II. 7 et 8 CORDES, Guitar&Bass, impro/compo, investigations / 5 Fingers No Nail

GARAGISME

aujourd'hui je porte ma 8 cordes chez Guitare Garage, pour un changement des deux cordes de basses. J'avais adopté les Thomastic George Benson Flatwound 014 - 018 - 021w - 031 - 041 - 055, et remplacé les La Bella 767-JAGF Jag Baritone VI Stainless Flatwound Strings (26-95) .075 .095 par deux cordes de basses roundwound récupérées, de 065 et 085. Elles sonnent assez homogènes avec les Thomastic mais sont un peu molles. Je souhaite l'intermédiaire, 070 et 090, il va falloir ajuster le sillet de tête

je veux également faire poser des dots supplémentaires aux 12e et 17e cases, ceux qui existent sur le côté de la touche sont masqués par les grosses cordes

pour le reste, ces luthiers hors pairs font toujours un réglage, du manche, de l'intonation, et un polissage des frettes. La guitare sort de chez eux mieux que neuve

plus sérieusement, j'ai récupéré cette après-midi ma 8 cordes ESP-LTD, montée et réglée avec des cordes Flatwound La Bella Baryton 26 35 44 56 75 95, 13 et 18 non filées pour les aiguës, un assemblage unique pour "un jeu de niche", dixit le luthier de Guitare Garage à Pigalle... Les cordes d'origine étaient de tirants 10 13 17 30 42 54 64 74, toute la faiblesse des très virils Metalleux (tout dans l'ampli, pas grand chose dans les doigts), autant dire que je décale le tout d'une quinte, puisque j'accorde E A D G C F A D, étant passé aux tirants indiqués mais sans flatwound sur les basses, problème pour un gros son jazz ou évoquant les basses RnB Soul Motown des années 60. Le jeu n'est pas donné, mais on peut garder ces cordes des années

quelques photos des deux mécaniques et sillet de tête adaptés, des frettes polies, manche et intonation réglées : mieux que neuf et surtout plus adéquat à la musique que je veux faire

concernant l'instrument de mes rêves commandé à Christophe Leduc, il me faut encore attendre deux à trois ans

j'aurais volontiers fait profiter ma lectorate mélomane des beaux graves clairs que l'on peut tirer de ces guitares, celle-ci, accordée une octave en-dessous, descendant aussi bas qu'une basse 5 cordes. Seulement voilà, métallorgie oblige et nostalgie de l'usine depuis que celle du monde est en Asie, le prolétariat musical ne l'entend pas de cette oreille

Crise de la sidérurgie dans le bassin lorrain

Le hanami (花見 / はなみ?, littéralement, « regarder les fleurs »), ou o-hanami avec préfixe honorifique, est la coutume traditionnelle japonaise d'apprécier la beauté des fleurs, principalement les fleurs de cerisier (sakura)

en attendant les améliorations de ma 8 cordes par Guitare Garage, je me contente de la 7 cordes, et du cerisier en fleurs

je trouve littéralement inutiles et de mauvais goût les incrustations de nacre comme sur les Gibson. Je n'avais demandé qu'un point au luthier Legoubé, mais c'était sans penser à la 17e case, un problème que j'ai retrouvé avec la 8 cordes, elle de facture industrielle

c'est une évidence de dire que la principale différence entre une guitare 6 cordes et une guitare 8 cordes est la largeur du manche, et plus encore entre le manche du 6 cordes électrique et d'une 8 cordes classique. Mais les 2 cordes supplémentaires induisent une seconde différence, c'est le nombre de sets d'un nombre donné de cordes adjacentes :

- 3 cordes : 6 pour la 8 cordes, 4 pour la 6 cordes
- 4 cordes : 5 contre 3
- 5 cordes : 4 contre 2
- 6 cordes : 3 contre 1

j'ai insisté sur la parfaite connaissance des accords drop2 (1573...) et drop3 (1x735...) sur les 4 cordes graves de la guitare, peu utilisés en jazz car ils montent sur les pieds du bassiste et peuvent s'avérer pâteux (utiliser donc les pseudos triades ou fragments d'accords). La forme de ces accords est utile même pour les parties mélodiques et surtout les intervalles et le contrepoint, et même les lignes de basses. Elle se répète 3 fois sur une 8 cordes. On peut y ajouter la forme drop 2-4, facilement obtenable par déplacement d'octave d'une note de drop2 ou drop3, mais qui mérite d'être connue pour elle-même en raison de sa constitution de base en dixièmes (tierces redoublées). Elle fournit d'emblée un son très riche avec basse et mélodie. Ces dixièmes sollicitent les sets de 4 cordes consécutives avec 2 cordes sautées, qu'il faut pouvoir réaliser en différentes options de doigtés avec et sans le pouce, le plus immédiat étant ia mc en alternance de set à set

il en résulte que le double mouvement de la main droite, interne à un set et d'un set à l'autre, acquiert plus d'importance encore pour un jeu qui utilise intégralement l'instrument

concernant les sets de cordes avec sauts (divers "drops"), ils sont multipliés par un facteur 10 (6 x 7 = 42). En sus du double mouvement, il faut entraîner les doigts de la main droite à atteindre à toutes les cordes d'un set, même le plus large, entre cordes 1 et 8, les cordes graves ne devant pas être accessibles par le seul pouce. Cela peut poser des problèmes de qualité du son et d'homogénéité de timbre, du fait d'un angle différent par rapport au plan des cordes. Il se peut que la technique sans ongle, moyennant les callosités formées adéquatement, soit plus versatile que les ongles

concernant la main gauche, il est plus important encore d'adopter une position avec le manche très haut, dans un angle supérieur à 45° (c'est devenu fréquent en guitare classique - voir la discussion Jason Vieaux posture). Avec un manche de 8 cordes, il est peu envisageable d'utiliser le pouce gauche dans les basses, bien qu'il y ait des exceptions, y compris sur 9-Strings

Michael Coppola 9-strings

bref, et sans parler des pauvres Power Chords du Metal, nous entrons ici dans une approche spécifique avancée de toute la 8 cordes, non dans la découverte d'une 6 cordes avec 2 basses en plus qu'on utilise quand on y pense (voir les démos d'instruments)

1957
Oscar Perterson piano, Herb Ellis guitar, Ray Brown bass, John Poole drums

j'ai décidé de ne faire d'intervention que pour la guitare 8 cordes. C'est l'instrument que je travaille au quotidien, et jusque-là, j'ai proposé nombre de techniques guitaristiques compatibles avec les 6 et 7 cordes, au détriment parfois des spécificités et des possibilités musicales de la 8 cordes, particulièrement dans le domaine de l'harmonie - accords plus complets, clusters... C'est l'instrument du solo intégral par excellence

je proposerai dans ce domaine de nouvelles idées, toujours en relation avec l'avancement de mon chantier permanent

dans le domaine du matos, je lorgne toujours sur les nouveautés, mais la guitare 8 cordes continue désespérément à envahir le marché à destination du Metal. Quelques luthiers offrent des Semi-Hollow Body, avec leurs qualités en électro-acoustique. À titre d'exemple, parmi les modèles du luthier croate Weick, ce magnifique œuvrage au prix en conséquence. Un diapason exceptionnellement long pour un 8 cordes devrait donner de meilleures basses

