être la séparation d'avec la nature est une condition impérieuse, nécessaire, sine qua non.
En effet, la nature n'est pas un être, mais plutôt le nom ou l'idée de la somme des rapports entretenus par les êtres peuplant les diverses strates terrestres, croûte, profondeurs océaniques, atmosphère, etc. Les relations entre ces êtres sont diverses et multiples, tous les êtres modifient le milieu, créant ainsi la Nature. Chaque être existe en tant qu'ayant son mode propre d'appartenance, d'insertion dans son milieu, et ce milieu appartient et est inséré dans un macrosystème.
Chaque être végétal, fongique, microbien, viral (*), animal, est séparé et des autres êtres et de la nature car il existe pour lui-même et pour et par ces rapports qui sont la Nature;
La Nature n'est pas un être dont on peut se "séparer", elle est produite par les relations d'êtres tous séparés les uns par rapport aux autres, mais tous en relation les uns avec autres, en adéquation avec les conditions régnantes dans le milieu, la nature du substrat non organique, l'eau, les T°, etc.
La spécificité réside dans le mode de "séparation/insertion" des êtres , leur stratégie, leur écologie, leur évolution.
Homo Sapiens n'échappe pas à la règle dès son apparition spécifique, séparé d'avec la nature, comme toute existence individuelle et appartenant à la nature par une insertion particulière. Créant la Nature à sa façon. Tout être est naturel, il est fait de matière, toute matière est naturelle : tout être est naturel car séparé de son milieu, non confondu avec celui-ci et composé de matière comme tout autre être.
L'existence présuppose la séparation  et l'individualisation : les êtres naissent et périssent, la nature est une donnée résultant de l'action de ces vivants entre eux et sur le socle non-organique, et de l'histoire du socle non-organique lui-même, la nature ne naît pas, ne vit pas, ne périt donc pas. la nature ne connaît que la transformation -"Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme"-.

La spécificité de l'Homo sapiens ne réside pas en sa "séparation" d'avec la nature, mais avec le mode d'effectuation de cette "séparation", c'est-à-dire, et en cela pareillement à tous les autres êtres, en la manière, au mode particulier que revêt l'insertion de l'espèce dans le vivant en transformation perpétuelle.
L'espèce humaine (et les espèces humaines en y incluant Néanderthaliens Dionisoviens,etc.) n'a pas inventé l'outil, ni la culture, elle a systématisé l'utilisation des outils, et étendu le domaine culturel, elle n'a pas l'apanage du langage, ni de l'art, là encore elle a mis en place un systématisme qui lui est spécifique ( propre à son espèce) de nombreux animaux communiquent entre eux, et de même les végétaux connaissent un langage chimique et électrique, quelques espèces d'oiseaux embellissent leurs nids et recherchent des éléments permettant de  le mettre en valeur (on pense aux pies, et à d'autres oiseaux).
L'élevage et "l'agriculture" sont connues de certaines espèces de fourmis (pucerons, champignons).
Seule l'utilisation de feu à des fins de cuissons, conservation d'aliments et de production d'outils ou d'autres artefacts est invention humaine; le feu est bien entendu préexistant, naturel.
En Australie, une espèce locale de Milan a été observée propageant le feu afin de débusquer les rongeurs et autres animaux dont il se nourrit: l'oiseau se saisit d'une branche en feu ou braise et va la laisser tomber dans un lieu choisi.
L'expérimentation de la cuisson des aliments et généralement de l'effet de la chaleur sur les aliments ou sur les pierres et sur d'autres éléments naturels est antérieure à la domestication de cet élément, là encore il s'agit d'une systématisation.
Le Néolithique est en lui même une systématisation cumulative : agriculture, élevage, utilisation du feu.
En ce qui concerne l'Homo sapiens, la systématisation cumulative devient sa nature même, c'est-à-dire son mode d'insertion dans le milieu, et de production du milieu, en le transformant à sa façon.

La spécificité des civilisations occidentales tient à "une systématisation cumulative des systématisations" : cette activité devient une fausse conscience de "domination de la nature"; et du primat de l'intellect sur la matière. Le Dieu des civilisations occidentales est d'abord "Verbe", reflet de cette fausse conscience dominatrice et extérieure par rapport à la nature (différence entre séparé-inséré et séparé parce que essentiellement différent).
Cette prétention des civilisations occidentales à dominer le milieu découle dans la croyance en la particularité (élection) de certaines cultures à une destinée exceptionnelle révélée divinement. Pour la sphère occidentale, le Néolithique et l'invention du Dieu unique, omniscient, éternel, ubiquistique, créateur de toute chose et tout vivant, des Hommes comme étant "à son image", et des êtres comme étant tous inférieurs et à sa disposition constituent le socle de cette "systématisation des systématisations";

Cette dynamique atteint son apogée en Europe des xvi èmes, xvii, xviii siècles, et se transforme en domination universelle aux siècles suivants.
Dès la Révolution Industrielle du xix ème siècle, la branche occidentale, blanche des Homo sapiens a le pouvoir de modifier le milieu global ce qui entraîne une extinction massive d'autres espèces vivantes et la destruction du milieu. La Civilisation Occidentale est exceptionnelle dans son absence de frein à sa volonté de puissance, ne connaissant aucune limite par l'empire qu'ont sur elle les diverses idéologies et religions (les idéologies dérivent des religions).
Cette "exceptionnalité" (cf. "la destinée manifeste" des étatsuniens) des civilisations européennes l'a poussé à diffuser et imposer son modèle civilisationnel dominateur et destructeur (ce modèle est un mode d'insertion autodestructeur) ce qui a conduit à la situation catastrophique actuelle.

D'autres remarques concernant J. Camatte comme "vieux sage"
"Je n'ai pas d'ennemi[...]"
l'ennemi est sans doute en lui-même, et l'adversaire celui contre lequel on se bat. Lorsqu'on ne se bat pas, il n'est pas d'adversaire, et pas d'ennemi extérieur; "[...] tout enfermement s'abolit.", mais l'enfermement n'abolit rien.
Le monde ne saurait être "quitté", le quitter c'est le transformer, le transformer c'est se transformer.
Adé a écrit:adde n'dum, but not dumb
virus (*)
selon les hypothèses récentes les virus pourraient être les agents de la séparation-différenciation au sein de la "soupe primordiale" qui ont par leur activité poussé à se différencier les cellules jusqu'alors non individualisées, non séparées du bouillon...hmm... le bon bouillon indifférencié, moment primordial et unique où Nature et existence n'étaient pas séparées.
La "séparation" d'avec la Nature est là dans la différenciation et l'insertion au sein de ce bouillon (nature) et dans la dialectique de la production de la vie par la nature non-organique, pré-biotique, et de la nature par la vie: modification incessante du milieu et interactions espèce-milieu-espèces.
Toutes les évolutions dérivent de là, il n'y a pas de "séparation d'avec la Nature", tout être est séparé d'elle car il la produit relativement, il n'existe pas d'être en dehors de la Nature, la Nature de l'être est la relation à sa nature et à la nature du milieu sans cesse modifié, naturalisé. L'insertion modale de l'être constitue sa naturalité spécifique conditionnant son rapport en tant qu'espèce et qu'individu, son apport productif, évolutif, dynamique comme création, poétique (sens premier) c'est-à-dire Nature.

Changer le mode d'insertion au sein du milieu terrestre de l'espèce H.S.s est l'enjeu de siècle, il ne s'agit pas, et ne peut s'agir, de moyens visant d'une manière ou une autre à rétablir un lien là où était la séparation (la séparation n'est pas l'absence de liens). Cependant, le concept "inversion" peut se révéler utile car il recèle une dimension de profondeur quant au changement possible.
D'une certaine manière, l'inversion peut être le nom de cette nouvelle insertion et création du milieu. Dès lors, plus que d'Homo gemeinwesen, il doit être possible d'en rester à H.S.s espèce sociale formant des sociétés et communautés humaines insérées dans la communauté de vie, du vivant dont ils sont produits et qu'ils produisent.

HUMANISER LA NATURE, NATURALISER L'HOMME.
à propos de cette dernière formule, répétée (un mot d'ordre ?), je ne la comprends pas, et ce que je crois en comprendre, ne le partage pas. Naturaliser l'homme, admettons, cela pourrait correspondre à sortir de la séparation qu'Adé dénie. Mais "humaniser la nature" ? alors qu'Adé me semble critiquer l'anthropocentrisme et une exploitation/domination/destruction qui n'a pas commencé avec le capitalisme, celui-ci n'est-il pas le mode de production qui a le plus "humanisé la nature" ? Ça veut dire quoi, humaniser ?

les formules et concepts valent que ce qu'on y met et les mots ne contiennent pas leurs contenus. Je ne vais pas répéter ici ce que j'ai dit à propos de l'articulation entre "anthropocène" et "capitalocène". J'insupporte l'usage descendant des concepts qui n'aboutit qu'à des querelles insensées blindées au théoricisme et passant en général à côté des choses. Je laisse ça aux milieux de leurs radicalités concurrentes : je n'ai pas de concurrence, la bêtise s'abolit

le titre même de la rubrique ouverte en 2016, L'HUMANITÉ CONTRE LE VIVANT ? ET LE CAPITAL ?, ne faisait pas que poser ces questions, mais signifiait qu'à trop reprocher au genre humain, la tendance était à oublier le Capital, comme de même mettre tous les péchés du Capital sur le dos de l'Occident n'aboutit en rien à la nécessité de sortir du capitalisme d'une façon ou d'une autre. Ils sont bien intriqués l'un dans l'autre* mais dans une structure à dominante capitaliste, précision qui fait la limite de la pensée décoloniale

* re : LE CAPITAL, L'OCCIDENT, LA MONDIALISATION, et LEUR CRISE
au-delà de son intérêt propre, cette discussion montre une chose, c'est qu'il y a ici toujours une envie et une possibilité de discuter malgré l'absence d'abonné.e.s intervenant, ce qui au demeurant poserait un problème de lecture comme par le passé

qui le souhaite peut m'écrire à "Patlotchatfree.fr"ou en MP (ou pas) sur mon compte https://twitter.com/JPrefereNepas

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Message par Invité Lun 15 Juin - 9:53

reçu de Adé, les vidéos avec. Mes commentaires dedans.


Adé a écrit:une responsabilité de l'Occident
Les Européens des siècles précédents se sont partagé le monde, ils ont imposé leurs besoins et la façon de les satisfaire au reste du monde, à peu d'exceptions près, ce n'est pas une question de "faute", c'est ainsi que les choses se sont passés. Donc oui, une responsabilité particulière.

évidemment que l'Occident a joué un rôle prépondérant, une fonction motrice de l'histoire de sa domination vers celle du capitalisme mondial, et ça effectivement à partir de "1492", mais le terme de "responsabilité" me gêne, il m'évoque "réparations". Mais l'Occident comme tel ne peut rien réparer, pas plus que le Capital, qui est irresponsable, et c'est bien pourquoi il faut s'en défaire

Aujourd'hui, le capitalisme, ou n'importe comment qu'on veuille le nommer, est partout, et je ne vois pas que j'ai laissé entendre que celui importé et naturalisé soit meilleur, ou autre, que notre bon vieux capitalisme local-global. Dont acte

Non, c'est une responsabilité historique qui a une incidence jusqu'à maintenant, à l'heure de la perte relative de puissance des Occidentaux et de leurs alliés, le modèle poursuivi demeure d'inspiration occidentale, les classes moyennes et le mode de vie qui va avec.

il nous faudrait mieux connaître l'Asie, l'Inde, la Chine, le Sud-Est asiatique, l'Indonésie... les régimes politiques du 20e siècle ("communisme", capitalisme d'État) y ont suivi et suivent des voies syncrétiques intégrant leur culture, la différence est très perceptible avec le Japon, qui à partir de son "ouverture" à la fin du 19e siècle s'est très clairement occidentalisé, américanisé, encore que, il faut le connaître de l'intérieur...

Naturaliser l'homme, humaniser la nature : Manuscrits de 1844. Et dès 1844, Marx avait écrit :


« La société est l’achèvement de l’unité essentielle entre l’homme et la nature (…)
le naturalisme accompli de l’homme et l’humanisme accompli de la nature »

tu as trouvé ça dans le texte Humaniser la nature, naturaliser l’homme..., janvier 2019, de Pierre Lenormand membre de Association Nationale des Communiste. Si cette citation de Marx n'est pas doublement marquée d'humanisme-théorique et d'anthropocentrisme, je me fais curé

Comment je prends les concepts tels que "errance de l'humanité", "séparation d'avec la Nature" ?

Comme de trop gros morceaux dont l'étendue sémantique est telle que le contenu injecté par J. Camatte est superfétatoire : "errance" veut dire "errer", voisin d"'erreur";  "séparation" même constat : "quitter" (antonyme : union), étendue sémantique très large: on se sépare de ses amis, femme, ou de ses affaires, etc. c'est déjà lourd, trop lourd, pareil pour "l'humanité", depuis l'origine jusqu'à nos jours, c'est trop.

je ne lis pas les concepts d'un penseur en les ramenant à leur étymologie ou leur pluralité de sens, sans quoi, il n'y a plus de philosophie possible

Mon impression est que le présent immédiat explique le passé lointain et que le passé lointain n'explique pas le présent.

C'est à la société actuelle que nous devons les problèmes actuels : les problèmes "environnementaux" sont spécifiques au mpc; certes il y a eu dans le passé, plus ou moins loin, des problèmes de cet ordre (Mésopotamie, Sahara, peut-être pour la civilisation Maya, etc.) cependant l'échelle est autre, passant du local, plus ou moins vaste, au global, au mondial : même caractéristique que le mpc par rapport aux autres périodes et modes de production  (modalités d'insertions dans le milieu)

Je pense que l'on s'égare (errance de la pensée) à chercher des explications de la situation actuelle dans un cheminement inscrit dans une histoire, préhistoire, protohistoire, dans un événement initial déclencheur. Cela ressemble trop à la psychanalyse, peut-être effectif individuellement, mais non en tant que détermination à la fois déterminante en "dernière instance" (ou sur déterminante) et générale : explication totale pour toutes les cultures et civilisations.

Ce qui m'intéresse dans J. Camatte c'est les conceptions telles que "anthropomorphisme", ou "communauté matérielle du capital" : c'est-à-dire quand il a quelque chose à dire du présent et de l'histoire du mpc, non comme commentaire des découvertes scientifiques et archéologiques et explication globale du devenir par le passé.

C'est comme si à trop chercher dans le passé et dans le général (humanité, espèce) on perdait la spécificité du mpc et de la période ouverte à partir des années post-deuxième guerre mondiale. D'ailleurs je sais que pour Camatte il n'est plus même question de mpc, ni de communauté matérielle, mais j'avoue ignorer de quoi il retourne selon lui, je verrais ça.

Mais je ne reviendrai plus sur ces affaires.

rien à ajouter que je n'aies déjà dit




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Message par Invité Lun 6 Juil - 10:58


CE MONDE DE CALOMNIES QU'IL FAUT QUITTER

en 50 ans, premier texte honnête émanant de la post-ultragauche,
de la théorie du prolétariat et de la révolution ou communisation
un long texte publié par Endnotes l'an dernier, traduit par La Tempête. Il y est question de Camatte et de ses compagnons autour d'Invariance. C'est, en bientôt  50 ans, le premier émanant de la post-ultragauche, ici aux marges de la théorie de la communisation, qui fasse litière des incompréhensions et déformations calomnieuses qu'elle répète ad nauseam au sujet de Camatte, à propos de sa rupture du début des années 70 avec la théorie de la révolution  prolétarienne*. Texte qui de ce point de vue rejoint donc mes considérations dans ce sujet ouvert il y a deux ans

* voir note 8 concernant notamment Théorie communiste et François Danel qui répétait encore récemment ses inepties sur l'humaniste- théorique de Camatte, et du mien par la même occasion

je ne donne que l'introduction. Le reste est très intéressant mais ne concerne qu'indirectement la suite, qui fait l'objet de ce sujet, càd ce qui suit dans l'œuvre de Camatte à partir des années 80, que n'aborde pas ce papier, alors que c'est le plus substantiel et important concernant la refondation d'une perspective communiste de sortie du capitalisme. Comme déjà dit, ce serait comme, en 1890, parler de Marx sans avoir pris connaissance du Capital, et n'ayant lu que ses œuvres de jeunesse

appréciable donc, un début d'intérêt honnête de ce milieu pour les travaux de Camatte. C'est toujours bon à prendre, mais nous n'allons pas attendre que les effaceurs de textes depuis 50 ans reconnaissent leurs erreurs initiales et rattrapent le retard congénital d'une théorie inamendable. Ne l'entretient plus que leur « mauvaise foi », revendiquée « féconde » en théorie par l'intellectuel le plus malhonnête et surestimé d'entre tous les théoriciens communistes : RS de Théorie Communiste, grand pourvoyeur du malaise permanent dans ce milieu malade de lui-même
La passion du communisme
Endnotes n°5, traduction La Tempête, 2 juillet 2020
Karl Marx a écrit:Mais toutes les émeutes, sans exception, n’éclatent-elles pas dans l’isolement funeste des hommes de la communauté [Gemeinwesen] ? Toute émeute ne présuppose-t-elle pas nécessairement cet isolement ? La Révolution de 1789 aurait-elle pu avoir lieu sans cet isolement funeste des bourgeois français de la communauté ? Elle était précisément destinée à supprimer cet isolement.

