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Message par Invité Lun 8 Juin - 5:22

nouvelle rubrique pour nouvelles investigations, concrètes, complétant les approches théoriques discutées notamment dans CAMATTE ET NOUS et dans un domaine où je dispose de sérieuses connaissances et d'une pratique, càd ensemble d'une poétique et d'une praxis : la musique

je suppose que ce qui suit sera de nature à faire sentir, saisir et comprendre ce dont il est question mieux que tout développement théorique et visant un objectif d'émancipation humaine dans les relations sociales et à la nature. Plus que de concepts, il sera question ici de percepts et d'affects. Ce ne sont pas les idées qui transforment les choses mais les choses qui transforment les idées
MUSIQUE, NATURE ET HOMME :  
singulière "culture" dans les sociétés de tradition orale

Apollinaire Anakesa Kululuka, PDF 15 pages avec nombreuses illustrations
In : Amaz'hommes - Sciences de l'homme et sciences de la nature en Amazonie
Egle Barone-Visigali, Anna Roosevelt, Gérard Police (dir.)
Matoury (Guyane française) : Ibis Rouge Editions, 2010,
Actes du colloque international
"Sciences de l'homme, sciences de la nature : vers une éco-anthropologie ? Réflexions sur l'Amazonie"
Cayenne, 17-19 avril 2009
La culture musicale chinoise, 2
De la pensée musicale chinoise (schéma)
- Yin et Yang, le concept du ciel
- Du rapport instruments musicaux et Nature, en Chine
- La cithare qin dans la relation homme, nature, musique
- De l'impact de la sonorité du qin
Les traditions subsahariennes, 8
De la pensée musicale africaine (schéma)
Le concept « musique » en Afrique noire : synthèse des interactions de facteurs musicaux et extra-musicaux
Quelques instruments de musique africains
Le troisième champ étudié est celui des Marrons guyanais
En guise de Coda
Chez les Chinois, les Africains subsahariens et les Marrons guyanais, on constate un même postulat : autant chez l'homme, dans le cosmos et que dans la nature chaque chose vivante est animée par une force vitale génératrice à son tour de vie qui, dans le domaine musical, se traduit par le son, en tant que « substance-corps » ou « dynamique-souffle ». Ce principe est la source de diverses formes artistiques et de représentations transcendantales de l'homme. Par le son, l'homme entretient également un lien avec le végétal, l'animal, sans oublier le minéral et l'eau.
Au contact du son il devient réceptif et sensible à l'énergie de la nature, à laquelle il demeure en osmose. L'homme peut alors se passer d'une observation des choses et des phénomènes par un simple regard, pour pouvoir enfin discerner les murmures des eaux et des pantes, ceux des animaux, des génies de la forêt et des mémoires ancestrales. Ce fait lui impose une certaine forme de silence, afin que le silence du cosmos et de la nature lui livre leurs mélodies, et qu'il s'en trouve pénétré et imprégné.
La nature offre alors aux sens de l'homme l'émerveillement issu du beau, ce beau vu, entendu ou senti, suscite, en retour - chez l'humain - son envie voire son besoin irrépressible d'exprimer, sous des formes artistiques diverses, les sensations éprouvées.
La relation homme, nature et musique, ainsi que l'harmonie qui en résulte, s'en trouve également consolidée - d'un double point de vue physique et métaphysique - à travers l'initiation, l'imitation ou l'évocation d'un univers naturel.

L'initiation, l'imitation et la répétition forment ainsi quelques-uns des principes majeurs qui fondent la relation homme-musique-nature au sein des cultures qui nous ont intéressés dans ce travail. L'initiation permet à l'homme d'être disponible, d'être en position de récepteur pour accéder - par l'éducation et un apprentissage échelonné, par la ritualisation - aux secrets, et par-dessus tout, à un niveau supérieur de la connaissance et du savoir.
L'imitation permet à l'homme, non seulement de reproduire, mais aussi d'intégrer ou d'incarner des symboles de la nature et de la surnature (animaux et divinités en particulier), à travers des chants, des danses et des pratiques instrumentales pouvant, si nécessaire, déboucher sur des prestations musicales initiatiques.
Ainsi, par la musique et la force du son, le phénomène religieux imprègne, et imprégnait déjà, la vie quotidienne de ces hommes, à travers une multiplicité de formes artistiques et de représentations transcendantales. Par ce moyen les traditionalistes chinois, subsahariens et marrons recherchent pareillement un équilibre leur permettant de vivre en harmonie avec la dynamique de l'univers.

parmi la bibliographie, je recommande chaudement, de Francis Bebey


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Message par Invité Mar 9 Juin - 11:55


Ethnomusicologie et anthropologie de la musique :
une question de perspective


Anthropologie et Sociétés, Volume 38, numéro 1, 2014


musique, sons de la nature, et société (acoustique, anthropologie et ethnologie de la musique, études, livres) 381

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- Innu Nikamu. L’Innu chante. Pouvoir des chants, identité et guérison chez les Innus
Audet Véronique, Québec, Les Presses de l’Université, 2012
musique, sons de la nature, et société (acoustique, anthropologie et ethnologie de la musique, études, livres) Details_L97827637961781
- Hip Hop Desis. South Asian Americans, Blackness, and a Global Race Consciousness
Marie Thérèse Atséna-Abogo, Sharma Nitasha Tamar, 2010
- Triguna. A Hindu-Balinese Philosophy for Gamelan Gong Gede Musi
Éric Vandal, Hood Made Mantle, 2010
musique, sons de la nature, et société (acoustique, anthropologie et ethnologie de la musique, études, livres) 978-3-8258-1230-0_600x600
- Éclats de voix. Une anthropologie des voix
Meryem Sellami, Le Breton David, 2011
musique, sons de la nature, et société (acoustique, anthropologie et ethnologie de la musique, études, livres) 978-0-8223-4760-6_pr
Hip Hop Desis explores the aesthetics and politics of South Asian American (desi) hip hop artists. Nitasha Tamar Sharma argues that through their lives and lyrics, young “hip hop desis” express a global race consciousness that reflects both their sense of connection with Blacks as racialized minorities in the United States and their diasporic sensibility as part of a global community of South Asians. She emphasizes the role of appropriation and sampling in the ways that hip hop desis craft their identities, create art, and pursue social activism. Some desi artists produce what she calls “ethnic hip hop,” incorporating South Asian languages, instruments, and immigrant themes. Through ethnic hip hop, artists, including KB, Sammy, and Deejay Bella, express “alternative desiness,” challenging assumptions about their identities as South Asians, children of immigrants, minorities, and Americans. Hip hop desis also contest and seek to bridge perceived divisions between Blacks and South Asian Americans. By taking up themes considered irrelevant to many Asian Americans, desi performers, such as D’Lo, Chee Malabar of Himalayan Project, and Rawj of Feenom Circle, create a multiracial form of Black popular culture to fight racism and enact social change.

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Message par Invité Mer 10 Juin - 4:43


ENREGISTRER LES SONS DE LA NATURE
éco- et bio-acoustique, audio-naturalisme
dessous :
Bernie Krause, bioacousticien : "50% des sons de la nature ont disparu en 50 ans"
À l’affût des sons de la nature, Marc Namblard, audionaturaliste
Boris Jolivet, chef d'orchestre des sons de la nature
Eco-acoustique :
des scientifiques mettent la nature sur écoute

Valère Corréard, France Inter, 15 mars 2020

Des scientifiques captent les sons du vivant et ses écosystèmes pour mieux le comprendre. Des études qui peuvent durer des mois voire des années, en mode incognito. Explications.
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Écouter la nature pour étudier la biodiversité, c'est l'objectif de l'éco-acoustique
Getty / Spyros Arsenis / EyeEm
Ces chercheurs installent leur matériel qui va capter les sons de la nature pendant des semaines, des mois ou même des années, dans des lieux reculés ou non, juste entre 3 et 4 heures du matin si cela s’avère intéressant..Tout est possible et tous les moyens sont bons pour décrypter la vie près des lacs, dans les forêts, la savane ou un récif corallien sans déranger personne, en mode incognito. La magie du son, on connait ça avec la radio…

Des objectifs variés
Observer la nature sur un temps long, sans présence humaine, étudier les interactions entre les espèces, leurs comportements, les impacts du changement climatique aussi ou l’activité humaine.

C’est une nouvelle discipline scientifique qui traite des questions d’écologie et de suivi de la biodiversité par le son.

Ces enregistrements sont donc globaux, tous les sons sont captés, charge aux scientifiques ensuite d’en tirer des informations avec l’aide notamment de la reconnaissance sonore automatique qui permet d’identifier des espèces présentes, ou le nombre d’espèces présentes.

Une technique récente en France
Notamment au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris où il y a une équipe de recherche depuis une dizaine d’années qui mène des projets notamment dans le Haut-Jura, dans une forêt soumise aux aléas climatiques, mais aussi en forêt tropicale en Guyane. L’objectif est de suivre les modifications du paysage sonore sur le long cours : 15 ans.

C’est aussi, au passage, l’occasion d’étudier des sons rares. Et on en apprend des choses avec le son… Par exemple, qu'une plante qui respire ça fait du bruit.