BLUE MORPHO 8 SC

* construction - neck through archtop with WPS
* body/wings - walnut with WPS

* top - curly walnut
* neck through - 7 piece maple/wenge
* fretboard - Pau Ferro
* power - Bare Knuckle Pickups

* controls - volume, tone, 5 way switch
* hardware - Hipshot locking tuners, Wreck bridge
* finish - oil/wax
* specs -28" scale, 24fret

Starting from €4300

je regarde surtout les modèles acoustiques à cordes nylon, qui sont également assez rares. Ortega propose un modèle aux environs de 600 €, ORTEGA RCE159-8, diversement apprécié. Agile s'annonce, au même tarif, comme un sérieux concurrent, avec la sortie en juin de plusieurs modèles de 8 cordes, dont la RENAISSANCE CLASSICAL 827 EQ (diapason 27) et la folk multiscale à cordes métalliques RENAISSANCE 82527 RN NA EQ 8 (tirants dans mes cordes de 012, .016, .024, .032, .042, .053, .068, .078)

compte tenu du plaisir que j'ai à jouer sur une acoustique de type classique (à cordes nylon), et à vrai dire celui de mon entourage aussi, le prix est à mettre en rapport avec celui, 5 à 10 fois plus élevé, des guitares comparables de lutherie artisanale. Il y a deux ans, Stéphane Pappalardo m'avait indiqué 4.000 € pour une adaptation du modèle SPC / 6 cordes, dont j'ai pu apprécier les basses et le rendu sonore en général

pour revenir à mon info principale, j'aborderai prochainement des questions d'intervalles et gammes en intervalles sur une 8 cordes (tierces, sixtes et treizièmes ; secondes, septièmes et neuvièmes... octaves...), et présenterai quelques accords inédits

Recorded January 26, 1933
Written by Harold Arlen and Ted Koehler
Recorded in Chicago
Louis Armstrong, trumpet, vocal; Ellis Whitlock, Zilner Randolph, trumpet; Keg Johnson, trombone; Scoville Browne, George Oldham, alto saxophone, clarinet; Budd Johnson, tenor saxophone; Teddy Wilson, piano; Mike McKendrick, guitar; Bill Oldham, tuba; Yank Porter, drums

CYCLE DES QUARTES
la colonne vertébrale de la guitare 8 cordes
Tonalité majeure, par degrés

CYCLE OF 4ths
the spine of 8-string guitar
Major Key by degrees

la guitare en général, du fait de son accordage par quartes ascendantes*, est structurée comme le Cycle des quartes de la tonalité, ce qu'on appelait dans le solfège ancien l'Ordre des bémols, et inversement Cycle des quintes pour l'Ordre des dièzes

* sauf exception de la tierce entre cordes 2 et 3, si et mi, B et E

rien de différent sur la 8 cordes, si ce n'est qu'on parcourt le cycle complet en position, avec retour à la fondamentale 2 octaves plus haut. On a donc toutes les notes de la gamme à chaque position, sur la base des degrés successifs, ou si l'on préfère toutes les notes d'un mode tiré de la gamme, ici majeure, les 7 modes Ionien, Dorien, Phrygien, Lydien, Mixolydien, Éolien et Locrien . Voici ces étagements de degrés par mode, considéré sur sa tonique (le II du dorien devient 1 etc.), j'indique la correspondance en superstructure pour les premiers :

- ionien : 1 4/11 7 3/10 6/13 2/9 5/12 1
- dorien : 1 4/11 b7 b3 6/13 2/9 5 1
- phrygien : 1 4/11 b7 b3 b6 b2/b9 5 1
- lydien : 1 #4 7 3 6 2 5 1
- myxolydien : 1 4 b7 3 6 2 5 1
- éolien : 1 4 b7 b3 b6 2 5 1
- locrien : 1 4 b7 b3 b6 b2 b5 1

si l'on est capable de sélectionner à la main droite les notes jouées, on peut former des accords à structure de quartes dont on choisit les degrés de la composition. Ce type de jeu est très sollicité sur la guitare en jazz modal, mais pour ma part j'utilise les accords en quartes mélangés avec les plus traditionnels par tierces. C'est un facteur important de variété dans la couleur des accords, très utile en Chords Melody puisque l'on dispose d'une palette plus riche de couleurs harmoniques sous une note mélodique

chacune de ces 7 positions peut servir de base à des exercices de main droite, tandis qu'à gauche, le grand barré peut s'avérer utile si l'on reste longtemps en position, l'index ou le majeur servant de capodastre. L'annulaire et l'auriculaire peuvent faire des petits barrés. Le faire régulièrement forme des callosités sur toute la longueur des doigts. Mais il faut se souvenir que les barrés sont susceptibles de freiner un jeu en contrepoint ou une technique à la George Van Eps

la largeur du manche et le nombre de cordes conduisent à s'inspirer de l'approche d'autres instruments afin de libérer le jeu des contraintes physiques liées à l'enseignement traditionnel de la guitare

très intéressant pour notre sujet, la position de l'instrument et de la main droite et du bras jusqu'à l'épaule. Il n'y a pratiquement jamais d'appui. Observer la parenté avec le virtuose Yamashita Kazuhito, inventeur de nombreuses techniques non académiques (usage de l'auriculaire, trémolo à un doigt, sauts de cordes un doigt... Voir les explications ici). Les techniques de harpes montrent clairement le double mouvement interne à un set de cordes et d'un set à l'autre, dans les gammes et arpèges

sur la 8 cordes, le travail des grands intervalles et sauts de cordes conduit à une position comparable, facteur d'une grande liberté dans l'attaque et la diversité des sons. Cela peut modifier en retour la position de la main droite, plus haute au-dessus des cordes, y compris pour le jeu mélodique sur cordes adjacentes. Une des plus grandes limites dans le jeu de guitare, classique ou autre fingerpicking, tient au manque de précision et d'indépendance qui pousse à se donner des repères de position, pouce ou auriculaire posé. Que pourrait-on jouer sur un piano ou une harpe si l'on devait en permanence poser un doigt pour se repérer ?

j'affirmais ici qu'une nouvelle génération viendrait qui abandonnerait le médiator pour le fingerpicking sans perdre les avantages du premier. Concernant la vélocité en Single Notes c'est déjà fait et les exploits concurrentiels de John McLaughlin, Al Di Meola et Paco de Lucia sont de l'histoire ancienne. Voir le petit nouveau venu d'Italie, Matteo Mancuso

concernant le jeu polyphonique/polyrythmique, c'est une autre paire de manche pour les jazzeux qui sont assez loin des performances classiques et même folk en la matière, sauf exception (Lenny Breau...). Voir Larry Corryell avec Kazuhito Yamashita dans les Quatre saisons de Vivaldi (quelle mode que ces guitares Ovation au son de maigre plastique !)