Mais la communauté [Gemeinwesen] dont le travailleur est isolé est une communauté d’une tout autre réalité, d’une tout autre ampleur que la communauté politique. La communauté dont le sépare son propre travail, est la vie même, la vie physique et intellectuelle, la vie morale [Sittlichkeit], l’activité humaine, la jouissance humaine, l’être humain. L’être humain est la véritable communauté [Gemeinwesen] de l’homme. […]

Quand bien même elle ne se produirait que dans un seul district industriel, une révolution sociale se place au point de vue de la totalité, parce qu’elle est une protestation de l’homme contre la vie déshumanisée, parce qu’elle part du point de vue de chaque individu réel, parce que la communauté [Gemeinwesen] dont l’individu s’efforce de ne plus être isolé est la véritable communauté de l’homme, l’être humain.

Karl Marx, « Remarques critiques en marge de l’article “Le roi de Prusse et la réforme sociale” »

INTRODUCTION
Si les travaux de Jacques Camatte sont reconnus dans le monde anglophone, le cercle élargi des personnes qui ont participé à la revue Invariance ou qui ont contribué au développement de ses idées – Giorgio Cesarano, Gianni Carchia, Furio di Paola, Carsten Juhl – reste méconnu. Cette tradition que Cesarano regroupait sous le nom de « critique radicale » connut sa période faste en Italie entre 1968 et 1974, période durant laquelle on comptait un grand nombre de ses adhérents dans les rangs de groupes politiques comme Comontismo, Ludd, et Organisation Conseilliste. Suite au suicide de Cesarano et à l’auto-dissolution de ces tendances, l’influence de cette tradition a largement marqué le pas, avant de réapparaître dans le cycle des luttes de la fin des années 70. Après quoi s’ouvrait une période de réflexion ; le moment était venu de dresser des bilans. Les « travaux de Cesarano (surtout Apocalypse et révolution et le Manuel de survie) étaient lus par de nombreux camarades, surtout parmi les plus jeunes »2. Plus tard, Antonio Negri a écrit des articles polémiques au sujet de cette pensée « pessimiste », alors que chez d’autres, comme Mario Mieli ou Gianni Carchia, les analyses d’Invariance ont marqué durablement leurs propres recherches3. Présenter ce contexte revêt une certaine importance pour les débats dans le monde anglophone, car quand on en vient au développement de la pensée politique italienne du siècle dernier, c’est généralement une histoire homogène qui est narrée et qui domine les débats, qui va de Gramsci à la théorie post-opéraïste – popularisée pendant le mouvement anti-mondialisation – en passant par l’opéraïsme et l’Autonomie.

2. F. di Paola, « Dopo la dialetica », Aut Aut, 165, 1978.

3. Les premiers travaux de Camatte sont parus dans des journaux bordiguistes. En plus du complément à la seule édition italienne de la revue Invariance en 1968, ses textes ont été plusieurs fois traduits et publiés en Italie durant les années 70. La nouvelle traduction de Mieli des Éléments de critique homosexuelle commence ainsi : « Les mouvements homosexuels contemporains sont apparus dans les pays où le capital est parvenu à sa domination réelle » suivi d’une longue note de bas de page à propos des développements camattiens à ce sujet, quant à Carchia, nous renvoyons à la traduction des Gloses sur l’humanisme [en français sur https://editionslatempete.com/category/en-marge-blog-2/%5D. Des journaux comme Agaragar et L’erba voglio ont perpétué cette tradition, puis des revues comme Insurrezione, Puzz et surtout Maelstrom, ont prolongé certaines tentatives.


Il semble primordial de réexaminer cet héritage post-bordiguiste et post-situationniste puisqu’on y trouve exposée une forme d’opposition communiste originale aussi bien au militantisme insurrectionnaliste qu’à l’ouvriérisme italien. L’un – le premier – étant rejeté en tant qu’idéologie sacrificielle, l’autre – le second – en tant qu’il postule l’existence d’un sujet prolétaire – que la sociologie actualise en « travailleur de masse » ou en « multitude », au fond peu importe – capable d’énoncer son propre projet constituant. Pour la tradition post-Invariance, le présent, au contraire, ne contient rien « d’humain qui soit assez stable [et puisse] être [une] alternative du capital »4. L’opéraïsme selon eux a échoué, incapable qu’il était de « poser l’objectif marxiste minimal : la négation du prolétariat » et de comprendre la tâche historique du présent comme « négation… »5

4. J. Camatte, « La révolte des étudiants italiens : un autre moment de la crise de la représentation » in Invariance, série III, numéros 5 & 6, 1980.

5. Ibid.


De même, l’action radicale des jeunes Indiens Métropolitains6 et de l’Autonomie n’annonçait pas l’avènement de nouvelles positions subjectives. Elle était plutôt le signe d’une crise de la subjectivité et d’un désir pour le communisme, seul susceptible d’être satisfait par la destitution humaine du capital, cette forme historique contingente7. Cet approfondissement italien de la pensée de Camatte semble s’opposer à la réception disons anglophone de ses travaux qui s’articule autour de trois points centraux : (1) Camatte serait devenu un anarcho-primitiviste partisan d’une communauté pré-capitaliste (2) il prônerait un retrait des relations capitalistes et (3) serait un humaniste abstrait8. Je ne proposerai pas ici une lecture systématique du travail de Camatte qui viserait à l’absoudre de ces trois interprétations. Je m’évertuerai plutôt à montrer de quelle manière son travail a rendu possible une pensée de la communisation comme destitution de la forme-capital, de quelle manière il a proposé une approche/compréhension éthique mais non-quiétiste des milieux révolutionnaires dans leurs rapports au mouvement réel, et enfin, de quelle manière il a développé un concept non-humaniste de la déshumanisation.

6. Les Indiens Métropolitains formaient une des branches de l’Autonomie apparue en 1975, qui faisait la part belle aux affrontements de rue. Leur nom est inspiré d’un slogan de l’époque : « Quittons les réserves », désignant par là l’existence métropolitaine moderne.

7. Ceux qui prennent aujourd’hui les choix de vie de Camatte pour des préconisations ou pour une position quant à la manière de mener à bout une révolution oublient la critique résolue adressée par les bordiguistes à l’activisme : « Je conserve le même esprit, intact : les hommes ne comptent pas, ils ne représentent rien, ne peuvent avoir aucune influence ; les faits déterminent les situations nouvelles. Et lorsque les situations sont mûres, alors les hommes émergent… Je suis très heureux de vivre loin des épisodes ridicules et mesquins de la politique dite militante, de la chronique des événements au jour le jour. Rien de tout cela ne m’intéresse » – A. Bordiga cité dans A. Peregalli et S. Saggioro, Amadeo Bordiga : La sconfitta e gli anni oscuri, Edizioni Colibri, 1998.

8. On trouve le premier point (1) présent dans un texte comme celui de T. Barker, « The Bleak Left », N+1, no. 28, juin 2017. Le second (2) est discuté par R. Brassier dans « Wandering Abstraction » paru dans la revue Mute, février 2014. Le troisième (3) est suggéré par Théorie Communiste et François Danel in Rupture dans la théorie de la révolution, Senonevero, 2003.


Camatte et, plus largement, Cesarano, ont une approche plus étendue de l’histoire de la domination, plus proche à certains égards d’une histoire civilisationnelle comparable en cela à La dialectique de la Raison d’Adorno et Horkheimer. Une approche qui n’a rien d’un exercice abstrait mais qui, à travers la lecture des Grundrisse de Marx ou de sa Critique de l’économie politique (Urtext) rend compte du processus historique spécifique par quoi une forme très particulière s’est autonomisée. Une telle recherche ne vise pas à rejeter tous les vestiges de la modernité et toute forme de technologie – « le rejet total du produit historique… le retrait total »9 – mais à rendre clair ce que pourrait signifier la mort potentielle du capital, rendue explicite par la destitution de ses formes aujourd’hui dites essentielles. L’ensemble des travaux de Camatte durant les années 70 n’est ni un primitivisme, qui chercherait à retourner à des formes communales pré-modernes, ni un accélérationnisme, qui viserait au dépassement du capitalisme par l’approfondissement de ses contradictions, mais plutôt une théorie anti-utopique, qui vise précisément à restaurer le processus historique en partant de ce point fixe qui se reproduit qu’on appelle capitalisme – un processus susceptible d’émerger à partir des potentiels fragmentés aujourd’hui existants, l’œuvre « de millions d’hommes ayant opéré obscurément durant des millénaires. […] le devenir immense de ces millions de forces qui se cristallisent […] à un moment donné. »10

10 J. Camatte, Bordiga et la passion du communisme, Spartacus, 1974.

C’est en lien avec ce dernier point que Camatte développe son concept de Gemeinwesen, qui ne peut être saisi ni comme communauté pré-moderne ni comme nouvelle communauté universelle de l’humanité. Il faut appréhender ce concept comme réponse à la problématisation au sujet de la vie historique de l’humanité ; que pourrait signifier le fait qu’elle soit désormais bloquée ? On peut ainsi regrouper en un même plan de consistance les travaux de Camatte et ceux de Walter Benjamin, Aby Warburg, Gilbert Simondon et André Leroi-Gourhan. La cohérence d’une telle constellation – ces non-humanistes qui ont néanmoins passé leur vie à scruter les archives de l’humanité – est donnée par leur acharnement autour d’un questionnement. Les capacités intellectuelles et pratiques de l’espèce humaine ne sont pas des données biologiques mais des restes du passé, découverts dans certains médiums transgénérationnels, n’importe lesquels, contenus et transmis par eux – des images, des énoncés, des formes techniques. Ainsi, que signifie, pour l’espèce humaine, le fait de défaire les plis de la vie historique ?

Tous comprenaient que l’affirmation avant-gardiste de la machine, c’est-à-dire l’affirmation même de la modernité, était compatible avec l’exigence d’une mise à l’arrêt du progrès et du processus de modernisation11.

11. Fiodorov disait que l’humanité entière devait rejeter le progrès. En dirigeant son attention vers le passé elle se donnait la tâche commune de ressusciter les morts. Cette recherche a abouti, via Bogdonov et Tsiolkovski, à la création du cosmisme russe et aux premiers résultats pratiques en astronautique. A ce propos, voir l’Exploration de l’espace cosmique par des engins à réaction de Tsiolkovski. « Le progrès est cette forme de vie par quoi la race humaine peu goûter la plus grande somme de souffrance, tandis qu’elle s’efforce à atteindre la plus grande joie… Si la stagnation c’est la mort, si la régression n’est pas le paradis, le progrès est un véritable enfer. La véritable tâche de l’humanité consiste à sauver les victimes du passé, à les guider hors de l’enfer. » Nikolaï Fiodorov, in Pour quoi les hommes ont-ils été créés ? (Honeyglen 1990), 51

Persuadés que « même les morts ne seront pas en sûreté » et qu’il n’y a « qu’à l’humanité rédimée qu’échoit pleinement son passé »12, Camatte et Cesarano disaient que l’espèce était devenue réellement dominée, dans ses œuvres et ses désirs, assujettie à un spectacle inhumain par l’impératif de la valorisation qui porte le nom de capital.

12. Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, in Œuvres III, Gallimard, thèse VI et thèse III, respectivement, pp. 431 et 429.

Les gens qui gravitaient autour d’Invariance vinrent buter contre ce paradoxe, qui est toujours le nôtre : la loi de la valeur domine la vie, cependant, notre espèce déshumanisée doit rompre avec les médiations particulières du capital afin de réclamer l’entièreté de son passé et « se livrer joyeusement aux véritables divisions et aux affrontements sans fin de la vie historique »13. C’est à cette fin qu’il demeure important d’explorer à nouveaux frais le concept de Gemeinwesen cher à Camatte et Cesarano.


13. Guy Debord, Préface à la quatrième édition italienne de La Société du spectacle, Champ libre, 1979.

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Message par Invité Ven 17 Juil - 12:04


POINT D'ABOUTISSEMENT SANS ERRANCE

à propos de

Point d'aboutissement actuel de l'errance

(Version définitive et corrigée)

Jacques Camatte, Invariance, 13 juillet 2020
je n'avais pas d'abord posté ÉTATS D'ÂME SOLITAIRES, EN CANON : Borderland dans ce fil sur Camatte. Je le fais parce que cela a fait réagir l'ami Adé : « J'écrirais plus tard à propos de tes derniers articles (Camatte et le point de vue de Sirius) »*
L'expression "voir les choses du point de vue de Sirius" (littéraire) s'utilise de façon métaphorique et signifie "considérer les choses avec largesse, générosité, recul, bienveillance", c'est-à-dire en en relativisant leurs aspects négatifs. Sirius, l'étoile la plus proche de la Terre après le Soleil, symbolise l'éternité, par conséquent la sagesse ultime.

si par cette expression Adé pense que je prends les choses de très haut (« savant professeur »*), comme semble le faire la suite de son propos, comme d'hab' ironique à souhait, - drôle mais témoignant plus d'un déficit argumentaire que d'un surplus de compréhension vu sa manifeste déformation de Camatte : a-t-il lu ce texte ? -, il risque d'être déçu par mes CONFESSIONS D'UN PENSEUR SOLITAIRE, adieu à la théorie, puisque j'ai décidé d'en rester là concernant mon travail théorique, pour autant que mes considérations puissent prétendre à ce statut, et pour autant que ce statut quand il n'est plus que cérébral ait le moindre intérêt dans la vie, c'est-à-dire dans la vie au présent : dans la mienne, plus aucun, par déficit d'implications vitales, et je ne vais pas me raconter des histoires, car si une chose me distingue de beaucoup, c'est de ne pas faire comme si, - notamment comme si je comprenais ce que je critique avec superbe - de ne pas jamais faire semblant d'être à la hauteur d'où voir les choses de très haut

je ne suis pas du genre Icare, à me brûler de zèle

* 17 juillet. Désolé, je n'avais pas compris que cela s'adressait à Camatte, mais je ne vois pas en quoi il mérite cette charge aussi stupide que celle de ses calomniateurs d'ultragauche

Adé a écrit:Ach!
Le prof c'est pas toi, c'est lui: de Sciences Naturelles, ou Sciences de la Vie et de la Terre, Jacques Camatte le fut, jusqu'au jour de sa retraite, puis se retraitant retraité s'en fut en Tarn, et tant mieux pour lui.
Pas d'ambiguïté, n'est-ce pas ?
Théo rit et vint sans pleurs, adieu donc conscrit du bon vouloir, ciao théo, le théorème, comme on rame, la barque pleine, ras le flot, le bol, la coupe aux lèvres dégoûte de toutes les liqueurs fades qui font suer, rire, pleurer.
Théorique adieu all right !


