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GUYANE, LA FRANCE-MONDE

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Message par Invité Lun 7 Oct - 11:50


Sa ki la pou to dilo pa ka charyél
ce qui doit arriver arrivera

« Nous sommes la cinquième puissance amazonienne »
Emmanuel Macron


GUYANE, LA FRANCE-MONDE Carte-guyane

Patlotch a écrit:Guyane, le dernier et seul territoire européen en Amérique du sud, le plus grand département français par sa superficie (7% de la France), le moins dense par sa population (4 hbts au km2), dont deux tiers a moins de 25 ans. Deux événements l'ont mise récemment au centre de l'actualité et des conflits majeurs en Amazonie, autour de l'extractivisme (la "Montagne d'Or") et des changements climatiques en liaison avec la déforestation au Brésil, cible préférée du donneur de leçon du capitalisme vert au monde entier : Emmanuel Macron

GUYANE, LA FRANCE-MONDE Graph

c'est aussi, avec la Réunion, le département le plus divers sur le plan ethnique et le plus métissé, sans créolisation (j'y reviendrai) Les conflits mêlant inégalités sociales et racisme y sont explosifs, comme les problèmes liés aux migrations, au chômage, à la drogue, à la prostitution... La religion qui monte, l'évangélisme, y fait des ravages en liaison avec la corruption politique, comme dans toute l'Amérique latine où le catholicisme est en perte de vitesse, d'où les réactions indigénistes du Pape François

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on l'a vu au Brésil avec, derrière Bolsonaro, la main des évangélistes

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j'ai donc des raisons générales de porter la focale sur ce véritable microcosme mondial qu'est la Guyane française. J'en ai de plus personnelles. Dans les années 70, je m'occupais au Ministère des Transports des routes nationales dans les DOM-TOM, et en Guyane particulièrement de la RN1 entre Cayenne, Kourou et Sinnamary, liée à la desserte de la base de lancement des fusées Ariane. Dans les années 90, j'ai eu pour collègue à la formation professionnelle une Guyanaise qui, retournée depuis en Guyane, est depuis une amie. C'est aussi dans ces années-là que je me suis intéressé, à la faveur du bicentenaire de la Première abolition de l'esclavage en 1794, au marronnage en Guyane et aux Antilles dont le caractère insulaire explique la fonction historique différente relativement à l'esclavage et au colonialisme

plus récemment, j'ai découvert la série des 4 romans guyanais de Colin Niel, qui dissèquent par le menu et le vécu les multiples problèmes et contradictions de cet immense territoire. Le dernier, de 2018, Sur le ciel effondré, est un excellent moyen de se faire une idée du sac de nœuds post-colonialiste autour de la "Montagne d'Or" (nom jamais écrit dans le roman, pas plus que celui de Great Thunberg : thune berg ?)) et de l'utilisation sous-jacente par l'État français de l'orpaillage clandestin, brésilien mais aussi "chinois", pour l'officialisation de l'exploitation industrielle de zones jusque-là préservées. Le discours écologiste, surtout quand il n'est pas de source locale, est un peu court pour en rendre compte



dans ce dossier, on trouvera une alternance d'interventions thématiques et d'articles de la presse d'actualités. Voici un premier reportage, du journal La Croix, qui recoupe essentiellement les thèmes du dernier roman de Colin Niel, mais reste très tempérant quant aux responsabilités de l'État français
Pollution, trafics : les blessures de l’Amazonie française
Marine Lamoureux, à Taluen, La Croix, 02/10/2019

Sur les berges du Maroni, les villages amérindiens sont soumis à de multiples pressions, à commencer par les trafics liés à l’orpaillage illégal et à la pollution qui en découle. Citoyens français, les Wayanas ont du mal à trouver leur place dans un monde en mutation, en particulier les jeunes.

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La vie entière des Wayanas s’organise autour du fleuve Maroni. Jody Amiet
Elle a posé délicatement sa fille de quelques semaines dans l’ëwa, ce porte-bébé en coton que les Amérindiennes portent à l’épaule. L’enfant bien calé, Pauline Aloike enjambe avec assurance la coque de la pirogue stationnée en contrebas de Maripasoula (Guyane). Sur le Maroni, sous un soleil brûlant, les embarcations vont et viennent dans un incessant ballet entre la rive française et le Suriname, juste en face. On traverse le fleuve pour se rendre aux « chinois », ces magasins en enfilade qui débordent de denrées, notamment d’alcool à bon prix.