du fait que j'ai porté mes récents efforts sur les grands intervalles et sauts de cordes à 5 doigts de la main droite, en particulier les 4 hors le pouce, je peux faire part de mon expérience. Ma position de main droite n'a rien à voir avec celle du prodige italien, qui tient du picado flamenco pour les gammes et de la technique classique pour les arpèges. Ses doigts sont assez droits et perpendiculaires au plan du manche. D'après les vidéos et transcriptions, il ne fait pas de grands sauts de plusieurs cordes, et nonobstant sa vélocité impressionnante '- avec la démo obligée de Donna Lee sur Youtube, dont je n'aime pas le phrasé mécanique -, rien de nouveau sous le soleil

j'ai parlé moi de doigts perpendiculaires à l'axe des cordes, càd à l'équilibre entre ce qu'on appelait en classique attaque à gauche (Alberto Ponce...) et à droite (Ida Presti), qui modifie la taille des ongles. Je méconnais ce problème vu que je joue sans ongles

cette position de main droite est incontournable pour qui veut utiliser tous les doigts sur toutes les cordes, puisque, comme nous l'avons vu, ils peuvent se retrouver en position inversée, auriculaire et annulaire sur les graves, index et majeur sur les aigues, et toutes configurations selon le principe des permutations; Exemple, Prendre les cordes de la, sol et mi soit les sauts x de cordes mi[/i]xréxsi ou laxsolxmi ou toute autre formule de 3 cordes dans un set de 5 ou 6 cordes adjacentes

ce travail est à faire, je le rappelle, à 1 doigt, 2, 3, 4 doigts, i m a c, im ia ic, mi ma mc, ai am ac, ci cm ca, ima, mac, imc, iac, imac. Je pratique cette formule pour toute phrase incluant morceaux de gammes, arpèges, fragmentation d'accords, de façon à intégrer définitivement l'auriculaire dans mon jeu au même titre  que les doigts plus habituels. Mon but n'est pas la vélocité sur les passages où elle est le plus facile,- notes sur cordes adjacentes comme le jeune italien -, mais de monter la vitesse sur les passages les plus difficiles, exactement comme on dit que le niveau d'une chaîne haute-fidélité ne dépasse jamais celui de son maillon faible

je rappelle la "formule magique" de synthèse à 4 doigts 1 2 3 4, pour 3 attaques (cordes ou notes) : 123 412 341 234 123..., ceci quel que soit l'ordre des cordes, si bien que chaque doigt est appelé à commencer la formule de permutations abc acb bac bca cba cab...

avec le temps on apprendra à jouer séparément ou ensemble deux cordes adjacentes ou avec saut, technique indispensable à la manipulation en fragments des accords en drop 2, drop 3, drop 2-4 et au-delà comme y invite la guitare 8 cordes

un corolaire de cette position pour l'attaque des cordes est la tenue de la guitare avec un manche très haut, dans un angle supérieur à 45°, tendance dont je disais qu'elle s'affirme en classique, et qu'on trouve à la perfection chez John Stowell en technique hybride. Il n'est pas surprenant qu'avec les 8 cordes de la guitare Brahms, Paul Galbraith adopte une position de violoncelliste (les contrebassistes ont la mai plus basse, et NHOP joue 3 doigts "couchés" pour un gros son)

 


je ne le vois pas utiliser l'auriculaire,
mais on observe qu'il est en position d'attaquer des cordes plus graves que les autres doigts

dans cette pièce de Britten, bien que ce n'en soit pas l'esprit,
on entend des ponctuations d'accords accompagnant le jeu mélodique,
une sorte d'approche "pianistique" de la guitare parfaitement adaptée au jazz

il est habituel d'en faire une exigence pour la main gauche, pouce derrière le manche, position des doigts en marteau, extensions facilitées, cordes sautées libres de sonner à vide... Pour la main droite, on se rend vite compte que vouloir une position des doigts perpendiculaire à l'axe des cordes suppose de remonter le manche de la guitare. On peut évidemment le faire uniquement en tant que de besoin, mais qui peut le plus peut le moins

In a Mellow Tone

SUR L'HISTOIRE DU JEU À LA PULPE SANS ONGLES
ET LE NOMBRE DE DOIGTS UTILISÉS


Matteo Carcassi (1796-1853)​

j'ai déjà eu l'occasion de rappeler que la guitare a commencé par se jouer avec la pulpe des doigts de la main droite, sans les ongles, et que ce n'est que progressivement qu'on a introduit l'usage de l'annuaire. Pour l'auriculaire, il va falloir attendre*

* il y a bien eu quelques tentatives, et Caroline Delume, guitariste et théorbiste avec un répertoire s'étendant du XVIIe au XXIe siècle, m'en signale une via tweeter à la lecture de ce billet

Simon Molitor plaque les accords à 5 sons avec 5 doigts, et le précise en note G de la Grosse Sonate für die Guitare 7tes Werk.

La technique de la main droite
RIMAB, Portail de recherche de la Schola Cantorum Basiliensis, Bâle

cet article est très documenté, qui raconte cette évolution à partir de l'époque baroque et jusqu'à l'aube du 20e siècle. Extraits

Dans le domaine de la technique de la main droite, les guitaristes semblent également avoir été divisés entre conservatisme et progrès. En effet, plusieurs guitaristes français continuent, au XIXe siècle, à employer des approches en décalage avec leur époque, comme la manière de faire des gammes et l’utilisation fréquente de l’arpège dans les méthodes et dans le répertoire. Par ailleurs, l’influence des guitaristes étrangers se répercute sur l’emploi des doigts de la main droite. Par exemple, l’usage du pouce fait place à l’emploi plus fréquent de l’annulaire.

A) Production du son
À l’époque baroque, la pratique du luth et de la guitare est largement associée avec le jeu sans ongles. James Tyler nous rappelle que l’attaque des cordes avec la pulpe du doigt de la main droite est confirmée par Sylvius Leopold Weiss (1687-1750)[1]. Weiss note cependant que le théorbe et son proche parent, le chitarrone, pouvaient être joués avec les ongles. L’attaque avec les ongles se rencontre donc sporadiquement dans l’histoire du luth et de la guitare. D’ailleurs, le guitariste Francisco Corbetta aurait utilisé les ongles à la fin de sa vie. Paul Wathen Cox trace un portrait de la situation :
1. [1] James Tyler, The Early Guitar : A History and Handbook (Londres : Oxford University Press, 1980), 81.