15 juillet, ÉTATS D'ÂME SOLITAIRES, EN CANON : Borderland

Patlotch a écrit:
« Borderland est le seuil, la porte, l’espace liminal que nous traversons avant de passer à autre chose.
La composition est un canon rythmique court pour guitare solo. »

Miles Okazaki

nous autres, de la génération ayant découvert le communisme dans les années 60-70, avons le plus grand mal à en envisager la perspective autrement que par une révolution et celle-ci produite par un autre sujet révolutionnaire que le prolétariat

mais, surtout, nous présupposons que l'essentiel aura été accompli une fois débarrassé du capitalisme, de ce qui le définit, la valeur en procès, l'exploitation de la force de travail, les échanges dans l'économie marchande, l'État comme son grand intendant, etc. Courte vue incommensurablement superficielle

au-delà de mettre en cause le concept de révolution tel que réduit par les "marxistes", j'ai conscience de limiter la perspective en posant prioritairement I. LE POUVOIR POLITIQUE de l'ÉTAT du CAPITAL vs L'ADMINISTRATION COMMUNISTE DES CHOSES et II. LA CRITIQUE DE L'ÉCOLOGIE POLITIQUE, complément à la Critique de l'économie politique

un fossé théorique
si on le met en regard de mon intérêt pour l'œuvre de Jacques Camatte, résumée récemment dans 14. Point d'aboutissement actuel de l'errance (Version définitive et corrigée), 13 juillet 2020, on ne peut manquer de voir un fossé entre les deux approches, y compris en considérant que ces deux points relèveraient d'une immédiateté dans un présent-futur, là où Camatte propose un arc historique considérablement plus large portant sur l'histoire de l'espèce humaine dans la perspective de la Gemeinwesen*

Camatte a écrit:En ce qui concerne le mot Gemeinwesen nous renvoyons à nouveau au Glossaire, en rappelant que nous l'avons adopté en lieu et place de communauté, que nous employons également, mais qui manque de la dimension du devenir que contient le mot allemand et de la dimension d'intégration dans la nature, ce qui est vrai aussi pour d'autres mots allemands signifiant eux aussi communauté, tels Gemeinschaft ou Gemeinde. En revanche Gesellschaft intégrant lui aussi l'idée de commun et qui signifie société en français, implique l'existence de l’État, d'une médiation tendant à organiser le "commun" et donc à exercer une répression pour le bien de ce dernier.

a priori, on voit mal comment la visée que j'assigne au dépassement du capitalisme serait en lien avec ce que Camatte appelle le processus d'Inversion et son émergence produite par la prise de conscience consécutive au risque d'extinction

de cet écart je ne suis pas satisfait. D'un côté je poursuis malgré moi une vision positive du communisme comme Gemeinwesen, d'un autre je vois Camatte dans une quête sans cesse élargie, au moins depuis 1997, quand il forge le concept de spéciose, une maladie de l'espèce (comme on dit névrose, psychose pour l'individu), qui évoque aussi la spéciosité, "caractère de ce qui semble vrai mais qui est faux, qui cherche à tromper"

« Toute l'excellence de leur art consiste en un pompeux galimatias, en un spécieux babil,
qui vous donne des mots pour des raisons, et des promesses pour des effets. »

Molière, Le Malade imaginaire, 1673

autant dire qu'il est difficile de trouver une quelconque jonction théorique entre nos deux approches, celle de Camatte me paraissant parfois un peu lunaire, ou martienne, voire plus loin : trop loin ? Pourtant je reste persuadé qu'il met le doigt sur quelque chose de plus profond que n'ont jamais relevé aucun penseur ou philosophe, aucun théoricien du communisme, quelque chose sur quoi on ne peut faire l'impasse

que fais-je ?
à vrai dire, à ce stade et dans mon état d'esprit actuel, j'y accorde d'autant moins d'importance que j'ai acquis quelques certitudes sur l'improbabilité d'une révolution et que le plus certain me semble l'incapacité de l'espèce humaine à endiguer son auto-destruction. Que puis-je faire, à mon âge, que m'en foutre un peu, dans la mesure où je n'y peux strictement rien ?

dans ce forum se recoupaient en permanence, du point de vue de la perspective communiste, 1) cet essai de vision à long terme, 2) un héritage de la tradition marxienne révolutionnaire, et 3) une tentative (tentation ?) de lire dans les événements quotidiens quelque chose qui aurait un rapport avec ces deux points, ou de les analyser selon les critères qui en résultent. Rien de moins évident. Le concept même d'idéologie est si galvaudé qu'il semble faible pour traduire la distance qu'on peut déplorer entre ce que l'on pense et théorise et ce que l'on observe avec un minimum de précautions pour éviter l'objectivisme et le subjectivisme


Arrow

il en résulte, est-ce passager ?, que je poursuis mon labeur par habitude plus que par conviction d'un intérêt quelconque pour ma lectorate. C'est un moment où la balance penche vers une culpabilisation, perdre des heures en vaine théorie au lieu de me consacrer entièrement à une pratique de la guitare sur les chemins où je suis seul à pouvoir en tirer quelque chose de nouveau, par l'utilisation des techniques inédites que j'invente et préconise. C'est un domaine dans lequel, avec la poésie, je ne suis pas limité à la théorie, bien que j'en produise ; j'y suis entièrement libre de ma praxis

oui, c'est cela : laisser aller tout le fatras divinatoire à son évanescence et disparaître des écrans
16 juillet
Adé a écrit:
CAMATTE ET MOI Solarflare-1200x1145
Photographie du Soleil prise à 77 millions de kilomètres. Nasa. Solar Orbiter.

De loin donc, moitié distance terre-soleil.
De loin également Jacques Camatte, de loin pas d'hommes, ni de femmes, ni blancs, ni noirs, une espèce.
De loin: un arc historique, une longue ligne arquée, comme toute ligne composée de points qu'on ne voit pas de loin.
De loin, après coups, une trajectoire fatale toujours déjà là, depuis toujours de loin. vu comme ça tout s'explique;
La destinée pénétrable d'une espèce vue de loin.
Elle a chopée l'ontose, la spéciose spécieuse, l'espèce toute: malade d'elle-même de sa spécieuse spéciosité spéciale: le singe intelligent intelligent sapiens 2 fois pour une seule espèce. De loin, la ligne courbe de l'arc; vue de près, ça donne quoi ?
Des virages, des lieux, des différences, des cultures, des couleurs, des corps, des sexes, des vieux, des bébés, pas de ligne, pas d'arc, des moments, des brisées.
Une construction, une continuité factice, spécieuse, surplombante, englobante, explicative.
Expliquer ? comprendre ?
Laisse moi rire, savant professeur, un clignement d'œil, voilà.

CONFESSIONS D'UN PENSEUR SOLITAIRE

adieu à la théorie

« Il est absurde et criminel envers soi-même de donner à l'Histoire
plus qu'elle n'est capable de vous rendre, soi-même vivant
(si l'on ne croit pas au paradis, à l'enfer, etc.) »

Roger Vaillant, Journal intime
il arrive un moment où il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que l'on est dépassé par l'ambition de ses propres exigences de penser, dépassé intellectuellement, et que continuer poserait un problème d'éthique

dépassé par des textes que l'on ne comprend pas faute des connaissances nécessaires, ou de pouvoir vérifier ce qui est affirmé, nécessairement sans preuves* puisque portant sur un passé largement inconnu encore ou un avenir imprévisible. Jusqu'à ne pas savoir si les questions posées sont pertinentes, même si l'on sent confusément qu'il ne s'agit pas de n'importe quoi, que c'est peut-être important voire décisif, mais possiblement aussi nébuleux, inintelligible par autre que leur auteur. Des questions dont on n'arrive pas à décider si elles sont de bonnes questions, si l'on doit même se les poser
*

Jacques Camatte a écrit:Notre visée est de constituer des repères concernant ce qui est advenu dans la diachronie comme dans la synchronie en même temps qu'à révéler les thèmes fondamentaux de la spéciose, ses constituants spécifiques qui tendent à la caractériser, en tenant compte que certains thèmes tendant à dominer ou à régresser en fonction du devenir de l'espèce. Ces repères ne pourront être présentés que sous forme de thèses, c'est-à-dire des affirmations sans démonstration, illustration.

ainsi du dernier texte de Jacques Camatte, 14. Point d'aboutissement actuel de l'errance (Version définitive et corrigée), 13 juillet 2020, qui me donne intellectuellement le tourni

[...]

un moment où il faut s'avouer qu'on n'est pas à la hauteur de la tâche (?) qu'on s'était assignée, un peu par hasard et de fil en aiguille car c'est elle qui s'était emparée de vous, comme vous confiant la mission de la conduire à bien. Jusqu'où ? Jusqu'où cela s'avère à vos yeux impossible, ou du moins qu'on n'en a plus envie

un moment où il faut savoir qu'au fond, ça ne nous intéresse pas vraiment d'aller plus loin, ou de répondre à des questions qu'on ne se posait pas et qu'on n'a pas l'intention de se poser. Non, ce n'est pas du refoulement : on ne sait pas, je ne sais pas

ce que je sais, ce dont j'ai établi au moins pour moi la preuve, c'est que beaucoup est faux et fantaisiste de théories communistes que j'ai tenues un temps pour sérieuses, rigoureuses, incontournables, alors qu'au-delà d'erreurs de méthode et de raisonnement logique, l'objectif qu'elles assignent au mouvement du communisme est excessivement superficiel et incomplet. Cela s'est effondré en moi. Ceux qui les ont construites ne jouent pas dans la même cour que l'auteur du texte dont je parle plus haut, aux confins de ma compréhension et de mes questionnements existentiels au présent, mais que je ne prends pas pour de la gnognotte

je ne joue pas dans leurs cours, la mienne est très petite bien qu'elle ne soit entourée d'aucuns murs, autres que ceux de mes sens, de ma raison et de mes désirs

je vais m'arrêter là. Me consacrer à ce qui est à ma portée, dans quoi j'ai des résultats concrets et probants qui en promettent de meilleurs pour peu que je m'y colle avec plus d'intensité.  Car il faut s'adonner entièrement à ce que l'on sait et peut faire de meilleur. Peu importe à ce stade la reconnaissance, je n'en suis pas à lui accorder la moindre importance, ni découragé par son absence. Peu importe même qui cela intéresse, dès lors que j'en suis

adieu donc à la théorie

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Message par Invité Lun 21 Déc - 7:43

d'hier, réédité pour l'ajout d'une note :
quand le doute s'empare de la théorie de la communisation comme... théorie de la communisation


lettre ouverte
À UN AMI
qui m'a demandé mon "prudent avis"
sur une cabale tout sauf innocente

(je ne me fais pas ici le défenseur de Camatte mais d'une simple vérité
pour qui veut se confronter honnêtement à sa pensée,
et je saisis l'occasion pour un point sur ma relation à son œuvre)
à propos de Camatte, il a mis à jour son dernier texte de synthèse*, mais je n'ai pas relayé

* 14. Point d'aboutissement actuel de l'errance, 9 décembre 2020

à vrai dire, il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour considérer que la pensée de Camatte aussi, comme tous les marxismes à la suite de Marx lui-même, relève d'une vision d'un progrès en histoire, d'une issue salvatrice pour l'humanité. C'est au fond la motivation plus ou moins consciente qui sous-tend subjectivement ces conceptions au-delà de ce qui les différencie ou les oppose, révolution ou pas, prolétarienne ou pas, 'inversion' ou pas... C'est le noyau dur d'idéologies reposant sur des croyances, fois bien que non religieuses, idéologies qui sont le relai historique athée de la "religion opium du peuple" depuis que "Dieu est mort" (Nietzsche...), qu'il s'agit ensuite d'alimenter en les construisant et présentant comme "théories", avec ce que cela laisse entendre de scientifique, raisonné, rationnel, "matérialiste", et en masquant ce que cela évacue qui n'entre pas dans le schéma démonstratif *

* quand le doute s'empare de la théorie de la communisation comme... théorie de la communisation
hasard ou nécessité, un texte très fin de Peter Harrison publié au lendemain de celui-ci fait étonnamment écho à la question du communisme comme mouvement réel au présent et de son débouché, inéluctable ou non, sur une révolution communiste. Il y soulève les mêmes questions que moi quant au caractère plus ou moins prédictif de la théorie de la communisation dans ses différentes versions, avec une réflexion nouvelle sur le caractère "scientifique" de la théorie communiste. Ma réponse est néanmoins plus tranchée : ces gens-là (Camatte y compris, dans son genre), prennent leurs désirs pour des réalités à venir, et observent le présent en vue d'annoncer la réalisation de leurs fantasmes. Jusque-là, l'annonce est marrie, mais ils surfent tous sur le fait qu'une annonce concernant l'avenir, sa réalisation est toujours possible et la preuve apportée après coup, d'où ils tirent que leur "théorie" ne peut être fausse. La question est désormais posée de l'appellation même de cette théorie communiste comme communisation, - label optimiste des années 2000 -, puisqu'elle serait définie par son issue, alors que plus rien ne l'alimente. On observe d'ailleurs ici ou là un prudent repli... La suite ici


évidemment, si l'on ne souscrit pas à un tel déterminisme d'une fin heureuse de l'histoire, on a du mal à prétendre s'inscrire dans une quelconque vision communiste des choses et moins encore comme « mouvement réel qui abolit l'état actuel » (L’Idéologie allemande, 1845), si ce n'est pour faire au présent la critique du capital, à laquelle ne se réduit pas Camatte, raison pour laquelle il ne parle plus de communisme, pour lui lié à la période révolue des révolutions suivant la lutte des classes*

* en quoi il est d'abord stupide, car dénué de fondement théorique comme de preuves, et par suite "diffamatoire et crapuleux" comme tu l'écris, de seulement juger plausible la moindre accointance de Camatte avec Francis Cousin, et ici de relayer pareille ineptie sans mise au point, dont on est certes incapable quand on ne connaît au mieux de Camatte que son œuvre antérieure à 1980, comme figé à l'époque où l'on pouvait soi-même prétendre à une théorie, avant de sombrer dans une pure idéologie sectaire débilitante

quel est l'enjeu, ou pourquoi et comment sont-ils tombés aussi bas ?
quant à moi, je ne sais plus trop à quoi tient encore mon "communisme", si ce n'est une posture éthique, disons celle d'un combat nécessaire d'abolissement du capital et bien au-delà de ce que fait le capital, puisqu'une révolution communiste telle qu'envisagée par les plus radicaux des marxistes, dont les partisans de la communisation, est loin d'aborder les aspects les plus profonds du problème, la concurrence entre individus pour la vie et leurs regroupements belliqueux par catégories d'intérêts objectifs immédiats, qui ne sont évidemment pas que de classes, et le seraient encore même s'il n'y en avait plus

en quoi Camatte est au moins intéressant, qui creuse tout ça depuis les années 80, et c'est comme par hasard à partir de là qu'il n'intéresse plus l'ultra-gauche et ses héritiers communisateurs qui en disent depuis pis que pendre, hommes de leur passé et de leur passif qu'ils traînent depuis narcissiquement comme un boulet transcendantal, car ce sont eux qui évacuent ce Camatte post-1980 du fait qu'ils en ont peur comme de leur propre vérité, d'où le texte Qui a peur de Jacques Camatte confiné par le même auteur Federico Corriente aux années pré-1980 comme chaînon manquant... à leur propre histoire théorique (texte de 2015 que tu connais bien pour l'avoir traduit), ce que j'ai souligné dès le début et tout au long de ce sujet

on comprend mieux alors pourquoi, dépités face à l'impossibilité de réduire Camatte à la transition à la théorie de la communisation puis à sa "trahison" en ignorant l'essentiel de sa pensée depuis 40 ans, les procédés auxquels ils ont recours aujourd'hui en dernier ressort, leur fins dérisoires justifiant leurs moyens méprisables : laisser entendre en bons jésuites via un "lecteur" anonyme et non contredit qu'il "fricote avec l'extrême-droite"*, ces communisateurs de niveau facebook émissaires s'approchant du point Godwin : « Plus une discussion en ligne dure, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s'approche de un. » Ironie du sort, les voilà devenus "antifascistes"...

* pour qui veut en avoir le cœur net, et une explication crédible et vérifiable qu'ils se garderont bien de donner, j'ai remonté le fil de cette ânerie selon laquelle « Camatte fricote depuis qq temps avec les petits soldats perdus de Francis Cousin c’est à dire avec l’extrême droite...» ; elle repose sur un double amalgame, de Camatte avec le Cercle Marx, puis de celui-ci avec le site/radio de Cousin Guerre de classe, l'impayable Cousin qui ose le pseudo 'Florence Charrier'... : c'est complètement vide quant à la moindre responsabilité même théorique de Camatte là-dedans où il n'intervient pas, et à quoi il ne fait référence nulle part, laissant pisser les insultes depuis les années 70

il faut apprendre à lire ou admettre, partant du fait que Cousin a depuis des années détourné du Roland Simon de Théorie Communiste, que celui-ci et ses "petits soldats perdus fricotent avec l'extrême-droite" aussi, mais, à la différence de Camatte, certain de ses compagnons de route passager est réellement passé de la communisation au 'Socialisme conservateur-révolutionnaire européen', In Limine pas très éloigné de certaines thèses de Francis Cousin, et dont dndf relayait complaisamment les textes en 2011-2013 comme les commentaires de leur auteur Max l'Hameunasse. J'avais depuis analysé en quoi un tel glissement confusionniste était rendu possible par les fondements eurocentristes mêmes de la théorie de la communisation, sur quoi la bande à RS/TC était restée muette, et pour cause...

comme quoi est bien petit le monde des Clowns et clones des arrière- et avant-gardes, et des mésaventuriers de la classe perdue, théologiens du prolétariat et théorichiens de garde de l'ex-communisation


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sur le plan perso et comme repli ou fuite devant l'impuissance à pouvoir y changer quoi que ce soit, j'adopte un cynisme à la Diogène, cf Palante ici, qui n'est en fait qu'une position éthique voire morale, mais une morale personnelle - une droiture - qui ne vaut que pour soi, dont je ne fais pas prosélytisme en prose élitiste, puisqu'inaccessible au grand nombre par intérêt de préserver ce qu'il a, les chaînes dont il croit bénéficier, et impossible à mettre en œuvre pour tous de par sa nature anti-sociétale, qui isole dans la solitude. C'est désespérant ? Oui, mais Ôtez-vous de mon soleil !

