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PAYSAN DE MOI-MÊME

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PAYSAN DE MOI-MÊME Empty Re: PAYSAN DE MOI-MÊME

Message par Troguble Sam 14 Aoû - 16:42


LA CLASSE DES PLOUCS,
CES VILAINS DE LA BOURGEOISIE,
mais aussi des marxistes et ultragauchistes


PAYSAN DE MOI-MÊME 60657e247b823_accueil_1_seul_leveur_volailles_march_neubourg-00_00_16_12-5253962
volailles au marché du Neubourg, Eure, un des plus anciens de France
voir insert en bas
Patlotch a écrit:ce sera une suite de considérations sur mon rapport à la terre et au monde paysan, dont je proviens essentiellement, de tous côtés de mon ascendance généalogique, petits paysans et métayers d'Auvergne (Puy-de-Dôme) et du Bourbonnais (Allier)

pas de lien particulier, encore que..., avec le sujet PAYSANS : TOUS DES PLOUCS ? et perdus pour un avenir révolutionnaire ?, dont le titre et partie du contenu ne tiennent pas compte de ma CRITIQUE DU CONCEPT DE RÉVOLUTION

le point de vue sur la paysannerie de Marx, petit bourgeois d'origine, mériterait une relecture. On peut en effet se demander dans quelle mesure il ne tient pas du mépris* aristocrate et bourgeois pour les paysans

Temps Critiques relève ici « le mépris de Marx pour la paysannerie. »

"Paysan !" est en soi, pour beaucoup, une insulte, et il suffit de se reporter aux mots de l'argot pour compléter le tableau : croquant, péquenot, petzouille, cul-terreux, pécore, bouseux, patate, plouc, cambrousard, terreux, glaiseux, bourbeux, vaseux, ploume, gardeuse d'oies, écrase-mottes, vire-bouse, Jacques Bonhomme, pagant, petzouillard, betterave, gardeuse de vaches, Jacques, trousquine, pèque, pétrousse, boueux, patard, cul pailleux, pue-le-crottin, pedzou, pégot, né au cul des vaches... (extrait de ABC de la langue française)

sans parler des vilains, dont l'étymologie remonte, comme le suffixe -ville si fréquent en Normandie, au latin villa signifiant domaine rural

Vilain désignait les roturiers; et plus spécifiquement au moyen-âge les paysans libres, par opposition aux serfs. Contrairement à roturier, le terme ne s'appliquait pas aux bourgeois, artisans ou marchands. Vilain désigne la qualité de qui n'est pas vertueux, qui est méchant ou qui est laid.

quand le petit bourgeois déchu Guy Debord critique "le cadre", le cadre supérieur, c'est au "plouc" qu'il le compare :
Thèses sur l’Internationale situationniste et son temps, 1972

36
Les cadres sont aujourd’hui la métamorphose de la petite bourgeoisie urbaine des producteurs indépendants, devenue salariée. Ces cadres sont, eux aussi, très diversifiés, mais la couche réelle des cadres supérieurs, qui constitue pour les autres le modèle et le but illusoires, tient en fait à la bourgeoisie par mille liens, et s’y intègre plus souvent encore qu’elle n’en vient.
[...]
Le cadre est le consommateur par excellence, c’est-à-dire le spectateur par excellence. Le cadre est donc, toujours incertain et toujours déçu, au centre de la fausse conscience moderne et de l’aliénation sociale. Contrairement au bourgeois, à l’ouvrier, au serf, au féodal, le cadre ne se sent jamais à sa place. Il aspire toujours à plus qu’il n’est et qu’il ne peut être. Il prétend, et en même temps il doute.

Il est l’homme du malaise, jamais sûr de lui, mais le dissimulant. Il est l’homme absolument dépendant, qui croit devoir revendiquer la liberté même, idéalisée dans sa consommation semi-abondante. Il est l’ambitieux constamment tourné vers son avenir, au reste misérable, alors qu’il doute même de bien occuper sa place présente. Ce n’est point par hasard (cf. De la misère en milieu étudiant) que le cadre est toujours l’ancien étudiant. Le cadre est l’homme du manque : sa drogue est l’idéologie du spectacle pur, du spectacle du rien. C’est pour lui que l’on change aujourd’hui le décor des villes, pour son travail et ses loisirs, depuis les buildings de bureaux jusqu’à la fade cuisine des restaurants où il parle haut pour faire entendre à ses voisins qu’il a éduqué sa voix sur les haut-parleurs des aéroports. Il arrive en retard, et en masse, à tout, voulant être unique et le premier. Bref, selon la révélatrice acception nouvelle d’un vieux mot argotique, le cadre est en même temps le plouc [je souligne]

c'est en toute objectivité que j'évoque les origines petites bourgeoises de Marx et Debord, comme j'ai toujours été convaincu que les origines sociales expliquaient largement les points de vue théoriques ; cela n'a rien en soi d'anti-marxien... Je ne renie pas l'influence des miennes sur mes considérations présentes, et je constate que nombre de révolutionnaires radicaux, prolétaristes et critiques ultra-gauchistes des classes moyennes sont le plus souvent issus de celles-ci (l'appartenance aux classes moyennes est, - avec leur urbanité, opposée à ruralité -, une caractéristique sociologique majeure de ce milieu, assez peu disert sur le sujet. Le cas de RS/TC est rare et singulier, qui s'expliquerait davantage par des origines ouvrières à venger). Leur complexe personnel, biographique, et leur culpabilité de classe, à racheter par la théorie de la révolution prolétarienne, se voient comme leur nez rouge au milieu de la figure

quant au terme plouc, si son usage a évolué pour désigner une personne aux manières grossières, c'est sur la base du « terme argotique désignant, à l'origine, les paysans bretons ou les gens d'origine bretonne. Ce terme est surtout employé de manière péjorative pour décrire le stéréotype d'un campagnard simple et/ou rustre (aussi appelé péquenaud), en vue de s'en moquer. » Wikipédia, qui précise : « Il semble que ce soient les Parisiens qui les aient surnommés ainsi. » On comprend qu'à son habitude le Parigot Debord en retient le caractère insultant, peu soucieux de constater que sa description, juste au demeurant, du cadre supérieur, ne comporte aucun élément qui puisse être attribué à la paysannerie, même bourgeoise
Arrow

je suis le paysan de moi-même
Patlotch a écrit:
(six cent trente-sixième nuit)

J'ai donc ce soir au menu :

Du pain. Du vin. Et du Monk.
Du pain de campagne. Du vin d'Aragon. Et du Monk.

Du pain de campagne de la ville.
Du vin d'Aragon non pas d'Aragon.
Et du Monk.

Du pain de campagne de la ville de Paris.
Du vin d'Aragon non pas d'Aragon Louis
Il ne fait pas de vin d'Aragon lui.
Et du Monk

Résumons. J'ai au menu ce soir du faux pain de paysan de Paris
d'Aragon du vrai vin non pas d'Aragon
et du Monk réel qui ne tourne pas rond.

Résumons.
Monk qui n'avait pas un rond, ne faisait pas de pain.
Aragon qui en avait, n'était pas vain.
Je suis rond.
Je n'ai pu rin à ragonter.
Je Monk me toucher.
Dong.

(je suis le paysan de moi-même)


LIVREDEL, poème-roman, 1er avril 1988 - 1er avril 1991/II LIVRE DE CATHERINE. Chapitre 4
Patlotch a écrit:m'apprêtant à aller vivre à la campagne, à 120 km de Paris, "sur la route de Louviers" dans un secteur essentiellement agricole, je dois avouer que je (ne) me sens originaire de nulle part. Je n'ai strictement aucun attachement à la Région parisienne où j'ai vécu 50 ans, - y étant arrivé par le hasard d'une attirance amoureuse sans nulle obligation étudiante ou professionnelle -, ni à mon pays d'origine, le Roannais, et ne ressens aucune nostalgie pour ce pays de mon enfance et adolescence

je serai donc, là-bas, comme un émigré privilégié, regardé par les indigènes comme un "parigot", ne ressentant aucun "mal du pays" ou "sentiment d'exil", mais disais-je, plutôt de fuite : « je suis venu vous dire que je m'enfuis... ». Ce que je fuis n'est évidemment pas seulement la ville, ou la banlieue, c'est aussi un passé lu et révolu, mais c'est une autre histoire


Arrow

« Ce qui les ébahit par-dessus tout, c'est que la terre, comme élément, n'existe pas.»
Flaubert, Bouvard et Pécuchet, III Science

cité dans Qui travaille la terre lui appartient, 2012

j'aurais encore recours à ce bon vieil ami, Flaubert, et à ses héros, Bouvard et Pécuchet, quittant Paris pour s'installer, comme je le fais aujourd'hui, en Normandie. Chapitre I, extrait :
Puis ce furent des insomnies, des alternatives de colère et d’espoir, d’exaltation et d’abattement. Enfin, au bout de six mois, le sieur Alexandre s’apaisant, Bouvard entra en possession de l’héritage.

Son premier cri avait été :

— Nous nous retirerons à la campagne !

Et ce mot qui liait son ami à son bonheur, Pécuchet l’avait trouvé tout simple. Car l’union de ces deux hommes était absolue et profonde.

Mais comme il ne pouvait point vivre aux crochets de Bouvard, il ne partirait pas avant sa retraite. Encore deux ans ; n’importe ! Il demeura inflexible et la chose fut décidée.

Pour savoir où s’établir, ils passèrent en revue toutes les provinces. Le Nord était fertile, mais trop froid ; le Midi enchanteur par son climat, mais incommode vu les moustiques, et le Centre, franchement, n’avait rien de curieux. La Bretagne leur aurait convenu, sans l’esprit cagot des habitants. Quant aux régions de l’Est, à cause du patois germanique, il n’y fallait pas songer. Mais il y avait d’autres pays. Qu’était-ce, par exemple, que le Forez, le Bugey, le Roumois ? Les cartes de géographie n’en disaient rien. Du reste, que leur maison fût dans tel endroit ou dans tel autre, l’important c’est qu’ils en auraient une.

Déjà ils se voyaient en manches de chemise, au bord d’une plate-bande, émondant des rosiers, et bêchant, binant, maniant de la terre, dépotant des tulipes. Ils se réveilleraient au chant de l’alouette pour suivre les charrues, iraient avec un panier cueillir des pommes, regarderaient faire le beurre, battre le grain, tondre les moutons, soigner les ruches, et se délecteraient au mugissement des vaches et à la senteur des foins coupés. Plus d’écritures ! plus de chefs ! plus même de terme à payer ! Car ils possèderaient un domicile à eux ! Et ils mangeraient les poules de leur basse-cour, les légumes de leur jardin, et dîneraient en gardant leurs sabots !

— Nous ferons tout ce qui nous plaira ! nous laisserons pousser notre barbe !

PAYSAN DE MOI-MÊME Revue_18_couverture

on sait comment Flaubert, tout en décrivant le ridicule de ces deux hommes dans leur quête malheureuse de la connaissance aussi bien paysanne que scientifique, s'attache à eux. C'est un peu entre ces deux eaux que je me sens aussi, car il faut bien dire que de mes origines paysannes, je n'ai retenu aucun savoir-faire de cultivateur, tout simplement parce que je n'ai de ma vie jamais possédé, ou loué, le moindre mètre carré de terre à travailler. De ce point de vue, ma relation à la terre est toute symbolique, pour ne pas dire mythique

Rien pour attendre, idem, 1990

[...]
Petit j'ai ramassé des patates pour jouer
Je n'ai pas échoué
Sur les rêves d'enfants dans la grève des grands
J'ai vu transparent
Et vous croyez monsieur que ça tient votre histoire
À quoi tient l'Histoire
Je m'en vais en courant par les chants d'outre-siècles
Pâle et le pas sec
Ils ont planté un arbre et brûlé nos forêts
Mais je reviendrai
Leur coller dans les yeux des larmes en plastique
Acatalectiques
Et leur ingurgiter hachée menue leur prose
À chacun sa chose
Je ne violerai pas l'imbaisable bourgeoise
Ils paieront l'ardoise
En faisant la queue pour acheter mes patates
À l'eau écarlate
[...]

ordoncque, l'Eure est venue

Les marchés du Neubourg, une tradition
c'est un marché que j'ai pu parcourir mercredi dernier, où l'on trouve non seulement un espace réservé aux marchands de volailles vivantes (oies, dindes, canards, cailles, pintades, poules de dizaines de races différentes) mais aussi nombre de petits paysans vendant quelques volailles et lapins en sus de leurs légumes et fruits
Aux 17e et 18e siècles, le marché avait lieu trois fois par semaine :

Le lundi, celui pour les bestiaux qui avait une importance considérable.
Dès 1207, le marché aux bestiaux avait une très grande importance car les bouchers de Rouen venaient faire leurs achats en notre cité le mardi, il était devenu le rendez-vous du gros bétail qu’on amenait du Pays d’Auge et d’autres lieux. En 1726, Le Neubourg était présenté comme l’un des plus beaux marchés de France (environ 40000 têtes de bétail passaient chaque année), ce marché fut installé le lundi en 1674.