Ce jour-là, Pauline, 21 ans, est venue chercher un responsable du WWF, Laurent Kelle, qui enquête sur les dégâts de l’orpaillage illégal dans les villages du Haut-Maroni, dont le sien, Taluen, à deux heures de pirogue de là. C’est la deuxième fois que la jeune femme accompagne une telle mission, et Laurent Kelle n’en revient pas : « Tu es venue avec ta fille ! Je n’étais même pas sûr de te voir et te voilà avec le bébé », sourit le responsable, tout étonné. « Ben oui, c’est ça la femme amérindienne ! » rigole Pauline, qui n’a pas attendu deux mois pour reprendre son travail de guide, au service d’ONG et de touristes, dans ce coin reculé d’Amazonie.

Une vie construite autour du fleuve
À la barre, son père, Kawet, en casquette et chemise. L’homme de 68 ans, qui connaît le Maroni mieux que personne, fait vrombir le moteur. Peu à peu, les maisons de bois coloré s’éloignent et ne reste plus que le fleuve puissant, olympien, bordé par l’épaisse forêt du plateau des Guyanes. Le piroguier est vigilant. Fin septembre, à la saison sèche, les rochers affleurent. Une minute d’inattention, et l’accident peut survenir. Sa petite-fille, Annaëlle, dort contre le sein de sa mère, indifférente aux secousses qui ponctuent le voyage.

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En l'absence de routes, le fleuve est la seule vraie voie de transport-communication entre les populations du Haut-Maroni. / Jody Amiet

Deux heures plus tard, Taluen se dessine enfin dans une sinuosité du fleuve. Un village du bout du monde, avec son drapeau français, sa boîte aux lettres et comme un goût d’éden. Des femmes, seins nus et cheveux de jais, se baignent à côté du « dégrad », le lieu où accostent les pirogues ; d’autres lavent à grandes eaux des marmites en inox ou découpent le poisson tout juste pêché. On débarque les vivres pour quelques jours. À Taluen, 250 habitants, on ne peut pas s’approvisionner.

D’emblée, c’est ce contraste qui frappe. Ici, il n’y a presque rien… et presque tout. Des habitats sommaires – carbets de bois recouverts de tôle – abritent le foyer ancestral où sera bientôt préparé le manioc, cette racine qui a longtemps été la base de l’alimentation amérindienne en Guyane. On en fait de la cassave – une galette à plonger dans le bouillon – et du cachiri, un alcool servi aux visiteurs dans une grosse louche. Mais derrière les hamacs tissés par les femmes, on trouve des écrans plats dernier cri, des antennes satellites, des enceintes dans lesquelles résonnent hip-hop et reggae. Les smartphones sont souvent branchés sur deux réseaux – France et Suriname – pour éviter les coupures. L’électricité solaire a remplacé la plupart des groupes électrogènes. Cependant, rares sont les maisons à disposer de l’eau courante et les toilettes sont un luxe.

L’orpaillage illégal, un poison
Le fleuve, comme depuis des siècles, reste le cœur du village. On s’y lave au soleil levant, on s’y baigne dans la douceur du crépuscule. On s’y déplace sans cesse, artère vivante des peuplements wayanas – environ 1 200 personnes, réparties dans une poignée de villages, de Taluen à Antécume-Pata. Nourricier, il offre aux pêcheurs des poissons brillants et charnus. Il est la vie, mais aussi, depuis bien longtemps, une menace, sourde, lancinante, en raison des sites d’orpaillage illégal qui pullulent tout autour. Une blessure profonde, que le cours élevé de l’or empêche de cicatriser.