CAMATTE ET MOI Diogenes-of-sinope-in-wine-barrel-with-dog-and-alexander-the-great-illustration-id961311022?k=6&m=961311022&s=612x612&w=0&h=zORAhBP9kR1XujtldXvi3NELotrSgI0PTLT_8Upm-R0=

le seul sujet pensant véritable est l'individu, même quand plusieurs s'agglutinent autour d'une pensée, d'une idée acceptée collectivement, car ce n'est pas le collectif qui pense, ni à l'échelle d'une classe, ni à celle de l'humanité. "L'idée s'empare des masses", ce ne sont pas les masses qui s'en emparent, elles en sont emparées et ça les dépasse en entendement comme en conséquences quand "l'idée devient force matérielle". Une classe même "pour soi" n'est pas un sujet pensant, c'est un sujet qui suit, en "conscience de classe", ce qu'il prend pour ses intérêts collectifs ; les mouvements de masse en histoire sont essentiellement moutonniers, et l'on vérifie déjà au niveau du groupe cette aliénation volontaire, une auto-castration, un auto-confinement

l'humanité même n'est pas un sujet conscient, elle n'a aucune unité de pensée et d'action. Il n'y a pas de sujet unique qui fasse l'histoire, et pas davantage "la classe dominante", l'histoire faite par les rapports entre classes et "à la nature", qu'elle ne domine que très relativement et sans les contrôler, ce que montre la période actuelle : le capitalisme comme système et sa classe comme sujet ne savent pas où ils conduisent le monde, il s'en foutent, leur dynamique d'existence est ailleurs, aveugle, mais qui s'y oppose frontalement ne le sait pas davantage dans son anti-capitalisme pour tout horizon, et là-dessus au moins, Camatte a raison

tu vois à quoi j'en suis arrivé, pitoyablement au regard de toute vision progressiste et révolutionnaire, j'en conviens. Ma seule satisfaction est de n'avoir plus rien à voir avec un quelconque "camp du bien", ni tous ces bavasseurs à la belle âme ignorant d'où ils parlent même, parce qu'au fond, si l'on promeut telle thèse au nom du bien de l'humanité, de son avenir radieux, c'est d'abord pour se convaincre qu'on en est et le faire savoir, avec la bonne conscience de "ne pas perdre son âme", c'est le subjectivisme dont je parle plus haut, et il est n'en déplaise de fondement moraliste, à preuve les excommunications systématiques entre sauveurs du monde. L'avenir ? Adieu ! Avec l'âge, va, tout s'en va, on s'en fout d'autant plus qu'on est de moins en moins concerné, mais cela, avant de le reconnaître...

[...]

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Message par Invité Jeu 11 Fév - 12:18

13 février 2021

importation du sujet "CAMATTE ET NOUS", renommé. Ce nous ayant fondu comme beurre en broche n'a plus de sens. J'aurais pu y ajouter des guillemets, mais de qui s'agirait-il ?

avant cette fusion, le sujet comptait 25 messages lus 5022 fois

SI LA POPULATION MONDIALE DEVENAIT 20 FOIS MOINDRE
chacun.e aurait autant de place que... Jacques Camatte
dans « un petit paradis terrestre »
un chiffre me trottait dans la tête, celui de la prospective de Jacques Camatte quant à dépopulation mondiale nécessaire pour que la vie sur terre soit viable pour toutes les espèces

Peter Harrison y fait allusion dans la note 45 au texte  “Nous vrillons; nous ne “devenons” pas”, December 18th, 2020

Peter Harrison a écrit:Pour savoir pourquoi la taille de la population nécessite une solution managériale à l’organisation de la société, voir La liberté des choses, La Gemeinwesen a toujours été là, et Les derniers humains avril 2020, CounterPunch. Camatte soutient qu’une fois que “nous aurons quitté ce monde”, “il faudra quelques milliers d’années pour que le nombre d’êtres humains atteigne entre 250 et 500 millions – ce qui était probablement la population avant la grande séparation de la nature causée par la révolution agricole – et qui permettra à toutes les formes de vie de prospérer”, extrait de Instauration du risque d’extinction, fn 14, avril 2020, Revue Invariance, (ma traduction). Toute réduction forcée de la taille de la population serait, bien sûr, horrible et maléfique (ainsi qu’inutile), et c’est une autre partie de la raison pour laquelle il est impossible d’échapper à la civilisation.

la phrase avant retraduction est en note 14 de Instauration du risque d'extinction, 30 avril 2020
Jacques Camatte a écrit:À partir du moment où nous entreprendrons l'inversion, il nous faudra quelques milliers d'années pour que le nombre d'êtres humains oscille entre 250 à 500 millions, comme ce fut le cas probablement avant la grande séparation opérée avec la pratique de l'agriculture et de l'élevage, permettant à toutes les formes de vie de prospérer.

je me disais qu'il était impossible que la population mondiale soit aussi élevée à cette époque. Les chiffres de Camatte renvoient plutôt au Moyen-Âge classique, avant la Renaissance, et il y avait alors belle lurette que les humains pratiquaient l'agriculture (~ 10.000 av. J.-C.) et l'élevage (~ 9000 av. J.-C.), et la population mondiale était alors 25 à 50 fois inférieure

Année Population mondiale
-100 000 0,5 million
-10 000 1 à 10 millions
-6 500 5 à 10 millions
-5 000 5 à 20 millions
400 190 à 206 millions
1000 254 à 345 millions
1250 400 à 416 millions
1500 425 à 540 millions

1700 600 à 679 millions
1750 629 à 691 millions
1800 0,813 à 1,125 milliard
1850 1,128 à 1,402 milliard
1900 1,550 à 1,762 milliard
1910 1,750 milliard
1920 1,860 milliard
1930 2,07 milliards
1940 2,3 milliards
1950 2,5 milliards
1950 2 536 431
1960 3 034 950
1970 3 700 437
1980 4 458 003
1990 5 327 231
2000 6 143 494
2010 6 956 824
2020 7 794 799

source : Population mondiale, Wikipédia

il a donc fallu 5 siècles pour que la population mondiale soit multipliée par 20, et atteigne 8 milliards. Il n'y a pas de raison pour envisager un temps aussi long, en « milliers d'années », pour sa diminution inverse, ceci indépendamment de l'optimisme de Camatte, et sans être particulièrement collapsiste ; il suffit de tabler sur quelques "bonnes guerres" et autres catastrophes "naturelles", mais sans espérer, pour ma part, qu'elle conduisent, via une révolution ou pas, à ce paradis sur terre

la datation de Camatte étant erronée, retrouver les conditions d'« avant la grande séparation opérée avec la pratique de l'agriculture et de l'élevage », alors que la population mondiale avoisinait 10 millions, supposerait une division par 500 ou 1000 ! Je ne poursuivrais pas cette hypothèse...

pour donner un ordre de grandeur, sachant que la densité mondiale est actuellement de 52,7 hbts/km2 (7,846 milliards pour 148 647 000 km2 de terres émergées), et celle de la France de 105,1 (2017), une réduction au vingtième des 67 millions de Français.e.s donnerait 3,35 millions, soit la population des agglomérations de Lyon et Marseille ou des départements de Seine-Saint-Denis et Hauts-de-Seine réunis, répartie de façon homogène sur tout le territoire de la métropole. C'est la population approximative de la Gaule avant la conquête romaine (source : Histoire démographique de la France)

en densité Paris est à 20.000  hbts/km2, la Seine-Saint-Denis à 7000, la Lozère à 15, la Guyane à 3, encore au-dessus des 2,6 visés par Camatte. Mais c'est une densité de cet ordre, ou de pays à fortes zones non peuplées car inhabitables dans les conditions actuelles, tels que : Canada 3.81, Islande 3.41, Australie 3.29, Namibie 3.19, Sahara occidental 2.45, Mongolie 2.03, où, il est vrai, les animaux ne sont eux-mêmes pas très serrés, même si assez souvent parqués, càd en principe protégés des humains


CAMATTE ET MOI Namibie%2B%25286%2529-49
gravures rupestres de Twyfelfontein, Namibie,
réalisées sur grès il y a 6000 ans environ par les Bushmen

chaque ex-Français.e vivrait ainsi, en moyenne, sur une surface de 20 hectares, les deux-tiers de la propriété de Jacques Camatte dans un village du Lot (231 habts, densité 12 hbts/km2), une ferme de permaculture isolée, « havre de paix de 29 ha qui regorge de vignes, de pêchers, cerisiers, figuiers, châtaigniers, actinidias [kiwis], pruniers, noyers, noisetiers, pommiers et autres arbres en tous genres qu'il a lui-même plantés. C'est bien simple, les arbres sont toute sa vie. Dans ce petit paradis terrestre, une source potable lui apporte l'eau nécessaire à sa consommation. Son autre jardin, c'est sa bibliothèque... » Source : Le journal d'Hadrien et Camomille: 1300 km à travers la France, 2017, livre où l'on apprend aussi que « Jacques est crudivore - il ne mange que des produits crus d'origine végétale -, un choix qui passe par une alimentation riche en fruits. »

là-bas, tout est sans luxe calme et volupté, et Jacques peut y trouver la certitude : « Je n'ai pas d'ennemis : l'enfermement s'abolit » mieux que confiné dans un deux pièces en banlieue. Il se dit dans le village que la police n'est jamais venue chez lui, parce qu'il ne lui en a donné aucune raison


CAMATTE ET MOI Img_0208
Domaine de la Certitude
« nous nous sommes perdus en pleine forêt tout en nous donnant pour règle d’aller jusqu’au bout du chemin
afin de rencontrer Jacques. Après un long périple en pleine nature,
nous avons enfin trouvé Jacques au milieu des arbres dans un endroit magnifique,
loin de la civilisation aliénante… »
source

il est vrai que dans ces conditions de vie, Camatte peut même se permettre, du fond de son « Domaine de la Certitude », d'affirmer « Je n'ai jamais été écologiste » (entretien vidéo de 2019), un luxe réformiste réservé aux bobos urbains. Cela ne signifie pas que, professeur de "Sciences naturelles" (sic) à la retraite, il soit riche, mais que comme la plupart des philosophes, sa propre vie ne manque pas d'influencer ses thèses, en boucle. Il est frappant de constater qu'il a tenté de « quitter ce monde » à la manière dont il conçoit son avenir. En somme, il tomberait dans la liste de Michel Onfray, en 1989 avant qu'il ne tourne mal, avec Le Ventre des philosophes. Critique de la raison diététique : « Il doit être possible de mieux comprendre les conceptions des philosophes à partir de leurs choix culinaires. En quelque sorte que, peut-être, Diogène n'aurait pas été un adversaire aussi résolu de la civilisation et de ses usages sans son goût pour le poulpe cru. »

No

quant à l'animal humanoïde omnivore Patlotch, il est sans doute trop "spéciosé/ontosé", en tant qu'ancien enfant battu par son père et violé par un curé (à moins de 15 ans, c'était avant Dupont-Moretti), pour apprécier ne serait-ce que la perspective de ce bonheur terrestre, et comme il ne croit ni au ciel ni au prolétariat...

à vrai dire, j'ai renoncé à toute utopie, elles font dire trop de bêtises


Twisted Evil


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Message par Invité Dim 14 Fév - 15:01

à rebours de l'intervention précédente, à l'erreur de datation près, un article en défense de la thèse de Jacques Camatte pour qui tout s'est joué au moment de « la grande séparation opérée avec la pratique de l'agriculture et de l'élevage. » Cela ne vaut pas approbation d'un futur orienté par une inversion, qui fraye à mon sens avec l'anarcho-primitivisme. Relire LA PASSION DU COMMUNISME Jacques Camatte, Giorgio Cesarano et la « communauté humaine », publié par Endnotes V puis lundimatin
« dix mille ans d'évolution récente prouvent que l'agriculture et l'élevage, a fortiori en mode intensif,
détruisent chaque jour les milieux naturels, et contribuent à polluer l'atmosphère
dans une mesure telle qu'ils en altèrent la composition. »


Homo sapiens, homo destructor ?
Par Loïc Chauveau, Sciences et Avenir, 13.02.2021

Tigres à dents de sabre ou marsupiaux géants ont disparu de la surface de la Terre au moment où Sapiens l'a colonisée. Coïncidence ? Non, affirment de nombreux scientifiques, qui accusent l'homme moderne de détruire son environnement… depuis toujours.

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Homo sapiens célébrant un rite.Peinture de Francisco Fonollosa. LEEMAGE VIA AFP

Cet article est extrait du n°204 des Indispensables de Sciences et Avenir, daté janvier/mars 2021.

Pyromane, viandard et destructeur. Voilà le portrait peu reluisant qui émerge des travaux de paléontologie les plus récents. Homo sapiens n’a jamais été en paix avec son environnement. Pire, alors qu’il en dépend pour sa survie, il le violente depuis ses origines. "L’espèce humaine a deux caractéristiques principales, détaille Jean-Jacques Hublin, professeur au Collège de France. Elle s’attaque à des animaux plus gros qu’elle, et s’oriente de préférence vers des proies jeunes – ce qui n’est pas le cas des autres prédateurs." Il n’existe pas de meilleur moyen d’éradiquer une espèce occupant le haut de la chaîne alimentaire que de tuer ses jeunes. Les plus gros animaux se reproduisent peu, en effet : les gestations sont longues, très espacées dans le temps, et ne donnent naissance qu’à un ou deux petits à la fois. Qu’une génération s'affaiblisse, et toute l'espèce est menacée. Or, la colonisation de la planète par l'Homme, à partir de la dernière sortie d'Afrique (- 70.000 ans), coïncide avec la disparitions en quelques milliers d'années de la mégafaune : tigres à dent de sabre, marsupiaux géants, ours des cavernes… les victimes ?

La question divise la communauté scientifique depuis plus de soixante ans… sans être tranchée. Les uns, comme Stephen Wroe de l'université de Sydney (Australie), estiment que la principale cause de ces extinctions est le changement climatique, et notamment la remontée des températures du début de l'Holocène il y a 11.500 ans, après un maximum glaciaire particulièrement froid. Impossible, selon eux, que le peu d'hommes peuplant alors la Terre - les estimations de la population européenne lors de ce dernier maximum glaciaire oscillent entre 11.000 et 28.000 individus ! - puissent être responsables de la disparition de dizaines de milliers de grands mammifères. L'inadaptation de cette mégafaune à l'élévation des températures, l'incapacité de changer de diète alors que le couvert végétal se modifie paraissent être des explications plus raisonnables.

Les ancêtres des Aborigènes utilisaient des armes à manche pour chasser il y a 50.000 ans
D'autres chercheurs désignent Homo sapiens comme le coupable idéal… avec des arguments plutôt convaincants. Ils soulignent, d'une part, que certaines espèces ont disparu bien avant le réchauffement du climat, d'autre part, que les sites archéologiques montrent que l'Homme se nourrissait bel et bien de ces animaux. Les preuves les plus convaincantes sont à chercher du côté de l'Australie et de l'Amérique du Nord, là où l'extinction de la mégafaune coïncide parfaitement avec l'arrivée des premiers hommes. Ailleurs, et notamment en Europe, le rôle de Sapiens n'est pas établi.

Alors que les estimations précédentes le voyaient débarquer sur l'île-continent il y a 40.000 ans, les plus récentes stipulent que notre grand ancêtre a posé le pied en Australie autour de -50.000. C'est la première information sensationnelle livrée lors de sa découverte, au début des années 2010, par le gisement archéologique de Warratyi, une grotte située dans le centre-est de l'Australie : 4300 objets divers, 200 fragments d'os issus de 16 mammifères différents et d'un reptile. Mieux, dans un article paru dans Nature en novembre 2016, l'archéologue Giles Hamm, de l'université de La Trobe à Melbourne, montre que ces ancêtres des Aborigènes utilisaient déjà des outils et des armes à manche pour chasser. Des os de diprotodon ou wombat géant, un marsupial de trois mètres de long pour deux de haut, ont été retrouvés sur le site, ainsi que des coquilles d'œufs d'un oiseau immense. Cette découverte assoit les convictions des tenants d'une Blitzkrieg - la destruction, en moins d'un millier d'années, d'une mégafaune australienne sans défense face à un nouveau prédateur - sans pour autant convaincre toute la communauté scientifique ! Stephen Wroe réfute cette hypothèse, estimant qu'elle "repose sur des interprétations simplistes de phénomènes biogéographiques et anthropologiques complexes".

Réexaminant les outils découverts sur les sites archéologiques, les données paléoclimatiques, les connaissances sur la végétation de ces époques, les chercheurs les plus sceptiques concluent que "ni les premiers Australiens, ni leurs descendants immédiats n'ont chassé la mégafaune avec l'efficacité requise pour provoquer une extinction de masse aussi rapide". Et de déplorer que ce débat scientifique ait été instrumentalisé au sein du monde politique comme une preuve que les Aborigènes actuels ne sont pas les défenseurs de la nature qu'ils revendiquent être.