Le mercredi pour toutes les espèces de marchandises.

Le vendredi pour les grains. Le commerce du grain venait en second rang après celui des bovins. En 1812, 25 à 30 000 quintaux de grains alimentaient chaque année le marché du Neubourg. Plus près de nous, en 1900, il s’y est vendu 101 656 quintaux. Aujourd’hui ce marché a disparu.

En dehors de ces rassemblements de bovins et de grains, de nombreuses professions se donnaient principalement rendez-vous sous la halle, propriété du seigneur du lieu. En effet, il existait sur la place Dupont de l’Eure une Halle couverte, démolie en 1850. On y trouvait en 1698 : 31 bouchers, 2 corroyeurs, 13 savetiers, 3 cordonniers, 8 tanneurs, autant de drapiers, 17 merciers, 5 chaussetiers, 4 boulangers, 13 échoppiers.


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PAYSAN DE MOI-MÊME Empty Re: PAYSAN DE MOI-MÊME

Message par Troguble Sam 14 Aoû - 17:13

Patlotch a écrit:j'ai évoqué ci-dessus "le mépris (de classe ?) de Marx pour la paysannerie". En voici une idée, que je donne par facilité et flemme de faire des recherches moi-même comme par le passé... Je ne tiens pas du tout à refiler de la théorie en contrebande dans un sujet qui m'engage à titre personnel, mais il faut bien asseoir ce qu'on écrit

« l'idiotisme » ce n'est pas du tout « l'idiotie »*, mais un trop d'idiotisme ne rend-il pas idiot ? Et pour Marx...


* idiot provient du mot grec idiôtês qui signifie « ignorant ». Le mot idiotie qui en découle qualifie donc le manque d’intelligence.  Idiotisme vient du grec idios qui signifie « particulier ». Source

« L'idiotisme de la vie des champs »
Karl Marx


PAYSAN DE MOI-MÊME S-l1600

Marx a écrit:La Bourgeoisie a soumis la campagne à la ville. Elle a créé d’énormes cités ; elle a prodigieusement augmenté la population des villes aux dépens de celle des campagnes, et par là, elle a préservé une grande partie de la population de l’idiotisme de la vie des champs. De même qu’elle a subordonné la campagne à la ville, les nations barbares ou demi-civilisées aux nations civilisées, elle a subordonné les pays agricoles aux pays industriels, l’Orient à l’Occident.

Le Manifeste du Parti Communiste, 1847
Le marxisme du XIXe siècle : la paysannerie, une classe en trop
extrait de
Révolutionnaires et paysans
Le cas chinois et l'héritage du marxisme classique

L'Homme & la Société 2009/2-3 (n° 172-173), pages 195 à 220
4
La paysannerie a posé bien des problèmes à la révolution, à toutes les révolutions se situant dans un contexte de modernité. La source d’inspiration des révolutionnaires du XIXe siècle, c’est la révolution française : pour eux, la révolution future devait sortir de la radicalisation du projet français. Il s’agissait d’une forme de continuité ou de modification du projet jacobin. L’enjeu essentiel se situait donc dans la bataille pour le pouvoir, dans le champ politique. Comptait alors celui qui participait directement à l’action politique. La paysannerie n’y participait pas.

5
Un des thèmes fondateurs de la pensée de Marx et du marxisme est l’opposition entre la ville, conçue comme lieu de progrès, et la campagne, perçue comme source de régression. Marx reliait tout projet de modernité (bourgeois ou postcapitaliste) à la victoire des villes sur le monde rural arriéré. Mettre fin à la cassure entre les deux mondes, cette exigence du socialisme, ce n’était pas procéder à une réunification harmonieuse, c’était déruraliser les campagnes, au moins socialement et économiquement. « Hiéroglyphe » pour les citadins, la paysannerie incarnait la « barbarie au sein de la civilisation ». Ces formules si fortes et célèbres de Karl Marx  [2] ne s’adressaient pas à la paysannerie de quelque lointain pays enfoncé dans l’arriération, mais visaient le monde rural français des années 1850. Dans le Manifeste du parti communiste (1848), Marx n’avait-il pas considéré que l’un des grands mérites de la bourgeoisie c’était d’avoir « arraché une grande partie de la population à l’idiotisme de la vie des champs » [3]

6
Certes, la paysannerie devait jouer un rôle dans la phase de révolution agraire et dans la liquidation des séquelles de l’ancien régime. Marx était conscient que sans le soutien paysan la lutte des ouvriers en faveur d’un pouvoir prolétarien ne pourrait qu’aboutir à un désastre. « En désespérant de la restauration napoléonienne, le paysan français perd la foi en sa parcelle, renverse l’édifice d’État construit sur cette parcelle et la révolution prolétarienne réalise ainsi le chœur sans lequel, dans toutes les nations paysannes, son solo devient un chant funèbre. » [4]

7
À la possible exception de l’Angleterre et de la Belgique, le monde rural forme partout la majorité de la population vers la fin du XIXe siècle. La ville, censée préparer le monde à venir, est minoritaire. Si la paysannerie incarne souvent aux yeux des révolutionnaires l’arriération, le poids du passé à abolir, elle est une présence trop grande pour ne pas être prise en compte. Les révolutionnaires de la deuxième moitié du XIXe siècle se tirent de cet embarras en mettant l’accent sur l’importance numérique du monde rural prolétarisé : ouvriers agricoles ou paysans pauvres, décrits comme fortement rétrogrades et soutiens de l’ancien régime, finiraient, pensait-on, par rejoindre leur allié, l’ouvrier industriel des villes  [5]*

* observons que la Théorie de la communisation, en version BL de TC, hérite fidèlement de ce schéma, dissoudre les paysans en tant que tels pour les prolétariser : « Il s’agit de dissoudre ces masses en tant que couches moyennes, en tant que paysans, de briser les relations de dépendance personnelle entre « patrons » et « salariés » ou la situation de « petit producteur indépendant » à l’intérieur de l’économie informelle, en prenant des mesures communistes concrètes qui contraignent toutes ces couches à entrer dans le prolétariat, c’est-à-dire achever leur « prolétarisation »…. Source SIC 2009

8
Le marxisme reprendra inlassablement le diagnostic célèbre émis par Marx sur la paysannerie, en 1852, dans Le Dix-huit brumaire : Marx  [6] ne conteste pas la capacité révolutionnaire des paysans, mais il leur dénie une aptitude à l’action autonome. La paysannerie est décrite comme le sac de pommes de terre, une masse amorphe — au sens politique du terme — incapable de fixer une orientation propre. L’image renvoie aussi à la dispersion des unités paysannes : structures fragmentées, inaptes à nouer des liens entre elles, et multiples parcelles dispersées. La paysannerie ne peut se représenter politiquement ; elle doit être représentée. Son représentant ne peut qu’être son maître. Elle tombe de ce fait sous la coupe de grandes forces sociales considérées comme porteuses d’un projet propre : la noblesse, la bourgeoisie ou le prolétariat.

9
Perçue ainsi, la paysannerie est un fardeau immense pesant sur l’action des révolutionnaires ; la charge est néanmoins allégée par la foi, surtout présente dans la deuxième moitié du XIXe siècle, dans la montée en nombre et en vigueur politique du monde ouvrier. La solution est attendue de la victoire du monde industriel et d’une « dépaysannisation » du monde social.

10
Marx analysant les réalités qu’il a sous les yeux est quelquefois plus prudent, plus ouvert aux interrogations de son temps. Dans les articles qu’il donne au New York Daily Tribune au sujet de la révolution espagnole des années 1854-1856, il attribue au mouvement populaire en partie paysan — reprenant l’héritage des guérillas anti-napoléoniennes du début du XIXe siècle — une dynamique radicale, révolutionnaire et prolétarienne capable de dépasser les blocages d’un pays encore arriéré  [7]

11
Les vues de Marx sur la Russie sont plus connues et plus significatives. Marx était russophobe comme bien d’autres révolutionnaires et libéraux de son temps : la Russie tsariste lui apparaissait comme le bastion de la réaction, le verrou qui arrêtait l’essor révolutionnaire en Europe, l’obstacle à la libération des peuples. Vers la fin de sa vie, dans les années 1870, Marx change ou, du moins, nuance son opinion. Il s’exprime en réponse à des questions que lui posent des disciples russes, des intellectuels populistes, intéressés et intrigués par les particularités de la paysannerie communautaire regroupée dans le mir  [8]

Marx rejette alors explicitement une vision linéaire, une philosophie de l’histoire qui donnerait la prééminence au modèle occidental moderne. De ce point de vue, il n’exclut pas la possibilité que la communauté rurale traditionnelle du mir — une forme de communisme paysan, estimaient nombre de membres de l’intelligentsia russe — devienne la matrice d’un bouleversement de la Russie qui permettrait à celle-ci d’éviter le capitalisme. La Russie arriérée donnerait ainsi l’exemple révolutionnaire à l’Europe avancée  [9]

Ce n’est pas sans prudence ni sans hésitation que Marx émet cette proposition peu « marxiste » (mais on sait qu’il ne se considérait pas comme marxiste, au sens de la vision simplifiée, voire simpliste qui se propageait de son vivant)  [10]

12
L’essentiel concerne cependant la possibilité d’une paysannerie révolutionnaire par elle-même, dans les conditions très particulières de la Russie. La prudence de Marx devient quelques années plus tard le scepticisme avoué d’Engels, pourtant lui aussi proche de certains intellectuels populistes et admirateur de leur ferveur révolutionnaire. Engels était à la fois plus « classiquement marxiste » et plus conscient des limites du mir, ou plus sensible à ce qui lui semblait un processus de décomposition de la communauté paysanne traditionnelle  [11]

Ou tout simplement, il était plus réaliste. Car une tentative de jonction des révolutionnaires et de la paysannerie avait bien eu lieu, mais sans aucun succès. C’est le populisme russe qui en avait pris l’initiative. Le populisme rassemble les intellectuels russes radicalisés, l’intelligentsia qui se constitue autour de 1848, et prend toute sa force dans les années 1860-1870. Le populisme se réclame du socialisme européen ; mais, à la différence des autres forces révolutionnaires du continent, il attribue à la paysannerie la capacité de construire, à partir de ses traditions communautaires, une forme inédite de communisme : une voie russe vers la libération sociale.

13
En optant pour cette stratégie, les populistes cherchent aussi à se créer un lieu d’existence et un levier d’influence. La tentative concrète de jonction avec la paysannerie, tentée en 1874, fut un échec presque immédiat. Une paysannerie méfiante ne répond pas aux appels pleins d’admiration des citadins descendant dans les villages.

14
Bien que le populisme se maintienne et survive jusqu’à la révolution de 1917, la rencontre des intellectuels et du peuple est infructueuse. Si bien que des courants du populisme s’orienteront vers le marxisme, donc vers une théorie plus motivée par l’action en direction du monde urbain et ouvrier, l’un et l’autre numériquement faibles quand, en 1883, l’ex-populiste Plekhanov fonde le premier petit groupe marxiste. Pour les intellectuels radicalisés qui, de plus en plus nombreux, se rallieront au marxisme à la fin du siècle, la paysannerie est perçue comme une force inerte et rétrograde, un fardeau pour toute tentative d’européanisation du pays — on dirait aujourd’hui de modernisation. La priorité va à l’action politique du parti de classe  [12]

Il s’agit, pour les intellectuels, moins d’un a priori que du constat des bornes de l’action paysanne, un constat lucide, du moins en ce qui concerne la paysannerie russe du XIXe siècle. Cette dernière haïssait certes sa condition servile et refusait la libération incomplète, octroyée dans l’urgence par le régime en 1861, mais dans une large mesure, elle restait attachée à la personne du tsar, donc prisonnière de l’autocratie.