Il suffit d’un œil averti pour mesurer l’ampleur du désastre. Le long du fleuve, l’eau change brutalement de couleur, devient laiteuse, couleur de glaise. « Sale », disent les Indiens, qui redoutent alors la présence de mercure, utilisé pour amalgamer l’or. La mine sombre, ils voient aussi passer, côté Suriname, des pirogues chargées d’essence indispensables à l’activité aurifère. Il y aurait environ 10 000 chercheurs d’or clandestins en Guyane, principalement des « garimpeiros » brésiliens.

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Le mercure utilisé par les orpailleurs contamine les poissons qui constituent le gros de l’alimentation des Wayanas. / Jody Amiet

« Pourquoi ils viennent ici, c’est petit la Guyane, et le Brésil est si grand… », s’interroge Palanaiwa Aitawale, le chef d’Antécume-Pata. « Il y a aussi beaucoup de garimpeiros au Brésil », explique Laurent Kelle, en sortant de sa touque une carte du WWF sur les sites illégaux en Amazonie. Sa mission consiste à interroger les chefs wayanas – les « capitaines » - pour mesurer l’impact de l’orpaillage sur les habitants.

Tour à tour, ces derniers racontent les vols dans les abattis – de manioc, de bananes ou de patates douces –, l’eau qui démange, la peur des représailles. « On se sent encerclés, soupire un capitaine. Et lorsque l’on surprend un vol, les Brésiliens sont très agressifs. » Pauline traduit ses propos, son bébé endormi contre elle, les yeux tristes. « On a tant à dire, vous savez », glisse-t-elle à la fin de l’entretien.

Le mercure, menace sur la santé
Pendant sa grossesse, la jeune femme a reçu un livret d’information sur le mercure. « Je ne pouvais pas manger n’importe quel poisson et surtout pas de l’aïmara », se souvient-elle. Cette espèce carnivore est particulièrement contaminée, or le mercure peut provoquer des malformations du fœtus. Mais depuis la naissance d’Annaëlle, elle ne fait plus guère attention, même en allaitant. « On ne m’a rien dit de particulier », hausse-t-elle les épaules. Ici, le poisson est, avec le manioc, la base des repas. Et l’aïmara, une prise de choix dans les filets.

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Pendant leur grossesse, les femmes doivent faire attention à leur consommation de poisson chargé en mercure. / Jody Amiet

« Les Amérindiens consomment 200 à 500 g de poisson par jour »,
rappelle le docteur Rémy Pignoux, du Centre de soins et de prévention de Maripasoula, qui s’inquiète des niveaux d’imprégnation au mercure et multiplie les alertes. « Chez les femmes enceintes, la prévention fonctionne, les futures mères se passent le message », assure le médecin, tout en déplorant que « les populations seules portent l’effort. En face, l’orpaillage persiste, la lutte de l’État est insuffisante. Les gens nous disent : “Il faut bien qu’on mange, docteur !” » Ces derniers temps, il a vu les taux de contamination remonter.

« Ces femmes sont emmenées loin de chez elles, se retrouvent isolées, dans un hôpital où on ne parle pas leur langue… » Docteur Rémy Pignoux

Vingt-cinq ans qu’il se bat… Aujourd’hui, il semble las et en colère. Contre la persistance de la pollution, contre certaines pratiques médicales, aussi, comme le transfert à Cayenne des futures mères, un mois avant l’accouchement pour éviter les risques. « Ces femmes sont emmenées loin de chez elles, se retrouvent isolées, dans un hôpital où on ne parle pas leur langue… » Impossible pour elles d’effectuer, en famille, les rites traditionnels autour de la naissance – pour se rendre à Cayenne, il n’y a ni route, ni fleuve, il faut prendre l’avion. « Ces femmes sont complètement déracinées, souffle Rémy Pignoux. Nos normes sont une violence pour ces populations. »

Des jeunes déracinés à l’entrée au collège

À Taluen, entre les murs en bois de l’école, Léon dit à peu près la même chose. Depuis 7 ans, l’instituteur enseigne le programme de l’éducation nationale​​​ aux enfants du Haut-Maroni, que l’on voit, à l’aube, descendre par grappes joyeuses de la pirogue de transport scolaire.