Ce travail de recherche (dont vous pouvez retrouver des bribes sur sonotheque.mnhn.fr) rappelle au passage que la nature nous parle quand on a la chance de la côtoyer, il suffit de fermer les yeux… même si l’homme n’arrange rien comme trop souvent…


Il a passé cinquante ans de sa vie à enregistrer les sons de la nature, animaux et éléments. Et il a constaté que la moitié d'entre eux avaient disparu. Rencontre avec le bioacousticien Bernie Krause, dont l'objectif est de sensibiliser à la disparition des espèces.
musique, sons de la nature, et société (acoustique, anthropologie et ethnologie de la musique, études, livres) Bkstvincentbeach_1_0
image ajoutée : Bernie Krause, île de Saint Vincent, Floride, 2001. @ Tim Chapman
Il porte des lunettes aux verres jaunes pour "adoucir les lumières vives", mais derrière, le regard est sagace. Depuis 50 ans, Bernie Krause enregistre les sons du monde pour mettre en lumière leur appauvrissement, symptôme du désastre écologique en cours. Et à ce sujet, il a pléthore d'histoires angoissantes dans son escarcelle, comme celle de ces crapauds californiens, disparus car la fréquence acoustique des avions entrait en concurrence avec celle de leurs cris d'alarme.

Nous avions rencontré Bernie Krause en janvier 2017, lorsque la Fondation Cartier proposait une immersion dans son univers. Univers constitué par la biophonie (bruits émis par les êtres vivants) et la géophonie (bruits produits par les éléments naturels non vivants : vent, pluie, séismes…).

En 1968, Bernie Krause, qui a grandi loin de la nature, d'abord à Détroit, puis à New-York, ne pense qu’à la musique électronique, pop, et à ses synthétiseurs. Il collabore avec des groupes mythiques, et notamment avec les Doors pour leur album Strange Days. Un beau matin, avec son partenaire musical Paul Beaver, il a l’idée de préparer, avec l'écologisme en toile de fond, un album appelé Dans un sanctuaire sauvage (sorti en 1970) : "C’était le premier album à utiliser l’environnement comme thème principal. Ça voulait dire qu’il fallait aller sur le terrain et enregistrer des sons naturels pour les utiliser comme composants d’orchestration", se rappelle-t-il. Il se rend en forêt avec un enregistreur portable stéréo ("ça venait tout juste de sortir !"), et c’est l’éblouissement : Bernie Krause devient accro à la splendide polyphonie de la nature : « En mettant les écouteurs, pour la première fois, j’ai entendu les sons, et je me suis dit que c’était ce que je souhaitais faire pour le restant de ma vie si je parvenais à trouver une façon d’en vivre. La raison principale est que ça me faisait du bien. Je me sentais bien quand je faisais ça. »

Lâcher les Doors et Coppola pour se consacrer aux sons de la nature
A compter de ce jour, à New York, Los Angeles, San Francisco… Bernie Krause profite de chaque temps de pause, durant ses enregistrements studio, pour remettre son casque et aller capter les voix de la nature. L’enjeu, avoue-t-il, était alors moins de pouvoir les réécouter, les analyser, que de passer un moment de détente auditif : "Je suis une personne assez nerveuse, angoissée, assez distraite, et ça me permettait de me concentrer."

Non content d’avoir flirté avec la haute sphère musicale, Bernie Krause s’illustre ensuite en travaillant sur des films fameux : Mission impossible, Rosemary’s Baby, Apocalypse Now… De ce tournage de Coppola, dans les années 1970, il se rappelle avoir été "viré, huit fois" : "Ce qui veut dire que j’ai été à chaque fois réembauché, et chacune de ces fois, ils doublaient mon salaire. J’espérais qu’ils allaient me virer encore dix fois ! Je travaillais avec des synthétiseurs, de la musique électronique sur ce film. J’ai fait tous les sons d’hélicoptère, un tiers de la musique…"

Puis Bernie Krause décide que c’est assez. Assez de musique, d’ego, de drogue… : "Je suis retourné à l’école, j’ai passé mon PhD en bioacoustique en 1981 [équivalent du doctorat, NDLR], et j’ai passé le restant de ma vie à enregistrer des sons dans la nature. A m’intéresser à la science aussi."

Sa technique ? L’ "attended recording" : contrairement au "remote recording", l’enregistrement à distance qui permet de laisser le micro des jours sur le terrain, il s'agit d'un procédé qui nécessite d’assister à l’enregistrement : "J’installe mon microphone et je m’éloigne de quelques mètres. Je m’assois, sans bruit. Les micros n’affectent pas les animaux, ils s’y habituent au bout de quelques minutes. Je ne les cache jamais, mais je reste quand même à proximité." Et Bernie Krause de préciser dans un grand éclat de rire avoir vécu avec gratitude la transition de l’analogique au numérique : "Chaque bobine de sept pouces pesait un demi kilo et ne durait que vingt-deux minutes. Les Nagra, en particulier, étaient très lourds. Avec le numérique, le matériel est petit, léger, et au niveau de la qualité, c’est infiniment mieux."

Maintenant, ce qu’on fait, c’est qu’on exprime à travers les arts ce qu’on trouve dans la science. C’est quelque chose d’assez nouveau...

Cinq mille heures d'enregistrement pour alerter sur la disparition des espèces
Ces cinq décennies à écouter la nature sont aujourd'hui matérialisées par une bibliothèque sonore pour le moins conséquente : cinq mille heures d’enregistrement, de quinze mille espèces animales différentes… : "Toute ma vie, depuis que j’ai trente ans… C’est vraiment très long. On pourrait le compter en années."

Mais ce violon d’Ingres a pris rapidement une dimension scientifique et engagée : se passionner pour le "grand orchestre animal", c’était aussi s’intéresser à la disparition des espèces entraînée par l’hégémonie de l’homme sur la nature ; une façon d’exprimer son inquiétude face au changement climatique. Car si les espèces disparaissent, les sons disparaissent : "En cinquante ans, je n’ai pas rencontré de différences partout où je vais. Mais cinquante pour cent des sons dans mes archives proviennent d’endroits où les habitats n’existent plus. En une période de temps très courte..." Avant d’ajouter, dans un français teinté d’accent américain, et en pesant sur les syllabes : "C’est la fin des haricots."

Pour identifier les espèces sur ses enregistrements, Bernie Krause, qui se dit naturaliste, mais pas spécialiste, travaille avec des collègues.

J’essaye d’initier un peu les gens à l’importance des sons dans notre environnement : plus on perd les paysages sonores dans les habitats naturels, plus notre société devient pathologique. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les journaux télévisés, l’actualité...

La nature : musique initiale
Bernie Krause est toujours musicien aujourd’hui. Mais lorsqu’on lui demande si, tel le nombre d’or, la musique serait une clef universelle qu’il serait parvenu à détecter dans ses enregistrements, il s’agace : "Je n’entends pas vraiment de mélodie dans les sons naturels. D’ailleurs, je n’emploie jamais le mot 'nature', car dans notre compréhension du monde, on a placé la nature à distance de nous, en dessous de nous. Alors que, tout ce qu’on est, ce sont des imitateurs. On mimique, on n’a rien inventé."

On n’a pas créé la musique, au Conservatoire ici, à Paris, ou à la Juillard School de New York. Quand on vivait connectés à la nature, on imitait les sons des oiseaux, les percussions des chimpanzés et des gorilles des montagnes. C’est comme ça qu’on a appris à faire du rythme. On a regardé les lémuriens de Madagascar sauter d’arbre en arbre et c’est comme ça qu’on a appris à danser. On a écouté les sons de la forêt, la nuit, qui étaient structurés comme un orchestre. On a appris à structurer les sons en écoutant ceux de la forêt. On n’a pas appris tout ça à la Sorbonne. Vous me dites que la musique est plus sophistiquée ? Bullshit !

Quoiqu’il en soit, après cinquante ans d’immersion dans le grand orchestre biophonique et géophonique, Bernie Krause reste émerveillé par les découvertes qu’il continue de faire à travers son travail. La connexion de l’homme au monde naturel et l’influence qu’elle a sur la musique, la culture, la médecine, la religion, continuent à le surprendre. Et c’est par une réflexion sur l’animisme, qu’il met fin à l’entretien, comme une invitation à préserver l’environnement pour préserver, à travers lui, la spiritualité : "Les sons de la forêt, la nuit, sont dès l’origine devenus symboliques des esprits qui y vivent : comme on ne pouvait pas les voir, il fallait imaginer comment ils étaient. C’est comme ça que les sons sont devenus des esprits. C'est l’origine de la religion…"
À l’affût des sons de la nature
Denis Sergent, La Croix, 26 février 2020

À la fois ancien des Beaux-Arts et naturaliste, Marc Namblard a su combiner ses deux passions, le son et la vie naturelle, en devenant audionaturaliste.
musique, sons de la nature, et société (acoustique, anthropologie et ethnologie de la musique, études, livres) Marc-Namblard-audio-naturaliste_1_729_547
Tapi à l’automne dans les fougères jaunissantes à la lisière d’une forêt pour capter les chants d’oiseaux, camouflé en hiver pour saisir les feulements du lynx en rut, ou encore figé tel un héron en bord d’étang pour déceler l’éclatement des bulles de gaz produites par les plantes aquatiques ou le crissement des mandibules d’une écrevisse qui boulotte une larve de poisson… ce sont les différentes postures et contorsions auxquelles doit se soumettre Marc Namblard pour espérer pouvoir enregistrer les sons de la nature.

Une démarche artistique plus que scientifique
« Je fais cela d’abord par plaisir, parce que je trouve cela beau et émouvant, et pour faire profiter les autres des sons de la nature. Je réponds à un véritable appel de la nature, à la fois multisonore, multicolore et multiforme, bref à une quête sans fin », explique Marc Namblard, 46 ans, diplômé des Beaux-Arts d’Épinal (Vosges), guide naturaliste et l’un des rares audionaturalistes de France.