16
De façon générale, la doctrine de la Deuxième Internationale, qui se crée en 1889 et dont l’action correspond à la montée en puissance du socialisme européen et à une visibilité croissante de l’action ouvrière, reste caractérisée par un mélange de prudence et de méfiance à l’égard de la paysannerie et par la conscience aiguë de l’antinomie des intérêts. Au surplus, la présence socialiste militante dans les campagnes est très faible.


[2]
Cité in T. SHANIN, « Peasantry as a Political Factor », in T. SHANIN (ed.), Peasants and Peasant Societies, Penguin books, Londres, 1976, p. 230 sq..
[3]
H. CARRÈRE D’ENCAUSSE et S. SCHRAM, Le Marxisme et l’Asie, 1853-1964, Armand Colin, Paris, 1965, p. 21.
[4]
Ce passage célèbre sur la nécessaire alliance est supprimé dans la deuxième édition, datant de 1869, du Dix-huit brumaire (T. SHANIN, « Peasantry as a Political Factor », op. cit., p. 237 ; H. CARRèRE D’ENCAUSSE et S. SCHRAM, Le Marxisme et l’Asie, 1853-1964, op. cit., p. 23).
[5]
C’est notamment la position de F. ENGELS dans la préface de 1874 à ses écrits de 1850 sur La Guerre des paysans en Allemagne (celle du XVIe siècle).
[6]
Cité in T. SHANIN, « Peasantry as a Political Factor », op. cit., p. 231.
[7]
T. SHANIN, Late Marx and the Russian Road, Monthly Review Press, New York, 1983 ; E. KINGSTON-MANN, Lenin and the Problem of Marxist Peasant Révolution, Oxford University Press, New York-Oxford, 1985, 1er chap., p. 30-31.
[8]
Le populisme russe n’est pas anticapitaliste parce qu’il pense qu’il y a une possibilité d’établir le communisme en Russie à partir des traditions communautaires paysannes ; c’est plutôt le contraire, il rejette le monde bourgeois en Russie et ailleurs, et il est heureux de trouver dans sa recherche d’une alternative le mir paysan qu’il idéalise d’emblée (M. MEISNER, « Utopian Socialist Themes in Maoism », in J. W. LEWIS (ed.), Peasant Rebellion and Communist Revolution in Asia, Stanford, University Press, Stanford (Calif.). 1974, p. 218-219).
[9]
(MARX cité in T. SHANIN, « Peasantry as a Political Factor », op. cit., p. 14.) Sur les quatre versions de la réponse à Zazoulitch de 1881. Marx avait rassemblé, depuis la fin des années 1860, une immense documentation sur le cas agraire russe qu’il n’eut pas le temps de transformer en une étude précise.
[10]
Dans une lettre à Vera Zazoulitch de 1885 (E. KINGSTON-MANN, Lenin and the Problem of Marxist Peasant Révolution, op. cit., p. 34). Engels, qui avait soutenu en 1875 une position assez proche de celle de Marx, ne parle plus en 1894 que de se servir des restes de la tradition communautaire (H. CARRèRE D’ENCAUSSE et S. SCHRAM, Le Marxisme et l’Asie, 1853-1964, op. cit., p. 19-20).
[11]
Plekhanov avait, dès les années 1880, tenté l’exercice bien délicat visant à démontrer l’importance, selon lui sous-estimée, du prolétariat (celui du textile) dans la vie économique russe ; de même, il s’efforce de démontrer l’ampleur de la pénétration capitaliste dans les campagnes, anticipant sur l’effort tout aussi orthodoxe (marxiste) mais plus systématique de son futur disciple Lénine (S. H. BARON, Plekhanov : The Father of Russian Marxism, Stanford University Press, Stanford, 1963, p. 97-100 ; E. KINGSTON-MANN, Lenin and the Problem of Marxist Peasant Révolution, op. cit., p. 32 sq.).
[12]
M. ANGENOT, L’Utopie collectiviste : le grand récit socialiste sous la Deuxième Internationale, PUF (« Pratiques théoriques »), Paris, 1993, p. 102.


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Message par Troguble Sam 14 Aoû - 18:19

Patlotch a écrit:parce qu'il ne faut pas que ma lectorate se laisse aller à l'esprit de sérieux avec les amateurs de Marx, je l'informe que je dois habiter "là-bas" une rue Saint-Fiacre, alias dans le coin Route de Louviers

le hasard objectif faisant bien les choses, ledit Saint-Fiacre fut choisi par la non moins sainte Église catholique comme
"patron des jardiniers"

Né en Angleterre en l'an 610, Saint Fiacre choisit très tôt de vivre les ordres religieux. Il a tout juste 17 ans [on n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans], il est moine et décide de s'installer à Meaux, dans l'actuelle Seine-et-Marne, pour y travailler la terre. Il n'a pas un sou mais arrive à convaincre son évêque de lui donner une modeste parcelle de forêt.

Après avoir débarrassé le site des broussailles et retourné la terre, il cultive le jardin en y créant un potager et un verger. Sa production est si belle qu'il peut même nourrir les pauvres qui sont tous les jours plus nombreux à venir le visiter.


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image ajoutée
Patlotch a écrit:les cantonniers ne sachant se tenir à leur outil de travail, pourtant le même que les jardiniers, ceci explique peut-être cela, qu'ils n'ont pas de Saint-Patron...

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Message par Troguble Dim 15 Aoû - 11:04


FLAUBERT GÉOGRAPHE DE LA NORMANDIE

« le meilleur géographe de la Normandie, c’est Flaubert
C'était un géographe qui mêlait réflexion et action...
s'il a d'abord étudié la vie paysanne en Normandie,
il a porté une vision urbaine autour d'un axe métropole de la région, Caen-Le Havre-Rouen ».

Armand Frémont, 2019


La modernisation agricole illustrée subtilement dans la vallée de l’Orne
extrait de
Le Paysage, le style, et la modernisation agricole :
la vallée de l’Orne dans 'Bouvard et Pécuchet'

Grant Wiedenfeld, Style/Poétique/Histoire littéraire, Open Edition, 1er mars 2018


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10
Le paysage français est en cours de transformation dans Bouvard et Pécuchet. L’arrivée des personnages principaux de Paris dans la France profonde témoigne d’une centralisation générale qui s’est effectuée pendant la première moitié du XIXe siècle. En bref, le roman raconte les mésaventures burlesques de deux Parisiens autour d’un village fictif dans les années 1840-50. Deux copistes se rencontrent par hasard, tombent comme amoureux l’un de l’autre, et héritent magiquement d’une somme d’argent pour réaliser leur rêve : s’installer à la campagne. En Normandie, leur apprentissage d’autodidactes peut se dérouler ; en effet, ils passent d’un métier à un autre. Dès qu’un fruit pousse dans leur petit jardin, les protagonistes s’imaginent immédiatement à la tête d’une grande entreprise agricole. Ils vont tout d’abord visiter la ferme du principal agriculteur de la région, Monsieur le comte de Faverges. Son domaine incarne la technologie et l’agronomie modernes. Leur voyage à travers la vallée de l’Orne, illustré dans le passage que nous allons citer ci-dessous, met en scène le changement de l’ancienne à la nouvelle méthode agricole. Afin d’apprécier toutes les dimensions de cette transformation, nous résumons l’histoire de l’agriculture, en suivant la critique bien documentée de Gayon et Mouchard déjà citée.

11
La France, dans la première moitié du XIXe siècle, a subi ce qu’on appelle la première révolution agricole des Temps modernes20. Une agriculture de routine, et au rythme communautaire, s’est transformée en une agriculture de progrès soutenue par l’agronomie. Les barrières à la première révolution agricole ne sont guère technologiques ; la réforme comprend des aspects juridiques et sociaux profonds21. Des avancées importantes de cette réforme sont la jachère et la clôture.

12
La nouvelle science de l’agriculture préconise des systèmes agraires sans jachère qui ambitionnent de doubler la production et la productivité par un circuit d’accroissement ; une rotation des fourrages avec les céréales doit produire un surplus, qui augmentera l’élevage d’herbivores, ce qui fournira davantage de produits animaux, dont la fumure qui conduira à diversifier et à développer encore le tout. Dans le roman, le domaine du comte de Faverges représente cette croissance folle, accélérée par une plus grande main d’œuvre et des machines nouvelles.

13
Au-delà de la nouvelle rotation, la révolution agricole remodèle l’espace rural des champs ouverts par l’installation de clôtures. Les anciens champs exigeaient un rythme communautaire de par le travail collectif : la plantation et la récolte. Certaines lois donnaient des droits d’usage commun après la moisson (glanage, chaumage, vaine pâture, etc.), pendant le repos de la grande jachère22. Nous verrons ce caractère commun des champs dans le premier paysage de Flaubert. Les droits communs empêchaient évidemment l’application des nouveaux systèmes sans jachère.

14
Dès le XVe siècle, les nouveaux systèmes agraires sont apparus dans les Flandres. Ils se sont installés en Angleterre au XVIIIe siècle, puis en France (de façon irrégulière) pendant la première moitié du XIXe siècle, et plus tard en Europe méridionale et orientale. En Angleterre, le mouvement d’enclosure s’est rapidement développé dès le XVIIIe siècle car le Parlement était composé principalement de propriétaires terriens ; pour la même raison la grande propriété a été maintenue. Les exploitations qui employaient des salariés pouvaient mieux appliquer les nouveaux systèmes et en bénéficier. Nous allons voir comment l’exploitation du comte de Faverges est l’archétype de ce nouvel ordre. En France, la modernisation a été plus inégale. Les exploitations familiales demeuraient majoritaires au XIXe siècle, du fait de la puissance séculaire des fermiers. Les assemblées révolutionnaires et l’Empire ont partagé et privatisé les communaux d’une manière qui a renforcé la moyenne propriété23.

15
L’inégalité de la modernisation en France avait abouti à créer un contraste fort entre ancien et moderne24, ce que Flaubert met en scène dans la description de la vallée de l’Orne. Le double paysage qui suit décrit l’approche des deux héros et leur arrivée à la ferme par la vallée.

Après une heure de marche, ils arrivèrent sur le versant d’un coteau qui domine la vallée de l’Orne. La rivière coulait au fond, avec des sinuosités. Des blocs de grès rouge s’y dressaient de place en place, et des roches plus grandes formaient au loin comme une falaise surplombant la campagne, couverte de blés mûrs. En face, sur l’autre colline, la verdure était si abondante qu’elle cachait les maisons. Des arbres la divisaient en carrés inégaux, se marquant au milieu de l’herbe par des lignes plus sombres.
L’ensemble du domaine apparut tout à coup. Des toits de tuiles indiquaient la ferme. Le château à façade blanche se trouvait sur la droite, avec un bois au delà, et une pelouse descendait jusqu’à la rivière, où des platanes alignés reflétaient leur ombre
.25

16
On distingue deux types de campagnes à travers ces deux paragraphes. La campagne de l’ancien régime s’oppose à celle, plus moderne, du domaine du comte. Ce contraste s’exprime subtilement par le style, et non par des mots clés. Richard dirait peut-être qu’il s’agit de la sensation. Pour apprécier ce contraste nuancé notons d’abord la décision de Flaubert de diviser en deux ce paysage.

Le paysage ancien

17
Flaubert cadre expressément deux paysages dans ce passage26. Il aurait pu narrer le voyage et l’approche des héros en un seul paragraphe, ou bien il aurait pu éliminer cet épisode apparemment sans conséquence. Rien ne se passe à part le jeu de regards et l’émerveillement des héros ; ainsi ce passage descriptif met le style en avant. Par une division en deux paragraphes, ces passages deviennent quasi-autonomes, comme deux poèmes en prose ou deux tableaux. Vu de près, le style relève les qualités des deux paysages différents. La coupure amplifie ce contraste entre la campagne ancienne et la campagne moderne, que nous analyserons en détail.