In spite of the relatively few writers who mentioned fingernails, the general attitude of the early nineteenth-century guitarists on the topic is quite evident. What goes unsaid is often more revealing than what is said. […] Although playing with nails had been discussed in lute tutor as early as 1623, that technique never seemed to be favored by many lutenists nor guitarists in the baroque period. This preference was carried over into the early nineteenth century to the six-string guitar.

[3] Paul Wathen Cox, « Classic Guitar Technique and Its Evolution as Reflected in the Method ca. 1770-1850 » (thèse de doctorat, Indiana University, 1978), 141.

C’est en effet le jeu avec la pulpe du doigt qui semble caractériser l’approche technique qu’ont choisie les guitaristes entre 1770 et 1830. La première indication à ce sujet se trouve chez Trille LaBarre, qui décrit la technique avec insistance :

[…] la main droite fait sonner les cordes en les touchant, de l’extrémité des doigts, évitant, surtout de les accrocher avec les ongles, ce qui ôte tout le moelleux des sons. [Nous] ne pouvons trop recommander ce principe, par ce que tout le mérite de l’instrument est perdu. Si l’on n’en tire que des sons aigres : quelque soit le degré de force dont on puisse se vanter.

[4] Trille LaBarre, Nouvelle méthode pour la guitare (Paris : Leduc, v. 1797-1801), 21.

Ce type de commentaire sur l’aspect « moelleux » du son revient fréquemment dans le langage des guitaristes français. Pour eux, le jeu avec la pulpe semble y être associé. D’ailleurs, Prosper Bigot défend toujours l’usage de la pulpe dans les années 1810 : « Lorsque l’on pincera les cordes, il faut éviter de les enlever perpendiculairement de dessus la table d’harmonie et de les pincer avec les ongles. » Comme Cox, nous croyons qu’un consensus sur la question régnait chez les guitaristes français et italiens. En effet, Merchi, Carulli et Carcassi prônent le jeu avec la pulpe. Dans sa Méthode complète, Carcassi mentionne spécifiquement d'éviter le contact entre les cordes et les ongles. Cependant, les commentaires de LaBarre et de Bigot laissent croire que leur approche pourrait avoir été concurrencée par le jeu avec les ongles. En effet, cette technique avait des partisans, particulièrement dans la péninsule ibérique. Tyler et Sparks expliquent que le jeu avec les ongles était recommandé par Abreu (1799), Ferrandiere (1799), et Moretti (1799). Ce choix des guitaristes espagnols pourrait être la cause du ton défensif que LaBarre donne à ses commentaires sur l’attaque de la main droite.

[...]

B) Doigté général de main droite
Avant de traiter plus spécifiquement des gammes et des arpèges, il serait utile de voir les consignes générales des guitaristes quant à l’utilisation des doigts de la main droite. Avant la fin des années 1820, les guitaristes ont généralement laissé très peu de traces de leur technique de main droite. Charles Doisy se montre très candide à ce sujet dans ses Principes généraux : « Conduire la main droite n’est presque rien. Le moindre travail lui donne l’adresse convenable. » Au contraire, il affirme à propos du travail de la main gauche que c’est « un hydre à combattre que ce manche, m’a-t-on dit plusieurs fois ». Comme c’est le cas chez Doisy, les doigtés de main gauche occupent beaucoup plus d’espace que ceux de la main droite dans la musique des auteurs que nous étudions. Néanmoins, plusieurs guitaristes ont tenté de donner des indications générales pour la main droite, habituellement au début de leur méthode. À partir de la Nouvelle méthode pour la lyre ou guitare de Phillis, beaucoup d’auteurs attribuent une corde à chaque doigt. Phillis explique cette attribution : « le pouce de la main droite sert pour la corde Mi [6e corde], La [5e corde], Ré [4e corde], et quelques fois le Sol [3e corde], le Si [2e corde], rarement : le premier doigt [index] pince le Sol, le second le Si, le troisième le Mi [1re corde]. » Dans sa Nouvelle méthode de guitare à l’usage des commençans, Lemoine donne presque la même consigne, mais en limitant le rôle du pouce aux cordes graves. Dans sa Méthode complète op. 27, Carulli donne la même consigne. Ce type d’attribution théorique était destiné à donner une idée générale aux débutants. Cependant, cette consigne demeure largement virtuelle car, dès les morceaux les plus faciles, il est nécessaire d’utiliser l’alternance de deux doigts sur une même corde. L’amateur se doit alors de découvrir lui-même quel est le meilleur doigté de main droite. En effet, la majorité des auteurs sont avares d’indications pour la main droite, une fois passées les consignes de bases. Par exemple, ils n’indiquent presque jamais comment éviter les croisements de doigts, ni comment combiner le doigté des mélodies avec celui de l’accompagnement.

Quelque 40 ans plus tôt, Michel Corette faisait cependant preuve de plus de pragmatisme dans ses consignes : « On pince les cordes de la main droite, du pouce, du premier doigt et du 2e doigt; jamais du 3e et encore moins du petit doigt. Sur la 5e, 4e et 3e cordes on pince du pouce, et sur la 2e et la 1re corde du premier et du 2e doigt presque toujours alternativement. » En 1773, Bailleux donne une description très proche de la réalité de l’exécution : « Dans les pièces et dans l’accompagnement le pouce pince les notes de la basse. Et le premier et second doigt et quelquefois le troisième pincent les notes chantantes et les accords. » Bailleux accepte l’utilisation de l’annulaire, que Corette proscrivait plus tôt. Il faudra attendre la fin des années 1820 et la Méthode de guitare de Ledhuy avant d’avoir une description réaliste du rôle des doigts de la main droite.
[...]
C) Les gammes
Il faut d’abord rappeler comment les luthistes et les guitaristes de l’époque baroque envisageaient le doigté de la main droite des passages mélodiques. Ces musiciens tiraient parti du poids des différents doigts de la main droite afin de mettre en valeur les accents naturels de la mélodie ou de la mesure. James Tyler explique comment ils utilisaient le pouce pour accentuer les temps forts : « Since the thumb is, by nature, stronger than the index finger, the sound produced will be one of alternating strong and slightly weaker stresses. This articulation is carefully matched to the rhythm of the passage, and the result is an absolutely clear and natural emphasis of that rhythm. » Ce type de doigté a continué à être employé dans notre période pour les passages mélodiques où le pouce n’est pas accaparé par le doigté de la basse. Doisy explique en effet que c’est « le pouce et le premier doigt de la main droite [index], dont on se sert alternativement pour cela. »
[...]
D) Les arpèges
L’évolution du doigté de l’arpège correspond à celui de la gamme. En effet, après avoir utilisé principalement le pouce, l’index et le majeur pour l’exécuter vers 1770, les guitaristes ont eu, au fil des années, de plus en plus recours à l’annulaire. Malgré ce développement technique, Gatayes présente toujours, à la fin des années 1820, des versions à trois doigts (sans annulaire) ou à quatre doigts (avec annulaire) du même arpège. Parallèlement, un nouveau type d’arpège prend de l’importance chez les guitaristes à partir de 1799, comme chez Phillis. Cette formule inclut deux nouvelles techniques connues sous les noms de « coulé du pouce » et « coulé de l’index ». Dans ce contexte, le mot « coulé » réfère tout simplement au fait d’employer le même doigt de la main droite sur deux cordes consécutives. Une courbe de liaison couvre les deux premières notes de l’arpège (coulé du pouce) et les deux dernières (coulé de l’index). Bien qu’il fût largement employé dans notre période, cette technique constitue une erreur pour les guitaristes d’aujourd’hui, dont un des principes fondamentaux pour la main droite est de ne jamais pincer deux cordes adjacentes avec le même doigt.