« Ma démarche est à la fois cognitive – le désir de faire avancer nos connaissances, de m’appuyer sur ces sons, ces rythmes, ces mélodies pour faire de la création musicale, et enfin contemplative », résume-t-il. En ce sens, bien qu’utilisant pratiquement les mêmes instruments, il se distingue des biologistes, bioacousticiens et éco­acousticiens du Muséum et d’autres instituts qui, eux, font de la science pure marquée par des protocoles rigoureux et des analyses méthodiques et quantifiées. « Je fais des enregistrements libres, animés par un goût pour l’art, l’esthétique, la poésie », poursuit-il.

Des bruits selon les saisons
De fait, l’audionaturaliste enregistre parfois « le tout-venant » au gré de la prospection d’un site naturel, tout en étant tributaire de la saison, de la géographie, de l’écologie et des conditions météorologiques. « Une fois immergé en pleine nature, on ne sait jamais trop ce qui va se passer, ce à quoi on va être confronté, ce qu’on va découvrir… C’est pourquoi on peut se préparer, imaginer, rechercher, tel un pisteur, des traces ou des indices de présence ou de simples passages d’animaux. Pour cela, je m’appuie sur un réseau de naturalistes, de photographes animaliers, de gardes ou de techniciens de l’ONF ou de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. »

Au printemps, c’est l’époque des oiseaux, l’été celle des insectes, l’automne celle de la reproduction des mammifères et enfin l’hiver, celle des rares sorties des mammifères dans la neige, du lièvre variable au lynx boréal.

Géographiquement, Marc Namblard, natif et habitant de la Lorraine, travaille essentiellement dans les parcs naturels des Vosges et de la Lorraine où il a enregistré un CD audio, Chants des lacs gelés. Mais il fréquente aussi les Cévennes, la Lozère, la Drôme et les Alpes du Sud, des zones riches en biodiversité et assez préservées du passage des avions. Dans les années 2010, il est également allé en Guyane, en Islande et en Alaska.

Les audionaturalistes, un métier rare et récent
Actuellement, en France, il existe une dizaine d’audionaturalistes professionnels qui, comme lui, ne vivent que de cette activité. Un métier nouveau et rare. C’est à la fin du XIXe siècle, en Allemagne, qu’on « inventa » le premier enregistrement de sons d’origine animale. Ludwig Karl Koch (1881-1974), né d’une famille mélomane, reçut, enfant, un phonographe d’Edison avec lequel il réalisa des enregistrements d’animaux. Parmi eux, le premier chant d’oiseau daté de 1889.

À la fin des années 1930, menacé par les nazis, il se réfugia en Grande-Bretagne. Le biologiste Julian Huxley l’introduisit auprès de l’ornithologue Harry Witherby. Véritable pionnier en la matière, Koch publia sous forme d’un « livre-sonorisé », combinant bande sonore et ouvrage illustré, Songs of Wild Birds en 1936 puis Animal Language en 1938. Durant la Seconde Guerre mondiale, il entra à la BBC où il constitua une sonothèque d’histoire naturelle.

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Les oisillons réagissent de façon innée au chant de leur espèce


Des bandes sons pour des films et des outils pédagogiques
Marc Namblard, lui, doit une part de sa vocation à la rencontre d’un pionnier français de l’audionaturalisme, Fernand Deroussen, compositeur audionaturaliste, qui a déposé une partie de sa sonothèque au Muséum et vit de ses droits d’auteur. « Aujourd’hui, ce n’est plus possible de vivre de droits d’auteur, explique Marc Namblard. Je vis de prestations de service allant de la réalisation de bandes sonores pour des expositions, des documentaires ou des films jusqu’à la création d’outils pédagogiques pour les sentiers d’interprétation, les ateliers dans les écoles d’art ou bien les conférences publiques. »

Sur le terrain, Marc Namblard se déplace nuit et jour, tel un prédateur, seul, en tenue de camouflage, toujours aux aguets, contre le sens du vent. Un mode de vie pas toujours facile à combiner avec les obligations familiales. « On a plus de chance de capter des sons intéressants seul car, à plusieurs, on engendre inévitablement plus de bruit. »

« En revanche, l’exploitation des enregistrements est souvent un travail d’équipe, avec des réalisateurs ou des musiciens, ajoute-t-il. De plus, au sein de Sonatura, une association, rassemblant professionnels et amateurs, que nous avons fondée, on s’échange des bandes de sons, certains collègues étant spécialisés en haute montagne, d’autres en milieu marin, alors que je me focalise sur les grandes forêts de l’est de la France. »

Les dialectes régionaux des pinsons
Du point de vue purement ornithologique, la captation des cris et chants joue un rôle important dans l’identification des espèces. Ainsi, chez les passereaux, deux espèces, le pouillot véloce et le pouillot fitis, se ressemblent tellement qu’on ne peut, à distance, les distinguer que par leur chant ! « Chaque oiseau a sa signature acoustique, une capacité surtout due à l’apprentissage des parents », explique Marc Namblard. « On observe une personnalisation des vocalises, ainsi que l’existence de dialectes régionaux », poursuit le naturaliste. Dialectes du pinson des arbres, émission simultanée de deux sons différents chez l’étourneau sansonnet…

Tout ceci est lié à la présence d’un organe remarquable, la syrinx, un organe bien plus sophistiqué que le larynx des mammifères, capable d’engendrer une variété infinie de sons, ressource illimitée pour les compositeurs de musique moderne ou concrète. « La nature, trésor inépuisable des couleurs et des sons, des formes et des rythmes, modèle inégalé de développement total et de variation perpétuelle, la nature est la suprême ressource ! », disait le compositeur… et ornithologue Olivier Messiaen.

Boris, chef d'orchestre des sons de la nature
Ivan Roullet, La Nouvelle République, 23 février 2017

Boris Jollivet est audio-naturaliste, l’un des rares spécialistes à enregistrer tous les bruits de la nature pour des films, des expositions et sa sonothèque.
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Boris Jollivet, capteur de sons. (Photo Nicolas Debray)
Les flammes crépitent dans le poêle à bois qui chauffe le grand espace de cette grange rénovée, entre enduit brossé et solives de bois. Une authentique vis de pressoir surgit du parquet pour témoigner de la destination perdue de ce lieu situé dans un hameau de la campagne tourangelle, à quelques kilomètres d'Amboise. Cette masse métallique sombre contraste avec les écrans, le matériel informatique, les grosses enceintes qui quadrillent la pièce.

Une sonothèque de milliers de sons de la nature
Dans un coin, des pagaies canadiennes en bois, sur un meuble bas, un vieux poste TSF, des jumelles, des livres… C'est la pièce de travail de Boris Jollivet. C'est là que ce spécialiste des sons de la nature a monté et mixé « La vallée des loups », un film qui vient de sortir en salles.
Ils ne sont pas une dizaine, en France, à exercer ce métier d'audio-naturaliste. Boris est revenu, il y a quelques années, avec femme et enfants, s'installer dans le hameau de son enfance, dans l'ancienne ferme des grands-parents.
Très jeune, il voulait travailler dans la nature. Il écoutait des cassettes pour reconnaître les chants des oiseaux. Il eut l'opportunité de contacter l'auteur de ces enregistrements, l'un des premiers spécialistes dans ce domaine. Il proposa de travailler bénévolement pour lui en échange d'un apprentissage.
C'est ainsi qu'en 1994, Boris Jollivet transforma sa passion en un métier, celui d'audio-naturaliste. Après de multiples rencontres, des lectures, du temps passé sur le terrain, des années difficiles, l'autodidacte se mit à son compte en 1998 et sortit un film sur le lynx dans le Jura.
Aujourd'hui, Boris fait référence dans son domaine. On vient le chercher pour sonoriser des documentaires, des expositions (lire ci-dessous). Il compte à son actif une vingtaine de films pour la télévision : « Dans ce métier, on veut tout savoir, tout comprendre sur la nature, mais c'est infini. Je connais maintenant les trois quarts des espèces européennes au niveau sonore »
Boris a enregistré des araignées qui font des percussions ou des insectes qui émettent des bruits sous l'eau. En 25 ans de carrière, il a engrangé des milliers de sons de la nature. Sa sonothèque est importante, classée par milieux, par espèces, par géophonie : « C'est ma sonothèque qui me sert à gagner ma vie ».
Le son dont il est le plus fier, c'est celui de la glace sur les étangs gelés du Jura. Il prépare d'ailleurs un CD « Chants de glace ». Quant au son qu'il n'a pas réussi à avoir, c'est celui des loups qui hurlent. Dans le film « La vallée des loups », ce hurlement a été enregistré par Jean-Michel Bertrand, le réalisateur équipé d'un micro, qui était là au bon moment : « Dans le film, on ne triche pas. J'y retourne cet été pour avoir ce son ».
Le vent dans les mélèzes, les sabots du mouflon sur les pierres, le pic noir, la pluie sur les feuilles, le jeu des marmottes au printemps… la nature est une symphonie que Boris a su capturer !

Ses conseils
Sans être un spécialiste, sans avoir de matériel perfectionné, chacun peut écouter les bruits de la nature. Boris Jollivet donne quelques conseils.
> Il faut se poser, prendre le temps d'aller dans la nature, s'asseoir au pied d'un arbre, fermer les yeux, aller plus loin avec l'oreille, écouter le bruissement du vent dans les feuilles, le chant d'un oiseau, les gouttes de pluie…
> Quand on est dans son jardin, qu'il y a un oiseau qui vient chanter, il faut prendre le temps de l'écouter.
> Quand on est dans la nature, on n'est pas chez nous, on est chez eux ! Ce sont les animaux qui nous annoncent les saisons.
> En ce moment, on peut écouter la grive draine qui annonce la fin de l'hiver, l'un des premiers oiseaux. Il y a aussi le rouge-gorge et la mésange charbonnière.