18
Le hasard, la douceur, et la puissance de la nature caractérisent le paysage ancien. Flaubert ne nomme pas ces qualités directement ; il les rend présentes (les représente) par le style. L’expression « une heure de marche » témoigne de la difficulté d’accès à la campagne. La France profonde a un rythme de vie qui est lent. En partant du coteau qui domine la vallée, le regard du narrateur erre librement. La rivière sinueuse est parsemée de roches dispersées au premier plan qui s’éparpillent jusqu’à l’horizon. Dans un brouillon, Flaubert ajoute l’image de blés qui « se balançaient d’un mouvement lent long et continu »27. La version finale adopte ce rythme lent bien que l’image soit supprimée. Enfin, on distingue une colline verte à la pente douce et à l’herbe grasse. Il n’y a pas de motivation à cette traversée du regard. On suit des variations purement sensuelles : la texture, la couleur, la courbe. La vallée naïve offre son spectacle par des phrases aussi sinueuses que la rivière.

19
Au fond de la vallée courbée une côte abrupte semble surveiller l’espace. Les « blocs de grés » donnent une masse solide à la scène. L’image d’une falaise souligne une tension entre l’aléatoire et le fixe ; elle compare les prés à la mer instable alors que la métaphore renforce la solidité de la côte. Dans un brouillon, Flaubert écrit que les blocs sont « pareils à des ruines »28, ce qui confirme le caractère ancien et majestueux de ce paysage. Ici le temps passe à l’ordre géologique.

20
La nature domine ce paysage ancien. Les seules traces humaines, les maisons et la division des champs, sont éclipsées par la verdure. Tous les sujets des propositions grammaticales sont des entités naturelles : le coteau, la rivière, les blocs, etc. De plus, le lecteur n’arrive jamais à percevoir la vallée entière. L’ensemble est tellement riche que ses aspects se révèlent peu à peu.

21
L’avant-dernière phrase nous semble la plus séduisante parce qu’elle décrit ce qu’on n’arrive pas à voir : « la verdure était si abondante qu’elle cachait les maisons. » On ne voit guère des maisons, si l’on s’imagine regardant le paysage. Cette opacité a deux effets. D’une part, Flaubert représente le point de vue des protagonistes qui est limité et particulier. Un autre exemple au début du roman reproduit cet effet : assis sur un banc, Bouvard et Pécuchet voient passer des calèches avec « deux ou trois petites filles »29. Ce flou indique leur perception limitée de la scène. D’autre part, l’opacité nous fait prendre conscience du processus de la perception. Dans notre paysage, Flaubert décrit les couleurs et les figures abstraites à côté des objets précis ; cette alternance met en scène l’enchaînement d’inférences dont est composé le processus de la perception. Nous ne voyons pas directement les choses. Les variations de la verdure indiquent les maisons, et les lignes sombres indiquent les arbres, qui ne sont pas vus directement. Cet effet d’opacité et de point de vue ressemble aux tableaux impressionnistes, surtout dans l’abstraction de la couleur chez Monet, par exemple, que nous allons aborder plus tard.

22
Par rapport à l’histoire de l’agriculture, toutes ces qualités esthétiques reflètent la grande jachère et les champs ouverts du paysage ancien. La grande jachère établissait une rotation très lente par rapport au système moderne. La nature y est traitée comme un être vivant qui a besoin de repos, et non une matière qu’on peut manipuler à son gré ; les famines ou la moisson résultent de cet être suprême et de son jugement. La nature n’est pas une machine, elle est au-dessus de la raison. Son rythme lent, selon la variation du climat, domine la vie communautaire. Le mouvement lent et continu des blés serait aussi le mouvement des hommes. Ainsi la qualité du hasard dans la composition de Flaubert représente le manque de contrôle humain devant la nature. D’ailleurs, la verdure abondante reflète la qualité communautaire des champs ouverts. Les arbres tracent une division faible ; leur teinte de vert « sombre » ne distingue pas les champs d’une façon claire. Les droits d’usage commun comme le glanage et la vaine pâture dépendaient de cette indivision des champs. L’idée de la propriété, ou « la possession privée du sol », est étrangère au domaine commun30. L’homme est fondamentalement passager sur la terre ; le bois qui « cachait les maisons » en témoigne. La pose de clôture s’est réalisée très graduellement en France, du XVe siècle au XIXe siècle, selon une politique qui favorisait la petite et la moyenne propriété. Les « carrés inégaux » reflètent cette légère fragmentation où la paysannerie retenait toujours la pratique des champs ouverts. Il est clair que le système agraire à jachère est indissociable de tout un monde : vie communautaire, puissance divine de la nature, etc. À travers les images et le style de ce passage, on peut reconnaître des traits de l’ancien régime. Cette manière d’expression subtile nous rappelle la célèbre remarque de Mallarmé :

Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve.31

Le paysage moderne

23
Un ordre raisonné gouverne de haut en bas la campagne moderne du comte. L’alinéa et le passé simple distinguent nettement ce paysage du précédent. L’œil voit d’abord les toits et les bâtiments, et leur proéminence est soulignée par une allitération : « toits de tuiles ». Dans un brouillon, Flaubert décrit le château comme « un cube blanc »32, image purement géométrique. Dans la marge du manuscrit définitif, au crayon, il pensait décrire la façade « blanc[he] comme un cube de plâtre » 33; le plâtre ajoute l’idée de maquette, une simulation géométrique. En effet, tout le domaine du comte est comme une maquette du nouveau système agraire. Dans le manuscrit définitif, Flaubert indique l’ordre raisonné du domaine : « On le distinguait à la netteté de ses cultures. » Finalement, il supprime cette phrase afin d’exprimer la netteté par le style. Les phrases courtes et simples s’opposent ainsi à la composition sinueuse du paragraphe précédent.

24
La volonté de l’homme s’étend sur le paysage moderne. Au centre, « une pelouse » apparaît ; par rapport à de l’herbe, l’image de la pelouse indique un contrôle humain. En bas, on voit des arbres « alignés », ce qui implique encore une fois l’artifice. Ce ne sont pas des arbres sauvages mais une espèce spécifique et grande : « les platanes ». Un brouillon mentionne le « barrage d’un moulin »34, ce qui souligne le pouvoir de l’homme sur la nature. Flaubert déplacera ce détail quelques paragraphes plus loin, où il décrit le détournement d’un ruisseau vers une roue à aubes. Toutes les parties du paysage sont ainsi bien rangées et donc perçues avec clarté et distinction. Le château reste sur le même plan que la ferme, sous le bois et au-dessus de la rivière. La composition reflète cet ordre géométrique. On ne retrouve plus le hasard qui caractérisait le paysage ancien. Ce paysage structuré reflète d’emblée la modernisation agricole, que les passages suivants illustreront en détail.

25
Il est important que le paysage moderne apparaisse « tout à coup », puisqu’il implique une conscience de l’observateur. Jean-Pierre Richard appelle la révélation du domaine un « coup de théâtre »35. Organisé pour être vu, le domaine du comte apparaît instantanément. L’ordre raisonné de l’ensemble est autant esthétique que producteur. Les platanes alignés, qui ont un but purement esthétique, apparaissent en dernier. Leur réflexion sur l’eau vive, symbole classique du temps qui coule, suggère la maîtrise de l’homme sur l’univers. Le comte est comme le créateur divin du domaine et il est bien conscient de son pouvoir sur l’observateur.

26
Ainsi, nous voudrions ajouter une nuance au commentaire de Richard qui lit le narcissisme de Bouvard et Pécuchet dans le reflet des platanes. Selon nous, c’est le narcissisme du comte qui s’impose plutôt ici. Flaubert propose un trait ironique en terminant le parcours du regard sur le paysage par un reflet dans la rivière. Dans cette image finale, Richard perçoit « un petit trait d’humour qui indique la dualité narcissique de nos héros. »36 Il a raison de reprendre le mythe grec de Narcisse, l’homme qui fut si frappé par la beauté de son propre reflet dans l’eau qu’il en est mort de désir. Selon nous, c’est le regard du comte qui s’impose avant celui des visiteurs. L’agriculteur maîtrise ce deuxième paysage par son organisation structurée et par l’artifice de la ligne des platanes. Le maître du domaine est conscient que le paysage sera observé et c’est pour cette raison qu’il l’aménage avec précision. Donc le point de vue du comte émerge dans ce paysage. La rivière reflète son narcissisme, dont dépend celui de Bouvard et Pécuchet ; comme partout dans le roman, les héros subissent l’influence du monde autour d’eux. Interprétant cette référence selon le contraste entre l’ancien et le moderne, l’image de Narcisse indique la vanité de l’homme qui manipule profondément la nature. Sans commentaire de l’écrivain, une conscience de l’anthropocentrisme surgit avec le domaine et le regard du comte.

27
Le paysage structuré manifeste bien l’artifice qu’impose l’homme à la terre. La campagne moderne soumet l’eau et les plantes à l’ordre économique. Son contraste avec le paysage ancien pose ainsi des questions concernant la politique de la modernisation. Aujourd’hui, on nomme ces enquêtes l’écologie et l’Anthropocène et l’on regarde plus les photos satellites que les paysages. Au XIXe siècle, les beaux-arts étaient toujours un domaine du savoir général et donc capables de mêler l’explication agronomique avec l’étude des mœurs dans la subtilité de l’expression.

Autre paysage moderne

28
La description suivante illustre en détail le nouveau système agraire dit « sans jachère », surtout le paragraphe qui suit la vue surplombante de la vallée. La jachère était remplacée par une prairie artificielle de légumineuse ou de graminée fourragère37. Cela alimentait le bétail dont l’engrais fertilisait la terre, et ainsi de suite. Le nouveau système pouvait doubler la production à la fois du blé et des produits animaux. Dans ce troisième paysage figurent de plus près les champs et les paysans :

Les deux amis entrèrent dans une luzerne qu’on fanait. Des femmes portant des chapeaux de paille, des marmottes d’indienne ou des visières de papier soulevaient avec des râteaux le foin laissé par terre — & à l’autre bout de la plaine, auprès des meules, on jetait des bottes vivement dans une longue charrette, attelée de trois chevaux.38.

29
La composition du paragraphe reflète l’ordre du système agraire. Suivant le processus de la récolte, les deux amis voient d’abord le ratissage, puis l’assemblage et enfin le transport. Le tiret et l’esperluette au milieu de la deuxième phrase, une ponctuation habituelle chez Flaubert, ouvre ici comme le tracé d’un espace équivalant à l’écart entre les faneuses et « l’autre bout de la plaine ». Selon la même visée typographique, la dernière virgule du paragraphe figure l’attache de l’attelage qui est tendu en bout de phrase. Ces nuances de style et de la ponctuation soulignent l’illustration du système agraire.

30
Les aspects techniques et sociaux de l’agriculture moderne sont exposés dans ce passage. La luzerne est une plante fourragère, précisément du genre de ce qui remplaçait la jachère. On voit des femmes soulevant le foin afin de l’assembler et de le transporter ailleurs. Ce système, qui sert à l’alimentation du bétail par ramassage et transport, s’oppose à la jachère où l’on aurait glané ou fait paître ses troupeaux aux champs. De plus, le nouveau système demande un travail supplémentaire effectué par des salariés. Les trois coiffures différentes, « des chapeaux de paille, des marmottes d’indienne ou des visières de papier », suggèrent la présence d’ouvrières salariées. Les paysannes de la même famille auraient porté la même coiffe. Par leur diversité, Flaubert indique la libre circulation des personnes dans les grandes exploitations modernes. On voit ensuite que ces trois ouvrières ont engagé une orpheline, Mélie, pour leur servir à boire ; on peut dire que la nudité de cette dernière symbolise une conséquence morale du nouveau régime. En outre, leur action de jeter « vivement » des bottes illustre la main-d’œuvre intensive. La charrette « attelée de trois chevaux » représente la croissance du bétail dans le système moderne. Tous les détails du paysage comportent une différence avec l’ancien régime.