les explications données dans les parties B, C et D sont importantes pour comprendre qu'il y avait des techniques différentes de main droite selon qu'on jouait des gammes ou des arpèges, principalement pour accompagner le chant. Par ailleurs, ce n'est qu'à l'époque moderne qu'on proscrit l'usage du "coulé" du pouce ou de l'index consistant à jouer deux cordes adjacentes sans changer de doigt, sans doute en raison de sa difficile maîtrise, mais le proscrire au niveau avancé est incontestablement une régression dogmatique. Quant aux rares tentatives d'introduire l'auriculaire, elles avortent

le point historique essentiel me semble, et cela n'a pas changé, l'affectation d'un doigt par corde dans les arpèges, et la limite de déplacement latéral d'un même doigt pour des sauts de cordes. Cela explique qu'il existe encore et toujours une certaine technique pour jouer les mélodies (plutôt en mouvements conjoints ou sans grands intervalles) et une autre pour les arpèges ou les accords plaqués (black chords)

ma recherche d'une même position de main droite, conduisant à l'utilisation sur toutes les cordes des 5 doigts de la main droite, vise à en finir avec cette dichotomie qui a bien sûr des conséquences musicales ou inversement, à savoir la séparation du chant (la mélodie) de son accompagnement en accords/arpèges et la disparition du contrepoint et de la polyphonie dans la plupart des jeux de guitare (hormis le classique) - cf intervention précédente

je pense que cette vision globale de la technique et de la musique pour guitare constitue une innovation, car je n'en ai trouvé nulle part la trace, ni dans les méthodes et commentaires techniques, ni dans le jeu des guitaristes y compris les plus célèbres pour leur virtuosité. Ma conviction, fondée sur les problèmes techniques que les guitaristes actuels ont à résoudre en même temps qu'ils cherchent d'autres voies, est que cette évolution est logiquement inéluctable. La guitare reste un rare domaine dans le lequel je me permets un pronostic

dans la mesure où elle suppose un apprentissage de plusieurs années et des connaissances harmoniques poussées, je n'imagine pas qu'elle puisse devenir l'objectif visé par un enseignement de conservatoire avec des étapes pédagogiques. Quoi qu'il en soit et par définition, les nouveautés ne viennent jamais des académies. L'article est intéressant qui prouve que ce qui fut la norme à une certaine époque, le jeu à la pulpe sans ongle, est devenu extrêmement rare dans la guitare classique, en raison de la vélocité et du volume sonore recherchés en concert, les matériaux des cordes mêmes suivant une évolution en ce sens, le fluoro-carbone au son plus clair et brillant remplaçant le nylon, qui remplaçait le boyau, d'un moindre tirant. Cette évolution esthétique correspond de fait bien à l'esprit de notre époque, briller...

une dernière remarque technique : le fait d'adopter une position des doigts perpendiculaires à l'axe des cordes (intervention précédente) produirait avec les ongles un son plus dur que le jeu à gauche (Segovia) ou à droite (Presti/Lagoya), car il ne permet pas la torsion de la corde dans le mouvement d'attaque, mais le fait d'utiliser la pulpe évite cet inconvénient

quant à « l’aspect « moelleux » du son [qui] revient fréquemment dans le langage des guitaristes français, le jeu avec la pulpe [semblant pour eux] y être associé », il est significatif que ce soit (en français) le même mot qui définisse l'idéal du son de guitare jazz (« la chaleur et le moelleux indispensables au jazz. »). En anglais, 'avec un son moelleux' se dit In a Mellow Tone, qui s'écrit aussi "In a Mellotone", titre d'un standard composé en 1939 par Duke Ellington

cette page illustre ce qui est expliqué en 2)

différences avec la technique classique :
- 5 doigts au lieu de 4
- les basses sont jouées par p et i, pas uniquement p (repris de Two Lines Improvisation de Jimmy Wyble)
- les autres doigts, i, m et c atteignent toutes les cordes en alternance ou en double-stop (mon approche originale)

differences with classical technique:
- 5 fingers instead of 4
- basses with p & i, not p only (from Jimmy Wyble's "The Art of Two Lines Improvisation")
- m, a & c play all the strings (my original approach)

in the first exercise all the double strokes are studied
with all the possibilities of 2 fingers pm, pa, pc and im, ia, ic

concernant la main gauche, laisser le doigt appuyé sur la corde pour un phrasé légato, voire une tenue pendant les notes suivantes sur d'autres cordes. Cela peut changer complètement les habitudes de doigtés les gammes "un doigt par case". C'est la base du jeu contrapunctique aussi

remarque : quand j'écris "un silence peut toujours remplacer une note => variations rythmiques", ce silence peut être la première note prolongée. Exemple en ternaire : 2 croches ternaire liées-une croche ternaire au lieu d'un demi-soupir entre les 2. D'une façon générale, ce style de jeu donne de l'importance à la durée des notes par un jeu de main gauche s'apparentant à la pédale sustain du piano

2) ACCORDS DROP 2-4
2 basses et large tessiture
un grand intérêt musical pour le solo intégral
mais des techniques de main droite difficiles

 
sur la 8 cordes, on dispose de deux sets supplémentaires de 5 cordes avec saut,
dont les doigtés sont entre eux identiques,
dans une même position, deux mêmes accords drop4 à une octave d'écart

les accords Drop 2-4 (Ted Greene V-5), et plus généralement les formes avec deux groupes de 2 cordes séparées par une non jouée, sont des plus intéressants : tessiture élargie et double basse pour un nombre limité de notes. S'ils sont peu joués (à ma connaissance), c'est qu'ils nécessitent une technique de main droite plus difficile que les accords sur cordes groupées, V-1 et drop2, ou ceux avec une seule basse détachée (drop 3...) : pour ces accords le pouce ou le médiator en technique hybride peuvent jouer les basses sans difficulté

pour les drop 2-4 et sauf à attaquer les deux basses simultanément au pouce ou médiator, on ne peut les jouer en block chords qu'avec une technique classique de main droite, sans doute rare également. Les possibilités de doigtés qui s'offrent sont : pixma, pixac, imxac, ce qui suppose toujours un écart entre 2 doigts, i et m, i et a ou m et a. Très souvent les guitaristes de jazz utilisant la technique hybride ont peu développé l'indépendance des autres doigts et s'ils les jouent facilement groupés, càd collés et se tenant les uns aux autres, ils utilisent peu les doubles cordes avec saut, qui supposent un grand contrôle d'interdépendance

je rappelle mon approche de la question, en gros deux possibilités :