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Message par Invité Sam 27 Juin - 3:16


Glossaire d'écologie sonore

par Matthieu Crocq, documentariste radio

(avec Yannick Dauby, Etienne Noiseau et Baptiste Lanaspeze)
wildproject: journal of environmental studies, n° 4, 2009


musique, sons de la nature, et société (acoustique, anthropologie et ethnologie de la musique, études, livres) Rothenberg-fig
Extrait de David Rothenberg, Why Birds Sing

Ecologie sonore
Paysage sonore
Bioacoustique
Audionaturalisme
Son
Ouïe
Biophonie, anthropophonie, géophonie
Chant et cris
Microphones
Phonographie
Silence
écologie sonore
L'écologie sonore, ou écologie acoustique, est l'étude de la relation entre les organismes vivants et leur environnement sonore. C'est un concept formulé à l'origine par le canadien Raymond Murray Schafer dans son livre de 1977 Le Paysage sonore (en anglais The Tuning of the World, qu'on pourrait aussi traduire par "Accorder le monde"), qui y voit une discipline à la croisée de multiples champs : musique, géographie, urbanisme, sociologie, acoustique, zoologie... Mais il parle aussi d'une manière d'apprendre à écouter les "paysages sonores" pour mieux percevoir et lutter contre la pollution sonore résultant des activités techniques et industrielles de l'homme moderne. En ce sens, l'écologie sonore est un concept normatif qui vise à identifier les sons beaux et utiles d'un côté, de l'autre les sons néfastes à l'équilibre du monde et qu'il s'agira de réduire ou de supprimer.

Au-delà de certains développements académiques qui suivent - parfois assez strictement - les positions de Schafer, l'écologie sonore a été largement étendue depuis trente ans par de nombreux chercheurs, artistes et musiciens de tout poil (cf. des articles de référence en anglais). A côté de l'héritage schaférien, l'"écologie sonore" peut être aussi approchée de façon sensible, créative et descriptive, par l'étude des relations entre l'humain et les sons de la biosphère (cf. article de Yannick Dauby).

paysage sonore
Traduction française de « soundscape », le paysage sonore est une notion forgée par Raymond Murray Schafer à partir de landscape (paysage) et de sound (son).

Le paysage sonore est l’objet d’étude de « l’écologie sonore », la discipline développée par Schafer à l’université Fraser au Canada au début des années 1970. Le projet fondateur de l’écologie sonore s’appelait le World Soundcape Project; et l'ouvrage The Tuning of the World a été traduit en français sous le titre Le paysage sonore.

Une formule de Murray Schafer résume bien l'un des enjeux du paysage sonore : « Nous essayons d'entendre l'environnement sonore comme si c’était une composition musicale – une composition dont nous serions en partie les auteurs. » L’idée de paysage sonore renvoie à la fois aux voix animales, aux sons de la météorologie et aux sons créés par les hommes dans la composition musicale, au design sonore et à d’autres activités humaines ordinaires comme la conversation, le travail et les bruits d’origine mécanique des technologies industrielles. Dans la façon qu'il a d'intégrer les sons d'origine humaine et non-humaine à l'ensemble de l'"environnement sonore", Schafer tend à brouiller la ligne de démarcation entre monde humain et monde non-humain, ce qui correspond à une idée centrale de la pensée écologiste qui, exactement à la même époque, est en train de naître avec des penseurs comme Arne Næss.

Depuis sa conception par Schafer, le paysage sonore a été largement repris et diffusé, et il est devenu une notion incontournable des pratiques de création sonore liées au monde naturel, au point de connaître une vie propre, parfois en opposition à Schafer, et parfois aussi sans référence à cette définition initiale.

La notion de paysage sonore repose sur une métaphore qui invite à transposer dans le domaine sonore de la perception un type de représentation (le paysage) qui relève traditionnellement plutôt de la perception visuelle. Le paysage sonore, dans sa notion même, nous invite donc à une contemplation et à une appréciation auditive du monde naturel – une sorte d’équivalent sonore, deux siècles plus tard, de ce qui s’est passé en peinture.

Tout comme en peinture, le paysage sonore désigne l’objet de la représentation, mais également la représentation elle-même : en l’occurrence, un enregistrement audio ou une performance de sons qui créent la sensation de faire l’expérience d’un environnement sonore particulier ; ou des compositions créées en utilisant les sons recueillis dans un environnement sonore, soit exclusivement, soit en conjonction avec des compositions musicales. Enfin, tout comme le paysage visuel et comme n’importe quelle autre acte perceptif, le paysage sonore n’est ni une réalité entièrement objective, ni une réalité entièrement subjective ; et de même que la peinture éduque le regard, et constitue une sorte de laboratoire de la perception visuelle, de même l’écoute de paysages sonores d’artistes ou de paysages sonores immédiats apprend à contempler et à apprécier.

En revanche, le "paysage sonore" constitue une subversion de la notion de paysage vers un sens plus écologique. Moins propice que le paysage visuel à la constitution réflexive du sujet, le paysage sonore brouille d'entrée la distinction sujet / objet; si l'on peut se regarder en train de voir, il est plus difficile de s'écouter en train d'entendre. Le son étant une perception plus immédiatement sensible, moins aisément "architecturable" dans l’espace, et moins sous le signe de la maîtrise que la perception visuelle, le "paysage sonore" propose un infléchissement de la notion de paysage vers une conception plus englobante, plus immédiate de la nature que la perception visuelle.

Voir aussi le travail de Yannick Dauby sur ce thème.

bioacoustique
La bioacoustique est une branche de l'éthologie - la science du comportement animal en milieu naturel -, branche consacrée à l'étude des comportements des animaux liés au son : communication (cf. documentaire sonore "Vos gueules, les manchots" de Matthieu Crocq sur Arte Radio), écholocation (utilisation active des sons pour se repérer dans l'espace par les dauphins, les chauves-souris...), impact des bruits sur la faune, etc. Dans son livre Recherches sur la voix des animaux, paru en 1831, Hercule Florence utilisait le terme de "zoophonie" pour qualifier l'étude scientifique des sons de la nature… On peut considérer qu'il s'agit d'une proposition fondatrice de la bioacoustique (cf. entretien avec Isabelle Charrier).

audionaturalisme
L'audionaturalisme est l'étude et la connaissance de la nature par le biais des sons qu'elle produit. Le terme "naturalisme" est généralement employé de nos jours dans une acception qui l'entraîne hors de la science officielle. Peut-être parce que cette dernière, trop cloisonnée, a rejeté le terme de "sciences naturelles" qui évoque trop la tradition pluridisciplinaire héritée des Lumières, de l'Encyclopédie et des grandes expéditions. On peut dire que les naturalistes sont aujourd'hui plus des connaisseurs de la nature - des pratiquants des sciences naturelles, en somme - que des personnes ayant un statut de chercheur. Dès lors, l'audionaturaliste serait un amateur éclairé (ou un professionnel qui n'est ni biologiste, ni acousticien : ce peut être un musicien, un preneur de son, un animateur...) qui se consacre à l'étude des sons de la nature. En marge du milieu scientifique universitaire, les audionaturalistes poursuivent des activités de description et de connaissance de la nature. Ils se focalisent en particulier sur la connaissance du monde animal à travers la production et l'écoute d'enregistrements sonores (cf. Sonatura).

son
La vibration périodique d'un support fluide (air, eau...) ou solide (bois, métal...) se propage sous la forme d'une onde mécanique appelée le son. Dans l'air, ce sont de très faibles variations de la pression atmosphérique. Le son est généralement défini par sa fréquence (nombre de vibrations par seconde, mesurée en hertz), son amplitude (intensité des variations de pression, mesurée généralement en décibels) et son timbre (qui dépend de la forme de l'onde et qui donne la "couleur" d'un son). Mais le mot "son" n'est pas seulement la description d'un phénomène acoustique : c'est également la représentation que l'on a de ce phénomène. Si le son est une onde, le son est aussi le message que porte cette même onde et l'expérience sensorielle qu'elle suscite -- chacun parlera couramment d'un beau son, mais pas d'une belle onde mécanique. Pour se plonger dans cet immense univers, complexe et polymorphe, on lira par exemple Le Son de Michel Chion (Armand Colin, 2004).

ouïe
L'ouïe est le sens de l'être humain qui permet l'audition (laquelle est l'action d'entendre). Au mieux de sa forme, le système auditif humain réagit aux sons d'une fréquence de 16 Hz à 22 000 Hz environ... chez les plus jeunes, car dès 20 ans, l'oreille capte de moins en moins bien les sons les plus aigus. Les sons d'une fréquence située hors de cette plage sont appelés infrasons (s'ils sont plus graves) et ultrasons (s'ils sont plus aigus).

Le son le plus faible qui peut être détecté par l'oreille humaine détermine le seuil d'audition, le "décibel zéro" (0 dB). Mais au-dessous de 15 dB, la plupart des sons restent inaudibles pour l'auditeur moyen. À l'autre bout de l'échelle, le seuil de douleur se situe aux alentours de 120 ou 130 dB : les sons plus puissants sont certes perçus, mais de manière insupportable ; et ils peuvent rapidement endommager l'appareil auditif de manière définitive.