31
Une description détaillée du domaine moderne organisée en petits tableaux suit. On reconnaît les mêmes signes de l’agriculture moderne que nous avons découverts dans le paysage de surplomb et dans celui de la luzerne. Au centre de l’ensemble, on trouve Monsieur le comte qui « exposa son système ». Claude Mouchard39 indique comment le style du passage souligne l’arrogance du maître. Ce dernier est le sujet de la plupart des phrases. Son « point de vue stable » établit un espace de tableau assez homogène pour que s’y déploie la mécanisation. De plus, les traits du système sans jachère deviennent plus clairs : « Vu le nombre de ses bestiaux, il [le comte] s’appliquait aux prairies artificielles. » Le comte est fier de la récolte fourragère puisqu’il s’agit d’une pratique nouvelle et peu expérimentée à l’époque. Toujours ignorants, Bouvard et Pécuchet s’émerveillent de tout : l’explication du comte, un semoir en marche, les moissonneurs de seigle (autre fourragère qui remplace la jachère) avec leurs faucilles, une mécanique qui fait marcher une pompe à fer, une grange voûtée en brique, la laiterie et enfin la bouverie. Chaque élément du domaine est décrit dans son propre paragraphe, comme si chacun avait sa propre fonction dans le système. Tout ce qu’ils observent est en marche ; même le berger, assis, « tricotait un bas de laine ». Dans cette grande machine, les ouvriers accomplissent leur rôle anonyme. Dans la bouverie, « quelqu'un donna du jour » en faisant entrer l’eau. Les bœufs obéissent eux-aussi machinalement, retenus par « des chaînettes ». Pour compléter cette description d’une machine complexe, Flaubert met l’image d’une horloge : « et la cloche pour le souper tinta. » Cette ferme est un modèle de l’agriculture moderne, si parfaite qu’elle est plus un concept qu’une réalité. Les tableaux sont si idéaux qu’on pourrait comparer ce passage à une publicité40.

32
La démonstration idéale fait écho aux réformes politiques qui ont été nécessaires pour la révolution agricole. Avec la clôture des champs, on a construit un réseau de transports qui livrait la surproduction nouvelle au grand marché et aux villes croissantes. Les réformes soutenues par les agronomes favorisaient des exploitations plus grandes ; ils négligeaient l’agriculture de subsistance qui dominait depuis des siècles, ce qui poussa encore la population vers les villes. La révolution agricole a été un axe important de la modernisation générale. Cette politique a été appuyée par des libéraux qui se sont regroupés après les années 1850 autour de l’Économiste Français. On pourrait imaginer une telle description de ferme idéale dans ces pages. [voilà ce qu'idéalise Marx par son admiration de la bourgeoisie révolutionnaire dans le passage cité du Manifeste]

33
Bouvard et Pécuchet essaieront ensuite d’appliquer le nouveau système agraire chez eux, sans succès. Jean Gayon41 a étudié de près leurs essais, dont les fautes étaient typiques des années trente et quarante. Un ami agronome, Godefroi, avait fourni à Flaubert la perspective de la science agricole mise à jour, lorsque l’agrochimie s’est développée. La fin du chapitre l’annonce lorsque les cultivateurs qui ont échoué décident qu’ils devraient apprendre la chimie. Gayon montre la précision historique que Flaubert développe à propos de l’agriculture.

34
En somme, la description de la vallée de l’Orne présente un contraste entre l’ancien et le moderne. Jusqu’ici la critique stylistique ne s’attachait guère aux analyses historiques du texte. Richard relevait les thèmes de la fertilité et du narcissisme offerts par le style de Flaubert, tandis que Gayon et Mouchard suivaient l’agriculture du XIXe siècle représentée dans le roman. En s’appuyant sur le contraste entre l’ancien et le moderne, on a vu comment la composition exprime subtilement les différentes qualités des lieux. Le contour des phrases et des paragraphes met l’accent sur des détails significatifs. Le hasard, la douceur, et la puissance de la nature caractérisent l’ancien, alors que l’ordre mécanique, l’ouvrage et la volonté de l’homme marquent le moderne. Vu de près et sur un fond génétique, on observe l’exquise finesse et la souplesse d’un langage engagé en même temps sur le plan socioculturel.

35
Reste toujours l’ambivalence de l’engagement flaubertien. Ses descriptions de la vallée de l’Orne et de la ferme sont-elles censées nous plaire sincèrement ? Ou bien Flaubert se moque-t-il de l’engouement naïf des deux héros ? Enfin, quel est son jugement sur la modernisation agricole ? Par son ironie le texte pose ces questions sans se prononcer. Claude Mouchard dit à ce propos : « la ligne horizontale du sol ne cesse de se faire percevoir, ironique, jusqu’au terme indéfini du livre ».42


20 François Dagognet, Des révolutions vertes : histoire et principes de l’agronomie, Paris, Hermann, 1973, p. 8.
21 Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, Histoire des agricultures du monde, Paris, Seuil, 1997, pp. 314-15. Voir aussi Jean Boulaine, Histoire de l’agronomie en France, Paris, Lavoisier, 2e édition, 1996.
22 Dagognet, op. cit., p. 66.
23 Mazoyer et Roudart, op. cit., p. 342-46.
24 James R. Lehning, Peasant and French: Cultural contact in rural France during the nineteenth century, Cambridge University Press, 1995. Voir aussi Roger Price, A concise history of France, Cambridge University Press, 1993.
25 Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, édition de Pierre-Marc de Biasi, Paris, Livre de poche, 1999, pp. 55-56.
26 Le manuscrit autographe, les brouillons, les plans, et les dossiers de Bouvard et Pécuchet sont conservés à la bibliothèque municipale de Rouen et consultable en ligne sur le site du Centre Flaubert de l’université de Rouen.
La séparation des deux paragraphes est une zone d’ombre sur le manuscrit autographe. Ils sont répartis sur deux pages, Ms g 224 fº 18-19 et Ms g 224 fº 20 ; un trait vertical en bas de la première page pourrait signaler l’élimination soit de la coupure, soit d’un blanc inutile entre les deux paragraphes. Heureusement un des brouillons écarte tout doute. Le brouillon Ms g 225 fº 94v, comprend toute la description de la vallée de l’Orne sur une seule page. Le paysage est divisé en deux paragraphes, sans espace entre eux. Toutes les éditions que nous avons consultées sont en accord avec la division en deux paragraphes de ce paysage.
Je voudrais remercier Anne Herschberg Pierrot et Jacques Neefs qui m’ont permis de consulter les reproductions photographiques des manuscrits à l’Institut des Textes et Manuscrits Modernes (l’ITEM) en 2010-11.
27 BM de Rouen, Ms g 225 fº 82.
28 BM de Rouen, Ms g 225 f° 97 v°
29 Flaubert répète la même image pendant le tour de la ferme, à la tombée du jour : « Au rez-de-chaussée, deux ou trois lanternes s'allumèrent, puis disparurent. » BM de Rouen, Ms g 224 fº 22.
30 Mazoyer et Roudart, op. cit., p. 335-37.
31 Stéphane Mallarmé, Entretien avec Jules Huret, Enquête sur l’évolution littéraire, Paris, Charpentier, 1891, p. 60.
32 BM de Rouen, Ms g 225 fº 81
33 BM de Rouen, Ms g 224 f° 20
34 Ibid.
35 Richard, « Variation d’un paysage », p. 181.
36 Ibid.
37 Mazoyer et Roudart, op. cit., p. 322.
38 BM de Rouen, Ms g 224 fº 20, transcription de Joëlle Robert.
39 Mouchard, op. cit., p. 70.
40 Cette suggestion m’a été faite par Jacques Neefs au cours d’un entretien en juillet 2016.
41 Gayon, op. cit.
42 Mouchard, op. cit., p. 65.


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Message par Troguble Ven 20 Aoû - 17:20


entassons des mots
puisqu'ainsi le veut mon anthroponymie

Patlotch a écrit:j'évoquais en ouverture de ce billet « mon ascendance généalogique, petits paysans et métayers d'Auvergne (Puy-de-Dôme) et du Bourbonnais (Allier) », mais contrairement au fils de Vichyssois de l'article ci-dessous, Bourbonnais ou Auvergnat ? Ça dépend du côté de l’Allier…, je n'ai jamais entendu mon père se revendiquer bourbonnais, ni ma mère auvergnate, pas plus que mes grands-parents respectifs. Je ne les ai jamais entendu dire des généralités sur les identités régionales ou locales. Pour le dire d'anachronismes, ils n'étaient pas identitaires pour deux sous, et moins cons que ce commentateur qui parle, à propos des clans et ethnies en Afghanistan, de "communautarisme". Si j'avais questionné mes parents, il est probable que j'aurais obtenu une réponse... de Normand

les habitants de l’Allier s’appellent "Bourbonnais" depuis 2018, sur une décision du conseil départemental plébiscitée par la population. Près de Roanne, dans la Loire, les Monts de la Madeleine appartiennent à la Montagne bourbonnaise

il y avait à Roanne, amis de mes grands-parents maternels (mon grand-père mort en 1952, des suites lointaines d'un gazage pendant la Première guerre mondiale, avait été, je ne sais par quel chemin, scieur de long en Normandie), un bougnat, diminutif du patois "charbougnat", café-charbon et qui surtout jouait de l'accordéon, faisant danser la bourrée les jours de fête. Je crois que c'est un des premiers musiciens que j'ai écouté "live", avec mon cousin qui dirigeait, clarinettiste, L'Indépendante, harmonie municipale de Saint-Germain-des-Fossés. Lui était un "riche", fils d'une employé de la poste...

à Saint-Germain-des-Fossés, ville alors cheminote mais encore paysanne, où vivaient mes grands-parents paternels, on est à 10 km de Vichy ou Cusset, dont parle l'article. Quand j'étais gosse, j'étais très troublé en entendant parler de Saint-Germain-des-Prés d'autant qu'ils habitaient Rue des Champs, ou de la Fuite du roi à Varennes, que je pensais être la ville à côté, Varennes-sur-Allier. Vichy ne m'a évoqué l'Occupation et Pétain que plus tard. C'est là, dans un jardin d'enfant, que j'ai vu mes premiers "Noirs", un petit garçon et une petite fille qui devaient avoir mon âge, dans les 4 ans

j'étais vraiment un plouc de souchien, bien que quelqu'un prétendît que mon patronyme, indubitablement d'origine bourbonnaise et forme auvergnate du nom de personne germanique Teutbardus, venait de l'arabe ! Il est vrai qu'un nom proche vient de l'araméen, qui signifie, Ô fierté :


Unir, joindre, lier ensemble, être joint, être accouplé, être associé, avoir de la camaraderie avec, être un charmeur, un enchanteur

Lier des charmes magiques, charmer
Faire une alliance
Être allié, être uni
Entasser (des mots)
Se joindre à, faire une alliance, se liguer ensemble

source

qui sait, je descends peut-être d'un bâtard de Sarrasin d'avant Charles Martel ? Quoi qu'il en soi, je les assume tous, bien que pas toujours fidèle à leurs promesses, avec un faible pour "Entasser des mots", dont la justesse ne fera aucun doute pour ma lectorate. Une autre traduction serait "accabler", c'est accablant

Shocked

voici, pour ma lectorate confinée d'autre souche, une carte des « Provinces françaises sous l'Ancien Régime, territoires dont était composé le royaume, jusqu'à leur démantèlement par l'Assemblée nationale et la création des divisions administratives départementales en 1790. » source

PAYSAN DE MOI-MÊME France-provincesAR

une chose est certaine, ma grand-mère maternelle avait une sainte-horreur des aristos, je me souviens encore de sa moue imitant Giscard d'Estaing, d'une famille bourgeoise anoblie en 1922, et me raconter quelques souvenirs en passant devant le "château", celui de Creuzier-le-Vieux, près duquel était une ferme de la famille, fournisseuse en dindes de Noël. Chez eux on disait "le dinde"

de mon grand-père, je retiens d'une part le cheminot retraité qui m'emmenait à la gare voir ses copains, et les locomotives à vapeur encore en service, dont il avait pris soin dans sa vie active, et d'autre part le quasi-paysan, qui m'apparaissait comme sachant tout faire, faucher à la faux ou à la faucille, battre au fléau, mais aussi fabriquer des meubles, car menuisier avait été son premier apprentissage. Chasser, non, il n'y avait aucune arme à la maison, sauf celles qu'ils nous fabriquaient, en bois, à mon frère et moi, arborant lui un drapeau français, moi un drapeau rouge à faucille et marteau, de la main de ma grand-mère

mes grands-parents sont enterrés à côté de Fernand Raynaud dans une modeste tombe du cimetière de Saint-Germain : un sous est un sous, faut payer l'sel ! L'humoriste y passait comme moi ses vacances enfant


Frontière
Bourbonnais ou Auvergnat ? Ça dépend du côté de l’Allier…
La Montagne 29/12/2016


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Sur le pont de Bellerive, piétons et automobilistes passent allègrement
et sans s’en soucier du Bourbonnais en Auvergne et vice-versa ?!
© Fortoul Maurice
La commune de Vichy est-elle auvergnate ou bourbonnaise ? Et qu’en est-il de Cusset et Bellerive. Historiquement, le pont a pu marquer la frontière entre les territoires. Mais le débat reste ouvert.