Les discussions sont tout aussi vives en Amérique du Nord, où la période même d'arrivée de l'homme est débattue. Dans la grotte de Hall, au Texas, le sol se couvre régulièrement de sédiments depuis 15.000 ans. L'analyse ADN des fragments d'os découverts sur ce site a montré que les espèces animales et végétales ont réagi différemment à la hausse des températures du début de l'Holocène. "Alors que la diversité végétale s'est rétablie, les grands animaux ont disparu, explique Frederik Seersholm, de l'université Curtin (Perth, Australie), principal auteur de l'article paru en juin 2020 dans Nature Communications. Neuf espèces se sont éteintes, et cinq n'ont plus fréquenté la région. Alors que les petits animaux, qu'on pensait pourtant chassés intensément par les hommes, ont survécu et se sont adaptés… en migrant." Un autre facteur que le climat aurait donc contribué à l'extinction des grands mammifères. Cet "autre facteur" ne peut être que l'Homme, selon ce chercheur.

Une analyse de toutes les études consacrées aux sites paléontologiques, effectuée par Christopher Sandom de l'université du Sussex (Royaume-Uni), dresse un schéma global reliant conditions climatiques, extinction de la mégafaune et peuplement humain. Elle montre que les gros animaux n'ont pas disparu du continent d'origine de Sapiens, l'Afrique, alors qu'ils se sont éteints partout ailleurs, notamment en Amérique latine. Une pandémie localisée au continent américain pourrait-elle expliquer ces disparitions ? Pour tester cette hypothèse, Kathleen Lyons, de l'université du Nouveau-Mexique (États-Unis), a modélisé l'impact du virus West Nile sur les populations d'oiseaux d'Amérique du Nord. Sa conclusion est formelle : une maladie ne peut pas provoquer une extinction aussi brutale et rapide que celle de la mégafaune américaine.

Le chasseur-cueilleur serait donc un prédateur irraisonné, incapable de juger des conséquences de ses actes, contrairement à l'Homme du néolithique. Le passage à l'agriculture et à l'élevage, il y a environ 10.000 ans, est en effet souvent présenté comme un immense progrès : l'Homme s'approprie certaines espèces animales et végétales ; il apprend à ressemer les plantes qu'il prélevait auparavant dans la nature et noue des rapports différents avec des animaux, en témoigne la domestication des bovins, ovins et autres caprins. La nature n'est plus pillée mais organisée. Pour le plus grand bien de la planète ? Ces dix mille ans d'évolution récente prouvent le contraire ! L'agriculture et l'élevage, a fortiori en mode intensif, détruisent chaque jour les milieux naturels, et contribuent à polluer l'atmosphère dans une mesure telle qu'ils en altèrent la composition.

Des concentrations élevées de méthane dues à l'essor de l'élevage et de la culture du riz
Tel est le sombre constat dressé par une grande partie de la communauté scientifique. Au point qu'en 2000, le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, de l'institut Max-Planck à Mayence (Allemagne), et le biologiste américain Eugene Stoermer, de l'université du Michigan (décédé en 2012), ont proposé, dans la revue Science, de créer une nouvelle ère géologique baptisée "Anthropocène". Il s'agit de prendre en compte le fait que l'activité humaine a profondément modifié le fonctionnement biologique et physique de la planète. Les deux scientifiques en situent le début en 1784, année de l'invention de la machine à vapeur. Celle-ci nécessite en effet la combustion massive de charbon, contribuant à faire grimper les teneurs en CO2 dans l'atmosphère. Mais un autre chercheur, l'Américain William Ruddiman, paléoclimatologue à l'université de Virginie, a proposé trois ans plus tard de faire remonter l'origine de l'Anthropocène aux débuts de l'agriculture et de l'élevage, soit entre - 6000 et - 8000. En juillet 2020, dans le Quaternary Science Reviews, il réactualisait sa théorie, s'appuyant sur les récents travaux menés sur les émissions de méthane. Ceux-ci démontrent que l'augmentation, ces 8000 dernières années, de la concentration de ce puissant gaz à effet de serre dans l'atmosphère est essentiellement due à l'extension de la culture du riz et à la multiplication des troupeaux d'animaux domestiqués par l'Homme. Est ainsi expliqué pourquoi les teneurs en méthane relevées dans les carottes de glace en Arctique et Antarctique sont plus élevées à l'Holocène que lors du réchauffement intervenu après un maximum glaciaire il y a 140.000 ans.

La déforestation a-t-elle réellement commencé il y a 6000 ans ?
Pour le CO2, les choses sont moins claires… Mais dans ce même article, William Ruddiman estime verser au débat de nouvelles preuves. Sa démonstration s'appuie d'abord sur les découvertes archéologiques permettant d'évaluer la croissance de l'humanité. Les démographes estiment que quelques millions d' Homo sapiens vivaient sur terre il y a 10.000 ans, et que cette population a doublé régulièrement par la suite, environ tous les mille ans. Difficile d'imaginer qu'aussi peu d'humains aient pu enclencher une hausse des gaz à effet de serre. Cependant, de récentes découvertes archéologiques en Chine et en Europe (où vivaient à cette époque une grande majorité des hommes) montrent une croissance moins linéaire, notamment une forte hausse de la population entre -7000 et -5000 ans, corrélée à une augmentation des teneurs en CO2 dans l'atmosphère.

L'équipe de Ruddiman a ensuite évalué la déforestation induite par l'avancée de l'agriculture. Un sujet très controversé du fait du manque de données, source d'interprétations variées. En s'appuyant sur les études des pollens récupérés dans les sédiments des lacs et des tourbières partout dans le monde, elle estime que le couvert forestier a commencé à reculer il y a 6000 ans. Certains chercheurs réfutent cependant l'hypothèse d'une destruction d'arbres de grande ampleur, dans la mesure où le manque d'outils et de force animale ne permet pas à un agriculteur d'exploiter plus d'un hectare. Ils oublient sans doute les éclaircies effectuées sur des pentes non exploitées par la suite, les régions déforestées mais cultivées occasionnellement, et les terres trop dégradées pour l'agriculture, rétorque le paléoclimatologue américain… qui persiste et signe.

75 % de la surface des continents sont altérés par l'Homme
Cette déforestation sur plusieurs millénaires a provoqué, selon lui, des rétroactions en cascade. L'augmentation de CO2 dans l'atmosphère a contribué à réchauffer les océans et l'atmosphère, et stoppé la croissance des glaces des pôles. Par rapport à une évolution naturelle du climat, pilotée par le seul rayonnement solaire, l'activité humaine aurait augmenté la concentration en CO2 de 40 ppm (parties par million de molécules de CO2 par mètre cube d'air). Selon Ruddiman, les émissions préindustrielles anthropiques (de -10.000 ans à 1750) se sont élevées à 343 milliards de tonnes, dont 300 ont été absorbés par les océans, le couvert végétal terrestre et les tourbières. Cet excédent de 43 milliards de tonnes représentant le volume émis tous les ans par les 7 milliards d'humains d'aujourd'hui…

La modification du climat par l'Homme ne serait donc pas seulement due à l'extraction en masse de charbon, de pétrole et de gaz pour des usages non essentiels à la survie de l'humanité, mais également à des activités vitales comme l'agriculture. Celle-ci pèse aujourd'hui pour 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En outre, la destruction de biodiversité qu'implique la mise en culture ou le pacage des animaux sur des espaces toujours plus étendus depuis le néolithique n'est pas prise en compte par Ruddiman. "2/3 des surfaces terrestres sont utilisées par l'agriculture, 75 % de la surface des continents sont altérés par l'Homme, 13 % seulement des océans ne sont pas impactés par les activités humaines, 70 % des zones humides ont été détruites depuis 1970", dénonce ainsi l'organisation non gouvernementale World Wildlife Found (WWF) dans son Indice planète vivante de 2020. Le nombre de vertébrés sauvages, lui, a baissé de 68 % depuis 1970. "Aujourd'hui, 97 % de la biomasse animale est composée de l'Homme et de ses animaux d'élevage, il ne reste plus que 3 % de biomasse sauvage", déplore William Ruddiman. Conclusion : Homo sapiens a achevé sa conquête du monde. Il bute sur ses limites.

Pour la première fois de son histoire, il en a pris conscience. Depuis le sommet de Rio, en 1992, et l'adoption des conventions internationales sur la biodiversité, le climat et, en 1994, la désertification, la communauté internationale tente de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de freiner les destructions d'espèces animales et végétales. Cesser d'être pyromane, viandard, destructeur : c'est bien la nature de l'Homme qu'il s'agit de changer.


Pyromane depuis 35.000 ans
Oubliez l'image idyllique d'hommes grappillant ici quelques baies, prélevant là un bison après une chasse valeureuse et respectueuse de l'animal. Ce paradis n'a jamais existé. Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ont utilisé tous les moyens disponibles pour éliminer les obstacles s'opposant à leur volonté. Y compris… le feu. C'est ce que nous apprend l'étude du climatologue Jed Kaplan, de l'université de Lausanne (Suisse), et de l'archéologue Jan Kolen, de l'université de Leyden (Pays-Bas). Ces chercheurs ont voulu comprendre pourquoi, de l'Espagne au nord de l'Allemagne, les traces de pollens et de graines indiquent l'omniprésence il y a 20.000 ans d'une végétation de steppe, alors que les modèles climatiques montrent, sur la majeure partie du continent, des conditions favorables aux forêts. La réponse, donnée dans un article de 2016 paru dans Plos One, c'est l'Homme. Sous un climat très froid, seule l'utilisation du feu peut modifier à ce point l'environnement. La motivation d' Homo sapiens est simple : créer des espaces ouverts, plus favorables à la chasse, à la quête de plantes comestibles et aux déplacements. Cette hypothèse a été largement confortée par la datation de couches de cendres dans les sols. Pour les chercheurs, ces incendies volontaires constituent par ailleurs l'une des plus anciennes modifications du climat par l'Homme. Le CO2 stocké par les arbres a en effet été relâché dans l'atmosphère en grande quantité, provoquant une augmentation des teneurs de gaz à effet de serre.

L'Europe n'a pas été le seul continent affecté. En Australie, les incendies allumés par les premiers occupants remontent même à 35.000 ans, soit 15.000 ans seulement après leur arrivée. C'est dans le cratère Lynch, site archéologique majeur du Queensland, qu'ont été datées au carbone 14 des suies et cendres provenant de la combustion d'une forêt tropicale. L'analyse des pollens fossiles montre que les arbres ont été remplacés par des arbustes sclérophylles semblables aux lauriers. Fulco Scherjon, paléontologue de l'Université de Leyden a voulu savoir si l'on retrouve ces pratiques partout dans le monde. Sa compilation des études scientifiques sur le sujet parue en 2015 dans Current archeology montre que c'est effectivement le cas. Les chasseurs-cueilleurs ont mis le feu à leurs paysages partout dans le monde, sur tout type de végétation… à l'exception de la toundra. Là encore, pour ouvrir des chemins et mieux communiquer, mais aussi augmenter la productivité des plantes, attirer les animaux, et même, c'est une hypothèse…pour s'amuser !

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Message par Invité Lun 22 Mar - 15:10


CAMATTE Jacques, dit OSCAR

un pari pascalien, comme les autres marxistes

j'ai trouvé pas mal la présentation de Bourrinet Philippe pour Le Maitron. Elle n'est certes pas d'un contenu propice à la théorie mais elle est moins partielle que celle de Temps Critiques et partiale que le regard de la post-ultragauche (Théorie Communiste et Cie), qui ne l'a pas lu à partir de 1980, ou tout comme  

au fond, Bourrinet le dit bien,

Malgré cela, pour Camatte, la perspective « communiste » restait une potentialité reportée à un temps indéfini : « La société humaine ne peut survivre que si elle se transforme en Gemeinwesen (communauté) humaine. Le prolétariat n’a plus à accomplir de tâche romantique mais son œuvre humaine ». [pour le Camatte après 1975, ce n'est pas spécifiquement une tâche du prolétariat]

Au terme de ce parcours sinueux, fortement déterminé dès son engagement militant par l’attente messianique de la crise révolutionnaire finale, Camatte, inspiré peu ou prou par la pensée utopique, jette les dés d’un pari pascalien sur l’apparition d’une autre espèce humaine : « l’émergence d’Homo Gemeinwesen, l’espèce qui succèdera à Homo sapiens. Elle sera en continuité avec la nature, avec le cosmos ».

j'avais mené un travail spécifique sur ce "pari pascalien" chez les marxistes, porté depuis près d'un siècle par des courants divers du marxisme (Ernst Bloch, Walter Benjamin, Lucien Goldmann, Daniel Bensaïd, Ana C. Dinerstein...). Dans les dernières décennies, "l’attente messianique de la crise révolutionnaire finale" s'est muée chez Camatte en "inversion", une variante d'Aufhebung dialectique qui ne dit pas son nom, alors qu'elle demeure, dans la post-ultragauche communisatrice, celle d'une révolution prolétarienne dans LA crise qui viendra inéluctablement sanctionner l'auto-nécrologie du capital du fait de la dynamique réciproque de la lutte des classes

tout ceci, chez les uns comme chez les autres, n'est que supputations, suppositions et en même temps suppositoire pour leur esprit malade du besoin de croire. Les "communisateurs" ne savent même pas qu'ils font un pari utopique, ils "annoncent" ce qui ne saurait pas ne pas se produire selon leurs croyances, non selon le réel présent. Pas la tête sur les épaules, ou mieux dit la grosse tête et pas d'épaules. Au moins Pascal lui-même, qui aurait inventé la brouette en ignorant que les Chinois l'avaient fait avant lui, savait-il qu'il faisait un choix


« — Examinons donc ce point, et disons : « Dieu est, ou il n'est pas. » Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n'y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu, à l'extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagerez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre; par raison, vous ne pouvez défaire nul des deux. Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix ; car vous n'en savez rien. — Non ; mais je les blâmerai d'avoir fait, non ce choix, mais un choix; car, encore que celui qui prend croix et l'autre soient en pareille faute, ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier. — Oui, mais il faut parier ; cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué. Lequel prendrez-vous donc ? Voyons. Puisqu'il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. (...). Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. »

— Blaise Pascal, Pensées, fragment 397


quand on a quelques prétentions à la théorisation du futur, on est forcément porté à attendre, face aux concurrents sur le marché de la pensée éprise d'elle-même, d'avoir raison contre les autres. Je n'y échappe pas mais je ne le saurai jamais, et je dis aux plus jeunes qui s'engagent dans la théorisation communiste : « Prenez garde à ne point trop vous y croire, au risque de sombrer dans les désillusions sans avoir la grandeur d'âme de reconnaître en toute honnêteté vous être trompés. Je vois trop de vieux théoriciens qui ne savent pas comment, sur le tard, faire machine arrière pour aller encore de l'avant. Ils me font pitié... »

"les masses", naturellement, s'empareront comme toujours de quelque idée pour en faire force matérielle, comme d'habitude depuis des millénaires de croyances. À partir de là, bonjour les dégâts, aux abris ! Camatte l'a entrepris, unique en sa propriété, un peu comme Yves Cochet en la sienne

le vrai pari, c'est de rester communiste sans pari pascalien, une toute autre paire de manches, à retrousser aussi, sur le terrain. Au moins Camatte l'aura-t-il tenté avec une relative cohérence entre ses convictions et ses actes. Dans les arbres, ses idées sont devenues force matérielle


Rolling Eyes


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Message par Invité Mar 27 Avr - 11:18

nouveaux textes sur le site Invariance. J'importe l'Introduction, qui est courte

Introduction à la trilogie :
Inimitié et inversion
Instauration du risque d'extinction
Précisions sur le risque d'extinction

(version corrigée : élimination d'une répétition)

Jacques Camatte a écrit:Pendant un peu plus d'un siècle, d'abord en Occident puis dans la presque totalité du monde, a dominé le projet prolétarien d'une émancipation humaine, grâce à une révolution mettant fin au mouvement du capital miné par des contradictions profondes et causes de cette dernière. Or, comme l'avait prévu K. Marx, le capital surmonta ses contradictions et effectua un échappement qui aboutit finalement à sa disparition en tant que rapport social, et autonomisation de sa forme, celle de l'incrément. En conséquence, d'abord avec l'accroissement énorme de la consommation cause de l'intégration des prolétaires, puis à cause de leur disparition en rapport à la fin du salariat, le sujet, l'opérateur fondamental d'une telle émancipation disparut, en même temps que malheureusement le possible d'une révolution. Le malheureusement n'implique aucun regret, souvent aveu d'impuissance, mais une constatation objective d'une catastrophe que nous avons souvent mise en évidence et sur laquelle nous avons longuement insisté.