Ces étendues en fréquence ("bande passante") et en puissance ("plage dynamique"), ainsi que d'autres paramètres tels que le temps d'intégration et le pouvoir séparateur de l'oreille, dessinent le monde sonore accessible aux humains sans l'aide d'outils techniques (cf. article du Dr Bernard Auriol). Mais chaque espèce animale dispose de ses propres caractéristiques auditives et perçoit donc un monde sonore différent, voire radicalement distinct.

Ainsi, un chat pourrait percevoir des sons à partir de -5 dB (c'est cent fois plus faible que le seuil d'audition d'un humain moyen) sur une plage de fréquences allant de 45 Hz à 60.000 Hz : on devine en quoi son environnement familier, qu'il partage pourtant avec l'homme, est un monde sonore tout à fait différent du nôtre. Essayons alors d'imaginer ce que peuvent ressentir les dauphins ou les chauves-souris, qui non seulement perçoivent des sons totalement inaccessibles à l'oreille humaine mais qui de plus, avec l'écholocation, utilisent leurs cris à la manière d'un sonar pour se repérer dans l'espace et y détecter leurs proies.

Les capacités du système auditif à discriminer les sons varient fortement, elles aussi, d'une espèce animale à l'autre. Quand nous entendons le "ti-ti-tû" répété d'une mésange charbonnière, rappelons-nous que c'est notre oreille qui nous fait dire que chaque fragment sonore est composé de trois notes. En réalité (et on peut l'entendre en enregistrant ce chant puis en le ralentissant fortement pour lui faire subir une "extension" temporelle), chacune de ces notes peut être composée de plusieurs sons - jusqu'à une dizaine ! - tellement rapides et serrés que notre ouïe n'en perçoit qu'un seul. Là aussi, on entrevoit toute la diversité des perceptions possibles et l'on peut imaginer la variété des mondes sonores dans lesquels vivent les diverses espèces (cf. Extrait de l'ouvrage "La symphonie animale" d'Antonio Fischetti).

Et encore ne parle-t-on là que de nos proches cousins, les oiseaux et mammifères. Le monde sonore d'un poisson ou d'un insecte est probablement plus radicalement différent encore. Quand on parle d'un "paysage sonore" ou de l'"environnement sonore" d'un lieu, n'oublions donc pas que ce que l'on y met n'est que le point de vue subjectif d'une poignée d'êtres humains avec leur capacités perceptives limitées.

biophonie, anthropophonie, géophonie
On parle généralement de "biophonie", à la suite du bioacousticien Bernie Krause, pour qualifier l'ensemble des sons produits par les êtres vivants d'un écosystème... à l'exception des humains. La biophonie rassemble ainsi les cris et chants des animaux, auxquels s'ajoutent parfois les bruits divers du corps sans rôle communicationnel (respiration, mastication et autres). Les plantes également produisent des sons propres liés à leur croissance ou à divers mouvements (éclosion d'un bourgeon, cellules ligneuses qui s'assèchent, feuille qui se referme avec la nuit...). On pourrait à ce propos oser le terme "phytophonie".

S'adjoignent à cela les sons d'origine humaine, y compris ceux des moteurs, outils et autres machines, qui forment l'"anthropophonie" ; et les sons d'origine non vivante issus des éléments naturels : l'eau (écoulements, vagues, pluie, grêle, geysers, avalanches de neige, craquements de glace...), la terre et le feu (volcanisme, incendies, séismes, avalanches de roches, glissement du sable... cf. documentaire sonore "Chant de dunes" de Maylis Collet sur Arte Radio), l'électricité et le magnétisme (craquement de la foudre et roulements du tonnerre, faibles sons émis par certaines aurores australes et boréales). Et l'air ? Le vent ne fait pas de bruit en lui-même : ce qu'on entend n'est que son interaction avec d'autres éléments. En particulier les plantes, les constructions humaines... et ces récepteurs acoustiques que sont nos oreilles ou nos micros.

Certains de ces sons ne sont pas naturellement audibles pour les humains, mais tous peuvent être fixés sur un support grâce à diverses techniques d'enregistrement (hydrophones, microphones de contact, etc.). Il est alors possible de les entendre, éventuellement en les accélérant ou en les ralentissant si les phénomènes sont trop lents ou trop rapides pour notre perception.

La biophonie d'un environnement naturel résulte d'un équilibre (dans le temps ainsi que dans l'espace des fréquences et des rythmes) entre les différentes sources sonores. Un équilibre issu d'une longue évolution -- et fragile : il faut noter qu'un nombre croissant de micro-environnements sonores existant sur la planète sont désormais soumis aux bruits anthropophoniques, en particulier dus aux moteurs (avions, automobiles, chantiers et exploitations...). Ces perturbations ont généralement un effet - et souvent néfaste - sur la faune. (cf. "Derrière la forêt communale de Fuyang" par Yannick Dauby)

Pour la petite histoire : Bernie Krause indique qu'aux États-Unis il lui fallait, en 1968, entre 10 et 15 heures d'enregistrements pour obtenir une heure de son sans intervention humaine. En 1999, pour cette même heure, il lui fallait 2000 heures de prise de son...

chants et cris
Alors que les différents cris (ou appels) des animaux ont toutes sortes de fonctions et peuvent exprimer toutes sortes de choses (avertissements variés, inquiétude, alertes, menace, demande de nourriture, contact entre partenaires, etc.), on appelle "chant" (chez les oiseaux, amphibiens, insectes et notamment les orthoptères, mammifères tels que les baleines ou les loups...) une émission sonore ayant essentiellement pour rôle l'affirmation d'un territoire et souvent la conquête d'un partenaire sexuel. Chez les oiseaux, les insectes (criquets, grillons, cigales...) ou les amphibiens (grenouilles et crapauds), la plupart du temps, le chant est l'apanage du mâle.

Le chant n'est pas forcément plus mélodieux ou plus riche que certains cris : ce n'est pas là une histoire d'esthétique, mais de fonction. Pensons par exemple au râle des genêts, cet oiseau de prairie dont le nom scientifique Crex crex vient directement d'un chant que peu d'êtres humains qualifieraient de musical...

Le chant est chez les oiseaux parfois inné, parfois acquis durant les premiers mois de vie au contact d'autres individus (souvent le père). Parfois encore, il s'acquiert et se modifie tout au long de la vie. Dans ce dernier cas, que l'on rencontre aussi chez certaines baleines, le chant est un objet de permutations, d'emprunts (à des congénères voire à d'autres espèces), d'improvisations. Et l'on voit apparaître des accents régionaux communs à une même espèce dans un même ensemble géographique, comme chez le pinson des arbres ; voire des "tubes à la mode" faisant le tour du monde en quelques mois avant d'être abandonnés, comme chez la baleine à bosse.

L'esthétique des chants - pour le chanteur comme pour ses auditeurs - reste une grande inconnue. On sait que certains humains en sont friands (cf. nomenclature "Le langage des sons" de Roland Cahen) ; on sait, chez certains oiseaux passériformes, qu'il est plus efficace pour séduire une femelle de disposer d'un chant complexe et varié ; on sait enfin que certaines espèces - comme le grand corbeau - chantent en sourdine, à voix basse, comme pour eux-mêmes. Quant à décider si les chants des animaux sont une forme d'art, la question reste entière.

microphones
Tout comme l'oreille, le microphone est un transducteur qui transforme les ondes mécaniques en signaux électriques. Schématiquement, il s'agit d'une fine membrane mise en mouvement par les vibrations sonores et qui, grâce à un dispositif électronique ou électromagnétique, transforme ces dernières en modulations d'un signal électrique qui sera ensuite amplifié, enregistré... Les micros sont en général conçus pour capter les vibrations de l'air, mais il existe des micros spécialisés pour capter les vibrations d'un support solide tel qu'un mur ou le tronc d'un arbre (microphones de contact), les sons se propageant dans l'eau (hydrophones)...

Il existe toutes sortes de microphones, possédant chacun ses caractéristiques (cf. documentaire sonore "Test des micros" par Marie Surel sur Arte Radio). On trouve ainsi des micros dits omnidirectionnels, qui captent les sons venant de toute part ; des micros directionnels, qui captent essentiellement les sons provenant d'une direction donnée... Chaque modèle dispose aussi d'une "couleur" sonore qui lui est propre (due à une sensibilité plus ou moins fidèle aux différentes fréquences composant le son qu'il capte), d'une certaine "profondeur de champ" (tel micro séparera mieux que tel autre les différents plans d'un paysage sonore complexe), etc. De même qu'un appareil photo ne rend pas exactement compte d'une réalité visuelle, un micro ne capte pas une réalité sonore : il n'est qu'un outil permettant de créer une représentation du monde acoustique à un instant et dans une perspective donnés (cf. Ourapo, Ouvroir de radiophonie potentielle sur Arte Radio).

Les microphones sont généralement très sensibles aux bruits de manipulation et au vent et doivent donc être munis d'un système de suspension (amortissement) et d'une protection contre les mouvements de l'air sur la membrane (bonnette). On peut installer un microphone au bout d'une perche pour le rapprocher d'une source sonore qui n'est pas à portée de main. On peut aussi l'installer au foyer d'une parabole, ce qui permet d'amplifier les sons provenant d'une direction donnée sans s'approcher de leur source -- la parabole est ainsi un élément essentiel de la prise de son naturaliste, palliant en partie l'impossibilité d'approcher très près d'un oiseau, d'un mammifère...

phonographie
En français, le mot "phonographie" est employé au pied de la lettre de ses racines grecques : pour les physiciens, c'est un procédé graphique qui représente les vibrations acoustiques ; pour les linguistes, une manière de noter les sons du langage parlé. Dans le monde anglophone, il acquiert un autre sens, probablement choisi pour sa ressemblance intéressante avec le mot "photographie" tout en se rattachant à l'héritage du phonographe et des premières machines à enregistrer le son. Il désigne ainsi la pratique de la prise de son ainsi que son résultat : l'enregistrement et même, le plus souvent, l'enregistrement monté et mixé (cf. recueil "Ouï" de Silence Radio). Notons pour mémoire qu'un des premiers utilisateurs de ce terme est le poète Charles Cros (inventeur - simultanément avec Edison - du phonographe) qui entendait par là l'idée d'un "portrait sonore" des gens.