« Mon père me disait toujours : je suis Bourbonnais, pas Auvergnat ! ». Ce fils de vichyssois « pur jus », statut qu'il revendique lui-même, a tout récemment franchi l'Allier pour venir résider à Bellerive. Il a donc changé de province ? Convoquons l'histoire pour éclairer notre lanterne.

« Le Massif Central a réalisé, au centre de la France, un bloc difficilement pénétrable aux grandes voies de communication. Au niveau de Vichy, le franchissement de la rivière a permis les échanges commerciaux dès l'Antiquité, ainsi que les relations des deux grandes cités rivales de la Gaule, Gergovie des Arvernes, proche de Clermont-Ferrand au sud, et Bibracte des Eduens, non loin d'Autun au nord. À cet important point de passage, une agglomération s'était constituée et développée, qui donnera naissance à l'Aquis Calidis sous l'empire gallo-romain puis, bien plus tard à Vichy et à son agglomération. »

Vichy, auvergnate puis bourbonnaise
Cette introduction qui plante le décor, nous la trouvons dans l'ouvrage édité sous la direction d'André Leguai, Histoire des communes de l'Allier (éditions Horvath). La rivière est-elle un obstacle à même de créer une frontière ?

Au début du XIV e siècle, Vichy relève du bailliage d'Auvergne. En 1374, suite à de nouveaux échanges et transactions, la châtellenie de Vichy est définitivement rattachée au Bourbonnais. Dans le même temps, les ducs de Bourbon ont réussi à contrôler l'important passage sur l'Allier qui relie la Bourgogne et le Lyonnais à l'Auvergne.

En 1527, le duché est rattaché au domaine royal, après avoir été placé sous séquestre peu avant en raison de la trahison du connétable de Bourbon, Charles III, qui avait abandonné François 1 er pour se mettre au service de Charles-Quint. Quand Sully institua le système des fermes générales, le Boubonnais y était inclus alors que « l'Auvergne, elle, considérée comme étrangère, n'en fait pas partie. »

Cusset, ville d'Auvergne !
Cette affirmation clôt le débat ! Ou pas… car Cusset, la proche voisine de Vichy, est ville d'Auvergne ! Quand les Vichyssois se procuraient des marchandises à Cusset, des droits d'entrée devaient être payés.

Constatons avec Henriette Dussourd que « Les frontières du Bourbonnais étaient étonnamment ponctuées d'enclaves avec ses voisins, enclaves réciproques et - qui sait ? - peut-être volontairement maintenues pour pouvoir être utilisées dans certains cas particuliers » (Le Bourbonnais, Volcans éditions).

La contrebande du sel aux XVII e et XVIII e siècles appartînt-elle à ces cas particuliers ? L'histoire de Cusset, poursuit l'historienne, fut longtemps rattachée à celle de l'Auvergne et le Bourbonnais convoita son rattachement… patiemment.

Sur la rive opposée, Bellerive, qui s'appelait alors Vesse, avait des échanges épisodiques avec Vichy, au gré des naufrages que connurent les ponts et bacs successifs et des batailles livrées pour le contrôle du passage. Située de l'autre côté, Bellerive était, et reste, terre d'Auvergne. Le débat n'est pas clos cependant.

Troguble

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Message par Troguble Sam 21 Aoû - 9:07


on en a maintenant la preuve :
MES ANCÊTRES, LES PREMIERS AUVERGNATS, ONT COULÉ UN BRONZE


Des vases, des bijoux et des armes :
découverte "exceptionnelle" d'objets de l'âge du Bronze dans l'Allier

France Info, 20 août 2021

Des vases remplis d'objets, potentiellement enfouis il y a plus de 3 000 ans en guise d'offrandes, ont été découverts sur un site archéologique protohistorique dans l'Allier (Auvergne Rhône-Alpes).

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Des vases remplis d'objets en tous genres, ont pu être mis à jour et analysés. (F. Bord)
Bracelets, outils, armes : des objets "exceptionnels" de l'âge du Bronze, enfouis il y a près de 3 000 ans dans les environs de Gannat (Allier) ont été mis au jour, a annoncé vendredi le directeur de l'équipe de recherches. Dans un habitat fortifié datant de 800 avant JC, les archéologues ont découvert des centaines d'objets intacts en bronze, a précisé Pierre-Yves Milcent, maître de conférence à l'Université Jean Jaurès de Toulouse.

Bijoux, décorations et haches en bronze
Deux vases mis au jour dès 2020 ont pu être analysés, et montrent que la sélection et la disposition des objets sont "très organisées". Au fond des vases, de 30 cm de diamètre, ont été déposés des bijoux de femmes ou d'enfants : bracelets, anneaux de cheville, pendeloques.

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L’un des grands dépôts sacrificiels en fosse d’objets métalliques,
découvert dans un habitat de hauteur de l’âge du Bronze à Gannat, dans l’Allier
(M. Vallée)

Au-dessus, l'un des vases contenait des outils tranchants et des armes : couteaux, faucilles, pointes de lance, etc. Dans l'autre vase, la couche intermédiaire était constituée d'éléments de décoration de chars, équipements de chevaux et pièces de roues. Des haches en bronze avaient enfin été disposées sur le dessus de chaque vase.

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Les archéologues durant les fouilles sur le site de Gannat (Allier) (P-Y. Milcent)

Ces dépôts ont été enterrés "volontairement": "ils sont associés à l'habitat, il pourrait s'agir d'offrandes comme on en trouve en Grèce à cette époque, déposées lors de la fondation ou de l'abandon de l'habitat, pour s'assurer la protection des divinités", a expliqué Pierre-Yves Milcent. D'autres dépôts découverts cet été sont en cours d'analyse.

Une région qui habrite [sic] de riches sites protohistoriques
"De nombreux objets en bronze ont été découverts depuis le XIXe siècle, mais rarement par des archéologues dans leur contexte d'origine. Cette découverte, avec des objets intacts, est exceptionnelle car elle permet de mieux comprendre comment et pourquoi ils ont été enfouis", a-t-il détaillé.

Le programme de recherches, lancé en 2019, visait notamment à limiter les dégâts occasionnés par les pillages dans cette région du sud de l'Allier qui se distingue par la richesse de ses sites protohistoriques. La région avait un potentiel économique important avec une rivière navigable, la Sioule, et un sol riche en or et en étain, un métal exploité pour l'alliage du bronze.


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image ajoutée


La zone était également un carrefour d'échanges traversé par une voie majeure reliant le nord et le sud, sur le tracé des actuelles autoroutes A71 et A75. Entre 2 200 et 800 avant JC, l'âge du Bronze est une période clef de la protohistoire de l'Europe occidentale qui reste méconnue. Elle présente déjà les caractéristiques principales des sociétés celtiques qui suivent, à l'âge du Fer.

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dans les années 80, j'ai passé des vacances dans un camping au bord de la Sioule,
avec mon chat. On y faisait de belles fritures de goujons. Plus au Sud, dans le Cantal et la Lozère, on en pêchait d'une autre espèce, jusqu'à 15 cm


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Goujon d'Auvergne, Gobio alverniae, Kottelat & Persat, 2005

Le goujon (Gobio gobio) est une espèce de petits poissons, autrefois très commune, qui vit dans les eaux douces d'Europe. C'est un poisson très sensible à la pollution de l'eau, ce qui le fait considérer comme un des bioindicateurs de la qualité de l'eau. Le mot serait d'origine gauloise et tôt adopté en latin. source

une recette de la friture de goujons
magicmaman des poissons, elle est bien genti-lle


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goujons en bronze

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Diane Chasseresse, bronze de Goujon
Jean Goujon est un sculpteur et architecte français du XVIe siècle, probablement né en Normandie vers 1510 et mort selon toute vraisemblance à Bologne, vers 1567. source

il n'y a que des Auvergnats, des Normands, et quelques Afghans, dans mon voyage à travers mots et merveilles

La communauté afghane de Normandie s'inquiète du retour des talibans, France3, 18 août

Troguble

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Message par Troguble Sam 28 Aoû - 17:55

un correspondant met en cause les connaissances de Flaubert en maraîchage. Lui en pince pour le melon, sans se le prendre. Voir en bas
UN CHOU, C'EST UN CHOU

« Puisqu'ils s'entendaient au jardinage, ils devaient réussir dans l'agriculture...
Bouvard reconnut qu’il s’était trompé. Son domaine exigeait la grande culture, le système intensif.
Il n'en doutait pas & il aventura ce qui lui restait de capitaux disponibles : trente mille francs.
Excité par Pécuchet, il eut le délire de l’engrais. »


PAYSAN DE MOI-MÊME BouvardEtPecuchet

Bouvard et Pécuchet - manuscrit autographe définitif - folio 24. Centre Flaubert
      Ils virent enfin lever les petits pois. Les asperges donnèrent beaucoup. La vigne promettait. Puisqu'ils s'entendaient au jardinage, ils devaient réussir dans l'agriculture : - et l'ambition les prit de cultiver leur ferme. - Avec du bon sens et de l'étude ils s'en tireraient, sans aucun doute.

24.

      Le premier point était d’avoir de bonnes couches. Pécuchet en fit construire une, en
briques. Il peignit lui-même les châssis, & redoutant les coups de soleil barbouilla
de craie toutes les cloches.
      Il eut la précaution pr les boutures d’enlever les têtes avec les feuilles. Ensuite, il
s’appliqua aux marcottages. Il essaya plusieurs sortes de greffes, greffes en flûte,
en couronne, en écusson, greffe herbacée, greffe anglaise. Avec quel soin, il
ajustait les deux libers ! Comme il serrait les ligatures ! Quel amas d’onguent pour
les recouvrir !
      Deux fois par jour, il prenait son arrosoir & le balançait sur les plantes, comme
s’il les eut encensées. À mesure qu’elles verdissaient sous l’eau qui tombait en pluie
fine, il lui semblait se désaltérer & renaître avec elles. Puis cédant à une ivresse,
il arrachait la pomme de l’arrosoir, & versait à plein goulot, copieusement.
      Au bout de la charmille près de la dame en plâtre, s’élevait une manière de cahutte
       de
faite en rondins. Pécuchet y enfermait ses instruments ; & il passait là des heures
délicieuses à épelucher les graines, à écrire des étiquettes, à mettre en ordre ses
petits pots. Pour se reposer, il s’asseyait devant la porte, sur une caisse, & alors
projetait des embellissements.
      Il avait créé au bas du perron deux corbeilles de géraniums ; entre les cyprès & les
quenouilles, il planta des tournesols ; – & comme les plate-bandes étaient couvertes de
boutons d’or, & toutes les allées de sable neuf, le jardin éblouissait par une abondance
de couleurs jaunes.
      Mais la couche fourmilla de larves ; – & malgré les réchauds de feuilles mortes, sous les
châssis peints & sous les cloches barbouillées, il ne poussa que des végétations rachitiques.
Les boutures ne reprirent pas ; les greffes se décollèrent ; la sève des marcottes s’arrêta,
les arbres avaient le blanc dans leurs racines ; les semis furent une désolation.
Le vent s’amusait à jeter bas les rames des haricots. L’abondance de la gadoue
nuisit aux fraisiers, le défaut de pinçage aux tomates.
      Il manqua les brocolis, les aubergines, les navets – & du cresson de fontaine, qu’il
avait voulu élever dans un baquet. Après le dégel, tous les artichauts étaient perdus.
      Les choux le consolèrent. Un, surtout, lui donna des espérances. Il s’épanouissait,
montait, finit par être prodigieux, & absolument incomestible [voir en bas]. N’importe ! Pécuchet fut
content de posséder un monstre.
      Alors, il tenta ce qui lui semblait être le summum de l’art : l’élève du melon.
      Il sema les graines de plusieurs variétés dans des assiettes remplies de terreau, qu’il
enfouit dans sa couche. Puis, il dressa une autre couche ; & quand elle eut jeté son
feu repiqua les plants les plus beaux, avec des cloches par dessus. Il fit toutes les
tailles suivant les préceptes du bon jardinier, respecta les fleurs, laissa se nouer
                                                             bras
les fruits, en choisit un sur chaque branche, supprima les autres ; & dès qu’ils eurent
la grosseur d’une noix, il glissa sous leur écorce une planchette pr les empêcher de
pourrir au contact du crottin. Il les bassinait, les aérait, enlevait avec son mouchoir
la brume des cloches – & si des nuages paraissaient, il apportait
vivement des paillassons.