Dés le début des années soixante et dix nous avons proclamé la fin du procès révolution et cherché à vivre dans un monde où l'exploitation et la répression avaient libre cours, mais aussi et surtout à comprendre le pourquoi d'un tel devenir, d'où notre question pourquoi l'espèce avait-elle produit le capital né certes dans une zone restreinte du globe mais qui avait investi la totalité de celui-ci. Nous avons répondu afin de sortir de la nature, de parvenir à la sécurité, d'échapper à la dépendance et à toujours transcroître, en fait, et plus profondément, inconsciemment, pour conjurer la menace d'extinction. La grande dimension psychologique concernant l'espèce s'imposait à moi. Mais la même question fut posée au sujet de K. Marx : pourquoi a-t-il fait tant de recherches concernant le capital et qu'il a abandonnées sans effectivement conclure sur ce sujet dans ce qu'il publia de son vivant et même dans ses œuvres posthumes, ce que F. Engels essaya de faire. Avant de répondre, notons que K. Marx à partir de la fin des années soixante du XIX° siècle constatant l'envahissement du prolétariat par le réformisme (en dehors de l'épisode du soulèvement de la Commune de Paris) et le fait que le capital peut surmonter toutes ses contradictions, va chercher "ailleurs" une possibilité d'émancipation, d'où son étude sur les communautés (qui a concerné les diverses parties du monde où elles persistaient encore) et son affirmation de la possibilité de sauter la phase du développement du capital par exemple en Russie, en greffant sur l'Obtchina les acquits techniques de l'Occident.1

Revenons à la question concernant K. Marx. Au fond l'étude maintes fois reprises du capital était due à la recherche surtout inconsciente, probablement, de qu'est-que l'irrationnel ? car, pour lui, le capital recèle une profonde irrationalité2 qui fait écho à ce qu'il vit. Elle consiste à vivre hors sa nature, hors de sa naturalité. Or cette mise hors nature découle de la répression dont l'exploitation capitaliste est une expression saisissante, et il insiste sur le phénomène de la forme, surtout de la mise en forme, car la répression permet de donner une forme à l'individu.

L'étude de l’œuvre d'A. Miller* consacrée à la répression parentale me permit d'accéder à cette compréhension du cheminement de K. Marx. Toutefois la thérapie qu'elle propose qui implique de revivre ses souffrances originelles comporte aussi une condamnation des parents et exige la coupure d'avec eux concrète, ou symbolique s'ils sont morts, C'est oublier que les parents n'ont fait que rejouer ce qu'ils avaient eux-mêmes subi, et ne pas tenir compte de ce fait du mécanisme infernal des rejouements. En outre cela entretient l'inimitié qui tend à vicier tous les rapports humains. Il ne s'agit ni de pardonner, ni de condamner mais de revivre un vécu douloureux grâce à une profonde écoute qui est une mise en continuité. L'utilisation de cette thérapie en groupe, en éliminant les données négatives sus-indiquées, révèle la puissance de la communauté et donc la nécessité de celle-ci pour retrouver sa naturalité.

* c'est dans un texte de 1998, Le mouvement psychanalytique, que Camatte s'appuie sur Alice Miller, psychanalyste suisse critique de Freud et chercheuse sur l'enfance

C'est donc à partir de l'étude du capital que je me suis rendu compte de l'importance des phénomènes psychiques qui déterminent toute l'activité humaine et qu'en définitive hommes et femmes tendent à résoudre leurs problèmes psychiques grâce aux phénomènes économiques, ce qui constitue une immense substitution. De là nous pouvons en déduire que l’œuvre de K. Marx n'est plus opérationnelle en ce qui concerne notre devenir actuel mais demeure indispensable pour comprendre comment nous y sommes parvenus, et qu'une inversion cognitive impliquant une autre pratique s'impose: non plus partir des phénomènes économiques, la production de la vie matérielle, pour accéder aux données psychiques, mais partir de celles-ci pour comprendre pourquoi telle ou telle activité pratique est développée. Et cette inversion est imposée par la réalité même: l'envahissement de la folie. On ne peut enrayer ce phénomène qu'en partant de sa manifestation concrète et par une écoute profonde de celle-ci couplée avec une immersion dans la nature et la mise en œuvre de sa régénération. Toutefois la réaffirmation de la naturalité, résorption de la folie, ne peut pleinement s'obtenir que par la fin de la répression parentale et l'abandon de l'inimitié.


1. Il poursuivit ses recherches jusqu'à la fin de sa vie, et l'on peut supposer que la non réalisation de cette perspective de greffe, accompagnée de divers ennuis domestiques et de santé fut cause qu'il mourut désespéré.

2. Cf. Le mouvement du capital.

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Message par Invité Ven 7 Mai - 15:20


CAMATTE E BEN MAL CAPITO

à paraître le 14/05/2021

CAMATTE ET MOI Couv_errance

L’œuvre de Jacques Camatte est entourée d’une authentique conspiration du silence. Il faut dire qu’à la différence de tant d’autres théoriciens révolutionnaires, il n’a ni trahi, ni cédé, ni cherché la reconnaissance publique. Issu d’un marxisme hétérodoxe, il a suivi imperturbablement son cheminement intransigeant, jusqu’à aujourd’hui. Mais le plus impardonnable – comme on le verra en lisant les quelques textes cardinaux de lui que nous publions dans ce volume –, est sans doute qu’il ait décrit avec exactitude, il y a presque cinquante ans maintenant, le cours historique fatal dans lequel le capital et la civilisation entraînaient l’espèce humaine. Il y a cinquante ans, il a vu la constitution de la société technologique en un monstrueux appareillage enserrant la planète, ravageant toute nature, médiatisant tous les rapports, et la nécessité vitale de déserter pareil monde. Il a vu le vide des subjectivités contemporaines, l’anxiété qui les propulse, et l’aspiration diffuse à une véritable communauté humaine. Il faut lire Jacques Camatte, parce que la compréhension du processus historique est l’une des rares façons de ne pas devenir aussi fous que l’époque que nous traversons.

Jacques Camatte, né en 1935, est un penseur français issu du marxisme. Il fonde, en 1967, la revue Invariance dans laquelle il abandonne la théorie du prolétariat et met la notion de communauté au centre de ses recherches. Il a publié Capital et Gemeinwesen (1978), traduit en plusieurs langues, et travaille depuis de nombreuses années à Émergence de Homo-Gemeinwesen.

Sommaire :
– Errance de l’humanité
– Déclin du mode de production capitaliste ou déclin de l’humanité ?
– Contre la domestication
– Vers la communauté humaine
– Marx et la gemeinwesen
– Le KAPD et le mouvement prolétarien

pour faire bisquer les "camarades", lu sur Other Wiki, aussi fiable que le pas autre Wikipédia
Jacques Camatte (né en 1935) est un écrivain français qui était autrefois un théoricien marxiste et membre du Parti communiste international, une organisation communiste de gauche principalement italienne sous l'influence d' Amadeo Bordiga. Après la mort de Bordiga et les événements de mai 68, ses croyances ont commencé à se rapprocher des tendances de l'anarcho-primitivisme, de la communisation et de l'accélérationnisme.
c'est peut-être plutôt l'inverse, mais bon...

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Message par Invité Mar 18 Mai - 5:42


L'ENFANCE DE LA CRITIQUE
il me semble qu'un des intérêts majeurs de l'œuvre de Camatte réside dans son étude de l'enfance. Après tout, c'est par là que passe la reproduction humaine de générations en générations, avec celle des comportements sociaux et des idées, par le biais de l'éducation parentale ou scolaire

or c'est ce point qui, entre autres, détermine le contenu des concepts d'Émergence et d'Inversion

Données à intégrer, Invariance, 2004-2005

B - Naturoévolution et haptoévolution

La famille ne se distingue pas de la communauté. Le rapport aux enfants détermine la forme de communauté, de société, de même que le type de communauté va déterminer un type d’enfants, puis d’adultes.

Á partir de ce constat on ne peut plus étudier l’évolution de l’espèce en se référant uniquement au mâle, comme ce fut le cas pendant longtemps, ni même en tenant compte également de la femelle, il faut opérer  l’investigation en intégrant l’enfant, et donc s’interroger sur comment les hommes et les femmes ont évolué pour arriver à permettre le développement complet de l’enfant, et comment les enfants ont opéré afin d’être  mieux acceptés.

Ce sont surtout les féministes et, à ma connaissance, particulièrement Nancy Makepeace Tanner, qui ont apporté de grandes clarifications. Elles confirment notre investigation au sujet du devenir de l’espèce, en fonction de la communauté, ayant toujours pensé qu’on ne pouvait pas étudier l’évolution des hommes et des femmes individuellement, mais à partir des communautés où justement l’enfant a une importance primordiale.
G. Précisions

Le concept d’émergence qui tend, dans certains cas, à remplacer celui d’origine inclut les notions d’imprévu, d’imprévisibilité, en rapport d’ailleurs avec l’instauration d’une discontinuité. Il se présente comme un support pour dire le trouble qu’induit en l’homme, la femme, l’affirmation d’une spontanéité, vécue en général comme une remise en cause.

Pour moi l’émergence est en rapport avec l’idée d’émersion, de surgissement, plus ou moins continu, comme par exemple dans le cas d’une chaîne de montagnes. L’émergence c’est le procès par lequel du sein d’un continuum donné apparaissent, au bout d’une période qui peut-être très longue, des formes nouvelles de vie qui ne sont pas obligatoirement en discontinuité totale par rapport à celles dont elles ont émergé. Etudier l’émergence d’Homo sapiens, puis de Homo Gemeinwesen, implique d’accepter et d’être à même d’intégrer les données spontanées qui se sont manifestées au cours de leur développement. C’est de l’exposé de ce qu’est « le propre de l’homme » qu’émerge puissamment la confusion. Je désire le montrer à partir de quatre phénomènes considérés par la grande majorité comme caractérisant l’espèce : la juvénilisation ramenée souvent à la néoténie, la prématuration, la non spécialisation et la persistance de l’enfant (enfant intérieur), particulièrement chez les hommes et les femmes de génie.

[...]

La théorisation de la persistance de l’enfant en nous, de l’enfant intérieur, très importante dans divers courants spiritualistes, thérapeutiques, s’impose également chez divers philosophes, et rencontre un écho chez beaucoup de gens parce qu’elle a pour support un phénomène réel commun à tous : le blocage de l’être naturel, refoulé en chacun, en chacune. Au niveau philosophique, comme au niveau scientifique où elle commence à s’affirmer, cette théorisation  s’appuie sur la néoténie et de façon confuse sur le caractère prématuré du bébé; elle en vient à être utilisée pour expliquer le génie : l’homme, la femme chez qui l’enfant intérieur serait à même de s’exprimer.

La confusion concernant la juvénilisation, la prématuration, la non-spécialisation et l’enfant intérieur, dérive de la répression subie dès l’origine de tout homme, de toute femme, la conception, suscitant une dimension irrationnelle obsédante. La situation de déréliction qu’a vécu l’enfant conduit, ultérieurement, l’adulte jusqu’au dénigrement, à la négation de la puissance de l’espèce qualifiée de débile, d’inapte, de ratée, de démente, etc. Ou bien, par compensation, à placer Homo sapiens comme l’être parfait à partir duquel tous les autres animaux dérivent.

il est donc assez surprenant, presque paradoxal, que le marxisme en général n'y ait prêté qu'aussi peu d'attention, l'étude étant accaparée par la psychanalyse, avec ses limites que Camatte montre bien (voir Le mouvement psychanalytique, Invariance, septembre 1998). Le Complexe d'Œdipe n'explique pas les rapports sociaux entre classes, mais pas non plus le mouvement historique de l'humanité...

j'avoue qu'à mes premières lectures de Camatte, j'étais obsédé par son rapport à Marx et au marxisme, à la critique des thèses de la révolution communiste par le prolétariat en liaison avec la Théorie de la communisation, etc. et que je lisais en diagonale, quand je ne les sautais pas, les passages relatifs à la répression de l'enfance, à son conditionnement précoce pour reproduire la société

or les marxistes le savant bien, on ne saurait sortir du capitalisme sans détruire ses processus de reproduction de lui-même comme société, civilisation


Dernière édition par Florage le Lun 31 Mai - 5:46, édité 1 fois

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Message par Invité Lun 31 Mai - 5:45


L'INVERSION, DE BORDIGA À CAMATTE
Jacques Camatte a publié le 10 mai 2021 ce texte de l'an dernier, dont l'intérêt est de montrer la continuité de l'influence de Bordiga depuis les années 1950, et, passant par l'abandon de la révolution prolétarienne, jusqu'aux développements ultérieurs et récents avec le concept d'Inversion. Accessoirement, il montre l'absurde réductionnisme et l'incompréhension de son œuvre consistant à n'y voir que « le chaînon manquant » de la critique sociale contemporaine, à savoir pour son auteur la théorie de la communisation
Amadeo Bordiga et le devenir de l'espèce
Camatte Jacques, novembre 2020
Dans l'introduction de 1974 à "Structure économique et sociale de la Russie d'aujourd'hui" d'Amadeo Bordiga, je signalais l'importance qu'avait cette étude, en elle-même et en rapport avec le marxisme, théorie du prolétariat, et que le mérite de ce dernier fut "d'être à même de maintenir le pôle du futur, le communisme, même si, à l'heure actuelle, nous le concevons différemment." Depuis sont advenues la chute du mur de Berlin mettant fin à la domination soviétique sur les pays de l'est européen, la dissolution de l'Union soviétique, sans qu'il y ait eu une intervention prolétarienne sur une base de classe. En outre l'aveu tant attendu (de la nature capitaliste de l'URSS) par Bordiga ne se produisit pas réellement. La seule donnée qui fut en accord avec la perspective bordiguienne c'est qu'en définitive ces événements furent en rapport avec le devenir du marché mondial. Je citerai en particulier un fait qui ne fut pas relevé à l'époque, c'est l'intervention de pays asiatiques comme Singapour, Hong-Kong qui minèrent complètement les exportations industrielles de l'Allemagne de l'Est et de la Tchécoslovaquie qui exportaient divers produits à bas prix comme les appareils photos par exemple. L'Union Soviétique n'avait pas de solution économique pour pallier à un tel désastre, d'où se produisit la dislocation du bloc de l'est.

Plus important: c'est dans les années 70 que la fin du procès révolution s'impose et que dans les années 80 on a dissolution du prolétariat en tant que classe et que, de nos jours, le capital en tant que tel disparaît, remplacé par l'autonomisation de sa forme, qui correspond à l'instauration de la virtualité.

Ainsi l’œuvre de A. Bordiga n'aurait plus aucune importance en ce qui concerne notre devenir. Toutefois si on aborde l'étude de la question russe non seulement en elle-même mais en rapport avec le développement du capital en Occident, les choses se présentent autrement. Début des années 50 du siècle dernier eut lieu un débat à l'échelle internationale su sujet de savoir si l'URSS était socialiste. Certains théoriciens affirmèrent qu'elle ne l'était pas mais qu'elle construisait le socialisme. A. Bordiga fut d'accord avec ce diagnostic mais il ajouta : cela veut dire qu'elle développe le capitalisme, base sur laquelle le socialisme peut se développer. Et, généralisant pour ce qui concerne l'Occident, il affirmait : ici on a trop construit, il faut détruire. C'était totalement cohérent avec son affirmation concernant la possibilité du socialisme dès 1848. Cela le conduisit à exposer un plan de mesures à prendre tout de suite après la prise du pouvoir (réunion de parti de Forli en 1952), où il était stipulé entre autres :

« 1. Désinvestissement des capitaux, c’est-à-dire destination d’une partie plus réduite du produit aux biens instrumentaux.

2. Élévation des coûts de production pour pouvoir donner, jusqu’à la disparition du salariat, du marché et de la monnaie, de plus fortes payes, pour un temps de travail inférieur.

3. Rigoureuse réduction de la journée de travail, au moins à la moitié des heures actuelles en absorbant le chômage et les activités antisociales.

4. Réduction du volume de la production à l’aide d’un plan de sous-production qui la concentre dans les domaines les plus nécessaires; contrôle autoritaire des consommations, en combattant la mode publicitaire pour ceux qui sont inutiles et néfastes; abolition des activités assurant la propagande d’une psychologie réactionnaire.

7. Arrêt des constructions de maison et de lieux de travail autour des grandes villes et même autour des petites, comme point de départ vers la distribution uniforme de la population dans les campagnes. Réduction de la vitesse et du volume du trafic, en interdisant celui qui est inutile."


On peut dire qu'en prônant ces mesures Bordiga initia une dynamique que j'ai nommée inversion, c'est-à-dire "la mise en place d’un devenir contraire à celui effectué jusqu'à nos jours". Cette affirmation se justifie d'autant plus qu'à la même époque (début des années cinquante) il affronte, avec une grande ampleur, la question du rapport de l'espèce à la nature. Signalons par exemple : Espèce humaine et croûte terrestre (1952) où est abordée la question de la surpopulation, et Espace contre ciment (1953) où est mise en évidence l'immense minéralisation de la nature. Par là la question du devenir de l'espèce est clairement posée.

Donc : fondamentalement l'espèce ne doit plus emprunter la voie du progrès, mais celle du régrès, et ne doit pas chercher en la science la voie d'un salut car celle-ci est devenue en fait un instrument de répression et de justification de ce monde (1964).