À l'image des photographes, les "phonographistes" sont des gens, amateurs ou professionnels, pratiquant l'écoute et la collecte de sons de l'environnement. De nombreux artistes et compositeurs s'en réclament, présentant des œuvres, sous la forme d'enregistrements bruts ou manipulés, où l'acte de capturer le son est assumé comme point de vue d'auteur (voir le site de l'artiste Pali Meursault). On aura deviné que certains phonographistes sont des audionaturalistes, et vice versa.

silence
À proprement parler, le silence est l'absence de son. C'est cependant une notion très relative, car tout produit du son et l'on peut donc dire que le silence (physique) n'existe qu'en l'absence de toute vie et de tout mouvement... ou en l'absence d'un milieu de propagation acoustique (dans l'espace interplanétaire, personne ne vous entendra chanter).

Le silence est cependant une notion bien plus large et plus féconde que cette réduction à l'absence totale de son. On parle ainsi de silence pour qualifier un lieu dont le bruit de fond (cf. document sonore "Bruit de fond" par Sophie Divry sur Silence Radio) est faible par rapport à celui d'un autre lieu : le "silence" d'un lieu de culte, par rapport à l'ambiance bruyante d'une cantine scolaire, n'interdit pas des bruits de pas, des échos, des bruissements, des manipulations d'objets discrètes. On peut aussi évoquer le silence d'un lieu donné à un moment plus calme qu'un autre : dans une maison "silencieuse", la nuit, peuvent s'entendre le ronronnement d'une chaudière ou d'un chat, le bruit d'une route à proximité, le tic-tac d'une horloge... Le silence est donc une donnée relative, vaste, complexe et d'une grande importance culturelle (cf. article "Anthropologie du silence" par David Le Breton). On peut lire à ce propos l'essai Du silence de l'anthropologue David Le Breton (Métailié, 1997).

Dans l'esthétique du compositeur John Cage, la notion de silence est indissociable de la notion d'indétermination. Au cours d’un entretien en juin 1970, interrogé sur la question de savoir ce que représente pour lui le silence, Cage répond : « Tous les sons que je ne détermine pas. Écoutez. Vous entendez des bruits de machines dans la cour, et ces voix ! Eh bien, c’est comme ça que je fais ma musique. J’écoute la nature même du son ; d’ailleurs, n’importe lequel de ces sons que vous percevez çà et là est aussi intéressant que toute la musique que j’ai pu écrire.» (cf. "4'33" par John Cage)

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Message par Invité Mer 8 Juil - 4:31

du 7 juillet
dessous : Les talents d’imitation insoupçonnés de la Mésange charbonnière


l'alouette des chants
avant d'être plumée ou de faire du pâté de cheval

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L’alouette des champs
France Culture, 7 juillet, 3 mn

émission PAS SI BÊTES, LA CHRONIQUE DU MONDE SONORE ANIMAL
par Céline du Chéné



Sous l'apparence somme toute un peu banale de l'alouette, se cache l’un des plus grands mélomanes au monde.

C’est un petit oiseau au plumage brun qui a priori ne paie pas de mine. 19 cm de hauteur pour 50 grammes. Une petite houppette qui se hérisse sur le sommet du crâne de temps en temps. On le trouve un peu partout à la campagne, en milieu ouvert ou à la lisière des forêts. Mais sous cette apparence somme toute un peu banale, se cache l’un des plus grands mélomanes au monde. Chose que savait parfaitement Shakespeare lui-même puisqu’il fait dire à Roméo que l’alouette, messagère du matin, « frappe de notes si hautes la voûte du ciel, au dessus de nos têtes ».

Pendant la période des amours, le mâle chante en survolant son territoire. Un chant qui sert autant à délimiter un espace, qu’à mettre les autres mâles à distance et à attirer une partenaire femelle. Mais ce qui rend l’alouette des champs exceptionnelle, c’est la richesse de son répertoire, car elle possède plus de 600 notes contrairement par exemple au coucou qui en produit 2 : « coucou ». Ces notes, que les spécialistes des oiseaux vont d’ailleurs appeler syllabes, vont être organisées suivant un ordre bien précis, sous forme de phrases, avec une syntaxe particulière. Phrases qui une fois traduites vont nous donner pleins de précisions sur notre alouette des champs. Écoutons-la…

« Je suis une alouette (et non un rouge-gorge par exemple), j’appartiens à tel groupe, tel dialecte (comprenez, je suis une alouette parisienne et non provençale), je m’appelle Robert (c’est sa signature vocale) et je suis très en colère en ce moment ».

Toutes ces informations sont contenues dans les trilles et vocalises de notre oiseau. Des renseignements délivrés qui sont à lire comme des codes empilés les uns sur les autres, la phrase de l’alouette n’étant pas linéaire. L’émotion, par exemple, est rendue par la rapidité des séquences chantées : quand les temps de silence diminuent, notre alouette signifie à ses congénères qu’elle est en colère. Ainsi, pour parler alouette, il faut avoir un rythme précis (dans l’alternance des sons et des silences) et un bon tempo (à savoir le nombre de syllabes par unité de temps)

Quant à la présence de dialectes, c’est parce que l’alouette appartient à la grande famille des passereaux, des oiseaux qui apprennent, et dont le langage n’est pas fixé génétiquement à la naissance, comme les tourterelles par exemple qui produisent le même « rou rou » à Paris comme en Provence. Non, l’alouette des champs, elle, apprend toute petite auprès de son tuteur, son père. Que celui-ci soit parisien ou provençal, elle reproduira l’accent paternel, par mimétisme ou par souci de bien faire.

Au chant : Thrésia Charniguet
Prise de son : Elodie Brieffer et Fernand Deroussen
Conseiller scientifique : Thierry Aubin, de l’Université Paris-Sud

Après des études de neurobiologie et d’éthologie, Thierry Aubin s’est spécialisé dans les communications acoustiques animales. Il s’est en particulier intéressé aux communications des manchots, oiseaux chanteurs et otaries. Il a publié plus d'une centaine d’articles scientifiques et a effectué de nombreuses missions en Arctique, Antarctique et Amazonie. Directeur de Recherche au CNRS, il dirige l’équipe « communications acoustiques » au sein de l’UMR 9197 Neuro-PSI de l’Université Paris-Sud. Site internet: http://www.cb.u-psud.fr/

Fernand Deroussen est compositeur audio-naturaliste spécialiste de l'art des sons de la nature et créateur du site www.naturophonia.fr
Site et blog: http://www.oreilleverte.fr

Recherche iconographique : Frédéric Guilbert (Sonothèque du Muséum d'Histoire Naturelle)

Complément : L'alouette des champs vue par des classes de primaire

"Les Voix animales" est une série de petites créations sonores, à vocation radiophonique, réalisée par dix classes de primaire sur le territoire de la Communauté de Communes de la Mortagne (54), et consacrées à la biodiversité locale.
tout savoir sur l'alouette, miroir aux alouettes, croyances populaires, symbolisme, littérature, poésie...


La Mésange charbonnière a un répertoire vocale très varié, et on sait peu qu'elle est capable d'imiter de nombreuses espèces, ses capacités se rapprochant même de celles de l'Étourneau sansonnet.

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Mésange charbonnière (Parus major), Oudo (Loire-Atlantique), le 30 mars 2017.
Photographie : Marc Le Moal

Plusieurs espèces d’oiseaux sont connues pour leurs talents d’imitation d’autres oiseaux et de bruits divers, comme le Ménure superbe  (Menura novaehollandiae) (lire Le Ménure superbe, l’oiseau-vacarme), mais les raisons de ce comportement sont encore mal connues : courtiser les femelles en élargissant le répertoire vocal, resserrer les liens sociaux entre partenaires, éloigner des rivaux ou des concurrents pour la nourriture ou un territoire en reproduisant les cris de prédateurs… Il pourrait aussi s’agir d’erreurs dans le processus d’apprentissage du chant et des cris de l’espèce.

Le 26 décembre 2018, alors qu’il effectuait un inventaire dans la province de Tarragone en Catalogne (Espagne), Raül Aymí a entendu les cris d’un Pouillot de Bonelli (Phylloscopus bonelli) (lire Distinguer le Pouillot de Bonelli du Pouillot oriental) : or il s’agit d’une espèce migratrice absente normalement d’Europe en hiver. Il a cherché l’oiseau et il a constaté qu’il s’agissait en fait probablement d’une Mésange charbonnière (Parus major). Il a enregistré cette imitation, que vous pouvez écouter ci-dessous (source : Xeno-canto) :

Pour comparaison, voici les cris d’un Pouillot de Bonelli enregistrés en Castille-et-Léon (Espagne) le 24 avril 2020 (source : Xeno-canto) :

Raül Aymí a constaté que les cris imités n’étaient pas intercalés entre ceux habituels de la mésange, mais qu’ils les chevauchaient parfois, donnant ainsi l’impression que deux oiseaux étaient présents. Une analyse du sonogramme de ces imitations a montré qu’ils étaient légèrement différents (plus aigus) de ceux des vrais cris d’un Pouillot de Bonelli.