[Transcription de Joëlle Robert]

PAYSAN DE MOI-MÊME Bp_def_0_0024

25-26.
La nuit, il n’en dormait pas. Plusieurs fois même, il se releva ; & pieds nus
dans ses bottes, en chemise, grelottant, il traversait tout le jardin pr aller
mettre sur les bâches la couverture de son lit.
      Les cantaloups mûrirent.
      Au premier, Bouvard fit la grimace. Le second ne
fut pas meilleur, le troisième non plus ; Pécuchet trouvait pr chacun une
excuse nouvelle, jusqu’au dernier qu’il jeta par la fenêtre, déclarant n’y
rien comprendre.
      En effet, comme il avait cultivé les unes près des autres des espèces différentes,
les surins s’étaient confondus avec les maraîchers, le gros Portugal avec le grd
Mogol – & le voisinage des pommes d’amour complétant l’anarchie, il en
était résulté d’abominables mulets qui avaient le goût de citrouilles.
                                  se tourna vers les fleurs
      Alors Pécuchet ne fut pas découragé. Il écrivit à Dumouchel pr avoir des graines, &
                avec des graines
des arbustes, acheta une provision de terre de bruyère & se mit à l’oeuvre
résolument.
      Mais il cassa les griffes des renoncules, en voulant les extraire, & les éricas qu'il
n'avait point retiré de leur loam moururent presque tous

il planta des passiflores à l’ombre, des pensées au soleil, couvrit de fumier les jacinthes,
arrosa les lis après leur floraison,
                                                                                                               ou bien
Il enfouit des ardoises au pied des hortensias pr en obtenir des fleurs bleues
                                                                       d'abattage
détruisit les rhododendrons par des excès d'élagage* stimula les fuchsias
avec de la colle forte, & rôtit un grenadier, en l’exposant au feu dans la
cuisine.
                                                                                                                        papier forts enduits
      Aux approches du froid, il abrita les églantiers sous des dômes de carton enduit
de chandelle ; cela faisait comme des pains de sucre, tenus en l’air par des
bâtons. Les tuteurs des dahlias étaient gigantesques, – & on apercevait, entre toutes ces
lignes droites les rameaux tortueux d’un sophora-japonica qui demeurait
immuable, sans dépérir, ni sans pousser.
      Cependant, se dit Pécuchet puisque les arbres les plus rares prospèrent dans les
                                                                                                     Et Pécuchet
jardins de la capitale, ils devaient réussir à Chavignolles ? ...[illis.]....
se procura le lilas des Indes, la rose de Chine, la poincillade de Madagascar
et l’Eucalyptus, alors dans la primeur de sa réputation. Toutes les expériences
ratèrent. Il était chaque fois fort étonné.

PAYSAN DE MOI-MÊME Cham-chou
Du “chou prodigieux, et absolument incomestible” à la “copie-monument” :
petite tératologie* potagère de Bouvard et Pécuchet, œuvre posthume et inachevée

Stéphanie Dord-Crouslé - Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités

* La tératologie est la discipline de l'anatomie qui s'intéresse aux malformations et aux monstruosités. Elle s'est surtout développée dans la seconde moitié du XIXe siècle...
Dans Bouvard et Pécuchet, le chou auquel les deux bonshommes donnent naissance dans leur jardin de Chavignolles est un monstre qui a peu retenu l’attention jusqu’ici. Il est pourtant le produit textuel singulier d’une genèse documentaire retorse : elle part des préconisations précises d’un manuel (Le Potager moderne d’Alfred Gressent) pour mieux en prendre le contre-pied. Ce légume hors-norme porte également en lui le souvenir diffus quoique agissant d’une célèbre escroquerie de la fin des années 1830, celle des graines de chou colossal, restée vivace dans la mémoire collective comme dans la correspondance de Flaubert où elle est utilisée en tant que marqueur spécifique de la bêtise. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’un tel chou s’épanouisse au sein d’un roman lui-même essentiellement monstrueux, conçu pour l’être dès l’origine – et condamné à le rester du fait de son inachèvement.

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fumure comparée

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lire aussi
Bouvard et Pécuchet jardiniers
Patrick Feyler, Presses Universitaires de Bordeaux, 2006
Adé a écrit:Flaubert n'y connaissait rien en maraîchage, ignorant des lois de Mendel, des hybridations, des croisements : « Il sema les graines de plusieurs variétés dans des assiettes remplies de terreau... »

Flaubert ose ensuite affirmer que les fruits s'étaient hybridés donnant des spécimens immangeables, or si hybridation il y a (et c’est très possible) elle concerne la descendance : ce sont les semences de ces fruits qui donneront les hybrides. Le fruit issu d'une variété (cultivar) conservera ses qualités organoleptiques (hic) indépendamment du pollen  (pistil = mâle) reçu par la partie femelle (étamine=femelle), en effet les caractéristiques organoleptiques des fruits et l'apparence générale (génotype) du plant sont inscrits dans la graine qui leur a donné naissance.

Le pollen féconde les étamines ce qui donne les graines et déclenche le processus de fructification, déterminé par les caractéristiques génomiques du cultivar ( Melons:Charentais, Réticulé, de Carpentras etc... Courgette longue, ronde, Pastison, - ou Pâtisson -, de Nice, Musquée, Butternut, Pastèque, Citre à confire,... ;-) et par son phénotype (réalisation individuelle du génotype selon des facteurs environnementaux: climat, sol, chaleur, etc...facteurs édaphiques et écologiques).

L'an dernier j'ai cultivé, avec succès, un plant de melon à partir de la plantule achetée en magasin (pépinière route d'Arles à Tarascon), un réticulé qui a produit pas mal de fruits gros et délicieux, sous tunnel d’une quarantaine cm de hauteur bricolé avec des cannes et des bouts de ficelles. Il s'est répandu sur deux ou trois mètres, je l'ai "pincé" comme indiqué dans  "Le Jardinier Provençal" éd. Tacussel. Des Butternuts s'étaient implantés un peu partout because le compost, j'en avait conservé 4, et là aussi ça donné très bien, avec des spécimens de 2 ou 3 kg, ça grimpe, comme les melons, ou les pastèques, ça fait des fruits énormes et suspendus par le pédoncule, il faut parfois tuteurer, ou palisser...

Troguble

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Message par Troguble Sam 4 Sep - 15:19


PROMENADE PASTORALE
ENTRE LES ÂGES ET LES USAGES
suivi de

LE PLAISIR DE LA CRUAUTÉ
en contrepoint de
La justice comme arme de guerre pour comprendre le succès des talibans (Henri Roger, Slate, 27 août 2021),
un bel exemple d'alliance entre le patriarcat et la classe dominante dans notre "Moyen-Âge"


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Il coupe le nez de sa femme et se réfugie chez les talibans
AFP, 19 janvier 2016


Paysans et seigneurs dans le duché de Normandie
quelques témoignages des chroniqueurs (Xe-XIIe siècles)
Mathieu Arnoux, 1990

« L'ayant entendu, pour ne pas agir malhonnêtement,
il rapporta au duc l'argent qu'il lui avait donné, et lui raconta ce que sa femme avait fait.
Le comte cependant, le retenant à ses côtés quelque temps,
ordonna qu'on aille arracher les yeux à la femme, à cause de son vol.
Quand le paysan rentra chez lui, il trouva sa femme justement punie :
« désormais, ne vole plus, lui dit-il indigné, et apprends à respecter les ordres du comte ». »

La morale de l'anecdote, ainsi réduite à l'essentiel, apparaît assez clairement : l'autorité du duc sur son duché est absolue, et seul cet être pervers et inconséquent qu'est par essence l'épouse d'un paysan peut imaginer de la défier ; mais le châtiment suit immédiatement le crime, et vient démontrer combien la justice ducale est fulgurante et impitoyable.

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En 996, une révolte paysanne éclate en Normandie contre les seigneurs
qui commencent à imposer les droits féodaux

Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public,  Année 1990  21  pp. 67-79
Fait partie d'un numéro thématique : Villages et villageois au Moyen-Age


« Il n’y aurait aucun sens ni aucune nécessité d’interdire le meurtre si l’homme n’y aspirait pas fortement. La passion pour le meurtre est première. La morale est une construction historique secondaire. » Malaise dans la culture, Freud

Les pensées de Nietzsche (1844-1900), de Freud (1856-1939), et en moindre part de George Sorel (1847-1922) ont fait scandale : chacune à leur manière elles pointaient en l’homme une forme spontanée d’agressivité et un goût pour la violence qui contrariaient frontalement la représentation de l’homme que la morale chrétienne avait patiemment mise en place.

« L’homme n’est pas cet être débonnaire au cœur assoiffé d’amour dont on dit, qu’il se défend quand on l’attaque. Mais il porte en lui des pulsions agressives, pulsions de destruction. L’homme est tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagement, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de le martyriser, de le tuer. Homo homini lupus. » Malaise dans la culture, Freud

Freud prend à témoin l’Histoire et notamment les temps de guerre… La guerre, comme le rêve, opère un « déshabillage moral », une levée de la censure morale qui permet un retour de toutes les pulsions agressives normalement refoulées par les contraintes et les codes sociaux.

Nietzsche, notamment dans la seconde dissertation de la Généalogie de la morale, au paragraphe six, montre que les premières manifestations de la justice par châtiments pénaux sanglants prouvent le goût de l’humanité pour la cruauté. Comment aurait-on pu penser qu’une souffrance infligée puisse être la compensation d’une dette s’il n’y avait un véritable plaisir à faire souffrir ! Exercer sa cruauté sur un être réduit à l’impuissance procure aux individus lésés une contre-jouissance d’autant plus grande que le plaideur est d’une basse extraction sociale. Pendant le temps du procès il croit participer au droit des maîtres : celui de frapper en toute impunité. Faire souffrir ou, à défaut, voir souffrir est une véritable fête.

Nietzsche rappelle que pendant une longue période de l’humanité toutes les noces princières et les fêtes populaires étaient accompagnées de quelques grandes exécutions. Tortures et supplices étaient un ingrédient des festivités. D’ailleurs toute maison quelque peu noble entretenait en son sein des individus sur lesquels les maîtres pouvaient passer leur cruauté et leur appétit de moquerie. Nietzsche cite à ce propos le passage de Don Quichotte à la cour de la duchesse et avoue que l’évolution des mœurs aidant, nous ne pouvons réfréner notre malaise à la lecture de ces pages cruelles alors qu’elles étaient lues sans aucune mauvaise conscience mais avec une réelle bonne humeur par les contemporains de Cervantès.

« Il répugne à la délicatesse ou plutôt à la tartufferie des hommes contemporains de se représenter à quel point la cruauté était la réjouissance préférée de l’humanité primitive et entrait comme ingrédient dans presque tous ses plaisirs ». Le besoin de cruauté paraissait alors innocent. L’homme le satisfaisait sans aucune mauvaise conscience. Le goût pour la domination et la cruauté était assumé comme un attribut normal de l’humanité. Nietzsche le pense d’ailleurs comme une manifestation essentielle de toutes formes de vie.

« Un œil pénétrant reconnaîtrait encore aujourd’hui chez l’homme des traces de cette réjouissance primordiale et profonde » Mais l’homme ayant beaucoup perdu de sa capacité à supporter la souffrance, il lui suffit de voir des spectacles moins sanglants pour éprouver le même type de réjouissance que ses ancêtres devant les pires tortures. L’attrait pour les pièces tragiques et le sentiment de béatitude des adorateurs de la Croix masquent, sous des prétextes moraux et religieux, ce goût archaïque pour la cruauté. Mais aujourd’hui l’homme n’assume plus comme naturel cette délectation. Une morale hypocrite lui a appris à avoir honte de ces instincts et à rougir de sa cruauté.