L'inversion ne concerne pas seulement l'espèce en tant que telle mais aussi le comportement des individus. Dans les années soixante s'impose de plus en plus l'idée qu'il ne faut pas attendre la révolution pour le modifier et permettre ainsi le développement du communisme, mais il faut que les partisans de ce dernier atteignent, dés avant la révolution, un comportement compatible avec ce dernier. D'où l'affirmation centrale concernant avant tout les membres du parti: il faut se comporter comme si la révolution communiste était un fait advenu, et le parti, de plus en plus pensé comme un parti communauté, est la préfiguration de la société communiste. La dynamique de se comporter "comme si" vise la non dépendance par rapport à ce monde. Autrement dit ce qui prédomine ce ne sont pas les données de lutte (non négligées), donc d'inimitié, mais la tentative de fonder une autre affirmation des hommes et des femmes et par là, de l'espèce.

De nos jours où diverses crises s'entremêlent avec le phénomène de la pandémie dont les causes fondamentales remontent à la coupure de continuité avec la nature, au sein de l'espèce, à sa dégénérescence liée au devenir hors nature, avec le déploiement de l'inimitié qui conduit au sein de celle-ci à la régression de la solidarité, de l'affectivité concomitantes à l'isolement toujours plus intense entre les individus, les rendant vulnérables aux agents infectieux comme le coronavirus. La propagation de celui-ci dépend du développement de l'inimitié au sein de l'espèce et dans la relation de celle-ci à la nature.

Ce n'est qu'en réalisant l'inversion, qui nous maintient en continuité avec le passé révolutionnaire et donc avec Bordiga, que l'espèce pourra perpétuer son devenir.1


1  Ce texte devait servir de préface à une traduction anglaise de "Structure économique et sociale de la Russie d'aujourd'hui" d'Amadeo Bordiga mais, malheureusement, elle ne put se faire.
18 mai
on me pose par messagerie la question : « pourquoi certaines des anciennes conversations publiées sur votre forum ont tout bonnement disparu. Je pensais particulièrement à celle sur "Camatte et nous". » Rien n'a disparu dans le sujet sur Camatte, seul le titre a changé, prenant acte du fait que le "nous" n'avait plus de sens pour moi, renvoyant au milieu radical qui a pour l'essentiel rejeté Camatte tout en ignorant ses écrits depuis la fin des années 70. Les conversations qui y figurent sont essentiellement avec mon ami Adé, qui avait traduit en 2015 un texte de Federico Corriente, "Jacques Camatte et «le chaînon manquant» de la critique sociale contemporaine."

la réédition du sujet a provoqué une baisse des lectures enregistrées, qui dépassaient les 4000

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Message par Troguble Dim 3 Oct - 8:00


"LA FEMME EST L'AVENIR DE L'HOMME"

Patlotch a écrit:Jacques Camatte publie son dernier texte (en date), remarquablement lisible relativement à d'autres, mais pas moins théorique

alors que le milieu théorique communiste radical s'est penché sur "les rapports hommes-femmes" depuis peu, en relation avec la montée des réflexions sur "le genre", Camatte s'y est mis dès les années 70, et l'on peut dire qu'au sein de son corpus, leur expression est arrivée à maturité et occupe une place essentielle : « Les relations hommes-femmes occupent la place centrale dans le devenir de l'espèce car en dernière instance ce sont elles qui déterminent tout. »

à la différence des théories communistes, chez Camatte, cette question n'est pas subordonnée à celle de contradictions entre classes, mais se caractérise par le rapport intrinsèque, mais brisé, à la nature, de même que sa résolution :

Camatte a écrit:Nous avons déjà amplement traité de comment sortir de ce terrible devenir conduisant à l'extinction de l'espèce : l'inversion qui consiste fondamentalement en une réconciliation avec la nature, donc avec les femmes reconnues dans toute leur puissance. La réaffirmation de leur naturalité est fondamentale surtout lors de l'accouchement du fait des conséquences déterminantes pour la naturalité de l'enfant. C'est à partir de là que tout commence... et que l'inversion peut se réaliser.

10. L'asservissement des femmes
Jacques Camatte, Invariance, septembre 2021

Se remettre en continuité, c'est retrouver l'évidence

Nous ne traiterons pas la question dans son intégralité, mais nous nous focaliserons sur ce qui nous semble essentiel et qui n'a pas été traité, ainsi que sur des données qui le furent de façon insuffisante. Ajoutons que les conditions climatiques sont déterminantes pour tout ce qui advient durant le néolithique, période au cours de laquelle se réalisa l'asservissement des femmes. En effet sans le réchauffement climatique, occasionnant des changements importants dans la flore, la mise en place et la réalisation de la sédentarité, déjà amorcée à la fin du paléolithique, n'aurait pas pu avoir lieu. Or, tout commence avec la sédentarisation.

Les relations hommes-femmes occupent la place centrale dans le devenir de l'espèce car en dernière instance ce sont elles qui déterminent tout. Dans les chapitres antérieurs nous avons indiqué comment l'instauration de nouvelles pratiques les avaient plus ou moins modifiées et même provoqué des déséquilibres qui ont pu être compensés et que toute séparation a pu être enrayée. Toutefois pour réellement comprendre les modifications subies dans ces relations il faut tenir compte simultanément de la présence de l'enfant et envisager en fait les rapports entre le couple mère-enfant - surtout durant la phase initiale de la vie de ce dernier - et l'homme (le père). C'est pourquoi nous accordons une grande importance à la mise en place de l'initiation lors du développement de la chasse (cf. chapitre 07) car avec cette pratique se met en place une remise en cause de la relation mère enfant du fait qu'il n'y  plus une immédiateté au sein de la communauté mais déploiement d'une dynamique "culturelle" qui fait que s'impose une seconde naissance, prouvant que l'enfant fait réellement partie de la communauté, et confirme son appartenance à elle. En même temps c'est une première coupure entre la mère et l'enfant, ainsi qu'au sein du procès de vie de celui-ci, le faisant accéder au stade adulte, comme s'il fallait une coupure avec la mère, une rupture d'immédiateté pour que ce stade soit atteint.

Lors du développement de la chasse se mettent en place interdit et alliance et le déploiement de la dynamique de la forme qui en découle, ce qui permet l'autonomisation d'un pouvoir du fait que l'infraction de l'interdit correspond à une libération de pouvoir pour celui qui la commet, ce qui favorise la production de l'individu et contribue à l'affaiblissement de la communauté. Tout cela retentit sur le procès de connaissance qui commence à subir une certaine autonomisation car il va permettre, avec en particulier l'émergence des concepts de pur et impur, d'interpréter l'activité de la communauté et de la justifier.

Plus important encore, concernant la dynamique du pouvoir, avec la chasse les prérogatives des deux sexes divergèrent. Ainsi les femmes pouvaient y participer - en étant rabatteuses par exemple - mais elles ne pouvaient pas tuer. Ceci peut se comprendre et le fut en fonction du sang menstruel et tout ce qui l'accompagne. En fait c'est insuffisant: les femmes n'avaient pas le droit de tuer. On leur ôta le pouvoir de le faire. Les femmes ont le pouvoir d'engendrer mais non celui de tuer. La femme est l'être pour la vie auquel est lié son pouvoir, l'homme est l'être pour la mort auquel est lié son pouvoir. Et le pouvoir est l'ensemble des possibilités qu'on possède pour réaliser les modalités du procès de vie. Le pouvoir est lié à l'affirmation qui, lorsque l'inimitié est absente, n'empiète pas sur autrui. Ceci est fondamental car ultérieurement s'imposera le pouvoir sur, qui implique en revanche l'intervention, la manipulation, la contrainte. C'est un pouvoir qui s'exerce sur le pouvoir de l'autre afin qu'il effectue un procès donné (une déviation).

Du fait de l'existence de l'haptogestation la relation mère enfant implique l'affirmation d'une profonde continuité ce qui fait qu'on peut dire que la femme a tendance à se développer en fonction de la continuité tout en ayant la dimension du discontinu, tandis que l'homme le fait du pôle du discontinu tout en ayant la dimension du continu. Le devenir de l'espèce s'est opéré en fonction d'une tension entre continu et discontinu autre façon de dire qu'il s'est fait dans un "affrontement" homme - femme. Mais pas uniquement, comme le montrent les divers mouvements de réaction au devenir hors nature au sein desquels les hommes occupèrent une place très importante de même qu'on doit tenir compte que divers théoriciens s'affirmèrent en tant que penseurs du continu.

Ainsi durant des millénaires, il se produisit, en rapport aux variations des conditions climatiques une différenciation dans les manifestations du procès de vie des hommes et des femmes sans qu'il y ait une séparation effective des sexes mais seulement une tendance à la réaliser comme lors du développement de la chasse et la problématique de la magie. Plus précisément ceux-ci, du fait de la non séparation achevée, n'étaient pour ainsi dire que virtuels1, puisque l'existence des sexes présuppose la séparation. Autrement dit, hommes et femmes purent vivre ensemble en accomplissant chacun de leur côté, selon leur être, le procès de vie de l'espèce. Il y avait une complémentarité et une continuité.

Au néolithique tout change du fait de la mise en place d'un ensemble de phénomènes que l'on peut regrouper et exprimer ainsi: séparation de l'espèce par rapport au reste de la nature, coupure fondamentale à la base d'ailleurs de toutes celles qui suivirent et qui opérèrent comme son déploiement. Elle s'instaure du fait qu'une communauté donnée, en s'appropriant une portion de territoire afin de la cultiver et d'y élever des animaux, se coupe du restant de la nature, ce qui génère la dynamique de l'enfermement et de l'inimitié qui tend à se substituer à l'empathie, ainsi que l'autonomisation du pouvoir, qui accéda au statut de quantum manipulable et cumulable n'étant plus l'expression d'une puissance d'être mais d'une puissance sur autrui tandis que l'amour devenait secondaire. Dés lors hommes et femmes ne se rapportèrent plus en fonction de leur pouvoir, mais en raison d'un quantum de pouvoir qu'ils avaient, qu'elles avaient, accaparé, et de l'amour sans lequel aucune relation n'est possible du fait de la persistance de la naturalité. Le tout permit le développement de la mégalomanie.

La découverte de l'agriculture, de la poterie, par les femmes ainsi que leur rôle dans la mise en place de l'élevage, augmenta leur puissance, en fait leur quantum de pouvoir. Mais il y a plus. Elles empiétèrent sur le domaine des hommes. En effet les pratiques agraires les amenèrent à exercer une souveraineté sur la vie, mais aussi sur la mort et, par suite du déploiement d'une dimension mégalomaniaque, elles se posèrent comme "maîtresses des animaux", comme si elles étendaient leur pouvoir d'engendrer des enfants à celui de produire des animaux. Cela introduisait en même temps une confusion entre ce qui était dévolu à la femme et ce qui l'était à l'homme d'où, par suite d'une transcroissance et autonomisation du pouvoir, celui des femmes en vint à opérer sur celui des hommes, maintenus en quelque sorte à l'état d'enfants, donc dans un état de dépendance, d'infériorité, état nouveau résultant de la coupure de continuité, provoquant un affaiblissement de l'haptogestation et de la perception de la puissance de l'enfant en tant qu'expression de la continuité.

Les hommes donc se sentant menacés (réactivation de l'antique empreinte2) se lancèrent à fond dans la production et, pour cela, mirent au point diverses techniques et divers outils surtout grâce à la métallurgie (fin du néolithique) ce qui leur permit de sortir de la confusion en établissant et en accentuant une séparation entre hommes et femme avec l'instauration et l'institution des sexes c'est-à-dire en recourant à un fait objectif, à une organisation anatomique qui fut élevée au rang d'indicateur de séparation : le sexe, dont l'étymologie du mot est en étroite relation avec l'idée de cette dernière, de même qu'il est affecté, dés le départ, d'une forte dimension idéologique source d'une ambiguïté profonde. Cette dimension idéologique est celle de la supériorité - se substituant à l'infériorité - du sexe mâle3, à qui fut attribué une surpuissance physique et surtout intellectuelle visant à contrebalancer, voire à supplanter, celle d'engendrer caractéristique des femmes.

Cette supériorité dériverait avant tout du fait que les hommes échapperaient à la dépendance vis-à-vis de la nature du fait de la séparation effectuée vis-à-vis d'elle, tandis que les femmes en restant nature demeureraient en cette dépendance. C'est pourquoi le devenir de l'espèce divisée et dominée par les hommes consistera en une séparation toujours plus importante pour conjurer finalement cette dépendance, et en même temps, du fait du désir de ne pas perdre ce dont on a été séparé, un intense développement de la création, d'un substitut dans l'artificiel, expression d'une immense mégalomanie.

Donc après un certain équilibre ente les sexes, leur prédominance s'imposa surtout, rappelons-le,  avec le labourage, l'irrigation et la métallurgie. En conséquence au pouvoir d'engendrer des femmes s'opposa celui de produire des hommes. Mais cela n'était pas suffisant pour combler leur désir de pouvoir et apaiser leur mégalomanie. Ils voulurent s'emparer du pouvoir d'engendrer des femmes - ne pouvant se satisfaire de manipuler celui des animaux - et se substituer pleinement à elles. Comme cela n'était pas possible ils en vinrent à la contestation de la possession de l'enfant qui, d'expression - manifestation de la capacité d'engendrer, fut érigé en symbole du pouvoir. Avec le surgissement du patriarcat, l'enfant n'est finalement reconnu comme nouvel être qu'à partir du moment où le père l'accepte, l'adopte, en le prenant dans les bras et le présente aux membres de ce qui est devenu la famille. À partir de là se mit en branle la terrible dynamique de séparation mère-enfant initiant le procès de répression de la naturalité de celui-ci; séparation qui s'est accrue de plus en plus avec  le surgissement  du capital, opérant (rejouement) une autre coupure de continuité. Dépossédées, les femmes se sont repliées sur leur fonction naturelle, sur leur maternité4, "s'inféodant" dans la nature et, fidèles à leur besoin de sédentarité, sur l'oïkos remplaçant le topos, alors que les hommes rompirent avec elle. L'assujettissement des femmes est bien connexe à la séparation d'avec la nature, œuvre des hommes. Leur victoire est liée à une répression terrible qui s'est soldée pour les femmes par un enfermement (le plus spectaculaire fut celui opéré par les grecs avec le gynécée), un esclavage et une servitude volontaire. J'emploie à dessein cette expression porteuse d'une mystification, comme si le maintien, de façon indéfinie, d'une contrainte pouvait engendrer une habitude à servir, se muant en une volonté. Cette répression s'est réalisée grâce à la dissolution de la communauté et au remplacement des anciens rapports communautaires par des rapports de dépendance en relation au développement de l'économie et de l’État sous sa première forme, instruments par excellence de la substitution. Tout cela fonde le patriarcat et la pleine réalisation de l'asservissement des femmes. Celui-ci s'est donc effectué en même temps que se faisait plus intense la coupure avec le reste de la nature. On peut même affirmer que cette coupure vint en premier, et que la femme devint alors symbole de la nature qu'il s'agit de dominer en même temps qu'un être incompréhensible pour l'homme qui, de son côté, perdit de plus plus connaissance de sa place en elle. Ceci est fondamental car l'asservissement des femmes s'est imposé comme corrélat indissociable de la volonté de dominer la nature afin de conjurer la menace du risque d'extinction.

On a eu donc, du moins en Occident, l'instauration du patriarcat. Dans d'autres zones du globe qui ne connaissent pas l’État la domination des hommes s'est aussi installée. Elle opère dans des communautés despotiques phase ultime du devenir de la communauté avant le surgissement de ce dernier5. Il est des zones également où l'importance des femmes a subsisté et ont conservé une indépendance ainsi qu'un pouvoir important comme à Çatal Hüyük ou en Crète, mais cela n'a pas duré et du fait de l'intervention, comme d'ailleurs en d'autres régions, de peuples pasteurs patriarcaux, le patriarcat s'y est en définitive imposé. C'est ce qu'affirme, en particulier parmi divers théoriciens et diverses théoriciennes, Marija Gimbutas. Toutefois l'origine du patriarcat n'est pas exposée et, en particulier, pourquoi les indo-européens étaient - ils patriarcaux ? Ces derniers sont souvent utilisés en tant que deus ex-machina pour expliquer divers bouleversements sociaux6

De même selon moi, Jacques Cauvin escamote le heurt entre hommes et femmes dont le débouché fut l'instauration du pouvoir des hommes. Ce n'est pas le lieu ici d'exposer le contenu de son livre Naissance des divinités, naissance de l'agriculture - La révolution des symboles au néolithique7, car il faudrait d'abord préciser à partir de quand on peut parler de dieux et de déesses. Pour moi cela n'est possible qu'avec le surgissement de l’État au début des temps historiques. Concernant notre thème, "La révolution néolithique" une mutation mentale"8 peut s'y rapporter. En effet il précise en quoi consiste cette mutation "Un événement s'est produit, et il est de nature psychique. Nous l'avons défini comme une déchirure nouvelle au sein de l'imaginaire humain entre un "haut" et un "bas", entre un ordre de la force divine personnifiée et dominatrice et celui d'une humanité quotidienne dont l'effort intérieur vers cette perfection qui le transcende peut être symbolisé par les bras levés des orants"9. La "déchirure" résulte d'un accroissement de la séparation d'avec la nature, une "discontinuation" importante, et de la coupure de continuité entre hommes et femmes engendrant la production des concepts de supériorité et d'infériorité pour exprimer la dépendance d'un sexe par rapport à l'autre ainsi que celle de l'espèce vis-à-vis du monde invisible qui va se peupler de diverses hypostases. L'asservissement des femmes correspond bien à une déchirure tant organique que mentale mais ne peut pas se réduire à une mutation, le concept connotant l'idée d'un phénomène s'imposant de façon brusque, or cela requit des millénaires, tout le néolithique, pour se réaliser.