Les cris de la Mésange charbonnière sont très variés, et en parcourant les 4 681 enregistrements disponibles de cette espèce sur le site web Xeno-canto, Raül Aymí  a repéré au moins 109 cas d’imitations (voir la liste ci-dessous), les plus fréquents étant ceux du Pouillot véloce (Phylloscopus collybita), de la Mésange nonnette (Poecile palustris) et du Pinson des arbres (Fringilla coelebs). Ce talent insoupçonné se rapproche ainsi de celui de l’Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris), mais il est loin de celui de la Rousserolle verderolle (Acrocephalus palustris), qui peut mimer 70 espèces.

Voici ci-dessous les espèces imitées identifiées en écoutant 4 681 enregistrements de Mésange charbonnière

Bergeronnette grise (Motacilla alba) : deux imitations trouvées
Grive musicienne (Turdus philomelos) : une imitation
Merle noir (Turdus merula) : quatre imitations
Pouillot siffleur (Phylloscopus trochilus) : trois imitations
Pouillot de Bonelli (Phylloscopus bonelli) : une imitation
Pouilot véloce (Phylloscopus collybita) : 19 imitations
Roitelet (Regulus sp.) : une imitation
Troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes) : une imitation
Mésange noire (Periparus ater) : trois imitations
Mésange bleue (Cyanistes caeruleus) : douze imitations
Mésange huppée (Lophophanes cristatus) : deux imitations
Mésange boréale (Poecile montanus) : une imitation
Mésange nonnette (Poecile palustris) : 18 imitations
Orite à longue queue (Aegithalos caudatus) : une imitation
Sittelle torchepot (Sitta europaea) : neuf imitations
Grimpereau des jardins (Certhia brachydactyla) : sept imitations
Moineau domestique (Passer domesticus) : une imitation
Moineau friquet (Passer montanus) : une imitation
Pinson des arbres (Fringilla coelebs) : 18 imitations
Tarin des aulnes (Carduelis spinus) : une.

Les espèces imitées varient bien sûr en fonction de l’avifaune locale : par exemple, dans les îles Baléares (Espagne), la Mésange charbonnière imite fréquemment les cris « t-tra-t-tra-t-tra » de la Fauvette mélanocéphale (Sylvia melonocephala).

Source
Raül Aymí et Xavier Riera (2019). Mimicry by Great Tit Parus major of Western Bonelli’s Warbler Phylloscopus bonelli. Revista Catalana d’Ornitologia. Volume : 35. Page : 43-46. www.ornitologia.org/mm/file/RCO_2019_06_Aymi%CC%81_cant.pdf

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Message par Invité Sam 16 Jan - 14:08


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roupie pie, hourra !
pour compléter les talents d'imitation de la mésange charbonnière (ci-dessus)

je n'ai malheureusement chez moi que des Rougequeues à tête noire, et le meilleur imitateur y est l'étourneau sansonnet. Il se manifeste actuellement très tôt dans la nuit, à partir de 3 ou 4h du matin, comme moi sur Internet, poil au Sansonnet

Il s'agit probablement d'un nouveau record documenté pour ce passereau : les espèces imitées étaient d'une remarquable variété, incluant aussi bien le Héron cendré que l'Aigle botté ou le Loriot d'Europe.
Plusieurs espèces d’oiseaux sont mondialement célèbres pour leurs talents d’imitateurs, comme l’Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) en Europe, le Moqueur polyglotte (Mimus polyglottos) aux États-Unis (lire Le Moqueur polyglotte serait capable d’imiter 39 espèces de grenouilles et de crapauds), le Méliphage tui (Prosthemadera novaeseelandiae) en Nouvelle-Zélande ou le Ménure superbe  (Menura novaehollandiae) en Australie (lire Le Ménure superbe, l’oiseau-vacarme). D’autres oiseaux sont également très doués, mais leurs capacités sont moins connues : c’est le cas par exemple de la Mésange charbonnière (Parus major) (lire La Mésange charbonnière est une imitatrice méconnue), mais aussi du Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus).

Le Rougequeue à front blanc est un passereau insectivore migrateur moins connu que le Rougequeue noir (Phoenicurus ochruros) : comme ce dernier, il hoche fréquemment sa queue rousse. Le mâle en plumage nuptial est facile à reconnaître avec sa poitrine orangée, un masque noir et sont front blanc. La femelle est plus discrète (dessus gris brun et dessous fauve orangé). Il vit dans une grande variété de milieux arborés et niche dans les cavités d’arbres et de bâtiments, et il utilise volontiers les nichoirs semi-ouverts (lire Nidification réussie d’un couple de Rougequeues à front blanc sur un balcon à Marseille en mai 2020).

Plusieurs  études ont souligné son aptitude  à imiter les cris et chants d’autres espèces :  dans un article publié en mars 1994 dans la revue Nos Oiseaux, Jacques Comolet-Tirman avait présenté les résultats de son analyse des chants de 36 Rougequeues à front blanc en forêt de Fontainebleau (Seine-et-Marne). Il avait recensé au total 53 espèces imitées, dont 35 par un seul mâle. Les pouillots (Phylloscopus sp.) (17,5 % du total des imittaions), et principalement le Pouillot de Bonelli (Phylloscopus bonelli), suivis par les mésanges (Parus sp. et Cyanistes sp.) (10,5 %), la Sittelle torchepot (Sitta europaea) (7,29 %) et le Troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes) (7,19 %) étaient les « modèles » favoris. Chaque mâle se singularisait par son choix de motifs imités, appartenant à une quinzaine d’espèces en moyenne, une particularité qui joue probablement un rôle dans la reconnaissance individuelle, et qui peut permettre à un observateur attentif de différencier plusieurs individus voisins. Cette capacité d’imitation n’est pas également répartie chez toutes les espèces du genre Phoenicurus : en effet, le Rougequeue noir (P. ochruros) a un chant assez stéréotypé, d’où les imitations sont en général absentes.

Voici ci-dessous un enregistrement d’un chant de Rougequeue à front blanc comportant plusieurs imitations, dont le Pipit rousseline (Anthus campestris), le Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula) et la Sittelle torchepot, réalisé par Stanislas Wroza à Ville-d’Avray dans les Hauts-de-Seine (France) le 23 avril 2020 (source : Xeno-Canto) (-> original)

Dans les régions méditerranéennes, le mâle du Rougequeue à front blanc chante de façon continue pendant des heures en avril et en mai, et même durant les premiers jours de juin, répétant régulièrement sept à neuf motifs par minute, chacun durant environ trois secondes, séparés par une pause d’environ quatre à cinq secondes. Dans un article publié en novembre 2020 dans la revue Quercus, on découvre qu’un mâle enregistré pendant une heure en Estrémadure (Espagne) avait imité plus de cinquante espèces aussi variées que le Héron cendré (Ardea cinerea), la Perdrix rouge (Alectoris rufa), l’Aigle botté (Aquila pennata), la Pie bavarde (Pica pica), le Guêpier d’Europe (Merops apiaster) ou le Loriot d’Europe (Oriolus oriolus) : un probable nouveau record documenté.

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Message par Invité Lun 3 Mai - 8:46

si les chants des oiseaux ont très tôt inspiré les musiciens et plus tard les compositeurs, ils ne sont pas en eux-mêmes de la musique. Celle-ci est propre aux êtres humains en tant que création comme "art de combiner des sons d'après des règles". On a vu néanmoins que, comme tous les bruits de la nature, les chants d'oiseaux ont leur place dans cette création par le principe de l'imitation

les oiseaux peuvent constituer des "sociétés" au même titre que d'autres animaux, mais ce n'est pas ce sens que j'ai donné au titre du sujet

l'article ci-dessous est néanmoins intéressant, qui analyse la fonction du chant des oiseaux dans ce qu'il est convenu d'appeler "le chœur de l'aube". Je donne l'intro, le plan et la partie IV – Les explications possibles


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Le Rossignol philomèle (Luscinia megarhynchos) est l’un des meilleurs chanteurs du chœur de l’aube.
Photographie : Robert Malrieu



La journée du chœur de l'aube, ou "Dawn Chorus Day", célèbre chaque premier dimanche de mai ce concert matinal des oiseaux, qui a plusieurs fonctions et explications.

Introduction
Entre mars et juillet, mais surtout en mai et en juin, généralement 30 à 90 minutes avant le lever du soleil, les chants de nombreuses espèces dans les régions nordiques et tempérées se mêlent et forment un concert matinal agréable mais  très sonore (qui peut même raccourcir la nuit de certains riverains) appelé « chœur de l’aube ». Il se déroule dans une grande partie du monde et dans des habitats très variés, de la taïga aux forêts tropicales humides en passant par les régions arides.
Les raisons exactes de cette activité sonore intense, dont la durée peut varier en fonction de plusieurs facteurs (sociaux, environnementaux et internes), sont encore mal connues et plusieurs hypothèses ont été émises pour tenter de l’expliquer, de la recherche d’un partenaire à la défense d’un territoire en passant par des propriétés acoustiques plus favorables tôt le matin. Il s’agit en tout cas d’un des symboles du printemps dont il faut profiter : une journée du chœur de l’aube (« Dawn Chorus Day ») est d’ailleurs célébrée chaque premier dimanche de mai.

Dans cet article, nous présentons ce comportement complexe, les facteurs pouvant l’influencer et les explications possibles.