Dans La généalogie de la morale Nietzsche reconstruit les grandes étapes de ce qu’il appelle « la moralisation des mœurs » dont l’un des moments les plus importants est le renversement des valeurs aristocratiques (qui glorifient la force) par le christianisme et son apologie de l’humilité. Voir la dissertation « nul n’est méchant volontairement. »

Dans l’interprétation nietzschéenne et freudienne, la sensibilité morale (la pitié et la compassion envers tout être souffrant) ne sont pas innées en l’homme.

autres textes sur le plaisir et la cruauté

Troguble

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Message par Troguble Jeu 23 Sep - 17:36

du 18 septembre, un complément en bleu, les métiers de mes ancêtres

GÉNÉALOGIE TON CULTE !
l'arbre qui cache la forêt


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ma sœur me fait savoir qu'un membre de la famille patername a fait des recherches généalogiques sur "nos origines". Ainsi est-il remonté jusqu'à la naissance, en 1727, d'un certain Gilbert portant le même nom que moi, la ligne patriarcale donc. À raison de 2 siècles et un quart depuis ma naissance, et 3 à 4 générations par siècle, cela fait entre 120 et 200 noms différents que portaient des personnes qui ne sont pas moins mes ancêtres que ce Gilbert, laboureur à Saint-Pourçain-sur-Sioule, Allier. L'arbre ne dit pas s'il avait un cheval ou des bœufs pour tirer sa charrue, ou une femme pour la pousser, en sus d'enfanter mon ascendance

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illustration de Agriculture, labourage dans L'Encyclopédie de Diderot

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combien s'adonnent à cette quête et à la reconstitution de leur "arbre généalogique" mais n'en construisent de fait qu'une branche parmi des dizaines ? Quelle recherche vaine et pour ainsi dire stupide, ceci dit sans féminisme outrancier, puisque passent à la trappe autant de noms portés par des hommes que par des femmes

cela posé, il est assez peu probable que je puisse avoir des ancêtres aristocrates, bourgeois, ou simplement citadins, encore qu'à Saint-Pourçain n'aient pas vécu que des paysans. Après, le transclassisme marital a pu mettre son grain de sel (qu'en Auvergne, il faut payer), mais le fait est que des deux côtés au niveau de mes 8 arrière-grands-parents, on était paysan

Saint-Pourçain était l'une des treize bonnes villes d'Auvergne. Avant 1789, la ville faisait partie de l'ancienne province d'Auvergne. Mais elle relevait de la généralité* de Moulins et était le siège d'une subdélégation de cette généralité.

* Une généralité est une circonscription administrative de la France d’Ancien Régime. Il y eut jusqu’à trente-sept généralités, les dernières ayant été créées en 1784. Elles furent créées en 1542 avec l’édit de Cognac. Parmi les multiples circonscriptions territoriales de la France d'Ancien Régime, les généralités sont apparues tardivement ; elles ont eu d'abord un rôle purement fiscal mais n’ont cessé de se renforcer jusqu'à devenir au xviiie siècle le cadre principal de l’administration royale.

[...]

Pourçain, aussi appelé Portien est un ermite du vie siècle. Il travaillait apparemment comme porcher - d'où son nom Portianus. Ancien esclave affranchi d'un maître brutal, il fonde un monastère sur les bords de la Sioule dont il devient ensuite l'abbé et où il se retire, dans l'actuel bourg de Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier). Il s'oppose alors au roi mérovingien pour demander la liberté des esclaves d'Auvergne.


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la liberté...

Au haut Moyen Âge, la ville s'appelait Saint-Pourçain les Tonnelles, en référence à la vigne cultivée en treilles sur tonnelles.

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Vendanges à Saint-Pourçain

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Le vin de Saint-Pourçain était servi à la table des rois de France Capétiens dès le xiiie siècle,
ainsi qu'à la cour des papes à Avignon, qui en consommait de 60 à 120 hectolitres par an

« Por ce nommés sui Saint-Porçain
Car je sui saint, bon, cler et sain. »


source


complément
Patlotch a écrit:j'ai reçu de ma sœur copie du susdit "arbre généalogique" par la voie des pères, le laboureur Gilbert né en 1727 ayant eu 10 petits enfants et 21 arrière-petits-enfants dont mon arrière-arrière-grand-père, prénommé Jean né en 1844 à Seuillet, agriculteur. Ceux et celles de ses descendants dont les professions sont indiquées furent, chronologiquement, laboureurs, charrons, vignerons, domestiques, couturière (mariée à un tisserand de Cusset), cultivateurs, nom de métier qui paraît remplacer celui de laboureur au début du 19e siècle, et profession de mon arrière grand-père Armand né en 1872, installé à Magnet, sa compagne Céline étant de Billy, le tout dans un mouchoir de poche autour de Saint-Germain-des-Fossés

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jusqu'à la naissance de mon père en 1925 à Billy, cela représente 6 générations en 2 siècles, soit une moyenne d'une trentaine d'année par génération. Du point de vue des métiers exercés, je ne m'étais pas trompé, du moins pour la ligne directe par la voie patriarcale, et j'ignorais même qu'il y eût un vigneron, très arrière grand-oncle né en 1832 exerçant à Creuzier, tout près de là, où, de mémoire, je n'ai vu que fort peu de vignes, et bu quelque piquette. Dans la famille, ils étaient bons pour la gnôle, "eau-de-vie, avec parfois le sens péjoratif de mauvaise qualité. Mot d’origine francoprovençal, qui doit sa diffusion à la 1re Guerre mondiale. Il est peut-être issu du mot 'niais' (parce que l’alcool rend stupide) ou d'une aphérèse de 'torgnole' (coup violent)." Toutes les provinces de France ne peuvent pas faire du bon Calva, j'irai reboire ma Normandie...

le grand-père paternel, père de mon père, portant donc le patrimoine dont j'hérite, fut le premier à rompre cette héritage social, puisqu'il fut cheminot, passant de la paysannerie à la classe ouvrière


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une gare à la campagne, une ville de cheminots-paysans,
redevenue un trou avec les modifications du réseau SNCF à partir des années 1970

mon grand-père n'était pas un "roulant", mais un ouvrier-mécanicien, il s'occupait des locomotives...
et des tenders (voir LE TRAIN, L'ARRIÈRE-TRAIN, LE MALENTRAIN, LE MALOTRU... ET LA BONNE EN TENDER)

labourez, prenez de la peine...

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paysans à Contigny, à 7 km de Saint-Pourçain

dans les années 50, en vacances en Auvergne dans une ferme de la famille,
il y avait ce genre d'attelage, mais avec deux bœufs seulement,
et quelques vaches, le tout dans une étable répugnante où dormait le vacher, un lointain cousin,
donnant directement sur la cuisine, "américaine" pour ainsi dire


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une ferme dans le Cantal
les bêtes étaient comme ça passablement crottées,
et autour des nuées de mouches...


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Message par Troguble Ven 24 Sep - 14:38


LEUR  CABANE DANS MON CANADA

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je n'ai pas encore déménagé dans un coin entouré de forêts à 15 km d'Évreux, que je tombe sur cet article qui montre, pour le moins abstraction faite du ridicule et loin des robinsonnades gauchisantes, que le monde de l'argent* peut absolument tout récupérer, y compris l'idée de certains doux survivalistes de construire sa cabane en forêt

* nuitées autour de 200 € (avec petit-déjeuner)



Le concept est inédit dans l'Eure. Augustin Zeller et Mathieu Kerdraon vont faire construire dix-huit cabanes en bois tout confort et haut de gamme en forêt. Précisions.
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Mathieu Kerdraon et Augustin Zeller espèrent ouvrir avant l’été 2022. (©FL/Eure Infos La Dépêche)

Laisser la ville derrière soi, nos vies « denses et connectées », et « rentrer dans la nature », l’espace d’un week-end ou plus, c’est la promesse du projet porté par Augustin Zeller et Mathieu Kerdraon près d’Evreux (Eure).

En pleine reconversion (le premier travaillait dans le marketing et la communication, le second dans le milieu de la finance), les deux amis ont acheté à Évreux Portes de Normandie le site de l’ancien parc La Porte nature (et ses fameux parcours pieds nus) à La Couture-Boussey (après avoir remporté l’appel à projet lancé par l’agglomération), pour y aménager un parc d’hébergements « le plus proche possible de la nature », présente Augustin Zeller, qui développe ce projet depuis deux ans et demi.

« L'objectif de départ était d'offrir aux citadins une soupape de décompression en pleine nature le temps d'un week-end. Il n'a pas beaucoup changé. », Augustin Zeller, Porteur du projet d'écolodges à La Couture-Boussey
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carte ajoutée. Je serai de l'autre côté, sur la route de Louviers,
à la bonne Eure ! comme disait ma grand-mère


S’intégrer dans la nature
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Construites en bois, les cabanes seront intégrées dans l’environnement (projection 3D).

La soupape se veut confort et haut de gamme (un concept unique dans l’Eure), avec des nuitées autour de 200 € (avec petit-déjeuner). Cet hiver, dix-huit logements réalisés par un architecte vont s’élever (certains sur pilotis à 4 mètres de hauteur) sur une parcelle de 16 ha (dont 10 réellement utilisés), 14 pour des couples, 4 pour des familles, entre 20 et 30 m2, avec l’électricité (verte), eau chaude sanitaire, bain nordique, poêle à bois, ainsi qu’une terrasse d’une vingtaine de mètres carrés.

Le tout en bois – français -, monté par un charpentier de Saint-Ouen-de-Thouberville, isolé avec des jeans normands recyclés, en faisant appel à des professionnels locaux.

L’impact sur le site forestier se veut le plus neutre possible. Les cabanes se fondront dans l’environnement.


Augustin Zeller a écrit:On veut s'intégrer dans la nature plutôt que la changer. Nous souhaitions laisser la forêt telle quelle, mais pas mettre en danger nos clients. Nous avons fait appel à des experts forestiers, qui procéderont uniquement à une coupe sécuritaire, sanitaire et de diversification. La forêt ne sera pas une ressource économique, il n'y aura pas d'exploitation de bois.

Ouverture mi-2022
Cette expérience « slow tourisme » se prolongera dans les activités proposées aux visiteurs, vélos mis à disposition, yoga, moments de convivialité pour les enfants (observation de la nature, carnet découverte…), rendez-vous en famille, etc.

Déconnection oblige, le Wi-Fi ne sera pas proposé dans les hébergements, mais uniquement dans le lieu de vie central. Également dans la partie qui sera dédiée aux entreprises, pour accueillir des séminaires alliant travail et détente. « On a plein d’idées. C’est un projet à tiroirs », s’enthousiasme Mathieu Kerdraon.

Après une longue période d’élaboration sur le papier, le projet va entrer dans le concret très prochainement. Ces prochains jours, la partie voirie-réseaux doit démarrer. Quant au lancement de la construction des cabanes, il est programmé au début de l’hiver. Les deux entrepreneurs espèrent accueillir leurs premiers clients en mai ou juin 2022.

À lire aussi
Près d’Évreux. J’ai testé pour vous : une nuit dans les nouvelles cabanes pour randonneurs à Normanville

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Les cabanes « randoo » occupent un terrain à proximité du stade et du centre de loisirs de Normanville.
©Eure Infos / La Dépêche Évreux

moralité : j'aurais peut-être dû aller plus loin, comme lui
Un Eurois expatrié au Canada : « Là-bas, je me sens vraiment chez moi », La Dépêche d'Évreux, 5 septembre 2021

en relation :
- Corrèze : une famille qui vit dans une cabane dans les bois menacée d’expulsion, France Info, 20 février 2021 : « la commune de Chasteaux a saisi la justice : ces nouveaux habitants sont installés dans une zone à risque de glissement de terrain. »

- Vie sauvage et décroissance : les «autonomistes» sortent du bois, Libération, 11 juillet 2021 : « Le photographe naturaliste Geoffroy Delorme y narre ses sept ans de vie sauvage dans la forêt de Louviers, en Normandie, seul en immersion auprès des cervidés. »

- images d'"écolodges"


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