1) la position classique avec chaque doigt affecté à une même corde comme pour arpéger, sous réserve d'utiliser la fragmentation qui permettra, au sein de l'arpège, d'introduire des doubles ou triples cordes : 12 3 4, 1 23 4, 1 2 34 ; 13 2 4, 1 3 24 ; 14 2 3 et 1 234, 2 134, 3 124, 4 123, puis permutations, exemple : 12 3 4, 12 4 3, 3 12 4, 3 4 12, 4 3 12, 4 12 3

2) tous les doigts atteignant toutes les cordes, facilitant un ordre donné, mai, cam ou cami, càd une même technique pour le jeu mélodique et les arpèges permettant d'introduire les positions d'accords dans le jeu mélodique avec une grande fluidité et une égalité de son

dans le cas de drop 2-4, on pourra préférer p et i sur les basses et mac sur le groupe supérieur, permettant, autour de la position d'accord, l'alternance dans le jeu de basses et le flux mélodique médium-aigu. Cela milite pour développer particulièrement le jeu mélodique et l'interdépendance entre m, a et c, en relevant que, disposant de 3 doigts, on peut étendre l'accord à une cinquième corde, soit celle qui est sautée, soit d'autres dans l'aigu. Dans ce cas, il est nécessaire de travailler aussi les doubles cordes tels que ma c, m ac, a mc. Cette fragmentation est idéale pour introduire des doubles cordes "harmoniques" dans le jeu mélodique avec accompagnement de basses

j'ajoute que personnellement, je n'utilise pratiquement pas les barrés grands ou petits pour ces accords, afin de disposer d'une maximum de liberté de mouvements

PSEUDO-TRIADS
in relation with Chords Series
Drop2, Drop3, Drop2-4, Drop2-4↓

j'ai nommé pseudo-triades des accords de 4 notes 1357 privés d'une d'entre elle à tour de rôle dans leurs renversements
I named Pseudo-Triads 4-notes chords 1357 deprived of one of them in turn in their inversions

elles sont communes à diverses formes d'accords en drop qu'il est utile de mettre en relation pour les apprendre plus facilement
they are common to various forms of drop chords that it is useful to connect to memorize them more easily

on passe de l'une à l'autre par déplacement d'une note d'une octave, ou dans le dernier cas de 2 octaves
one passes from one to the other by moving a note of one octave, or in the last case of 2 octaves

je donne l'exemple sur le set de cordes la-ré-sol-si, on peut le faire avec les autres sets
pour les sets graves, c'est vers l'aigu qu'on déplacera les octaves
I give the example on the string set a-d-g-b, we can do it with the other sets
for the low sets, it is towards the treble that we will move the octave

je rappelle que les pseudo-triads, forme 1, sont excellentes pour l'accompagnement avec basses, block-chords ou arpèges. La succession des inversions compense harmoniquement le manque de degrés considérés comme essentiels, la tierce et la septième (notes guides)
I recall that pseudo-triads, form 1, are excellent for accompaniment with bass, block-chords or arpeggios. The inversions's succession harmonically compensates the lack of considered essential degrees, the third and seventh (guide tones)

quelques remarques concernant ma préconisation d'utiliser l'alternance pouce-index plutôt que le pouce seul dans les basses

1) elle est tirée de la technique "inventée" par Jimmy Wyble pour l'improvisation à deux voies, dont un principe de base est exposée par David Oakes dans Two Line Primer, page 2 : décomposition des accords drop2, 1573 et renversement, en deux intervalles 17 et 53 etc. Le pouce et l'index (pi) jouent la partie basse, 1 et 5, alternativement, le majeur et l'auriculaire (ma) la partie supérieure, 7 et 5

il est évident que l'ajout de notes de passage à l'une ou l'autre des voies introduit d'autres couples de doigts, et de ce fait renverse le principe de base : on se retrouve avec pa im...

avec le jeu à 5 doigts, j'ai étendu cette technique en ajoutant l'auriculaire, soit en plus l'alternance ia mc, qui permet la même chose que pi ma de Wyble, tout en libérant le pouce

2) dans les derniers exercices proposés, je romps avec cette stricte approche pour introduire, en bas, l'alternance pi, en haut cam, sans abandonner la possibilité de basses au pouce et d'un accord supérieur de 4 notes doigtées imac, permettant les fragmentations im ac, ia mc et ic ma

ces diverses techniques aboutissent aussi à des jeux sensiblement différents, ce qui permet de varier l'atmosphère en sortant d'une systématicité qui peut lasser l'auditoire. On vérifie en les utilisant sur un même enchaînement d'accords que l'effet obtenu n'est pas le même. Sur un thème donné, on pourra donc enchaîner des chorus utilisant l'une ou l'autre manière, et naturellement d'autres encore, solo de basse ponctué d'accords par exemple

3) l'alternance pouce-index ne se justifie pas par l'incapacité de jouer toutes les basses avec le pouce, c'est assez clair quand on considère les pièces classiques, ou le fingerpicking folk, blues etc. Le pouce atteint suffisamment de vélocité pour le faire, y compris dans le jeu mélodique (ex. Wes Montgomery, George Benson...)

4) la véritable raison est à la fois objective et subjective. Alternant pouce et index, on est davantage porté à utiliser l'"index comme un second pouce", comme je l'avais suggéré l'an dernier. Ainsi par exemple des accords drop3 peuvent-ils être doigtés i x mac. Cela renvoie davantage au jeu de bassistes utilisant cette alternance pouce-index, et au fait qu'elle l'ait par des guitaristes, classique ou fingerpicking, parce qu'elle permet une grande vélocité (de même que l'alternance pma, cf Rob MacKillop Demonstrating no-nails fast technique)

l'alternance pouce-index est assez comparable avec l'utilisation d'un médiator up-down. Dans certains cas on peut même les tenir collés l'un à l'autre et utiliser davantage le mouvement du poignet que l'articulation des phalanges