Enfin il existe encore de nos jours des zones où les femmes ne sont pas dominées10. Mais on ne peut pas parler de matriarcat, terme créé pour désigner l'absence de pouvoir dirigeant des hommes dans certaines communautés, comme cela se présente chez les Na de Chine11 où prédomine une séparation importante entre les sexes et où les hommes sont en fait dépendants, comme cela s'est produit de façon encore plus nette dans les communautés des amazones d'où ils sont absents sauf au moment de la reproduction. Ce qui est une preuve de la puissance du heurt entre les sexes.

Qu'il y ait patriarcat ou non, la séparation des sexes est advenue. Elle peut être une source de stagnation de l'espèce, de son enfermement. Pour surmonter la séparation, l'amour devint la médiation essentielle afin d'accéder à l'union, autre expression de la perte de continuité et de l'autonomisation du pouvoir, devenant lui aussi un médiateur pour établir une continuité, mais aussi de la perte de l'immédiateté: on aime parce qu'on est séparé. De là se fait jour une autre dynamique, en quelque sorte complémentaire mais qui se déploiera plus tard, celle de dominer la sexualité, variante de celle de dominer la nature.

L'exaltation de l'amour, surtout s'il peut être vécu de façon naturelle, est le contenu d'une immense littérature à travers le monde qui opère comme une incantation, une conjuration d'un maléfice, pour surmonter une ambiguïté amour-haine. Ainsi Tristan et Yseult s'aiment, non par naturalité, mais parce qu'ils ont bu le filtre, et c'est comme si le breuvage avait permis de surmonter la peur des femmes. De là on peut dire que l'art apparaît comme une immense thérapie de la psyché humaine qui permet de surmonter ou d'intégrer les divers traumatismes advenus au cours de ces derniers millénaires. L'émergence de l'art est inséparable de celle de l’État qui lui aussi a une ample dimension thérapeutique. La même investigation est valable pour la religion. En outre il convient de noter que dans les trois cas la femme est utilisée comme médiatrice, souvent exaltée, autre expression de l'ambiguïté.

L'asservissement des femmes, justifié par leur dépendance vis-à-vis de la nature et par leur soi-disant infériorité tant physique qu'intellectuelle, résultat du déploiement de l'inimitié, s'accompagne d'un rejet de l'innéité. Le faire, le devenir deviennent prépondérants et donc le travail et le progrès. Cela retentit sur le procès de connaissance devant justifier la coupure, la séparation et donc la régression de l'immédiateté, ce qui autorise le déni, la manipulation du réel des êtres humains tant sur le plan social qu'au niveau interindividuel. Cela concerne aussi la relation à l'invisible non plus vécu en continuité avec le visible, mais en tant que domaine séparé où la manipulation des hypostases qui le peuplent, et dont la multiplicité exprime encore le procès de séparation, peut aussi s'effectuer. Les hommes ont en fait restreint leur milieu de vie, leur oïkos où ils pensent être en sécurité. Ils s'y sont enfermés. Dés lors on peut dire que la dynamique de l'enfermement domine, conditionne le devenir de l'espèce: dans les villes, les cimetières, les temples, les églises, dans les nations, les diverses communautés, dans la famille, dans l'individu avec la floraison de l'hyperindividualisme.

Le séparé peut-être posé comme un plein impliquant un vide qui peut se manifester comme un invisible qu'il faut explorer, peupler et manipuler de telle sorte qu'on peut penser que l'enfermement de l'espèce en elle-même - sa folie - implique un immense vide où elle espère fonder une alternative à son risque d'extinction. D'où un accroissement constant de l'artificialisation du monde qui retentit sur elle, actualisant une autre forme d'extinction possible, tandis que le vide s'exprime au travers du rejet et de la destruction de la nature. Précisons et complétons: l'invisible peut être perçu d'abord comme l'insaisissable, l'indiscernable, l'indéfinissable et peut être appréhendé comme un vide dont l'autre composante dyadique est le plein. Dés lors on comprend les manipulations qui peuvent être effectuées. Ainsi les. dominants pour augmenter leur pouvoir et son efficacité afin qu'il ne soit pas remis en cause, tendent à le rendre invisible. D'autre part nier des qualités à un individu, comme ce fut fait pour les femmes, revient à le vider de substance. Le pouvoir patriarcal nia aux femmes des qualités humaines et justifia avec cela la domination des mâles. Or, on peut comparer le silence au vide en ce sens qu'il désigne une absence de. Nous comprenons alors l'acharnement des dominants à imposer le silence12 pour maintenir leur domination et, là encore, le pouvoir patriarcal opéra de même.

Les dominés pour échapper aux maléfices du pouvoir et n'être pas saisissables veulent se rendre invisibles (pour le silence les choses sont plus complexes). On peut étendre cela à l'espèce et dire que celle-ci voudrait se rendre invisible pour échapper à la menace d'extinction: d'où son enfermement.

Pour préciser disons les choses autrement en relevant une ambiguïté comportementale devenant contradiction. Les hommes se sont posés comme un plein dont le vide complémentaire serait constitué par les femmes. D'où l'essai de les rendre invisibles, le meilleur moyen de conjurer la menace qu'elles représentent pour eux13. Menace d'autant plus grande que du fait de leur pouvoir de séduction elles seraient de grandes manipulatrices. Toutefois lorsqu'il s'agit d'explorer l'invisible ils font appel à elles: les voyantes, prouvant par là qu'il est impossible d'extirper la naturalité, de se passer des femmes, et l'échec de toutes les manipulations dictées par la mégalomanie14 afin de les escamoter.

En même temps qu'il y a eu asservissement il y a eu sa justification dont nous avons fait état. Toutefois nous voulons ajouter ceci: cela a permis de fuir la sédentarité, analogon à fuir la dépendance, les femmes étant conservatrices car liées à la nature, et à exalter la dynamique de l'intervention débouchant dans celle actuelle de l'innovation dont le résultat final peut-être l'extinction de l'espèce du fait d'une substitution aboutissant à un homme artificialisé.

Avec l'asservissement des femmes et la lutte contre celui-ci, ainsi que l'essai de dépasser le heurt en niant les sexes et la reproduction naturelle, l'espèce entre dans l' errance, dans la production de l'ontose et de la spéciose se parachevant dans la folie.

Toutefois, là n'est pas l'essentiel puisque, avec la fin du patriarcat il y a disparition d'un ensemble de règles régissant les rapports entre les sexes, c'est-à-dire la domination de l'homme sur la femme, du fait que cette domination ne constitue plus un des fondements de l’État dont les représentants proclament l'égalité des sexes et veulent la réaliser L'asservissement s'estompe même si les violences contre les femmes persistent.

Pour comprendre ce phénomène, il nous faut revenir sur le phénomène de séparation qui provoqua une régression progressive, continue, dans la réalisation de l'haptogestation et donc une lente dégradation de la condition des enfants.Tout d'abord la fragmentation de la communauté engendra une diminution de la cohésion entre les femmes rendant difficile de réaliser le portage permanent de ceux-ci, au stade de bébés. Ultérieurement la séparation des dyades et donc l'instauration des sexes eut aussi un effet négatif sur l'haptogestation, d'autant plus que celle-ci affecta les dyades elles-mêmes c'est-à-dire chaque individu comportant potentiellement la dimension complémentaire étant par exemple mâle mais ayant puissance de la féminité et réciproquement, accusant les différences et un appauvrissement dans la puissance d'être et tendit, à rigidifier les relations tant entre parents qu'entre ceux-ci et leurs enfants cause encore d'une détérioration de l'haptogestation. Ceci s'accuse encore lorsque l'enfant devient un signe du pouvoir et donc un objet de contestation. Et cela s'aggrave encore avec la réalisation d'un monde artificialisé à la suite de la lente substitution des rapports humains par des relations économiques et de pouvoir en relation au surgissement de l’État en sa première forme. Dés lors se pose la nécessité d'adapter l'enfant à un monde artificiel ce qui implique de réprimer sa naturalité afin qu'il soit compatible à ce monde et puisse s'y développer. Telle est l'origine de la répression de la naturalité de l'enfant exercée, pour son bien, par les parents, souvent à leur corps défendant et imposée par la communauté despotique d'abord, puis par l’État. De ce fait la mère en vient à être perçue comme un être ambigu à la fois bénéfique, pleine d'amour, et maléfique fautive d'une mise en dépendance. Cela fonde une haine des mères qui à l'état adulte devient, chez les hommes, une haine des femmes souvent couplée d'une peur, la misogynie, et chez ces dernières une haine de soi. Cette misogynie est souvent renforcée du fait que pour sortir de l'ambiguïté, trop difficile à vivre, l'être humain choisit la dimension qui est la plus compatible avec le devenir social, c'est-à-dire l'inimitié. C'est ainsi que s'est mis en place le "malencontre" dont parle Étienne de La Boétie dans son Discours sur la servitude volontaire. Le malencontre "qui a pu tant dénaturer l’homme, seul né de vrai pour vivre franchement; et lui faire perdre la souvenance de son premier être, et le désir de le reprendre..." Ensuite pour expliquer ce qu'il nomme la servitude volontaire il affirme "la première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c'est qu'ils naissent serfs et qu'ils sont élevés dans la servitude". Or, nous l'avons déjà signalé, dans diverses langues un même mot désigne l'enfant et l'esclave du fait que tous deux sont des être dépendants. De même qu'esclave est l'adjectif désignant la femme puisqu'elle aussi vit dans la dépendance. Nous avons également signalé à quel point la dynamique de sortir de la dépendance vis-à-vis de la nature, elle-même posée de façon ambiguë comme mère et marâtre, détermine le devenir de l'espèce surtout à partir du néolithique. Pour conclure disons que tout se passe comme si hommes et femmes vivaient une servitude volontaire alors qu'elle leur a été imposée et dont ils et elles essaient de se libérer, et que le moment du malencontre se produit lors de la coupure avec le reste de la nature.

Nous avons déjà amplement traité de comment sortir de ce terrible devenir conduisant à l'extinction de l'espèce : l'inversion qui consiste fondamentalement en une réconciliation avec la nature, donc avec les femmes reconnues dans toute leur puissance. La réaffirmation de leur naturalité est fondamentale surtout lors de l'accouchement15 du fait des conséquences déterminantes pour la naturalité de l'enfant. C'est à partir de là que tout commence... et que l'inversion peut se réaliser.

Septembre 2021


1 Il est impossible d'écrire potentiels car cela impliquerait qu'on aurait eu à faire avec un phénomène naturel (comme le gland devenant chêne) et à la manifestation d'une continuité. La séparation a impliqué la mise en jeu d'une certaine violence qui permit de passer de la virtualité à la réalité.

2    On peut se demander si les femmes, plus prés de la nature, plus en continuité avec elle, ne sont pas moins affectées par elle.

3  Ici aussi le concept de sexe renferme une ambiguïté qui peut générer confusion. En effet il désigne à la fois la totalité et une partie.

4    Michel Odent, Le bébé est un mammifère, Ed. L'instant présent, indique: "Il semble que les femmes aient toujours cherché à se protéger au moins contre le regard des hommes." p. 29. Il ajoute ensuite : "Récemment, au milieu du vingtième siècle, s'est amorcé un phénomène nouveau dans l'histoire de l'humanité et même dans l'histoire des mammifères. Soudain, beaucoup de femmes ont ressenti comme un besoin la participation du père à la naissance." p. 30. Citons encore: "Pour balayer toutes les séquelles de l'ère qui s'achève, pour bâtir des bases nouvelles, il faudra nous concentrer sur une question dont l'importance n'a pas encore été profondément perçue: pourquoi les femmes en couches ont-elles toujours cherché à se protéger contre la présence des hommes?" p. 33 La réponse me semble évidente : c'était une réaction à leur asservissement.

           Le phénomène nouveau dont parle l'auteur relève selon moi de l'inversion, peut-être en liaison avec un retour du refoulé, et cherche les conditions de son amplification. Originellement, disons avant la coupure de continuité s'effectuant au néolithique, les hommes, lors de l'accouchement, participaient en étant présents, en continuité avec leurs compagnes.

5   Voir Émergence de Homo gemeinwesen, le chapitre 8. La formation de la communauté abstraïsée : l’État

6    Cf. Marija Gimbutas Le langage de la déesse, Ed. des femmes, Antoinette Fouque, et J.P. Demoule, Mais où sont passés les indo-européens? Le mythe d'origine de l'Occident. Ed. Seuil..

7    Jacques Cauvin, Naissance des divinités, naissance de l'agriculture - La révolution des symboles au néolithique, cnrs édition.

8    O.c. titre du chapitre 7, page 95.

9   O.c. page 98.

10    Cf. Heide Goettner-Abendroth, Les sociétés matriarcales - Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde, Ed. des femmes, Antoinette Fouque. Livre très intéressant pour toute la documentation fournie et pour la diversité des réflexions théoriques importantes qu'il contient.

11     Cf. Cai Hua, Une société sans père ni mari, les Na de Chine, Ed. PUF.

12    Cf. Le Goff. J. Du silence à la parole - droit au travail, santé, État (1830-1989), Ed. Calligrammes.

13      Ce désir de rendre invisible afin d'échapper à une menace s'exprime de façon extrême chez les talibans qui veulent que la femme soit totalement voilée de telle sorte que c'est finalement ce qui la masque qui signale son sexe (elle n'est que parce qu'elle est voilée), en même temps que cela révèle l'extrême instrumentation - manipulation que subissent les femmes: elles ne sont apparentes que dans la vie privée afin qu'elles assurent l'alimentation et le désir sexuel des hommes. C'est le cas paroxystique de la peur des femmes qui règne aussi ailleurs mais de façon atténuée. Ils désirent également qu'elles soient silencieuses. Au fond, qu'elles existent sans exister.

14      Les dirigeants politiques comme les dirigeants d'entreprises déploient tous une ample mégalomanie à l'instar d'Elon Musk. Pourtant voici ce que nous rapporte l'Express : "Pour le fondateur de Tesla, nous croyons vivre dans la réalité, mais nous avons infiniment plus de chances de vivre dans une simulation. En d'autres termes, notre monde, c'est Matrix. Nous sommes les jouets d'une simulation informatique inventée par une civilisation plus avancée. (...) Si ça se trouve, cette civilisation qui nous a placé dans la Matrice n'est autre qu'une nouvelle race d'intelligence artificielle, (...)."

              Pour moi il exprime inconsciemment la peur de l'extinction, comme cela apparaissait de façon frappante avec le film Matrix. C'est très symptomatique aussi que cette peur ressurgisse toujours plus forte en même temps que l'on fonce toujours plus vers l'extinction et ce, selon diverses modalités. Au fond être manipulé serait la seule explication possible à un tel devenir où l'image du labyrinthe (plus on avance, plus on s'enferme) s'impose également, tandis que l'enfermement (la folie) se révélerait ne plus être un point d'aboutissement, une solution.

15   Voir particulièrement: Michel Odent, Le bébé est un mammifère, Ed. L'instant présent qui insiste abondamment sur l'importance des sages - femmes  et  celle du colostrum. Cf. aussi: Ina May Gaskin, Le guide de la naissance naturelle - retrouver le pouvoir de son corps, Ed. Mama.

on me pose par messagerie la question : « pourquoi certaines des anciennes conversations publiées sur votre forum ont tout bonnement disparu. Je pensais particulièrement à celle sur "Camatte et nous". » Rien n'a disparu dans le sujet sur Camatte, seul le titre a changé, prenant acte du fait que le "nous" n'avait plus de sens pour moi, renvoyant au milieu radical qui a pour l'essentiel rejeté Camatte tout en ignorant ses écrits depuis la fin des années 70. Les conversations qui y figurent sont essentiellement avec mon ami Adé, qui avait traduit en 2015 un texte de Federico Corriente, "Jacques Camatte et «le chaînon manquant» de la critique sociale contemporaine."

la réédition du sujet a provoqué une baisse des lectures enregistrées, qui dépassaient les 4000. Il avoisine donc aujourd'hui les 5800 clics

Troguble

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