À la récréation, sous les branches de roucou, leurs rires résonnent près du « tukusipan », où les Wayanas se réunissent pour les célébrations. « Jusqu’à 11 ans, les enfants sont libres au village, ils gambadent, se baignent, vivent près de la nature… Et puis on les enferme dans des internats. C’est une vraie torture », estime l’enseignant, en évoquant le passage en 6e.

Au seuil de l’adolescence, les élèves de Taluen doivent en effet tout quitter : le village, leurs parents, leurs repères. Le premier collège se trouve à Maripasoula, où les jeunes sont hébergés en famille d’accueil ou à « l’internat d’excellence », qui fait grimacer d’ironie. Dortoirs collectifs « dignes du XIXe siècle », enrage un enseignant, douches vétustes, manque d’intimité…

Sans parler des clichés, qui ont la vie dure. « Les autres collégiens pensent que l’on vit en pagne dans la forêt, ils nous traitent de sauvages, confie Pauline, qui en garde un souvenir amer. L’arrivée au collège, c’est le choc total, je me sentais complètement perdue. »

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Les jeunes Amérindiens, perdus entre deux cultures, ont désormais accès à Internet et délaissent les pratiques traditionnelles, comme la culture du manioc et la pêche. / Jody Amiet

La jeune fille a tenu bon, traversant ces années entre solitude et débrouille, de familles d’accueil en famille d’accueil, parfois à la limite de l’exploitation. « Je devais m’occuper des enfants de mes hôtes, faire le ménage, la lessive, tout ça en plus des cours. » Inscrite au lycée à Cayenne, loin de ses parents à qui elle n’ose se confier, elle supporte l’exil et les humiliations jusqu’à obtenir son bac. « Je n’ai pas eu le courage d’aller plus loin », glisse-t-elle dans un sourire timide, néanmoins fière de son diplôme.

Une vague de suicides chez les adolescents
Car d’autres ont perdu pied bien avant. Projetés trop tôt dans un univers inconnu, égarés entre deux rives. « Ils sont paumés », remarque Léon, l’instituteur, qui voit ses bons élèves de CM2 « s’éteindre » au fil des années collège. « Ils ont oublié leurs traditions, qui n’ont plus beaucoup de sens pour eux, mais le monde occidental ne leur fait pas de place. La porte se ferme des deux côtés », résume le trentenaire, avec le sentiment d’un immense gâchis.

« Ils ont oublié leurs traditions, qui n’ont plus beaucoup de sens pour eux, mais le monde occidental ne leur fait pas de place.» Léon, instituteur à Taluen

Parfois, ce désarroi se mue en drame. Pauline n’en parle qu’à demi-mot, le visage défait, comme si le sol se dérobait sous ses pieds. Depuis quelques mois, une nouvelle vague de suicides écorche le peuple wayana, des jeunes dès 13 ou 14 ans, que l’on retrouve pendus ou un fusil près d’eux. La jeune femme a perdu quatre proches récemment.

Son cousin, lui, raconte qu’il a décroché la corde qu’une Amérindienne s’était nouée autour du cou, quasiment morte sous ses yeux… Depuis ce jour, il n’est plus retourné au collège, et déambule dans le village, désœuvré, comme d’autres jeunes.

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Les habitants des villages du Haut-Maroni ont l’électricité, mais n’ont souvent pas accès à l’eau courante. / Jody Amiet

« J’ai lancé la première alerte sur les suicides chez les Amérindiens en 2004… puis en 2010, en 2017,
égrène le docteur Pignoux. La seule réponse des autorités, c’est d’envoyer des équipes de psy qui ne connaissent rien à la culture wayana. On débarque avec l’Occident freudien et l’on pense qu’on va les aider… Mais ces jeunes ne sont pas malades, ils sont désespérés. »

À Taluen, les habitants se sentent meurtris et démunis. Lassés, aussi, que l’on parle de la tragédie à leur place. Alors Stanilas Yamo, le père d’Annaëlle, a décidé d’en faire un film, de poser une parole amérindienne sur l’inconsolable. Ce sera son deuxième documentaire. Dans le premier (1), il raconte son amour du fleuve, de la forêt et des inselbergs de Tumuc-Humac, où se nouent les légendes originaires des Indiens d’Amazonie. Où il se rendra un jour avec Pauline et la petite Annaëlle.

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