à l'expérience, je suis personnellement davantage porté à jouer une "vraie" ligne de basses avec cette alternance qu'avec le pouce seul, qui tend davantage à produire la "pompe", une basse tous les 2 temps à 4/4, comme dans le Travis Picking, chez Chet Atckins ou Marcel Dadi. L'inconvénient de ce style est qu'il ne sonne jamais walking-bass comme en jazz, ou à la manière des styles anciens (ragtime, etc.), mais il n'y a sans doute pas de véritable raison technique, comme on le constate chez le virtuose Lenny Breau

sur une 8 cordes, le registre des 4 cordes graves étant celui d'une basse ou contrebasse, leur dédier ces deux doigts permet davantage de penser ce registre comme celui de ces instruments plutôt que d'une guitare 6 cordes, ou dit autrement, à jouer la 8 corde comme une basse + une guitare. C'est au demeurant l'idée des guitares hybrides (Charlie Hunter) avec une amplification différente dans ces deux registres (3 cordes un micro, 5 cordes un autre)

l'alternance pouce-index dans le grave, ou le médium, et l'usage des trois autres doigts dans le médium-aigu, favorisent le jeu contrapunctique, l'introduction d'une voie médiane de contrechant, et d'une façon générale permettent une plus grande variété dans le traitement des accords, arpèges et fragmentations d'accords en double et triples cordes

c'est en tous cas sur quoi je porte actuellement mes efforts, et je constate que le résultat est une autre approche musicale et technique que le traditionnel accompagnement de basses avec le seul pouce

j'ai donné très peu d'accords spécifiques à la 8 cordes, cad utilisant les 2 cordes graves de F# et B en plus des 6 cordes accordées EADGBE. La raison est double : à ce niveau d'investissement, le guitariste peut les fabriquer lui-même, sur la base d'une bonne connaissance des triades et des séries drop2, drop3, drop 2-4 et du passage d'une série à l'autre par changement d'octave d'une ou plusieurs notes

je m'adresse aux guitaristes 8 cordes, et non 7, parce pour avoir utiliser les deux, le choix de la première s'impose en raison de possibilités multipliées. Sa seule concurrente serait une 9 cordes avec corde aiguë supplémentaire, càd comme Lenny Breau avec un grave en plus, ou ce qui revient au même une "guitare Brahms" avec un grave supplémentaire, corde aigüe qui porte la tessiture en position sur 5 cases à 3 octaves et une quinte, une quarte de plus qu'à la 8 cordes

je m'intéresse ici aux accords utilisant les 8 cordes, ou du moins les plus graves et les plus aiguës avec des sauts, et non aux accords sur 4 ou 5 cordes consécutives déjà étudiés, donc à des accords à jouer sans bassiste, avec pour but de le remplacer. À cet égard, ce qui sera dit concernant des accords à basses fixes peut valoir pour construire, sous l'accord dans le médium-aigu, des lignes de basses. Voir le sujet LA BASSE et LES BASSES À LA GUITARE 8 CORDES

sur une 8 cordes, tout accord drop 2 sur les 4 cordes aiguës 4321 trouve son équivalent une ou deux octaves plus bas sur les sets de cordes 7654 et 8765, ce qui est intéressant pour des arpèges larges. Je laisse de côtés ces possibilités dans ce contexte d'accords larges

enfin, je me focaliserai sur des accords en position fondamentale, càd avec celle-ci comme basse, d'autres notes plus graves pouvant être ajoutées dans le cas d'une ligne de basse sous l'accord

comment les fabriquer
plusieurs possibilités s'offrent pour fabriquer les accords sur 8 cordes à partir de ceux connus sur une 6 cordes :

- la première et la plus simple consiste à déplacer la basse d'une octave vers le bas, de la 6e à la 8e, ou de la 5e à la 7e corde, 2 cases plus haut sur le manche. Cela vaut aussi pour les notes de base de l'arpège, la quinte, la tierce et la septième
- en découle une deuxième, qui est d'utiliser la "pseudo-triade" 1x73 sur les quatre cordes inférieures (au registre de basse ou contrebasse), dans les divers accords XMaj7, Maj6, m7 (b3, b7), 7 (3, b7), etc. ou à 4 notes dans le cas de quinte altérée, Xm7b5, Xdim7 (b3, b5, 6), X#5 7 (X+7), XMaj7#5, etc. Il reste 4 cordes disponibles pour toutes les notes "de couleur" ou de superstructure
- de cette solution découle la possibilité des accords en bitonalité, ces 4 cordes étant dédiées à des accords drop2 de fondamentale différente. Exemple D7/C7, qui introduit la quarte augmentée fa# et la treizième la : de fait la bitonalité, comme les rapports accords/modes est plutôt un procédé mnémotechnique. Il peut être bon de savoir, à titre d'exemple, que G7#5b9 sans fondamentale est équivalent à Fm7b5 pour utiliser, sur une basse de G, les renversements de ce dernier, plutôt que d'apprendre les renversements de G7#5b9
- dans cet esprit pourront être utilisés, toujours sur la triade essentielle 137, les accords étagés par quartes, qui ont l'avantage de doigtés économiques en doigts avec des barrés courts : sur la 8 cordes, on réalisera rapidement l'intérêt de barrés de 2 à 4 cordes, particulièrement avec l'annulaire et l'auriculaire

enfin, un procédé sera utile en raison des difficultés de certains doigtés, le saut d'une corde et d'une note frettée, par le jeu de main droite, impossible au médiator. On s'aperçoit alors de la façon dont on peut composer à la manière de la guitare classique, sans forme d'accord préétablie

d'une façon générale, il faut un certain temps pour se familiariser avec la largeur du manche et obtenir les callosités nécessaires sur toute la longueur des doigts : la largeur du manche étant variable, sous un barré, les cordes ne tombent pas partout au même endroit du doigt. Le grand barré peut être utile, mais en prenant soin de n'appuyer que là où nécessaire pour éviter les tensions. Parfois un doigt peut "barrer" deux notes sur deux cases différentes dans le grave et l'aigu, ce qu'on fait couramment sur 6 cordes pour la 7e majeure 1ère corde basse 6e corde, ou la b5 1ère corde basse 5e corde

je poursuivrai ce billet par des exemples sélectionnés sur la base de ces principes, en diagrammes d'accords, le but n'étant pas d'apprendre des formes toutes faites, mais la façon de les fabriquer

des explications suivent pour chaque exemple d'illustration des principes

1. l'accord de C7 bien connu en haut, posé sur la pseudo triade 1, 3 &b7, triton comme "guide tone"
2. en bitonalité, le même accord en Ré, sur l'accord de Do, introduit pour celui-ci les 9e, #11 et 13
3. accord intéressant pour sa dissonance d'un demi-ton, à la Monk, entre #9 (b3) et 3
4. même principe de bitonalité, en mineur9, 11 et 13 introduite par l'accord majeur construit sur la neuvième
5. comme en 3. une dissonance d'un demi-ton entre 13 et b7, très utile aussi en solo sur le blues, par exemple
6. la base est réduite à 1 et b7, l'étage supérieur b79313 est connu aussi à 6 cordes, basse Do 6e corde, très prisé par Ted Greene
7. 2 principes : introduction de la b5 en seconde basse, étage supérieur en quartes, à la Bill Evans avec sixte (13e) et 9ème. On peut déplacer ces quartes 2 par 2 pour d'autres voicings

d'autres illustrations viendront, d'une part d'accords à basse fondamentale sur la 7e corde, exemples pris en FA à la case VI, d'autre part d'accords mineurs et à quintes altérées