I – Présentation du chœur de l’aube
II- Un exemple chez une espèce tropicale : le Troglodyte barré
III- Les facteurs influençant le chœur de l’aube
IV – Les explications possibles
V- Il existe aussi un chœur du crépuscule

Le chœur de l’aube est un phénomène complexe, et plusieurs hypothèses (non exclusives les unes des autres) ont été avancées pour tenter d’expliquer cette activité sonore intense, complexe, longue et qui ne concerne que certaines espèces. Staicer et al les ont classées en trois catégories : internes (par exemple le cycle circadien du taux de testostérone), environnementales (par exemple une bonne transmission acoustique tôt le matin) et sociales (par exemple la sélection d’un partenaire).

Un important rôle dans la communication

Durant le chœur de l’aube, on est frappé par la multiplicité des chants : les participants doivent réussir à s’adresser spécifiquement à leurs rivaux et à écouter les messages de leurs voisins. L’hypothèse selon laquelle le chœur de l’aube servirait de réseau de communication entre mâles (acteurs) et femelles (observatrices) est privilégiée par plusieurs ornithologues : en effet, chez de nombreuses espèces, on a découvert que les chanteurs utilisaient tôt le matin des signaux sonores spécifiques, au rythme et à la fréquence particuliers, permettant d’éviter les risques de chevauchements et de « dilutions », qu’ils étaient attentifs aux réponses et aux messages sonores émis par leurs voisins, et qu’ils dirigeaient leur tête vers ceux-ci pendant qu’ils chantaient.

Choisir un partenaire

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Merle noir (Turdus merula)
Le Merle noir (Turdus merula) chante plus longtemps à l’aube s’il a suffisamment accumulé d’énergie.
Photographie : Robert Janoska / Wikimedia Commons

Pour les espèces fidèles et les couples déjà formés, le chant de l’aube servirait à renforcer les liens avant l’accouplement : on a constaté chez la Mésange charbonnière que le chant du mâle démarrait alors plus tôt et durait plus longtemps au moment de son pic de fertilité.
Le chœur de l’aube permettrait aussi aux femelles célibataires de collecter des informations sur les qualités des prétendants possibles. En écoutant leurs performances vocales, elles pourraient relever certains indices comme l‘endurance, l’âge ou le rang social. Les réserves énergétiques étant en partie entamées à la sortie de la nuit, un mâle qui réussirait à maintenir longtemps une activité vocale soutenue serait potentiellement en bonne santé. On a pu vérifier chez le Merle noir et le Rougegorge familier qu’un apport de nourriture augmentait la longueur et le rythme de leur chant, et que les individus parasités chantaient moins vite et d’une façon moins élaborée.
Au bout d’un certain temps, les chanteurs se fatiguent pour des raisons neuromusculaires ou par démotivation, ce qui se traduit par une diminution de la qualité du chant ou « dérive » (augmentation des pauses entre les strophes) : la femelle pourrait repérer les mâles qui tiennent le plus longtemps. Les mâles qui ont le répertoire le plus riche et varié pourraient chanter plus longtemps car ils pourraient changer de type de motif et donc limiter les risques d’usure ou de lassitude. Cela a été observé chez les Mésanges bleue, charbonnière et noire (Periparus ater).
Chez la Mésange à tête noire, les chanteurs les plus actifs sont ceux qui ont le rang social le plus élevé. En outre, chez cette espèce, les chants des individus dominants se distinguent par certaines caractéristiques, ce qui permet aux femelles de les repérer plus facilement.
Chez le Mérion superbe, la femelle utiliserait le moment du chœur de l’aube pour choisir un mâle et commettre des « infidélités ». Durant ce concert matinal, deux types de chants peuvent être distingués, un babille complexe et variable, souvent utilisé par les mâles dominants, et des trilles répétés. Les trilles des mâles plus âgés, qui ont beaucoup de succès auprès des femelles souhaitant copuler en dehors de leur couple, sont plus longs et donc distinctifs. Chez le Mérion superbe, le chœur de l’aube sert donc à la fois aux mâles pour affirmer leur rang social et pour attirer des femelles.

Un pic de fertilité des femelles à l’aube
Les femelles sont particulièrement fertiles durant la première heure après avoir pondu. Or, chez beaucoup de passereaux, la ponte se produit tôt le matin : c’est pour cela qu’il est particulièrement important pour les mâles de chanter dès l’aube pour attirer une partenaire et peut-être s’accoupler avec elle. Chez la Mésange charbonnière, la durée du chant matinal est liée aux variations de la fertilité de la femelle. Chez cette espèce, le pic d’intensité du chœur de l’aube est atteint à la fin du printemps, quand les limites des territoires sont définies et que les couples sont formés. Les mâles cessent de chanter lorsque les femelles quittent les cavités où elles ont passé la nuit.

Défendre un territoire

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Troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes)
En cas d’intrusion d’un rival, le Troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes) chante plus fort à l’aube.
Photographie : Jean-Pascal Weber

La défense d’un territoire constitue l’une des fonctions du chant d’un mâle, et l’importante activité vocale à l’aube pourrait constituer un signal fort d’avertissement pour les intrus potentiels. Une expérience a été menée chez le Troglodyte mignon : des enregistrements de mâles rivaux ont été diffusés avant et après le lever le soleil, et les biologistes ont comparé le chant des mâles défiés avant et après leur diffusion : ils ont constaté qu’ils chantaient plus fort et plus longtemps avant le lever du soleil. Le chant à ce moment de la journée peut donc avoir une dimension territoriale.
Dans les forêts du Costa Rica, on a observé que lors des tentatives d’intrusion, les chants des Troglodytes barrés voisins devenaient très semblables et étaient émis simultanément, contribuant ainsi à l’augmentation du volume sonore du chœur.
Le chœur de l’aube pourrait permettre aux mâles à la recherche d’un territoire de s’informer sur les secteurs déjà occupés et sur leurs propriétaires. Une expérience a été menée chez le Rossignol philomèle : des mâles sans territoire équipés de radio-émetteurs ont été déplacés dans une zone d’étude, et l’on a noté qu’ils s’approchaient des mâles chanteurs avant le lever du soleil puis qu’ils se retiraient dans des zones inoccupées le reste de la journée.

Une stimulation sexuelle chez les mâles
Le chant de l’aube stimulerait la production de gonades sexuelles chez le mâle.

Un taux hormonal plus élevé
Chez les mâles, le taux de testostérone (hormone sexuelle) influence le comportement territorial et l’accouplement. Chez la Mésange bleue, la concentration plasmatique de testostérone fluctue durant la période de reproduction, augmentant par exemple durant le chœur de l’aube et diminuant lors du nourrissage des oisillons.
La mélatonine (« hormone du sommeil ») serait aussi impliquée.

Dépenser un excès d’énergie accumulée la veille
Un oiseau doit faire des réserves de graisse en journée pour survivre pendant la nuit. L’excès d’énergie accumulée peut être utilisé à l’aube pour chanter. Si la nuit a été froide et donc nécessitant de puiser davantage dans les réserves, le chant est plus tardif et/ou moins intense à l’aube. Chez le Zostérops à dos gris (Zosterops laterali), un apport supplémentaire d’aliments rend le chant du mâle plus complexe et plus long. En outre, à l’aube, la luminosité est encore faible et donc la recherche de nourriture est moins aisée que durant le reste de la matinée : chanter à ce moment de la journée est ainsi intéressant du point de l’optimisation de l’énergie consacrée à l’alimentation.

Ne pas interférer avec le temps consacré à l’alimentation
Beaucoup d’oiseaux chanteurs sont insectivores au printemps, et la recherche de ces proies est souvent plus efficace durant la journée : chanter avant le lever du soleil, à un moment de la journée où la recherche de nourriture est moins efficace, leur éviterait de réduire le temps dédié à l’alimentation.

Un risque de prédation moindre
Les chanteurs seraient moins facilement localisables par des prédateurs durant le chœur de l’aube, car les sons fusent de partout et il est donc plus difficile de repérer chaque individu.

Des conditions acoustiques plus favorables

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Bruant à couronne blanche
Le chant du Bruant à couronne blanche (Zonotrichia albicollis) se propagerait mieux à l’aube.
Source : AdrianB

La communication sonore des oiseaux dépend de plusieurs facteurs comme la fréquence, le volume et la complexité du chant, la capacité auditive du destinataire, le bruit ambiant, la présence d’obstacles (troncs, falaises…), la température, le vent ou le taux d’humidité. Plusieurs auteurs ont émis l’hypothèse que les chants se propageaient mieux à l’aube (notamment du fait de turbulences plus faibles de l’air). Henwood et Fabrick (1979) ont élaboré un modèle mathématique calculant l’atténuation des sons en fonction de la distance et des conditions microclimatiques, et ils ont découvert que les sons se propageaient plus loin à l’aube que le midi.
Une expérience a été menée sur des enregistrements de chants de Bruants des marais (Melospiza georgiana) et à couronne blanche (Zonotrichia albicollis) réalisés à des distances comprises entre 25 et 100 mètres : ils les ont diffusés dans une prairie ouverte et dans une forêt à l’aube et à midi, et ils ont constaté que la qualité de la transmission était significativement meilleure dans le premier cas. Chez le Bruant des marais, cette qualité restait même constante avec la distance.
Mais cette conclusion n’est pas toujours valable : une autre expérience menée chez la Fauvette à tête noire, au cours de laquelle des éléments représentatifs de son chant ont été enregistrés à trois moments de la journée (aube, milieu de la matinée et début de l’après-midi), diffusés dans une forêt, analysés (bruit de fond, rapport signal sur bruit, atténuation…) puis comparés, a montré que l’aube n’était pas forcément le meilleur moment de la journée pour communiquer sur de longues distances.
Il est en tout cas vrai que le bruit de fond est moindre très tôt le matin que plus tard dans la matinée.

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