explications à venir

8. cet écart de F7 reprend les mêmes notes de superstructure en quartes que l'exemple 7. en C7. Ils apportent ici une 9e majeure et une treizième juste
9. ici, avec l'option de la quinte à la basse, les b5 et #5 sont chiffrées #11 et b13. La 8 cordes permet des accords plus complets que la 6, dans la mesure où l'on n'est pas tenu des substituer des notes de couleur à la quinte, conservant celle-ci pour une plus grande 'vérité' de l'accord
10. bel accord de neuvième augmentée, avec #11, facile à doigter moyennant un petit barré de l'index
11. un accord bitonal particulier, avec l'accord de b5m7 sur la quinte diminuée (Si pour Fa). L'idée peut être transposée avec d'autres renversements de Bm7b5
12. un accord dérivé de celui de 9ème courant dans le jazz classique, et surabondamment utilisé par Wes Montgomery et Joe Pass, dans le R,n'B, la Soul, le rock. La basse et la quinte descendues d'une octave en font un classique du jeu sur la 8 cordes sans bassiste
13. aisé à doigter, avec une superstructure de B7 9 13 sans fondamentale
14. pour les amateurs de grande extension, il faut tendre un rien le petit doigt. Disons que dans cette zone on a de grandes possibilités de variantes mélodiques, qui suppose de travailler particulièrement l'annuaire et l'auriculaire de la main droite

remarque d'"harmonie jazz"
je rappelle que pour les accords de 7e de dominante, sont dits "stables" ceux avec 9e juste, #11 et 13e majeure, "instables" ceux avec 9e diminuée ou augmentée, #11 et 13e mineure. De fait, ces qualités s'inverse en changeant la basse d'une quarte augmentée (Si pour Fa et réciproquement). C'est un des principes essentiels de substitution dans le be-bop et après, qui modifie un mouvement par quartes ascendantes en mouvement chromatique descendant : VI II V I devient bIII II bII I. Exemple, pour G7 modulant vers C7, les substituts sont Eb7 et Db7 (ou leur 9es Gm7b5 et Fm7b5), le mode correspondant étant la gamme dite altérée, ou diminuée-augmentée, tirée de la "gamme de Bartok"

personnellement, je préfère construire des échelles hybrides à partir des degrés, en fonction de leur couleur à l'oreille, plutôt que d'appliquer les règles de la correspondance accord-mode

je n'interviendrai plus que pour la 8 cordes. Les sujets TECHNIQUES et MUSIQUES, IMPROVISATION pour GUITARE. 5 doigts main droite (6, 7 & 8 strings) et nouvelles pages TECHNIQUES et MUSIQUES pour guitares 6, 7 et 8 cordes, IMPRO etc. valent pour les trois instruments

en effet pour les guitaristes de Jazz, ou compositeurs et improvisateurs que ces possibilités tenteraient, je préconise la 8 cordes plutôt que la 7, et éventuellement la 9 cordes, avec une aigu en plus façon 7 cordes de Lenny Breau ou "guitare Brahms" 8 cordes de Paul Galbraith. La 9 cordes offre une tessiture de 3 octaves et une sixte en position, sans considérations des graves à vide. Pour un.e guitariste qui joue réellement le registre grave et n'utilise pas, comme souvent, les cordes supplémentaires comme cordes sympathiques en se contenant de jouer comme sur une 6 cordes, cela semble une limite à la jouabilité, en même temps que l'ouverture à de réelles possibilités "pianistiques" ou orchestrales

with the examples in C7 and F7, we see that the interest of the 8 STRINGS GUITAR is, in a general way, to be able to move the basses on 5th and 6th strings of the 6 strings guitar to the 7th and 8th strings, in the register of a bass or double bass

no interest with a bassist, as well, it is advisable in this case to avoid the bass register of a 6-string. In truth, as a solo guitarist, as soon as there is a bass or double bass, you could settle for a 5 or even 4-string, like Tiny Grimes

ces accords de 4 notes (7th Chords) s'étendent sur un set de 5 cordes, celle du milieu étant sautée, ce qui rend leur doigté plus malaisé que d'autres plus connus, et par conséquent leur sonorité moins connue, mais très intéressante pour l'accompagnement ou le solo sans bassiste

sur une 6 cordes les deux formes, sur les sets 65x32 et 54x21 sont différentes en raison de la tierce entre Sol et Si. Sur une 8 cordes, les formes sont identiques sur les sets 87x54 et 76x43 dans l'étagement des cordes en quartes

je donne l'exemple de C7 sur le set 76x43, l'accord sur sa fondamentale do et ses 3 renversements. Sur le schéma, au-delà de la 12e case, je reproduis ces accords et leur correspondance avec les drop2 et drop 3 avec lesquels ils ont en commun la "pseudo-triade", si pratique pour l'accompagnement et le solo, les doigts libérés pouvant jouer la partie solo ou compléter la ligne de basses

cette correspondance, comprise dans son principe de déplacement d'une ou deux octaves, facilite l'apprentissage à partir des séries de drop2 et drop3, en même temps que le passage, utile en situation, d'une forme à l'autre. La gymnastique des doigts des 2 mains qui en découle est tout sauf rapide à acquérir et mémoriser "par le corps" (les doigts et l'oreille) autant qu'en compréhension harmonique (repérer les quintes pour altérations, etc., apprendre par la note aigue et la grave...). Tout le travail préparatoire depuis deux ans devraient alors porter ses fruits

apprenez-les, vous ne le regretterez pas !

l'intérêt des accords drop 2-4 réside :
- dans les "pseudo-triades" qu'ils ont en commun avec les formes drop2 et drop3
- dans la double basse séparée de la dyade aiguë, qui facilite la construction d'une ligne de basse soutenant une partie harmonico-mélodique
- dans l'étage d'intervalles tels que sixtes, à connecter avec les gammes par sixtes fondamentales dans le contrepoint
- dans la sonorité pleine et riche relativement peu entendue sur une guitare, du fait de la difficulté de doigté
- dans les très intéressants contrepoints à 2 voies, façon Jimmy Wyble

du point de vue des doigtés, on cherchera la plus grande mobilité des deux mains, avec un doigt par note/corde, sans négliger l'intérêt ici ou là de petits ou grands barrés

il faut préférer, pour les deux notes médianes séparées par une corde, un doigté avec deux doigts adjacents, càd, pour la main droite pixma ou imxac. Chaque forme peut être utilisée en translation d'un set de cordes à l'autre, ou les deux formes en alternance, ce dernier choix méritant un entraînement spécifique en raison de doigts répétés changeant de corde

enfin, investir suffisamment de temps dans l'apprentissage de ces séries drop 2-4, peu usitées, mais à la sonorité pleine et riche en raison de leur large tessiture parfaitement indiquée dans le solo intégral de guitare

 
il existe encore deux formes identiques sur les sets 87x54 et 76x43
les plus intéressantes pour le jeu de basses, sans les inconvénients des drop2 et drop3 dans ce registre